Le P. Joseph Wolff
profès des voeux perpétuels, décédé à Ebolowa, le 1er juin 1937,
à l’âge de 30 ans, après 9 ans et 4 mois de profession.


Devant plusieurs missionnaires, Mgr Le Mailloux se félicitait un jour de n'avoir pas encore eu à enterrer un de ses jeunes Pères, et il souhaitait à tous une carrière coloniale aussi longue que la sienne. Bientôt après, la mort du P. Wolff devait lui porter un dé­menti cruel. Ce deuil allonge la liste de tant de jeunes du Cameroun, qui disparaissent trop tôt, avant d'avoir pu se rendre utiles autrement que par leur beau sacrifice.

Le P. Joseph Wolff est né à Lupstein, près Saverne, le 19 septembre 1907, d'une fa­mille très chrétienne. Son dé­part pour Saint-Florent, en 1919, constituait pour ses pa­rents un sacrifice bien pénible. Quelques mois auparavant, ils avaient perdu, le même jour, par la grippe espagnole, deux enfants, une fille, de 13 ans et un garçon de 6 ans. Le surlendemain, un frère de la mère, terrassé par le même mal, succombait à son tour. Trois cercueils dans la même semaine! Le père, qui avait passé toute la guerre en Russie, n'était pas encore rentré. De l'autre côté du Rhin, n’arri­vaient que des rumeurs de mutineries et de révolution. Terrible angoisse de la mère, seule pour supporter tant d'épreuves.

A Saverne, le jeune garçon se mit au travail avec entrain et donna satisfaction. Pen­dant son noviciat, son état de santé inspira quelque in­quiétude. On le croyait atteint de la poitrine. Mais, après une année passée dans sa famille il pût recommencer, en 1927,­son noviciat.

A Mortain, il trouve l’occasion de suivre son attrait pour les travaux manuels, et passe une bonne partie de son temps libre,à la menuiserie. Durant ses premières années de Che­villy, dessin et peinture lui procurent une agréable dis­traction. Ses aptitudes manuelles devaient lui servir beaucoup en Afrique. Affecté au Vicariat de Douala en 1935, il est nommé à Kribi. Il exerce aussitôt ses talents de décorateur et donne au choeur de l'église un aspect coquet, tout en perfectionnant, sous l'habile direction de cher F. Innocent, ses connaissances en menuiserie. Sa nomination à Kribi n'était cependant que provisoire : une fois bien au courant de la langue ewondo, il devait rejoindre Ebolowa. Là, le F. Meriadec, venait d’achever une maison d'habitation « modern styl ». Le P. Wolff se chargea de la décoration et-de l'ameublement. Il fit, en cela, preuve d'un goût artistique et d'une maîtrise qui forcèrent l'admiration des gens du métier.

Pendantt la Semaine Sainte de 1936, le F. Materne Wolff, qui venait d'achever la Cathédrale de Douala, vint à Ebolowa prendre congé de son jeune frère Joseph, avant de rentrer en Europe. La veille du départ dû P. Materne, le P. Wolff ressentit le premier accès de fièvre bilieuse; transporté à l'hôpital, il fut sauvé grâce au dévouement, au-dessus de tout éloge, du Dr Perret. Durant six longues semaines, le F. Materne le veilla comme garde-malade. Après la guéri­son le Docteur ordonna le rapatriement immédiat. Le sage P Morvan, son supérieur, était du même avis. Le P. Wolff, pour diverses raisons, s'y opposa et n'admit qu'une convalescence à Douala ; quelques mois plus tard, il rejoi­gnait Ebolowa. Son état exi­geait des ménagements. Il ne pouvait guère entreprendre des voyages; mais dans une mission aussi importante, il y avait assez de travail à la rési­dence. La visite journalière de l'hôpital ne dispense pas de la direction des écoles, des chan­tiers, des plantations, ni ne supprime le ministère quoti­dien. Le P. Wolff s'acquittait de ses fonctions, avec l'énergie de sa famille. Sa mère restait forte, en face des adversités de la guerre : Joseph Wolff, convalescent, souvent fié­vreux, le caractère miné par la fatigue, tenait jusqu'à l'extrême limite de ses for­ces.

Le mardi de la Pentecôte 1937, jour où le F. Materne, après un séjour en France, débarquait à Douala, on trans­portait le P. Wolff, pour la deuxième fois, à l'hôpital d'Ebolowa; pour là deuxième fois, F: Materne se faisait garde-malade. Le Docteur, dia­gnostiqua une pneumonie et détermina un abcès, qui ne donna aucun résultat, Le P. Wolff avait fait le sacrifice de sa vie; il s'étei­gnit doucement, assisté de son frère, le ler juin à 1 h. 20 du matin. Sur le conseil. du Doc­teur, les obsèques devaient avoir lieu sans, retard. A la Messe, célébrée à 10 heures, assistaient tous les Européens d'Ebolowa; la Mission Américaine était représentée par deux de ses membres; les indi­gènes apportaient le tribut de leurs prières à celui dont ils avaient admiré le courage et l’ardeur.

Longtemps nos Noirs se souviendront de ce Père qui savait les diriger et les commander sans les brusquer. Ses confrères ont bénéficié de son dévouement; l'écorce parais­sait rude : c'était un coeur excellent et délicat; il a su, en peu de temps, gagner la sympathie de tous. L'Afrique, mieux que le scolasticat, a donné la vraie mesure de ce jeune Père, que le Seigneur a rappelé trop tôt à notre gré.

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