Le Père Auguste VÉNARD,
1873-1958.


Auguste Venard naquit à Fay-sur-Lignon, le 28 novembre 1873. Après ses études primaires chez les Frères du Sacré-Cœur de Fay, et sur les conseils du curé de la paroisse, il se présenta au petit scolasticat de Cellule dans le Puy-de-Dôme. C'était en 1890, il avait 17 ans. En 1894, il fit, son service militaire au Puy, et l'année suivante fut admis au grand scolasticat de Chevilly. Bien jugé par ses supérieurs, il fut admis à faire son noviciat en 1896, fit profession en 1897, et fut ordonné prêtre en 1899. En 1900, il fut d'abord nommé professeur à Cellule, où il resta trois ans.

D'abord professeur à notre école apostolique de Cellule, de 1900 à 1903, il continua à l'être au collège de Fort-de-France, de 1903 à 1907. En­suite, de 1907 à 1923, il devient ce qu'on peut appeler un « itinérant » : 1907,. aumônier au Collège de Versailles en Guadeloupe; 1909, professeur à Langogne; 1910, de nouveau au collège de Versailles; 1912, Supérieur Principal de la Guadeloupe; 1913, Secrétaire général à Fort-de-France, Supérieur Principal de la Martinique et Supérieur du Séminaire-Collège de Fort-de-France; 1917, Curé de Grand-Bourg, à Marie-Galante; 1922, Curé de Castel en Guadeloupe. Enfin, en 1923, la Martinique le voit revenir définitivement.

Mais ce sont les Antilles qui seront son véritable champ d’apostolat. D’abord la Martinique, où il arrivait en 1903, l'année qui suivit l'éruption de Mont Pelé. On sait que cette éruption fut accompagnée d'une nuée ardente qui détruisit la ville de ... Saint-Pierre. En 1907, il passa en Guadeloupe, où il fut aumônier du collège des Sœurs de Saint Joeph de Cluny, ans le quartier de Basse-Terre qu'on annelle Versailles. Il y resta deux ans, puis revint en France, pour enseigner à Langogne de 1910 à 1912. Il obtint alors de repartir en Martinique supérieur du séminaire-collège et supérieur principal du District en 1917. Ayant terminé son mandat, il repartit en Guadeloupe, curé dans l'île de Marie Galante à Grand'Bourg, puis à Castel.

Après tous ces déplacements, il trouva sa place définitive en Martinique où il resta jusqu'à sa mort, de 1923 à 1958. Il s'attacha au relèvement des ruines de Saint-Pierre. Sur son image mortuaire, on le reconnaît comme le restaurateur de la cathédrale, dont il fut, le curé de 1926 à 1950. A l'occasion de ses 50 ans de prêtrise, un confrère le félicitait : "Vous vous êtes mis au travail patiemment, courageusement, sans bruit - ce n'est pas votre genre d'emboucher la trompette - creusant chaque jour, comme les paysans de chez nous, un nouveau sillon, ne vous laissant rebuter ni par les difficultés, ni par l'incompréhension des uns ou l'inertie des autres, secondé d'ailleurs par la sympathie et la générosité de vos amis et de vos anciens élèves." Bravo, Père Vénard.

Là il s'attache au relèvement des ruines de Saint-Pierre et spécialement de la Cathédrale qui est son oeuvre.

Depuis une dizaine d'années, il avait pris une retraite bien méritée... niais il voulut rester à Saint-Pierre pour y mourir.... « Je suis heureux, disait-il à un jeune confrère, d'être arrivé au bout de ma carrière ...... quand le Bon Dieu voudra.... je suis prêt. »

Lors de son dernier jubilé sacerdotal, en 1949, le P. Arostéguy, alors supérieur Principal de la Martinique, parlant au P. Vénard, faisait cette citation que nous reprenons volontiers : « Avec les vieux Saints de nos calendriers, avec St Jean l'évangéliste et la Vierge âgée, s'inaugure la liste des vieillards sanctifiés qui seront à jamais l'ornement de l'Eglise et le ioyau de l'histoire. »

Avec le P. Vénard, c'est le doyen des prêtres martiniquais qui disparaît, une noble et belle figure.

Pour ce cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale, en 1949, le P. Vénard avait obstinément refusé toute célébration. Mais déjà un de ses anciens condisciples et confrères avec qui il était resté lié par une profonde amitié, le P. Gallot, avait rédigé un sermon d'action grâces en vue du jubilé. C’est un extrait de ce discours, retrouvé dans les papiers de l'ancien curé du Morne-Rouge que nous présentons à nos lecteurs.

« Voici plus de vingt ans que vous avez pris possession de cette église de Saint-Pierre; et aussitôt, vous avez eu le, désir de rétablir, comme elle était autrefois, la belle cathédrale où officiaient nos premiers évêques.

« Et vous vous êtes mis au travail patiemment, courageusement, sans, bruit (ce n'est pas votre genre d'emboucher la trompette), creusant chaque Jour, comme les paysans de chez nous, un nouveau sillon, ne vous laissaint rebuter ni par les difficultés, ni par l'incompréhension des uns ou l'incertit­ude autres, secondé d'ailleurs, comme je le fus moi-même, par la sympa­thique générosité de nos amis, de nos anciens élèves, dont plusieurs assis­tent émus à cette cérémonie et savent que nos cœurs reconnaissants portent chaque matin à l'autel leur pieux souvenir.

« Et votre oeuvre, la voici : cette église si belle, si claire, si lumineuse, qui porte le cachet de votre amour de l'ordre, de votre intelligence pra­tique, de votre savoir-faire, de votre piété. On ne peut s'empêcher, quand on y entre pour prier un instant, de se rappeler le texte du psaume que nous récitons chaque matin et qu'on pourra graver un jour sur votre tombe: « Domine, dilexi decorern domus tuae ». J'ai aimé, Seigneur la beauté de votre maison, c'est pourquoi je serai compté au nombre de vos amis.

« Oui, remercions le Bon Dieu de vous avoir destiné à cette grande oeuvre de restauration et d'embellissement, et de vous avoir donné la santé et les talents pour la mener à bonne fin. « Te Deum laudamus .... »

« Mais à ce travail matériel, devait s'ajouter un travail plus délicat encore : celui de la restauration spirituelle des âmes qui vous étaient confiées; et l'on sait que le maniement des pierres est plus facile que celle des cœurs. Les anciens paroissiens, dont on disait tant de bien, avaient disparu ou s'étaient établis ailleurs. Arrivaient chaque jour, d'un peu partout, de nouveaux visages. Il s'agissait de recréer l'esprit paroissial et - dans bien des cas - de tirer l'étincelle de vie surnaturelle de ces foyers à peu près éteints. Dure besogne à laquelle vous vous êtes attelé, seul, jusqu'à ces dernières années : prédications incessantes où, suivant la pente de votre esprit, vous vous adressiez plus à la raison qu'à la sensibilité : catéchismes où il faut apporter tant de patience et der fermeté pour faire entrer dans les cerveaux peu préparés, hélas ! les principales vérités de la Religion; confessions longues et pénibles qui exigent un effort, une attention dont nos pénitents n'ont pas l'air de se douter; administration des sacrementsnts; visites aux malades; conversations intimes où l'on prodigue encouragements et conseils; souci de l'ordre, de la propreté, de la tenue aux divers exercices.

« Oui, vous avez eu une vie bien remplie.... et avouez-le, comme la plupart d'entre nous, sans grande consolation sensible. N'était la force qu’ on puise chaque jour au saint sacrifice de la messe, dans la récitation du bréviaire, dans les méditations et les visites quotidiennes au Saint­ Sacrement, dans les lectures pieuses, dans la récitation du Rosaire, on serait parfois tenté d'abandonner tout effort et de laisser flotter sa barque au gré des vagues et des vents.

« Les forces diminuant chaque année, on vous a enfin donné des col­laborateurs qui vous apportent leur activité et leur dévouement.... Vous aviez péniblement fouillé la terre et semé les grains, et voici qu'on vous aide à sarcler, à arracher les mauvaises herbes, et il semble que les épis montent et qu'une belle moisson se prépare Merci à Dieu cette joie et cette récompense. « Te Deum laudamus.... »

« Merci encore pour cette vieillesse qui ne semble chez vous que cornmencer et qui, si elle émousse les forces du corps, semble développer celles de l'esprit et du cœur, donnant plus de lumière sur les mystères de la justice et de la miséricorde divines, plus de compréhension dans le maniernent des âmes, plus de pitié pour les misères morales et physiques, plus d'affection pour ceux et celles qui apportent un concours désintéressé dans le travail de l'apostolat, plus d'admiration, souriante un peu, pour l'activité conquérante des jeunes recrues.

« Merci pour les infirmités qui peuvent advenir et qui, nous détachant de notre enveloppe terrestre, nous font souhaiter davantage les vêtements glorieux dont nous serons revêtus. Merci de nous rendre moins sombre et moins amère la pensée de la mort qui approche et qui ne nous apparaît plus comme un fantôme hideux, qui frappe de sa faux impitoyable les rangs des mortels, mais comme l'Ange du Très-Haut qui vient annoncer la fin des luttes et du travail : bon et fidèle serviteur, viens te reposer à ton tour et goûter les joies immenses que Dieu prépare à ses élus : « Intra in gaudium Domini tui. »

Le P. Gallot, auteur de ce panégyrique, est mort le 2 novembre 1956. Le P. Vénard allait le suivre quinze mois plus tard au séjour des Bienheu­reux, le 5 février dernier. Ses funérailles furent célébrées dans la cathé­drale qu'il avait tant aimée durant sa vie. Le P. Altmayer, curé-archi­prêtre de Fort-de-France, procéda à la levée du corps. Entouré d'une quarantaine de confrères, S. Exe. Mgr de la Brunelière présidait la cérémonie. Le P. Allain, curé-archiprêtre de Saint-Pierre, et un prêtre du clergé sé­culier portaient le deuil. La messe fut célébrée par le R. P. Delawarde, Supérieur Principal, assisté à l'autel par M. le Curé du Lamentin et le P. René Triclot. Après l'absoute donnée par Monseigneur l'Evêque, un imposant cortège, composé d'importantes délégations de la communauté et de la paroisse et des différentes communautés religieuses, conduisit le défunt à sa dernière demeure
(Extraits du jour,al « La Paix » du 12 février 1958)

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