Le Frère Hildevert WILLINGER,
décédé à Piré, le 13 octobre 1945,
à l’âge de 74 ans.


En 1883 ou 1884, le petit Willinger et un jeune compagnon, envoyés par leur curé d’Alsace, se présentaient à Chevilly pour commencer leurs études. « Vous vous trompez de maison, leur dit le P. Supérieur ; c’est à Langonnet que se font les études. Vous entrerez au postulat des frères. » C’est ainsi que le F. Hildevert fut orienté vers son humble vocation. À seize ans, il fit profession et, à dix-neuf, il débarqua au Loango, sans avoir de métier. « Encore six cents francs de perdus », se dit le vicaire apostolique, en voyant ce jeune frère qui ne savait rien. Mais cet “ignorant” était plein de bonne volonté et d’intelligence. Il fit tout ce qui se présentait à faire, et il le fit bien. En quelques années, il était devenu cuisinier émérite, maître d’école, directeur de travaux et, surtout, jardinier.

Vers 1890, la vie était rude au Loango. Le F. Hildevert était de haute taille, fortement charpenté, et sa santé résistait malgré les privations. Vaillant missionnaire, il fut aussi un parfait confrère et un religieux exemplaire. Il était doux, patient avec les ouvriers et les enfants, respectueux pour ses supérieurs, prévenant envers tous, toujours prêt à rendre service.

Son long séjour de près de quarante ans sous les tropiques se passa entre les stations de Loango et de Mayumba. À Mayumba, poussèrent bientôt tous les légumes de France, et le jardin de la mission devint célèbre. Des paquebots s’arrêtait à Mayumba, uniquement pour y faire leur provision de légumes frais. C’était chaque fois un millier de francs, une petite fortune à cette époque. Le Bulletin général en 1931 mentionne : « Le F. Hildevert qui, entre autres fonctions assume depuis plus de quarante ans celle de jardinier a été nommé chevalier du Mérite Agricole. La remise de la croix, payée par souscription, a donné lieu à une belle manifestation de sympathie à l’égard du bon Frère. La fête groupait tous les européens et de nombreux indigènes. On se souvient encore à Mayumba en quels termes émus le nouveau chevalier sut exprimer sa reconnaissance envers l’Administrateur qui lui servait de parrain. » BG T.35 p.107)

Rentré en France, il fut placé à Orly comme portier. La guerre l’y surprit. Le noviciat des clercs fut réquisitionné et devint hôpital militaire. Nous y restâmes tous deux, gardant la maison et vivant petitement. Puis, le 13 juin 1940, ce fut la débâcle. « Que faisons-nous ? lui dis-je. Les Allemands vont venir, je les attends. – Moi aussi, répondit-il simplement. »

Trois jours plus tard, un régiment venu de Sedan s’installait dans les bâtiments. On vécut un an avec eux, dans un coin. Le dimanche, on allait assister à la grand’messe de Choisy-le-Roi, ou bien on se rendait à l’église de Thiais, dire le chapelet devant une statue de Notre-Dame des Victoires. Chassés finalement par les occupants, on dut se replier sur Chevilly. Cependant, les années de mission commençaient à peser sur le F. Hildevert. Au spirituel, il rayonnait la paix, passant ses journées à prier, à réciter l’office de la Sainte-Vierge, à dire des chapelets. Mais son grand corps se raidissait. Il marchait lentement, tout d’une pièce, comme s’il eût été de bois. Il fut envoyé en retraite à Mortain, communauté qui lui plaisait. Délogé par la bataille, il dut se réfugier à Piré. C’est là, qu’après une vie si bien remplie, il vient d’achever sa course, après cinquante-huit ans de vie religieuse. -
Émile Maurer. - BPF, n° 26.

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