Jean-Yves, c’est comme une peinture haïtienne : beaucoup de contrastes, des
couleurs vives, pas de mélange, de la naïveté, du rêve, de la spontanéité,
beaucoup d’idées. C’est parfois chargé, mais toujours de la rigueur, de
l’honnêteté et de la droiture. Du brut de décoffrage qui provoque, demande
d’aller plus loin. Tant pis si ça fait mal aux yeux, au cœur, à la conscience.
Derrière bonhommie et rondeurs, il y a de la combativité, de l’ambition, mais
aussi du cœur, de la tendresse : celui qui est fragile sera brossé avec
affection et bonté. C’est ce que disent ses anciens élèves du collège
Saint-Martial.
Expulsé par Duvalier en 1969 avec les autres spiritains,
c’est à Brooklyn (New-York), avec Antoine Adrien, Émile Jacquot et William
Smarth, que Jean-Yves participe avec passion à la rédaction du journal Sèl, qui
alimente la résistance au sein de la diaspora haïtienne et en Haïti. C’est de
la communauté paroissiale de Brooklyn, carrefour des résistants à la dictature
des Duvalier père et fils, qu’est venue, dit-on, jusqu’aux oreilles de
Jean-Paul II la fameuse phrase prononcée lors de sa visite à Port-au-Prince :
« Il faut que quelque chose change ici ! », point de départ d’un nouvel
engagement de l’Église en Haïti.
Après quatre ans en Guyane, où il
accompagne les réfugiés haïtiens, Jean-Yves rejoint le groupe spiritain revenu
en Haïti. Avec une équipe, il se lance dans la rédaction du journal en langue
créole Libèté, pour conscientiser les paysans et les populations les plus
reculées. Grand succès. Mais les diffuseurs sont menacés, battus, arrêtés.
L’équipe de rédaction doit se mettre plusieurs fois à l’abri. Il faudra arrêter
à cause des pressions mais aussi des finances. Jean-Yves devient le directeur
du secondaire à Saint-Martial, entre temps rendu aux spiritains. Après quatre
ans à Rome, où il construit le site web de la congrégation, il revient fonder
la paroisse de Furcy, non loin de Port-au-Prince. Là, il se lance aussi dans un
de ses rêves les plus chers : participer au reboisement du pays ; il sollicite
amis et organismes et met les enfants des écoles dans le coup ; des dizaines de
milliers d’arbres sont plantés.
Revenu en France, il lance le projet de
paroisse à Rennes, sa ville natale, puis s’investit dans la communication de la
Province : interviews de confrères et brefs reportages sur la présence
spiritaine en France. Il produit un documentaire sur Libermann, traduit en
plusieurs langues, et deux films sur Haïti, dont l’un sur le culte vaudou. Il
accepte le secrétariat de la revue Spiritus. En octobre 2020, il rejoint
Chevilly avec des projets de films et de mémoires à rédiger. Atteint par la
Covid, Jean-Yves nous quitte, laissant le tableau inachevé : il y aurait eu
encore bien des touches à y apporter pour Haïti, pour la congrégation et pour
le monde…
Franz LICHTLÉ
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