Le Frère Savin TAROSO,
1886-1929


Le chanoine Kersimon, recteur de Plournoguer, ancien condisciple à Pont-Croix et toujours ami du P. Jégou, ancien supérieur de Langonnet, annonçait au P. Hassler, son successeur, un jeune homme destiné, pensait-il, à la vie religieuse dans la congrégation : " J'ai ici un petit paroissien, âgé de 17 ans, qui a déjà passé' quinze mois chez les Pères Bénédictins de Kerbénéat. Leur expulsion - c'était aux mauvais jours de 1903 - et leur départ pour l'Angleterre ne leur ont pas permis de conserver tous leurs sujets. Mon petit jeune homme en est désolé ; il serait si heureux de redevenir le petit Frère bénédictin, même en Angleterre. Un des Pères me disait, il y a un mois, qu'on était très content du petit Frère René, mais qu'il fallait attendre... Je le comprends sans peine.

" Depuis le dernier voyage du P. Jégou, le jeune homme, ennuyé de ne plus être religieux, et désireux de le redevenir, m'a prié de vous écrire ces quelques lignes pour solliciter son admission dans votre sainte congrégation. " Cet enfant est fils unique ; sa mère, veuve, travaille très souvent au presbytère. Jamais, au grand jamais, dit-elle, son fils ne lui a dit : non ! Je le crois sans peine. Il est pieux, plein de bonne volonté, travailleur, disposé à tout faire. La preuve en est que, depuis un mois, il casse des pierres sur nos routes et arrive le soir, tout brisé de fatigue ; par pitié je le fais souper au presbytère." (Lettre du 6 août 1903)

Ce jeune homme s'appelait Jean-René Taroso, né àPloumoguer, le 5 septembre 1886. Il fut admis au postulat, et Chevilly l'accueillit le 28 août 1903. Il laissa sa mère aux soins du bon recteur de sa paroisse natale, et quand mourut le chanoine Kersimon, son sucesseur, prit soin de cette veuve qui avait si généreusement donné son fils à Dieu. Mme Taroso mourut en 1928, léguant à son fils ses petites économies pour qu'il les fit passer au secours des missions.

Jean-René eût voulu s'appeler Frère Placide en souvenir de son passage à Kerbénéat ; mais ce nom était déjà attribué à un confrère; on lui octroya celui de Frère Savin, d'un saint du Poitou. Il fit sa profession religieuse le 19 mars 1906. L'année suivante, au conseil de révision, on le jugea incapable de supporter les fatigues du service militaire et on le réforma. En 1915, soumis à un nouvel examen, il fut pourtant déclaré bon pour le service armé et incorporé à Rochefort, au 3e régiment d'infanterie coloniale, du 2 février 1915 au 3 avril 1919.

Le F. Savin passa sa vie à Chevilly, employé à l'infirmerie depuis sa profession jusqu'au mois de septembre 1907, puis à la brasserie de 1907 à 1914, enfin au jardin. Il passa à Grignon d'Orly dans les mêmes fonctions de jardinier, deux années, et plus tard fut cnvoyé pour quelques mois à Mort-lin.

De là, il fut dirigé sur Montana (Suisse) pour y recevoir les soins que nécessitait sa santé ; enfin, vers la fin de juin 1929, il revint à Chevilly pour y mourir. A partir du 2 juillet, il sembla avoir perdu connaissance et s'endormit tout doucement dans le Seigneur aux premières heures du 5 juillet 1929, à l'âge de 42 ans.

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