FONDATION OF THE ‘OEUVRE DES NOIRS


<.center> img107.jpg (23094 bytes) Ste Marie Majeure est une des églises dédiées à Marie que Fr. Libermann affectionnait particulièrement : lui-même en témoigne dans la lettre-mémorial qu’il a écrite au Père Desgenettes, curé de Notre-Dame des Victoires, et son grand ami

Cette basilique a été fondée par le Pape Libère (352-366) ; dans son état actuel, elle remonte substantiellement à Sixte III (432-440), à l’époque du Concile d’Ephèse (431), qui avait défini l’unité de la personne du Christ : Marie est (contre Nestorius). L’abside de l’église a été reculée à la fin du XIII°, le campanile date du XIV° ; les deux grandes chapelles latérales, Sixtine à droite et Pauline à gauche, datent du XVI°. Pas de transept.

Malgré l’obturation d’une fenêtre sur deux, le remaniement des bas côtés et quelques décorations postérieures, l’église représente bien la basilique romaine, forum couvert. Belles collection de colonnes ioniques d’origine. Plafond de la fin du XV°. Beau pavage.

Ce sont surtout les mosaïques qui constituent le trésor de ce sanctuaire.

Les panneaux latéraux sont du V° et son entièrement consacrés à l’Histoire Sainte (AT) ;

L’arc triomphal est du milieu du V° (Annonciation à Marie et à Joseph, Présentation, Songe de Joseph à la clef de l’arc, Epiphanie, Egypte, Sts Innocents…) ; tendances byzantines dans le vêtement et le décor ;

La mosaïque absidiale : à partir de la mosaïque primitive du V°, surtout décorative, le Couronnement de la Vierge, la composition étant du XIII°, rassemblant des éléments romains et byzantins.  

 

UNE PAROLE DU P. LIBERMANN

 Je pensais que la Société devrait trouver dans sa consécration toutes ses dévotions, et un modèle parfait de toutes les vertus fondamentales de l'apostolat ; et je ne sais pourquoi je n'eus pas même l'idée que nous trouvions cela parfaitement dans la dévotion au très saint et immaculé Cœur de Marie. Je m'arrêtai donc à une autre idée pour cette dédicace. Je me donnais bien des peines pour tracer le plan en question, mais impossible de trouver seulement une idée : j'étais dans la plus profonde obscurité. Je fis, par suite, la visite des sept églises, et j'allai en outre visiter quelques églises de dévotion à la très sainte Vierge, et alors, sans pouvoir me rendre compte du pourquoi, je me trouvai décidé à consacrer l'œuvre au très salut Cœur  de Marie. Je rentrai chez moi, et je me mis aussitôt à l'ouvrage, pour recommencer le plan en question. Or, je vis si clair, que d'un seul coup d'œil  j'embrassai tout l'ensemble et tous les développements avec leurs détails. Ce fut pour moi une joie et une consolation inexprimables. Dans le cours de ce travail, et dans Santa Maria in transtevere, la Madona del parto dans l'église des Augustins, et la Madona della Pace) et j'étais assuré, qu'à mon retour, je n'avais qu'à prendre la plume; les difficultés s'aplanissaient, et les choses incertaines s'éclaircissaient jamais cela n'a manqué. Pendant ce temps, le cardinal préfet de la Propagande écrivit en France pour faire prendre des n renseignements sur moi, tandis qu'il me vint quelques certificats que des prêtres pieux m'avaient conseillé de présenter. Mon mémoire fut examiné par la Congrégation de la Propagande, et, au bout de trois mois, le cardinal Fransoni, apprenant que j'étais à Rome, m'écrivit une lettre d'encouragement. Il y disait en substance que la sacrée Congrégation, tout en se réservant l'approbation officielle de notre projet pour plus tard, l'avait trouvé, dès la première lecture, bon et utile à la gloire de Dieu et au salut des âmes; elle louait notre zèle, et nous exhortait à surmonter toutes les difficultés, et à persévérer dans notre dessein. Son Éminence ajoutait qu'elle priait le Dieu tout-puissant de me donner assez de santé, pour que je puisse être promu au sacerdoce, et me dévouer tout entier à cette oeuvre.

 

“I had the idea that all the devotions of the Society ought flow from the nature of its consecration and that that is where it should find a perfect model for all the basic virtues of the apostolate; but for some reason, the thought never occurred to me that we could find this perfectly in the devotion to the Immaculate Heart of Mary.

So I more or less decided on another dedication. I tried very hard to elaborate the plan in question but nothing would come and I was completely in the dark. Then I visited the seven basilicas (of Rome) and some of the churches devoted to our Blessed Lady. As a result, without knowing why, I found that I had decided to consecrate the work to the Heart of Mary. I went home and set to work again to draw up the plan. This time, things were so clear that in the twinkling of an eye I could see not only the broad outline but also all the details of its future development. This brought me a joy that is impossible to describe. As I worked on the details I sometimes came up against difficulties: when that happened, I would rush round to one of my favourite Churches (Sta. Maria Maggiore, Santa Maria in Trastevere, the Madonna del Parto in Sant’Agostino, the Madonna della Pace) and I could be sure that when I got home and took up my pen, all the difficulties would evaporate and things would become clear again. This never failed to work”. (Letter to M. Desgenettes. L.S. III p. 364).

   2 - Sant’ Agostino

img104.jpg (30890 bytes) align=   img105.jpg (37389 bytes) L’église est de la fin du XV°. Elle a été retouchée par la suite (surtout XVIII°), ce qui lui a enlevé sa sobriété première. Mais sa façade, avec sa rosace, témoigne de la transition entre le Moyen-Age et le début du baroque. La hauteur de la voûte montre une influence rhénane

- le sarcophage de Ste Monique et ton tombeau, chapelle du croisillon gauche ;

- la Vierge et l’enfant, dite Madonna del Parto, Sansovino, 1521, influence de Michel-Ange : le P. Libermann aimait s’y recueillir quasi quotidiennement ;

- La ‘Madonne des Pélerins’, Caravaggio : beauté toute romaine ;

- le petit groupe sculpté de Ste Anne, Marie et l’Enfant, Sansovino ;

- un petit bout de fresque de Raphaël : Ezéchiel.

 

UNE PAROLE DU P. LIBERMANN

 

Il faut remarquer que ce n’est pas seulement à Marie, mais au cœur  de Marie que notre Congrégation se consacre. Ce choix de la dévotion au Cœur de Marie n’a point été l’effet d’un calcul, ni du raisonnement, mais d’un attrait et d’une impulsion puissante. Et toutefois rien de plus motivé, de mieux fondé, de plus conforme à notre vocation. Nous sommes appelés à l’apostolat ; or pour exercer l’apostolat avec fruit, de quoi avons-nous besoin sinon de l’Esprit apostolique? Et cet esprit apostolique, où pourrons-nous le trouver plus parfait et plus abondant, après N.S., que dans le cœur de Marie, qui en a été tout rempli, cœur éminemment apostolique et tout enflammé de désirs pour la gloire de Dieu et le salut des âmes? Sans doute elle n’a pas parcouru les mers et les pays éloignés comme Pierre, Paul et les autres apôtres. ~ Dieu ne l’a pas voulu; et Marie devait dans la retraite diriger les apôtres, leur communiquer de son esprit apostolique et attirer sur les âmes les grâces de conversion et de satisfaction. Du haut du ciel, elle continue pour la diffusion de l’Eglise ce qu’elle a fait pour ses commencements. Nous devons donc considérer le Cœur de Marie comme un modèle parfait du zèle dont nous devons être dévorés, et comme une source abondante où nous devons sans cesse le puiser. ~  Appliquons nous donc avec soin à modeler notre intérieur sur l’intérieur de Marie; et alors quand le temps sera venu d’agir, nous n’aurons aucune peine à conformer notre action extérieure à celle des ss. apôtres, selon les desseins de Dieu sur nous. ~ Le St Coeur de Marie nous est donné pour être la lumière qui doit nous guider, et la force qui doit nous soutenir dans nos travaux (Règle Provisoire, 1° partie, ch.2, art 3, texte et commentaire, Glose 18, pro manuscripto, pp 17-19)

 Notice that it is not simply to Mary but to the heart of Mary that our Congregation is consecrated. This choice of devotion to the heart of Mary was not at all the result of calculated reasoning but of an attraction and powerful impulse.~ We are called to the apostolate. Now to exercise the apostolate fruitfully what do we need if not the apostolic spirit? And this apostolic spirit, where could we find it more perfectly and plentifully, after Our Lord, than in the heart of Mary, which was filled with it, heart eminently apostolic and all inflamed with desire for the glory of God and the salvation of the souls? ~  She directed the apostles, communicating her apostolic spirit to them and drawing down the graces of conversion and sanctification on souls. ~ If our heart is filled with the burning charity that inflamed Mary' heart, we will always be in a position to spread this fire in the souls with whom we come in contact.

 3 - Soffitta  del palazzo Patriarca  (Seminario Francese)

 img101.jpg (65827 bytes)  img103.jpg (63748 bytes) J'ai fait, en 1859, le voyage de Rome, et j'y suis resté six ans. J'ai eu occasion d'aller voir, comme en pèlerinage, la misérable mansarde qu'avait habitée le serviteur de Dieu. C'était un petit réduit où l'on entrait qu'en se courbant et qu'il partageait avec des pigeons qui s'y réfugiaient. J'ai su, de la propriétaire de la maison, que pour subsister, le serviteur de Dieu allait lui-même au marché acheter quelques légumes, et quand l'argent lui faisait défaut, ce qui arrivait assez souvent, il se mêlait aux pauvres qui mendiaient leur nourriture aux portes des couvents. J'ai vu les enfants de la maison qui m’ont raconté que, pendant son séjour chez eux, le P. Libermann s’occupait de leur faire dire leurs prières et de leur enseigner le catéchisme. Toute la famille le regardait comme un saint et continuait à l’appeler il santo.  (N.D.II, 221-222, Procès apostolique, 61° session, 17 mars 1882, témoignage du F. Thomas Mabit c.s.sp.)

 

“In 1859, I went to Rome and I stayed there for six years. This gave me the chance to make a pilgrimage to the miserable attic where the Servant of God used to live. It was a little cubby-hole which you could only enter by bending down and which he shared with some pigeons who also lived there. I learnt from the owner of the house that in order to survive, he used to go to the market and buy a few vegetables, and when he ran out of money, which was a frequent occurrence, he would join the poor people at the doors of convents to beg for some food. I met the children of the house who told me that when he lived there, Fr. Libermann used to teach them to pray and learn their catechism. The whole family were convinced he was a saint and still referred to him as “il santo””. (Testimony of Brother Thomas Mabit. N.D. 11, 221-222)

 Témoignage de Mme Patriarca

Mr Libermann, en entrant dans la maison de Mr Patriarca , lui demanda de lui donner le logement le plus pauvre, ajoutant qu’en dehors du déjeuner, il ne demandait aucun autre service de la maison, mais qu’il s’arrangerait lui-même. On lui montra deux petites mansardes qui n’avaient d’autre plafond que les poutres dont la pente ne permettait pas de se tenir debout toute la longueur du logement. Ces mansardes servent ordinairement de débarras pour toutes sorte de vieilles choses dont on n’a plus besoin ; on y fait parfois dormir de pauvres paysans venus à Rome pour y vendre leurs marchandises.

Elles plurent beaucoup à Mr Libermann, et lui furent cédées toutes deux pour un écu par mois, sans meuble ; il choisit pour sa chambre la plus misérable des deux ; dans l’autre, il y avait des pigeons qui lui tenaient fidèlement compagnie, et qu’il se chargeait de nourrir. Mais encore fallait-il meubler cet appartement. Pour ce faire, Mr Libermann ftl acheter une paillasse qu’il étendit par terre et qu’il recouvrit d’une mauvaise couverture; il n’a pas eu d’autre lit durant son séjour d’une année à Rome. Le reste de son mobilier consista en une vieille table, et enfin une caisse. Son crucifix et une image de St François étaient le seul ornement de sa chambre.  

Comme il l’avait déjà dit, il s’arrangeait par lui-même et ne voulait que personne ne prenne la peine de lui venir en aide. Il mettait lui-même de l’ordre dans sa chambre, nettoyait ses souliers, achetait son pain. Un jour, il lui arriva de laisser tomber son vase de nuit dans l’escalier ; il prit immédiatement un balai et arrangea lui-même cet annui qui s’était produit aux frais du propriétaire. 

Le matin, il sortait de bonne heure et allait faire ses dévotions, il communiait chaque jour. Les églises qu’il fréquentait de préférence étaient St Pierre et St Augustin, à cause de la Madonne qu’on y vénère, et pour laquelle il nourrissait une grande dévotion. Il visitait d’autres Madonnes chaque jour ou presque. Revenu à la maison, il prenait une tasse de café de deux sous, et parce que ces bonnes personnes lui en donnaient une mesure abondante, il ne voulait pas qu’on y mît du sucre de peur qu’elles y perdent ; il achetait lui-même son sucre.

 La bonne Mme Patriarca, en racontant ce fait, ajoutait qu’elle n’avait jamais trouvé une personne aussi délicate et désintéressée : « Jamais, disait-elle, il ne marchandait ; il voulait toujours que ces bonnes personnes gagnent quelque chose ». Souvent dans leurs rapports avec les étrangers qu’ils logeaient, ils consultaient le bon Père Libermann, et ses réponses mettaient toujours la paix dans leurs cœurs. Mmr Patriarca disait aussi que Mr. Libermann était la bénédiction de sa maison. Elle lui proposa plusieurs fois de prendre une autre chambre moins inconfortable, mais il n’y consentit jamais.

Après son petit-déjeuner, il lisait et écrivait jusqu’au déjeuner, à une heure, et il mangeait comme les pauvres, ne demandant rien de particulier pour lui-même. Après le déjeuner, il sortait encore ; parfois des ecclésiastiques français venaient le visiter, et il parlait avec eux le plus souvent de piété. Néanmoins quand il se trouvait en compagnie, il était très gai et sa charité était si grande que sa présence emplissait tout le monde de joie. Le soir, il se couchait à 10 heures ; on ne lui donnait rien à dîner ; il est probable qu’il mangeait un peu de pain dans son grenier avec ses pigeons. 

On ne l’a jamais entendu se plaindre de ses souffrances, ni du froid, ni de la chaleur, bien que son grenier ait été un véritable four pendant l’été. La seule détente que je l’ai vu prendre, disait la bonne Mmr Patriarca, c’était de caresser mon petit garçon Raffaël, qu’il avait vu naître et qui est à présent enfant de chœur à St Pierre. Il donnait aussi chaque jour des bons conseils à mes jeunes enfants, mais toujours avec bonté et en souriant. Jamais cette dame ne l’a vu dans les accidents dus à son mal, on voyait seulement les plaies qu’il avait à la tête. Il préparait et prenait lui-même  ses remèdes, seul dans son grenier. Jamais, pour le reste, il ne parlait de ses problèmes, ni de ses affaires ; il se montrait toujours égal à lui-même, toujours aimable et content. On l’a souvent entendu dire : « Oh, si je n’aimais pas le bon Dieu, je serais le plus ingrat des hommes ; il m’a donné tant de grandes grâces ! » (Procès de Béatification de ParisTémoignage du R.P. François Delaplace, Secrétaire général de la  Congrégation du St Esprit. Le P. Libermann à la maison Patriarca).

 4 - Santa Maria in Trastevere

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L’église est construite sur l’espace d’un lieu de culte ancien, du III° s. Celle-ci date du IV° ; elle a été restaurée au IX°, puis sous Innocent II, en 1140, du temps de St Bernard de Clairvaux, et en lien avec son action au service du Pape et de l’Eglise ; les XVII° et XIX° l’ont abîmés de retouches malvenues : malgré tout, elle demeure un bel exemple de style médiéval (les grosses colonnes disparates de granit, l’architrave faite de morceaux…). Campanile et mosaïques extérieures ont été retouchés également. Le plafond à caisson est du XVII°. Beau pavage cosmatesque.

   Les mosaïques sont de toute beauté :

              L’arc triomphal, avec Isaïe et Jérémie, est du XII°

              La calotte où se reflète la spiritualité mariale de St Bernard est aussi du XII° : noter le geste familier de Jésus envers sa mère : le décor est byzantin, mais les visages et les gestes sont moins hiératiques.

              Les beaux tableaux de mosaïque au-dessous des fenêtres, si riches en couleur, montrent des scènes de la vie de Marie ; ils sont de Cavallini, fin XII°.

 

Comme le P. Libermann l’a écrit à Mr Desgenettes, c’était un de ses lieux de pèlerinage marial. Le désir du P. Libermann, pèlerin de l’Œuvre des Noirs,  de se consacrer aux personnes abandonnées, se retrouve dans les activités de la Communauté Sant’Egidio, qui a son siège tout près. A certains moments de l’année, l’église se transforme en une grande salle de banquet au service des pauvres de Rome (voir les photos dans l’atrium) : elle devient ainsi la ‘maison  de l’église’ toute ouverte aux nécessiteux. Sise au milieu du quartier modeste du Trastevere (‘au-delà du Tibre’), c’est vraiment l’église de Notre-Dame des Pauvres.


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