Qui sommes-nous ?

La grande aventure missionnaire
(1852-1968)

Ignace Schwindenhammer
Avant de mourir, le 2 février 1852, le P. Libermann désigne, pour lui succéder, le P. Ignace Schwindenhammer. Celui-ci est sans doute l’un des supérieurs les plus contestés dans l’histoire de la Congrégation (notre photo : armoiries de la Congrégation du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie). Le premier reproche que lui font certains de ses confrères de l’époque, c’est de passer beaucoup de temps dans des directions spirituelles pour des personnes pieuses ou des religieuses. La fin du XIX°siècle et le début du XX°sont des périodes riches en phénomènes mystiques (peut-être par réaction avec le rationalisme de l’époque !) et le P Schwindenhammer semble s’être trouvé à l’aise dans cette atmosphère. Il exigeait aussi de chaque membre de la Congrégation une lettre périodique de direction, même si l’on se trouvait à l’autre bout du monde. Il créera assez vite une administration très centralisée : pour la moindre des choses, il fallait s’adresser à lui et, en tout cas, lui rendre compte. Par le fait même, il a considérablement développé les archives spiritaines. Car tout était numéroté et conservé.

Avec les religieuses, il ira assez loin dans des projets d‘union, en particulier avec les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny. Dans la ligne des premiers supérieurs du Saint-Esprit, en 1853, il accepte, pour la Congrégation, la création et la direction du Séminaire Français de Rome. Depuis Poullart des Places, les Spiritains avaient toujours rejeté le gallicanisme et le jansénisme. Ils paraissaient donc doctrinalement sûrs. Il y aura pourtant, quelques soixante-dix ans plus tard, la crise de l’Action Française. Le P. Schwindenhammer et ses premiers successeurs vont aussi investir beaucoup en France dans les collèges, les orphelinats, les pénitenciers pour enfants : la liste en est longue et il n’est pas rare que les Spiritains se fassent exploiter. Ces établissements étaient souvent créés par un prêtre diocésain voulant remédier à une misère réelle. Avec le développement de l’œuvre, il n’arrivait plus à la maîtriser et cherchait alors une Congrégation... tout en voulant rester le directeur ou le supérieur. D’où bien souvent des problèmes, en particulier de finances.

L’extension en France
En 1853, sur la proposition de Jean-Marie De la Mennais, les Spiritains acceptent le collège de Ploërmel. C’est un succès mais les Frères de l’Instruction chrétienne ont peur d’être absorbés par les Spiritains. Dès l’année suivante, l’expérience est arrêtée. Le P. Collin qui le dirigeait et ses confrères prennent alors l’école de Gourin, en Bretagne aussi, en 1854. L’abbé Maupied, son directeur, leur avait fait entrevoir la possibilité d’acquérir l’abbaye de Langonnet. Le P. Levavasseur vient lui-même pour les démarches dès fin 1853 et, en 1856-1858, c’est chose faite : petits séminaristes qui étudiaient dans le cadre du collège de Gourin, philosophes, jeunes élèves du séminaire des colonies, tout le monde déménage à Langonnet en juin-juillet.

En 1855, nous avions pris en mains Saint-Ilan, toujours en Bretagne. C’était un pénitencier pour enfants, fondé par M. De Clésieux et dirigé par les Frères Léonistes. Ceux-ci sont invités à fusionner avec la Congrégation du Saint-Esprit. Evidemment ces écoles absorbent beaucoup de personnel : vers la fin du siècle, Saint-Ilan accaparait six Pères et 34 Frères ! En 1856, la Congrégation accepte le financement d’une religieuse Visitandine de Riom, Sœur Marie-Emmanuelle Andraud, et crée à Cellule (Auvergne), en accord avec elle, un orphelinat, un noviciat de Frères et une école qui sera transformée en petit séminaire.

Fin 1863, Chevilly (banlieue sud de Paris) est acheté. Le P. Schwindenhammer aurait aimé y mettre la Maison mère (les réunions du conseil général ont eu lieu un moment au « château » de Chevilly). Dès Pâques 1864, 50 scolastiques viennent occuper les anciens haras. On rapporte aussi, dans un ossuaire, puis dans la chapelle construite pour cela, les restes du P. Libermann. Pendant 60 ans, on n’arrêtera pas de construire.

En 1866, le P. Schwindenhammer accepte de prendre en charge une cité ouvrière à Toulon (Provence), avec école, patronage, aumônerie des marins. Dans le personnel spiritain se trouvaient trois Allemands, ce qui occasionne crise et fermeture au moment de la guerre de 1870. Un procès s’en suivra (gagné pour une fois par la Congrégation). Mais la situation reste difficile, à cause d’une municipalité anticléricale, et Toulon est abandonné en 1876. Entre temps nous est offerte, en 1874, à Beauvais (Picardie), la direction de l’archiconfrérie de Saint-Joseph (notre photo : statue de Saint-Joseph, à Allex, maison qui a pris le relais de Beauvais et de Seyssinet), ainsi que l’aumônerie du pensionnat des Frères des Ecoles Chrétiennes. A côté de ces œuvres, le P. Amet Limbour commence, le 15 octobre 1875, l’école des « Clercs de Saint-Joseph ». L’œuvre se développe beaucoup, crée des jalousies, des malentendus avec l’évêque du lieu. Les Spiritains quittent alors Beauvais pour Seyssinet (Dauphiné) et y fondent, en 1889, l’Institut du Saint-Esprit. C’est là que le P. Chauffour crée une nouvelle confrérie de Saint-Joseph. Le premier numéro du « Lys de St Joseph » y paraît en décembre 1889.

En 1875, les Spiritains prennent la direction du collège de Langogne (Lozère), jusqu’en 1883. En 1876, c’est le tour de Merville (Nord) qui tiendra jusqu’aux fameuses lois de 1903. Pendant une année scolaire (1876-77), une équipe spiritaine assure également la marche de l’école de Gravelines, près de Dunkerque ; le P. Ott, directeur du collège, s’aperçoit heureusement assez vite qu’il n’y a là aucun avenir pour la Congrégation ; le conseil général avait accepté l’offre pour faire plaisir au cardinal archevêque de Cambrai, mais sans vérifier suffisamment les renseignements donnés.

En 1878, on appelle la Congrégation au secours pour faire réussir l’orphelinat et le collège de Mesnières (Normandie). Jusqu’aux lois de laïcisation, ce sera une œuvre importante qui comptera (en 1891) une école professionnelle de 110 élèves, 70 petits scolastiques, 300 pensionnaires du primaire... mais aussi une quarantaine de Pères et de Frères. En 1880, la Congrégation prend en charge le collège de Rambervilliers, dans les Vosges, jusqu’en 1888 ; à cette date, le personnel spiritain se transporte à Epinal, ville plus importante. L’idée, c’était d’avoir un collège proche de l’Alsace, alors occupée par l’Allemagne.

Les successeurs du P. Schwindenhammer continuent la même politique : Grand-Quevilly est accepté en 1882, Saint-Mauron (Nord) en 1884, Douvaine et Saint-Joseph du Lac, en Savoie au bord du Léman, en 1885 (jusqu’en 1897), « Gethsémani » dans l’Ariège (de 1885 à 1886 !). Grignon-Orly est acquis en 1886 pour y transporter le noviciat. En 1887, les Spiritains s’engagent à Castelnaudary (Languedoc) dans une oeuvre offerte par l’abbé Le Camus ; ils obtiennent de beaux succès scolaires mais doivent faire face à de longs procès et ils quittent la région en 1896. De 1891 à 1896, une fondation est essayée à Drognens, en Suisse. En 1892 et jusqu’à la fin du siècle, l’orphelinat d’Orgeville (dans l’Eure) est dirigé par les Spiritains.

Mgr Leroy, devenu supérieur général en 1896, va « calmer le jeu » car il a l’expérience des besoins de l’Afrique. Il acquiert cependant, en 1898, une propriété à Perroton, au sud de Bordeaux, pour en faire un sanatorium spiritain. Comme beaucoup d’autres, cette maison sera fermée en 1904. En 1900 toujours, le conseil général décide la création d’une procure à Marseille, en vue surtout du départ des missionnaires vers l’Afrique ou Madagascar. Enfin, en 1901, la Congrégation accepte de reprendre l’œuvre fondé par le P. Abram à Misserghin, en Algérie. Elle « récupère » en même temps la plupart des Frères de N.D. de l’Annonciation, dont le fameux Frère Marie-Clément Rodier, l’inventeur de la Clémentine. C’est une troisième « fusion » et peut-être pas la dernière !

La première extension en Europe

Allemagne
Dès 1841, le P. Libermann pensait à une maison à Strasbourg qui pourrait rayonner aussi sur l’Allemagne. A son insu, M. De Brandt, un de ses anciens novices de Rennes, fait des démarches auprès de l’évêque d’Amiens dont il est le secrétaire : l’évêque est prêt à l’ordonner et une petite maison est trouvée pour la Congrégation naissante. Le P. Libermann accepte et par le fait même renonce à l’Allemagne, mais « cela me fait mal au cœur ». La province d’Allemagne se développera plus tard, grâce au P. Acker. Avant lui, dès novembre 1863, le P. Locher prend la direction d’une maison à Kaiserswerth. Il s’agit d’une maison de retraite pour prêtres âgés. L’offre est acceptée parce qu’elle permet une implantation en Allemagne. Le P. Strub, revenu de Dakar, devient vice-provincial l’année suivante, en même temps que supérieur de la communauté de Marienthal. Le P. Locher est tranféré à Marienstadt. Ces deux établissements sont confiés à la Congrégation en 1864. Trois implantations en deux ans, cela augurait bien de l’avenir. Mais elles ne résisteront pas au « Kulturkampf » de Bismark, surtout aux lois de mai 1873-1875. Les Spiritains, assimilés aux Jésuites, doivent quitter le pays. Il faudra attendre 1895 pour que le P. Acker s’installe à Knechsteden (notre photo).

Le 14 novembre 1899, est achetée l’ancienne gendarmerie de Saverne (Alsace, alors allemande), la ville de naissance du P. Libermann. C’est le P. Lorber, premier Préfet apostolique de Guinée, qui en devient le premier supérieur. En septembre 1900, l’école apostolique commence avec 32 élèves.

Portugal
Au moment où tout est compromis en Allemagne, tout se consolide au Portugal. Le P. Duparquet avait donné la première impulsion, le P. Eigenmann développe les lieux de formation : Braga en 1872, Porto en 1886, Cintra la même année. En 1887, le Portugal est vice-province.

Les premiers missionnaires du Congo portugais, les Pères Poussot et Espitallié, ont négligé d’apprendre le portugais et sont assez mal accueillis ; du reste, les deux missionnaires sont bloqués sur la côte à Ambriz. Aux Cortès (l’assemblée portugaise), le gouvernement se fait interpeller sur cette présence de missionnaires français en territoire portugais : le « droit de patronage » est à nouveau invoqué. Le P. Duparquet, qui avait enclenché le processus des missions modernes en Angola, se rend alors à Lisbonne, s’y fait des amis en haut lieu et, avec leur appui, repart en Angola. Devant l’opposition du gouverneur local, Duparquet retourne au Portugal en mai 1867, rencontre les ministres et fait approuver son projet de séminaire-collège mais à condition d’avoir des professeurs portugais. Qu’à cela ne tienne. Il obtient de créer, au Portugal, une maison de formation à Santarem, rassemble des postulants, est rejoint par le P. Carrie (le futur évêque de Loango), puis, en 1868, par le P. Eigenmann, qui lui est considéré par les Spiritains portugais comme leur fondateur. Après un intermède à Gibraltar, la maison est établie à Braga, en 1872.

Irlande
Mais la première maison en dehors de la France est celle de Blanchard’stown, en Irlande, commencée en 1859. C’est le P. Leman qui est chargé de cette fondation, aidé par Jérôme Schwindenhammer, le frère du Supérieur général. On pense que ce pays très chrétien donnera beaucoup de vocations : c’est, aux yeux de la Congrégation le seul moyen d’avoir des missionnaires « anglais » puisque l’Irlande est encore sous la coupe britannique. Les Spiritains sauront plus tard jouer de l’amélioration des relations franco-anglaises pour s’installer durablement et solidement en Irlande. Less enfants se présentent très vite, si bien que l’établissement est transféré à William’stown et prendra le nom de collège de Blackrock (notre photo), selon le nom du village le plus proche, en 1862. A cette date, il compte déjà 85 personnes. En 1864, le conseil général accepte la création à Rockwell, d’un séminaire et d’une nouvelle communauté. Du temps du P. Emonet, une autre implantation se fera à Rathmines, dans la banlieue de Dublin, le 8 septembre 1890.

L’extension de la Mission
Malgré l’orientation de plusieurs de ces œuvres vers le recrutement de vocations spiritaines, on peut imaginer cependant les récriminations des missionnaires d’Afrique devant ces investissements et le nombre de personnes bloquées en Europe. Les missions, pourtant, ne sont pas abandonnées, mais elles coûtent cher, en argent et en vie humaines : sur les 108 missionnaires envoyés en Afrique entre 1843 et 1862, en 20 ans, 42 sont décédés, 37 ont été obligés de revenir dans les pays tempérés, surtout pour raison de santé. L’évangélisation progresse, mais lentement.

Au fur et à mesure du développement des missions, de nouveaux vicariats apparaissent : la Sierra Leone est confiée tout d’abord, en 1859, aux missionnaires de Lyon (SMA) ; Mgr De Marion-Brésillac y vient lui-même avec quelques membres de sa nouvelle société, mais toute l’équipe meurt dans les semaines qui suivent et les Spiritains sont obligés de reprendre ce territoire, tandis que les Pères de Lyon, sur la proposition du P. Schwindenhammer, se verront octroyer par Rome la région du Bénin actuel (le Dahomey), puis ce qu’on appelle maintenant la Côte d’Ivoire. Jusqu’alors les Spiritains de passage vers le Gabon desservaient les ports. A Grand Bassam, deux essais de mission stable ont été tentés, entre 1843 et 1852 : deux Spiritains y sont enterrés !

En 1863, les « Deux-Guinées » sont coupées en deux, Mgr Kobès reste responsable de la Sénégambie. L’évangélisation de la Guinée commence en 1875 à partir de la Sierra Leone, par deux Alsaciens, le P. Gommenginger Charles (qui partira ensuite explorer l’Afrique de l’Est) et le P. Muller, fondateur de Boffa. De Guinée, partira le premier Préfet apostolique du Bas-Niger (Nigéria actuel), le P. Lutz. La Préfecture est créée un peu plus tard en 1889.

Auparavant, en 1861, le conseil général décide la création d’une communauté spiritaine à Chandernagor, en Inde, dans la Préfecture apostolique de Pondichéry puis une deuxième communauté dans cette dernière ville. Les Spiritains sont surtout engagés dans des œuvres scolaires. Quand la hiérarchie est établie en Inde, en 1886, on propose aux Spiritains, non seulement de garder les communautés existantes, mais de prendre en plus un champ d’action dans le Bengale. Les écoles ayant été laïcisées en 1887, le conseil général décide de retirer son personnel au grand regret de toute la population. Le conseil voulait favoriser les missions d’Afrique Centrale alors en pleine expansion. Avec le recul du temps, on peut regretter cette décision.

Dans cette seconde moitié du XIX° siècle, la mission va se développer considérablement au sud de l’équateur. Mgr Bessieux continue de travailler au Gabon ; il y meurt le 30 avril 1876. Aux États-Unis, quelques contacts avaient été établis dès le XVIII° siècle, par les « Messieurs du Saint-Esprit », avec les Acadiens. Au moment de la Révolution française, plusieurs prêtres chassés de Guyane viennent s’établir, vers 1795, à Baltimore et dans le New-Jersey. Une demande officielle est faite en 1841 par l’archevêque de Cincinnati. Après l’union des deux Congrégations, de nombreuses propositions parviennent au conseil général. L’expulsion des Spiritains d’Allemagne donne au P. Schwindenhammer la possibilité de répondre aux appels, à partir de 1873. La vice-province des Etats Unis est érigée dès 1875, avec, à sa tête, le P. Strub. Après plusieurs essais plus ou moins heureux, les Spiritains s’implantent à Pittsburg et se mettent à construire, en 1878, un collège qui deviendra, en 1911, l’université Duquesne (notre photo).

Du temps du P. Emonet, la Congrégation accepte la direction du petit séminaire Sainte-Marie de Belem, au Brésil, nouveau champ d’action qui va prendre bientôt de l‘extension. Un essai est tenté au Pérou. Le nouveau supérieur général, le P. Emonet, élu en août 1882, continue dans la ligne Schwindenhammer : centralisation, développement des écoles, ligne assez monacale des Constitutions...

Alexandre Leroy
Le développement de la Congrégation à l’extérieur de la France continuera sous la direction de Mgr Leroy, supérieur général de 1896 à 1926. Les événements le favoriseront.

Déjà, en fin XIX° siècle, la France avait connu des poussées de fièvre anticléricale. Celle-ci devient virulente au tournant du siècle. En 1901 sort la loi sur les associations et les Congrégations. Une première fois, le 16 janvier 1901, le Conseil d’Etat reconnaît les « Prêtres du Saint Esprit » comme Congrégation autorisée. Un mois plus tard, le 14 février, après étude des statuts, le même Conseil considère que la Congrégation actuelle n’est plus le « Saint Esprit » de Poullart des Places, mais un nouvel institut fondé par le P. Libermann ; c’est d’ailleurs ce que pensaient et même écrivaient bien des Spiritains. Par conséquent, l’autorisation légale est supprimée. Moments d’angoisse. Mgr Leroy se met alors à étudier les sources, avec l’aide du P. Barillec son archiviste. Il découvre... que lui-même ne connaissait pas l’histoire de sa Congrégation et il s’aperçoit que les textes sont formels : la Congrégation du Saint-Cœur de Marie a cessé d’exister au moment de la fusion. Il écrit alors une lettre-rapport de 30 pages adressée au Ministère des Colonies qui transmet au conseil d’Etat. Celui-ci, chose inouïe, revient sur la décision, sans doute après une intervention de Waldeck-Roussseau, le premier ministre, qui comprenait l’importance de la Congrégation dans les colonies. Le 1° août, le Conseil d’Etat reconnaît que la Congrégation du Saint-Esprit jouit bien d’une existence légale.

Cela sauvegardait l’essentiel. Mais l’interdiction d’enseigner faite aux religieux va entraîner la perte de la plupart de nos écoles en France. Pour les sauver, s’il ne se trouve pas de prêtres diocésains pour assurer la suite, un certain nombre de Pères et de Frères accepteront d’être sécularisés. Epinal, Beauvais, Merville, Mesnières, Pierroton, Saint-Ilan, Orly, Misserghin, Seyssinet, St Michel en Priziac sont abandonnés par la force des choses. Restent la Maison-Mère, Chevilly où se regroupent noviciat et scolasticat, Langonnet comme maison de retraite et les deux procures de Bordeaux et de Marseille. Les enfants de Merville et de Cellule sont alors transportés à Suse en Italie et à Gentinnes en Belgique. Neufgrange (en Lorraine allemande, à l’époque) devient noviciat en 1904. Fribourg est ouvert en Suisse, la même année. Saint Alexandre est ouvert au Canada en 1905. On laisse passer l’orage...

La guerre 1914-18 permettra une réconciliation des Français. Le P. Brottier s’y rend célèbre avant de re-dynamiser l’œuvre des orphelins d’Auteuil. Mgr Leroy est alors un « personnage » en France, aussi bien aux yeux de l’Eglise de France que sur le plan scientifique où ses connaissances en ethnographie, botanique, géographie sont reconnues dans les milieux spécialisés. La période de Mgr Leroy (notre photo) connut d’autres épreuves encore : l’éruption de la Montagne Pelée, à la Martinique, fait disparaître, en 1902, 14 Spiritains (et presque trois fois plus de religieuses). Au Portugal, la révolution de 1910 provoque la fermeture momentanée des maisons spiritaines et l’expulsion de tous les étrangers. 124 Spiritains, allemands et français, laisseront leur vie dans la première guerre mondiale. Le naufrage de « L’Afrique », le 12 janvier 1920, provoque la mort de Mgr Jalabert et des 18 confrères qui l’accompagnaient ; ils avaient été heureux d’échapper à la guerre.... En Afrique, bien des postes ont dû être fermés pendant la première guerre mondiale. L’évangélisation sera parfois compromise sérieusement, par exemple, dans les pays où l’Islam gagne rapidement.

Il y a cependant des moments plus heureux, en particulier la reconnaissance de l’héroïcité des vertus du P. Libermann qui lui donne le titre de « vénérable », le 19 juin 1910. De même, les Provinces se développent : celle de Pologne naît à partir des Pères Polonais d’Amérique. Elle commence petitement en 1922 et devient vice-province en 1926. Le Portugal renaît en 1919. L’Irlande continue de se développer : en 1911, un ancien élève des Spiritains, De Valéra, conduit le pays à l’indépendance.

En 1900, en Belgique, une école apostolique avait été installée à Lier. Il fallait, en Belgique, chercher des vocations belges, le gouvernement voyany d’un très mauvais œil l’implantation de missionnaires français au Congo... La Belgique a beaucoup souffert de la guerre, mais les fondations reprennent après 1921. Gentinnes, Lierre passent à la nouvelle province. La première fondation aux Pays Bas date de 1904. Après une période d’union avec la Belgique, la province de Hollande est érigée le 25 juin 1931. Canada, Suisse, Allemagne, Etats Unis grandissent et prennent leurs propres missions. Au Cameroun, les Spiritains sont obligés de remplacer les Pallotins Allemands chassés par la guerre. Et bientôt, c’est « l’explosion catéchuménale »... Mgr Shanahan , au Nigeria, évangélise le sud-est du Nigeria.

Louis Le Hunsec
La période d’entre les deux guerres, le temps de Mgr Le Hunsec, voit se développer considérablement les différentes missions, avec tout leur appareil scolaire et sanitaire. Le développement économique et humain est déjà une préoccupation constante. Le clergé africain commence à naître, mais bien lentement encore. Le premier prêtre de Guinée Conakry n’est ordonné qu’en 1939 ! Il est vrai que la première génération de chrétiens ne donne jamais beaucoup de prêtres. Il semble aussi que cette période, qui a vu augmenter la collaboration entre l’administration et les missionnaires (mais c’est très variable suivant les lieux et les personnes en poste), a vu croître aussi l’esprit colonial (et, pour certains, colonialiste). Il faudra attendre 1954 pour que le P. Joseph Michel ose parler du « devoir de décolonisation ». Le développement des missions permet cependant, vers les années 1950-1960, la création d’églises locales, à travers toute l’Afrique, avec, assez vite, une hiérarchie autochtone. Le rôle des Congrégations missionnaires en est évidemment complètement modifié : elles ne sont plus les premières responsables de la mission. Une grave affaire, qui va profondément diviser l’Église de France, atteint la Congrégation par le biais du Séminaire Français de Rome (notre photo) : l’Action Française. Il s’agit d’un mouvement nationaliste et royaliste, qui évoluera rapidement vers le fascisme et l’extrémisme de droite. Charles Maurras devient le maître à penser de cette idéologie à laquelle se rattache tout un pan du catholicisme français, anti-républicain et antisémite, méfiant à l’égard du mouvement social qui se développe dans la société et dans l’Église à la suite de Léon XIII et plus tard de Pie XI, car Maurras soutient le pouvoir de l'Église catholique en tant que force de cohésion sociale, c'est-à-dire pour une raison pratique.

Le militantisme de l'Action française n'hésite pas à recourir à la violence physique, avec la création en novembre 1908 de groupes de jeunes gens, dits les « Camelots du Roi », chargés de la vente du journal et aussi des coups de mains dans la rue. L'Action française possède alors un très grand prestige parmi la jeunesse étudiante réactionnaire, en particulier au Séminaire Français de Rome, où le Recteur, le P. Le Floc’h, très apprécié dans les organismes de la Curie, apporte sa caution et sa sympathie.

Le principal reproche fait au « maurrassisme » par le Vatican est de subordonner la religion au politique et au nationalisme ; car Maurras, rationaliste, se définit comme athée, et ne soutient le catholicisme que comme le moyen d'unifier la Nation. Préparée dès 1913 par Pie X, retardée plusieurs fois (même si certaines œuvres ouvertement agnostiques de Maurras sont déjà mises à l’Indes), la condamnation aura lieu le 29 décembre 1926. Le pape Pie XI condamne l'Action française qui, à ses yeux, dispose d'une trop grande influence sur la jeunesse catholique : les livres de Maurras ainsi que le Journal sont mis à l'Index par décret du Saint-Office. Le 8 mars 1927, les adhérents de l'Action française sont interdits de sacrements. Le Séminaire Français est touché : Pie XI ordonne que le P. Le Floc’h se retire immédiatement. Ceci porte certes un coup très dur au mouvement, mais il traumatise une certaine droite catholique le soutenant sincèrement.

La grande crise

Sur le plan Congrégation, les deux supériorats du P. Griffin et de Mgr Lefebvre correspondent à une crise intérieure : les supérieurs ont le pied sur les freins. Il semble que ce soit une réaction de peur devant les grandes mutations qui commencent, sur le plan social comme ecclésial, surtout à partir de l’ouverture du Concile Vatican II. Cela se voit à travers la correspondance officielle. Autre tournant important : le transfert de la maison généralice à Rome est décidé par le chapitre général de 1962. Le risque était de faire perdre à la Congrégation sa situation légale en France. Plusieurs années de tractations sont nécessaires pour aboutir à la reconnaissance légale de la Province de France autonome.

Quelques coups durs se produisent encore en Afrique : le drame de Kongolo, le 1er janvier 1962 (cliquez ici pour des détails), la crise du Biafra à partir de 1966-67, l’expulsion de tous les missionnaires (Sœurs, Frères, Pères) de Guinée Conakry fin mai 1967... Et jusqu’à maintenant, dans un pays ou dans un autre, les missionnaires peuvent être appelés à connaître des situations dangereuses et même à donner leur vie. Une des plus grave crise que connaîtra la Congrégation, alors que l’ensemble de l’Église catholique connaissait le « printemps » de Vatican II, c’est l’« affaire Lefebvre ». Né dans les milieux de la grande bourgeoisie du Nord de la France, formé aux principes monarchistes et traditionalistes, partisan de l’« Action Française » (il est à Rome lors de la condamnation du mouvement par Pie XI), Marcel Lefebvre se montrera néanmoins un missionnaire accompli au Gabon où il commence sa vie missionnaire ; il est vrai que son évêque, Mgr Tardy, partage les mêmes idéaux. Il sera nommé en 1947 Vicaire apostolique à Dakar, dont il deviendra plus tard le premier archevêque en 1955, et sera même Délégué apostolique pour toute l’Afrique française en 1948.

A Dakar, s’il remplit bien son devoir épiscopal, des signes cependant trahissent sa pensée profonde : méfiance critique à l’endroit de l’Islam (dans un pays musulman à plus de 90%), refus d’implantation de l’Action catholique… Néanmoins Jean XXIII le nomme à la Commission préparatoire du Concile. Évidemment, il va dans le sens de la Curie qui voit d’un mauvais œil que l’on veuille « ouvrir les fenêtres de l’Église » pour y faire rentrer un peu d’air pur. Au Concile, il défendra bec et ongles cette position et s’opposera aux grands schémas novateurs qui ouvrent les portes de l’œcuménisme, du dialogue interreligieux, et même de la réforme liturgique.

De sa Congrégation dont il est devenu le Supérieur général en 1962, il veut faire le fer de lance de la position traditionaliste dans l’Église : il chasse des maisons de formation les professeurs ouverts à la théologie de Vatican II, et non des moindres comme son successeur, Joseph Lécuyer ; il émet des directives d’un autre âge, comme l’obligation faite aux Spiritains français de porter la soutane, en dépit des directives épiscopales ; et surtout, il prend des positions de plus en plus critiques vis-à-vis de Rome qui mettent mal à l’aise la très grande majorité de ses confrères. Le résultat est un mécontentement grandissant dans l’ensemble de la Congrégation, des départs regrettables et un découragement qui atteint un certain nombre.

Nommé pour douze ans, selon les Règles et Constitutions de la Congrégation, il est cependant dans l’obligation de convoquer un Chapitre général pour mettre son Institut en conformité avec les réglementations issues de Vatican II. Ce chapitre qui ne devait être qu’administratif se réunit à Rome en 1968 ; il se déclare d’emblée « électif » ! Voyant qu’il sera rejeté, Mgr Lefebvre démissionne et ne participe même pas au Chapitre. Ayant échoué dans sa Congrégation, il veut désormais réformer toute l’Église, fondant la « Fraternité Saint Pie X » et arrivant jusqu’au schisme qui subsiste encore après sa disparition.

Au-delà de cette grave crise, la Congrégation va connaître néanmoins un nouveau dynamisme ; c’est le Chapitre de 1968-1969 qui le lui donnera.
Père Gérard Vieira
Père Jean-Pierre Gaillard




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