Le P. Jules THUET, de la Province de France, décédé à Saint-Jean (Ile Maurice), le 10 septembre 1946,
à l'âge de 75 ans, après 51 années de profession.


Le R. P. Boëtard venait à peine de rendre son âme à Dieu après quelques heures de maladie, que le R. P. Thuet disparaissait plus rapidement encore et d'une manière presque tragique.

Le P. Jules Thuet était né le 29 octobre 1871 en Alsace, à Colmar, ehef-lieu du Haut-Rhin.

Le traité de Francfort, 10 mai 1871, venait de soumettre l'Alsace à l'Empire allemand, mais il ne soumit pas les Alsaciens. Dès que le jeune Jules Thuet eut fait sa pre­mière communion il s'empressa de venir rejoindre son oncle Louis Thuet, déjà missionnaire de la Congrégation du Saint-Esprit. Ses études terminées très convenablement, le P. Thuet fut ordonné prêtre le 28 octobre 1894 et envoyé l'année suivante dans les missions portugaises de l'Angola. Après un assez long séjour, le P. Thuet fut employé au Portugal jusqu'à la révolution de 1910 qui chassa du trône la dynastie de Bragance et expulsa les religieux. C'est ainsi que le diocèse de Port-Louis bénéficia d'un renfort de prêtres dans la personne des RR. PP. Graffe, André Kieffer, Antoine Kauffman et Jules Thuet qui tous ont fait un bon travail à Maurice.

Le P. Thuet, après un court séjour à Sainte-Croix en compagnie du P. Houdé, fut placé à Mahébourg avec, comme curé, le P. Chèdeville.

Le P. Thuet desservait les quartiers de Cent Gauletres, du Vieux Grand Port, du Grand Sable et aidait activement son curé dans le service de Mahébourg. Au dire des vieux habitants, « jamais la paroisse de Mahébourg n'avait été mieux desservie que par ces deux prêtres »; pendant l'épi­démie de la grippe espagnole leur dévouement fut héroïque. Aussi, en 1919, à l'occasion des noces d'argent du P. Thuet, tous les habitants, depuis MM. les fabriciens jusqu'au plus humble créole, se concertèrent pour offrir à leurs pas­teurs une fête splendide. Mgr Murphy, de vénérée mémoire, en conçut une haute estime d'une particulière sympathie pour une paroisse qui savait témoigner une si belle recon­naissance pour le dévouement de ses prêtres.

La santé du P. Chèdeville ne répondait plus à son zèle - ses supérieurs l'obligèrent à prendre un congé à N.-D. du Rosaire à Quatre-Bornes qui dépendait alors de Saint­ Jean, et le P. Thuet resta curé de Mahébourg. Il fut assisté par le P. Streicher nouvellement arrivé de l'Alsace enfin délivrée de la domination allemande. Le jeune vicaire se livra avec ardeur au saint ministère et l'on s'aperçut à peine que l'activité du P. Thuet se ralentissait. Au milieu de l'année 1923, le P. Streicher fut appelé en ville pour soutenir le P. Burgsthaller qui succombait sous le poids du travail et de la maladie. Cette période 1918 à 1923 fut des plus sombre pour le clergé de Maurice. Dix~sept morts en cinq ans.

Le P. Thuet dut prendre un congé en Europe. Il en revint au bout d'un an mal rétabli. Il ne put remplir désormais que quelques intérims pour remplacer des confrères malades ou en congé, tantôt comme curé, tantôt comme vicaire, ce qui convenait mieux à son peu « d'initiative. Depuis cinq ans il avait sa résidence à Saint-Jean; il rendait avec empressement et bonne humeur tous les services que le déclin continu de ses forces lui permettait d'offrir à son curé, le P. Nadon, et à ses confrères lorsqu'ils en avaient besoin.

Le mardi 10 septembre, le P. Thuet semblait aussi bien, et aussi gai qu'à l'ordinaire. La mort vint le surprendxe pendant sa sieste; mort pacifique et inaperçue comme sa vie, mais préparée par cinquante et un ans de vie religieuse. ~. Le R. P. Thuet fut un véritable serviteur de Dieu, selon la conception la plus évangélique du terme. Sa fervente piété, la haute conception qu'il avait de ses devoirs d'ecclé­siastique et sa longue expérience du coeur humain, en fai­saient, pour ses ouailles, un conseiller éminemment sûr et clairvoyant, dont la miséricordieuse bienfaisance n'excluait pas la fermeté, - cette fermeté sereine, n'allant jamais jusqu'au rigorisme intégral, sans laquelle il n'est point de vrai conducteur d'âmes. Le clergé catholique de la colonie perd en lui l'une de ses plus nobles figures.

Nous prions Sa Grâce Mgr l'Archevêque-Évêque de Port-Louis, le Supérieur et les Pères de la Congrégation du Saint-Esprit d'agréer l'expression de nos respectueuses condoléances.
P.Pivault

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