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Dossier Sur le fil du rasoir

Jeunes angolais
Estevão Mukinda, 24 ans, Isidro Tchamwanga, 20 ans, Pedro Monteiro, 23 ans, et Avelino Chambasuku, 24 ans, quittent fin 1998 le séminaire de Huambo (Angola) pour entamer le 2d cycle de théologie à Brazzaville.
Quand y éclate la guerre civile.


Comment êtes-vous arrivés à Libreville au Gabon ?

Nous étions au théologat Poullart-des-Places avec tous les autres. Au début des combats, nous avons tous été accompagnés d’abord au séminaire Libermann, puis par petits groupes jusqu’au Gabon. Nous sommes partis les derniers parce qu’il n’était pas sûr qu’il y ait assez de place à Brottier (Libreville). Nous n’avions pas de visa permanent au Congo et ne pouvions théoriquement pas sortir de l’aéroport. Les P. Le Bec et Tabard ont réussi à régler la question avec l’immigration et nous voilà.

À Brazzaville, vous avez été pris pour des Angolais venus appuyer Sassou ?

Les gens nous regardaient comme des " hommes de guerre ", nous appelant " amigo ", c’est-à-dire individus capables de tuer. De plus nous ne parlions pas la langue. Heureusement un Camerounais, après son stage à Cabinda (Angola), parlait portugais. Il nous a servi de guide.
Nous étions dans la partie sud, antigouvernementale, alors que le président était aidé par l’Angola. Il fallait surtout ne pas sortir. Ainsi, dès le début, avions-nous été prévenus d’être capables de " voir la mort de près ". Nous ne pouvions plus aller du côté Nord. Si quelqu’un s’apercevait que nous étions des Angolais, notre arrêt de mort était signé.
De plus, aller du côté Nord et se faire repérer par des Angolais, c’était se faire reconnaître de l’ethnie de Savimbi, chef de l’Unita, opposée au gouvernement angolais ayant envoyé des troupes au Congo.
Heureusement, aucun soldat de l’Unita n’est venu avec les ninjas (côté sud) dont nous avions très peur. Ils sont passés tout près, nul réfugié ne nous a dénoncés. S’ils avaient vu de jeunes hommes, a fortiori des Angolais, non seulement nous étions morts, mais ils s’en seraient probablement pris aux autres séminaristes et aux réfugiés que nous abritions.
Côté Nord, avec les cobras, la situation présentait autant de risques. Ceux-ci pillent facilement et parfois tuent avant même de prévenir. Mais au moins là, être angolais était moins dangereux. Par contre, le fait d’être jeune et que l’on voie facilement que nous ne sommes pas congolais pouvaient nous exposer.
Profitant d’un moment favorable où les ninjas avaient dû reculer, le P. Benoît Diémé nous a fait sortir de ce cauchemar.

Pourquoi voulez-vous devenir spiritains ?

Nous en discutons très souvent et notre famille avec nous. Notre désir est né d’un premier contact très marquant que chacun de nous a eu pendant son enfance. Vivaient parmi nous des Pères spiritains qui avaient accepté de quitter leur terre natale et leurs familles pour venir au milieu de nous, avec nous. Les abbés diocésains nous étaient beaucoup moins proches qu’eux.
Rencontrer de tels hommes a engendré en nous un énorme enthousiasme. C’est un point de référence pour nous et notre peuple de manière permanente. Ce premier contact avec des missionnaire a été décisif pour notre engagement religieux.

Quelles devraient être les priorités pour de jeunes spiritains ?

Nous avons abordé les questions de justice et de paix en sociologie, doctrine sociale de l’Église et éthique générale. Nous avons réfléchi au bien commun et à la justice au niveau politique. Dans un monde plein de guerres, il est primordial d’éduquer les jeunes aux Droits de l’homme. Beaucoup en Afrique n’en ont aucune notion. Les jeunes qui prennent les armes par exemple. Et pas seulement les droits, mais bien évidemment surtout les devoirs qui vont avec. À Brazzaville, nous avons vu des servants de messe immatures venir piller les Pères. Inimaginable.
Nous devrions nous former en communication sociale. Les médias sont les moyens qu’utilisent les gouvernements pour faire passer idées et propagande. Ils devraient être neutres pour vraiment informer.
Si l’Église avait plus d’influence pour une communication libre et détachée de l’information politique, ce serait un grand pas en avant. L’Église a souvent des plans et des idées, mais pas de liberté d’expression. Il serait important que nous sachions comment fonctionnent les médias en relation avec la politique et la vie sociale.
À Huambo, le P. Tony Neves nous donnait des cours sur le journalisme pendant l’enseignement de philosophie. Depuis son départ, plus personne ne songe à nous initier à cette discipline.

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