ND XIII  686 - 711

 

 

 

 

DERNIÈRES CONFÉRENCES SPIRITUELLES

DU V. PÈRE Au NOVICIAT DU GARD

 

EN MARS ET AVRIL 1851

 

 

 

Ce qui va suivre est l'analyse faite par un ancien novice des derniers entretiens spirituels du notre V. Père au noviciat de Notre-Dame du Gard, peu de temps avant sa mort. Bien que nous n'osions pas tout à fait garantir l'entière et parfaite exactitude de cette analyse, cependant on y reconnaît facilement la doctrine de notre V. Père, ses manières de dire et souvent même ses propres expressions (Note du P. Delaplace).

 

 

 

N. B. - Le P. Delaplace, qui, était alors employé en second au noviciat et qui a aussi entendu ces dernières conférences les a complétées, en les faisant lithogra­phier (P. Barillec).

 

 

 

1ère Conférence. - Vocation. Fin du Noviciat.

 

 

 

 

Ps 112.5

 

 

Ps 112.7

// 1 Sam 2.8

Messieurs, le bon Dieu vous a fait une bien grande grâce en vous appelant à la vie sacerdotale, religieuse et apostolique dans la Congrégation. Voyez d'où il vous a tirés! Quis sicut Deus noster? Qui est semblable. à notre Dieu qui habite les hauteurs et regarde ce qui est bas et petit dans le ciel et sur la terre? Et ces autres paroles : de stercore erigens pauperem. Vous étiez gisant dans la poussière, dans la boue peut-être des inclinations mau­vaises de la nature, dans l'état infect du péché.

 

 

 

Et Dieu malgré cela vous a regardés en pitié, il vous a choisis, et pourquoi? Afin de vous mettre au rang des [687] princes et des princes de son peuple. Admirez son amour infini, humiliez-vous, soyez anéantis devant son infinie sainteté et miséricorde. Mais ce n'est pas sans motifs que Dieu a fait éclater cette si grande miséricorde à votre égard. Il a voulu faire de vous des âmes saintes, mortes au péché, mortes à la vie des sens, à la vie de la nature. Vous devez être des princes par votre vie pure et toute céleste, sous la conduite et l'influence de l'Esprit de Jésus-Christ, le roi de vos, âmes, qui vous a pardonné, qui vous a donné de plus sa sublime vocation et qui veut être l'unique vie de vos âmes.

 

 

 

Et c'est dès maintenant au noviciat qu'il faut commen­cer à marcher dans la voie de la sainteté; autrement le terrain se comble, la route devient plus difficile. Mais pour travailler à acquérir la sainteté, il faut la chercher, et avant de la chercher, il faut la connaître.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mt 11.12

Le temps de votre noviciat vous est donc d'abord donné pour étudier et apprendre à connaître la sainteté. Jésus-Christ est mort pour nous mériter ces lumières; il veut vous les communiquer et il vous les communiquera si vous êtes fidèles. Mais ayant ces lumières et étant appelés à la perfection, comme nous l'avons vu en com­mençant, vous ne devez pas les laisser sous le boisseau et les rendre stériles par une vie lâche et molle au ser­vice de Dieu. Il faut les réduire en acte par la sainteté pratique. Il y a plus, il faut courir dans les voies de Dieu, pendant le temps de grâces du noviciat. La raison en est qu'il n'y a que ceux qui courent qui ne se lassent point. Quand on va faiblement, on s'arrête bientôt; or, s'arrêter c'est reculer, quand il s'agit du travail de la sainteté. Comme un homme qui gravit une montagne avec une voiture, il doit l'emporter d'assaut et malheur a lui s'il s'arrête sur la pente rapide. Regnum c³lorum vim patitur, le royaume des cieux souffre violence.

 

Voyons Marie étudiant la parfaite sainteté en Jésus son divin Fils, toujours fidèle à ses lumières et marchant à grands pas dans la voie de la sainteté. Jésus était tout pour elle; qu'il soit aussi tout pour nous! Apprenons nous aussi et exerçons-nous tous les jours, ici, à ne plus vivre que par lui, en lui et avec lui.

 

 

 

2e Conférence. - Pourquoi n'avons nous pas connu jusqu'ici la sainteté?

 

 

 

Pourquoi n’avons-nous pas connu la sainteté puisque Notre-Seigneur est mort pour nous mériter cette con­naissance? Il y a trois raisons : légèreté naturelle, - nous ne savions où l'étudier, - nous ne savions comment l'étudier..

 

 

Jér 12.11

Légèreté naturelle. Desolatione desolata est terra quia nemo est qui recogitet corde. Nous avons vu la sainteté dans une autre sphère que celle où nous nous trouvons; nous avons jugé les saints d'une autre nature que nous. C'était un saint, disions-nous, comme si nous eussions dit : c'était un ange par nature. Donc ce qu'il a fait n'est pas bon pour moi, ses exemples ne m'obligent à rien.

 

 

 

 

1 Thes 4.3

La première chose à faire c'est donc de nous persuader intimement que Dieu veut que nous soyons saints, comme les saints que l'Église honore. H³c est voluntas Dei sanc­tificatio vestra.

 

 

 

Mt 5.48

Jn 10.10

Et cette sainteté n'est pas une sainteté médiocre, telle quelle, mais illimitée : Estote perfecti sicut et Pater vester coelestis perfectus est; et surtout ce mot : Veni ut vitam habeant et abundantius habeant.

 

 

 

Il faut que l'Esprit-Saint déborde dans notre âme, pour que nous puissions le communiquer aux autres. Cette surabondance de l'Esprit de Dieu nous est donc due à nous, en conséquence de notre vocation, ou elle n'est due à personne. D'ailleurs, Dieu a-t-il versé, et si cruellement, tout son sang, pour ne faire de vous que de braves gens?

 

Avons-nous en effet jamais compris le prix immense de notre rédemption? Jugeons de la perfection de notre vocation par l'immensité de sa valeur, du prix qu'elle a coûté. Si Notre-Seigneur a voulu marchander et nous acheter au plus bas prix, à un prix modique, la moindre parole, la moindre action -suffisait à racheter des millions de mondes. Et cependant trente apnées de vie cachée, trois années de prédications, sans avoir ou reposer sa tête! et puis la croix! Notre-Seigneur ne nous a rachetés à un si haut prix que parce qu'il a voulu que les hommes [ 689 ] rachetés fussent saints; et remarquons que c'est pour nous, princes de la maison de Dieu, que sont les grâces les plus fines et les plus exquises de la rédemption. Et puis, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a donné, toute sa vie mortelle, l'exemple de toute sainteté et de toute perfection. Dieu veut donc immensément que nous soyons saints puisqu'il a immensément fait et souffert à cette fin pour nous en donner l'exemple et nous en mériter la grâce. C'est la première chose dont il faut se convaincre.

 

 

 

La seconde chose à faire, c'est de prendre la résolution la plus intense possible de correspondre à la grâce de cette vocation.

 

 

 

2° La seconde raison pour laquelle nous n'avons pas connu la sainteté, c'est que nous ne savions pas où l'étudier. Nous l'avons cherchée dans les livres; peut-être avons-nous donné une importance plus grande aux Saintes Écritures et à l'Évangile, mais nous l'avons lu, cet Évangile d'une manière telle quelle. C'est un moyen que cette lecture, mais ce n'est pas là en dernier ressort que doit se fixer notre âme pour étudier la sainteté; c'est en Jésus-Christ personnellement.

 

 

 

Il n'aurait pas eu besoin de faire tant de frais s'il n'avait voulu nous laisser que la lettre morte de l’Évangile, pas besoin d'établir tant de sacrements, pas besoin de perpétuer sa divine présence dans l'Église, présence spirituelle et corporelle.

 

 

 

3e Conférence. - En qui faut-il étudier la sainteté?

 

 

 

Jn 14.6

 

 

 

Jn 17.3

C'est en Jésus-Christ qu'il faut étudier la sainteté. Les oracles divins sont on ne peut plus positifs et explicites, à chaque page et pour ainsi dire à chaque ligne. Nemo venit ad Patrem, nisi per me. Ces mots font voir que ce n'est pas un travail naturel, mais un don que le Ciel donne par grâce et ne 's'emporte pas d'assaut, c'est-à-dire assaut des seules forces humaines, mais par l'assaut de la grâce. Il y a encore ces paroles : Hoec est vita ³terna ut cognoscant te solum Deum verum et quem misisti Jesum Christum.

 

[690]

 

La connaissance de la sainteté se réduit donc à deux choses : connaissance de Dieu, et des relations réciproques entre Dieu et l’homme. Or ce n'est que par Jésus-Christ médiateur que l'une et l'autre connaissance ont lieu.

 

 

1° Connaissance de Dieu. La connaissance de Dieu en sa nature simple et purement spirituelle, l'homme ne peut y atteindre; il n'y trouve point de prise. On connaît bien les attributs de Dieu en spéculation, mais cette connaissance, pour ainsi parler, est factice, artificielle; elle laisse le coeur froid et aveugle, comme était celui des apôtres, jusqu'à ce que l'Esprit-Saint se communiquât à eux. Ce n'est point là la connaissance du Dieu vivant, ce n'est point cette connaissance vivante et véritable, qui embrasse et embrase le coeur au moins autant que la volonté. Un enfant connaît sa mère de la connaissance véritable et se jette sur son sein; il connaît bien aussi les autres personnes, mais il n'y a pas de vie dans cette. con­naissance, il n'y  a pas d'attraction, ni d'amour.

 

 

 

Jn 8.12

 

 

 

 

 

 

 

Mt 6.22

 

 

 

Jn 7.37-38

Et Jn 4.14

C'est en Jésus-Christ et par Jésus-Christ que la connaissance de Dieu nous devient possible en devenant sensible. Ego sum lux mundi, a-t-il dit. C'est le foyer immense, c'est le soleil surnaturel qui éclaire et échauffe. En lui on voit tout, non pas que tout soit écrit en lui, mais il se passe quelque chose d'analogue même pour notre ciel qui, éclairé par le soleil, voit les objets environ­nants. Cette lumière de la foi est une lumière d'intuition qui, quoique notre esprit ne l'analyse pas et ne doive pas l'analyser, est infiniment plus abondante que les lumières de l'esprit naturel produites par l'analyse. La foi est synthétique. Un autre texte qui fait voir que le travail humain n'est pour rien dans cette connaissance est celui-ci : Si oculus tuus fuerit simplex, totum corpus tuum lucidun erit. Lorsque l'oeil est bon, il n'y a qu'à l'ouvrir, et quand il Y a lumière, il voit. Or, cela est l'image de la foi agissante qui nous fait adhérer à Notre-Seigneur par qui nous parvenons à la Vérité et à la vie, car Notre-Seigneur est tout cela, c'est-à-dire la voie, la vérité et la vie. Notre-Seigneur dit encore : Si quis sitit, veniat ad me et bibat, et fluent de ventre ejus flumina aqu³ salientis in vitam ³ternam. Ceci se rapporte spécialement à [691 nous, qui devons instruire les autres de la surabondance 'du Saint-Esprit qui sera en nous,

 

 

 

Tous ces textes reviennent à la même chose, mais ce sont diverses images, diverses formules, pour mieux s'ac­commoder aux diverses positions de notre âme. Donc, à n'en pas douter, toute lumière, toute sainteté vient de Jésus-Christ qui en est la source. C’est en Jésus-Christ seul, d'ailleurs, que l'union de Dieu avec l'homme est hypostatique et c'est dans cette union intime que con­siste la connaissance de Dieu; c'est donc en Jésus-Christ et par Jésus-Christ que nous pouvons véritablement connaître Dieu.

 

 

 

En second lieu, c'est encore en Jésus-Christ et par Jésus-Christ qu'il nous est donné de connaître les rap­ports réciproques entre Dieu et l'homme. En Jésus-Christ Dieu s'unit tout entier à la nature humaine; en Jésus-Christ la nature humaine s'élève pour s'unir à Dieu. Jésus-Christ, en tant qu'homme, résume en lui toute la création et la rapporte à Dieu; c'est en ce noeud mystérieux qui unit la nature divine à la nature humaine et la nature humaine à la nature divine, que se trouve la connaissance des relations de Dieu avec l'homme et de l'homme avec Dieu. Nous sommes les membres de Jésus-Christ; donc, avec lui, nous sommes unis à Dieu, non pas hypostatiquernent mais d'une manière très intime et également incompréhensible. Donc en Jésus-Christ seul se trouve la source vivante de cette connaissance animée de la sainteté.

 

 

 

Il faut pourtant lire un peu les livres spirituels et beaucoup l'Écriture Sainte, mais en Jésus-Christ comme s'exprime saint Paul, et tout le Nouveau Testament spécialement.

 

 

 

4e Conférence. - Comment étudier la sainteté.  Étude pratique.

 

 

 

 

 

1 Co 2.10

Les moyens doivent être en rapport avec la fin qu'on se propose; pour étudier les mathématiques on se sert de chiffres, etc.. Là-dessus voir les premiers chapitres de la 1ère épître aux Corinthiens et surtout le 2e chapitre,[692] où l'on trouve ces mots : Spiritus omnia scrutatur etiam profunda Dei; ita et qu³ Dei sunt nemo cognovit nisi Spiritus Dei.

 

 

 

 

 

 

 

Ps 5.9

C'est donc l'Esprit-Saint qui est notre grand moyen dans cette science. Cette science de la sainteté est tout à fait différente de la science théologique; elle peut exister sans la théologie et très souvent la science théologique existe sans elle. C'est l'Esprit de Notre-Seigneur, habitant en nous comme dans un temple, qui nous l'enseignera, pourvu que nous l'écoutions. Il ne faut donc pas l'aller chercher ailleurs qu'en nous, ce docteur de la sain­teté. Il nous a été communiqué dans le baptême, prenons garde d'empêcher son action. Dirige, Domine Deus, in conspectu tuo viam meam.

 

Il faut étudier la sainteté pratiquement, saintement, constamment.

 

 

 

1°Pratiquement. C'est une difficulté de distinguer l'étude pratique de l'étude spéculative. L'étude spéculative de Dieu, c'est la théologie; c'est une étude de l'esprit.

 

L'étude pratique de Dieu, qui est la sainteté, c'est une étude du coeur, c'est-à-dire qui se fait par le coeur. Elle consiste a nous voir en Jésus-Christ et Jésus-Christ en nous. On se voit en Jésus-Christ comme dans un miroir; on y voit ses défauts et on voit les vertus dont on manque. On voit Jésus-Christ doux, humble, charitable, et en même temps on voit les différences qui existent entre soi et Jésus-Christ, différences qu'il faut toujours chercher à effacer.

 

Et cette étude a cela de particulier que Jésus-Christ se présente à chacun dans une perfection relative à sa position actuelle; c'est comme la manne qui prenait tous les goûts qu'on voulait lui faire prendre, selon ses dispositions. Voilà pourquoi tous les saints personnages parlent de Jésus-Christ avec des nuances différentes, parce que tous sont différents et se voient eux-mêmes en Jésus-Christ.

 

.Il faut que chacun se sèvre des secours étrangers pour se mettre en rapport immédiat avec Notre-Seigneur et s'y voir soi-même comme dans une glace. Ce n'est [693] qu'alors qu'on se voit véritablement. En étudiant des auteurs, on voit d'autres hommes qui peuvent nous ressembler en quelque chose, mais ce n'est pas nous-mêmes que nous voyons.

 

 

Après qu'on s'est ainsi vu en Jésus-Christ, on voit Jésus-Christ en soi, c'est-à-dire qu'au lieu d'essayer de nous former nous-mêmes sur le modèle qui. nous a été donné, nous attendons que Jésus-Christ vienne lui-même dans nous pour nous façonner par le travail de sa grâce. Car les efforts que nous pourrions faire pour acquérir de la ressemblance avec ce modèle, ne seraient que des efforts naturels, et par conséquent de nulle efficacité dans l'ordre surnaturel.

 

 

 

On voit cette étude pratique dans les gens simples, sans aucune instruction, et qui ont des vues magnifiques sur Dieu, vues purement pratiques.

 

 

 

La grâce de Notre-Seigneur ne nous est donnée que pour la pratique. Elle a trois effets : elle éclaire l'intelligence, elle échauffe le coeur, elle donne l'impulsion à la volonté. Une chose à remarquer tout de suite pour cette pratique, c'est de s'occuper uniquement de ce qu'on a à faire actuellement, sans s'occuper de l'avenir. Dieu ne nous demande qu'une chose à la fois.

 

 

 

Les défauts contraires à cette étude pratique sont l'étude systématique, les vues imaginaires, l'attachement aux simples formes.

 

L'étude systématique.  Les gens qui procèdent par raisonnement sont habitués à tout analyser et trans­portent cette disposition dans l'étude de la sainteté. Ils font des raisonnements très logiques, font provision de lumières pour l'intelligence autant qu'ils peuvent, ne croyant jamais en avoir assez, et étant gênés dans toute occupation qui entrave cette activité de leur intelli­gence.

 

Ce travail empêche l'influence de la grâce qui ne peut pas se faire jour dans une telle mêlée; on croit avoir beaucoup fait, quand on a ainsi fait une étude arrondie d'une question quelconque, de l'humilité par exemple. On s'imagine avoir beaucoup fait pour acquérir l'humi­lité lorsqu'on a encadré et presque encombré cette vertu [ 694 ] dans un torrent d’argumentation. On a une vue spéculative qui présente un bel ensemble et on se laisse persuader que c'est la vertu; mais aussitôt que le travail de la tête aura cessé, toute la machine croulera et il ne restera plus rien de vertu pratique. Il en est ainsi de toute vertu natu­relle, qui ne dure qu'autant que l'effet naturel.

 

 

 

Le Saint-Esprit ne peut avoir action sur une âme ainsi disposée; l'amour court et vole, il aime à avoir les coudées franches; c'est un enfant qui joue sur le sein de sa mère; il ne faut pas se laisser attacher par la dialectique; il faut se laisser mouvoir par ce divin Esprit.

 

 

 

L'étude imaginaire.  On s'échauffe la tête et on se représente vivement les choses, et même avec violence; l'imagination est embrasée et dans le coeur il n'y a qu'un petit feu de paille, qui cesse presque à l'instant. Il faut être calme avec Notre-Seigneur. Cette exaltation de l'imagination fait qu'on se croit très vertueux parce qu'on est turbulent; et c'est une erreur très grave, parce qu'il n'y a rien; une fois cette exaltation passée, on ne peut faire le moindre acte de vertu. Sans doute qu'il faut se servir de l'imagination et de l'intelligence, mais que ce soit pratiquement.

 

 

 

L'attachement aux simples formes.  On s'attachera quelquefois aux simples formes. On aimera, par exemple, Boudon, M. Olier ou saint François de Sales, selon sa tournure d'esprit, parce que ces écrits sont tournés de telle ou telle façon, parce qu'il Y a du sentiment, etc. Il faut toujours aller à la substance des choses et ne pas tant faire attention à la forme. Chacun donne tout natu­rellement à sa vertu la forme qui lui est propre. Ce n'est pas là le difficile. Il faut donc dans ces écrits considérer la substance. Mais là, où se trouve toute substance, en fait de vie spirituelle et de sainteté, c'est l'Écriture Sainte, que chacun peut arranger selon son goût et exploiter à son profit en l'étudiant dans l'Esprit-Saint.

 

Une marque pour connaître que c'est la grâce qui agit en nous dans la recherche de la sainteté, c'est quand le coeur est atteint et qu'on pratique les actes. La grâce passe comme un éclair par l'intelligence pour aller échauf­fer le coeur qui est le siège de la sainteté.

 

 

 

5ème Conférence. - De l'étude pratique de la sainteté (suite).

 

 

 

Ce qu'il faut observer par rapport à cette étude pratique de la sainteté se réduit à trois choses presque identiques : résolution ferme et efficace, aller en toute humilité, aller en toute simplicité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Apo 3.20

1° Résolution ferme et efficace. Ferme : coûte que coûte, il faut que je sois un saint. Mais qu'arrive-t-il? Lorsqu'on voit un acte de vertu hér6ique qui a été pra­tiqué par une âme généreuse, on coupe court à la grâce divine et on se met hors ligne, en disant: c'était un saint, moi je ne le suis pas, donc je ne suis obligé à rien : c'est un pur sophisme. Efficace : dès que Notre-Seigneur, nous a communiqué une lumière, dès qu'il demande de nous un sacrifice. de suite tout accorder, quoi qu'il en coûte. Si on triomphe de la première difficulté, si on ne repousse pas la grâce, elle s'étendra dans l'âme et s'en rendra maîtresse, et alors on trouvera le rayon de miel dans la gueule du lion, c'est-à-dire que l'âme se remplit de suavité quand elle a sacrifié son amour-propre, quand elle s'est abandonnée à la grâce; sto ad ostium et pulso; si quis mihi aperit, intrabo et cænabo cum illo. Dieu ne force pas la porte de l'âme habituellement; cela n'a lieu que comme une sorte de prodige à l'égard de grands pécheurs que Dieu enlève; ce n'est pas la voie que Dieu suit avec ses serviteurs.

 

 

 

2° Aller en toute humilité. Elle consiste ici à ne pas chercher des lumières éblouissantes, des voies lumi­neuses et éclatantes qui nous fassent remarquer; ne pas se retourner en soi-même pour donner aliment à la com­plaisance de l'amour-propre en se voyant ainsi orné, ne pas jeter des regards de complaisance derrière soi pour s'admirer. La lumière n'est pas pure quand elle éblouit et qu'elle étourdit, quand on y met sa complaisance.

 

 

 

Ne pas être exigeant avec le bon Dieu, se contenter des grâces qu'il donne, les utiliser et les exploiter avec un soin extrême, mais ne pas rechercher l'éclat. Voir, sentir sa misère et y demeurer humblement, patiemment, jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu de nous en retirer. Il nous [ 696 ]délivrera en temps convenable; nous sommes toujours trop empressés; employer tous les moyens qui sont en notre pouvoir pour nous corriger et n'attendre le succès que de la seule miséricorde de Dieu.

 

 

 

 

Mt 6.22

 

3° Aller en toute simplicité, c'est-à-dire sans chercher à faire prévaloir nos intérêts propres et nos goûts sur la volonté de Dieu : c'est à lui à nous diriger, dans la voie. Si oculus fuerit simplex, totum corpus lucidum erit; d'où il suit que lorsqu'il ne se met aucune vue d'intérêt propre entre la volonté de Dieu et nous, alors nous sommes environnés de lumière, comme l'oeil pur et sans trouble voit clair.

 

 

 

Je veux telle chose, je la désire beaucoup, je ferais pencher la volonté de Dieu de ce côté là, si je pouvais : voilà qui est contraire à la simplicité. Abandonner à Dieu le soin de tout notre être; il est notre bon père.

 

 

 

6e Conférence.  Étude sainte de la sainteté.

 

 

 

La deuxième qualité de l'étude de la sainteté, c’est qu'il faut étudier saintement. Or qu'il faille étudier la sainteté saintement, l'Écriture en fait foi (voir 4e conférence) et métaphysiquement parlant, cela est aussi nécessaire; la sainteté est dans l'ordre surnaturel, donc pour l'étudier il faut se mettre dans l'ordre surnaturel, c’est-à-dire se laisser diriger par l'Esprit-Saint.

 

 

 

Sans doute on peut avoir une connaissance naturelle de la vérité surnaturelle, mais cette connaissance n'est point intime, elle ne change pas l'âme, ne se manifeste pas par des effets surnaturels. On a beau se casser la tête à étudier la vérité naturellement, jamais on ne va au-delà de la spéculation, cette spéculation qui n'est autre chose que la science qui enfle et n'édifie pas.

 

 

 

Cette doctrine, du reste, n'est autre chose que l'ensei­gnement de la théologie, qui dit qu'on ne peut rien faire que par la grâce dans l'ordre surnaturel.

 

 

 

Or, cette grâce qui doit nous élever dans la sphère surnaturelle au-dessus de nous mêmes, et que l'on nomme grâce sanctifiante, nous est communiquée en germe dans le baptême; cette grâce sanctifiante renferme la foi et [ 697 ] l'amour en germe et tend dans cesse à se dilater en éliminant notre action naturelle.

 

 

 

Cette dilatation, ce travail de développement n'est autre chose que l’æuvre de la sainteté qui va toujours progressant.

 

 

 

Mais cette grâce ne peut agir sans notre coopération; elle est liée pendant notre enfance et ne se développe que lorsque nous devenons capables d'y acquiescer et que nous y acquiesçons réellement. Ici se manifestent deux états de l'âme : l’union contemplative, l'action pratique, qui sont ce qui donne ouverture au développement de la grâce sanctifiante.

 

 

 

  L'union contemplative. C'est cette soif de Notre-Seigneur, ce besoin que nous sentons d'aller chercher en lui la lumière et la force dont nous avons en nous le germe et qui prennent leur développement par ce rapport direct qui s'établit entre Notre-Seigneur et nous.

 

 

 

Cette soif ou élévation de l'âme à Dieu, c'est ce qu’on appelle oraison. Donc l'oraison est nécessaire pour la vie de l'âme, comme l'air que nous respirons et la lumière du soleil le sont à la vie du corps.

 

 

 

La nature de cette union contemplative, peut se comparer à l'état d'un enfant qui veut être sans cesse avec sa mère, ne mettant qu'en elle sa confiance et son amour ; sans cesse il est prêt à appeler maman. Il y a diverses espèces d'oraisons et chacun a la sienne propre dans ses nuances. Pour la connaître cette voie par laquelle nous devons marcher, il faut se reporter au temps de la dévotion sensible et remarquer quelles étaient alors nos dispositions spéciales : c'est notre voie, celle où Dieu veut: que nous marchions. L’ union contemplative n’est pas aussi nécessaire que l'action que l’action pratique . Une union contemplative plus parfaite, avec une action pratique moins parfaite constitue une perfection moins grande qu’une action pratique bien parfaite, jointe à une union contemplative qui l’est moins.

 

 

 

L'union contemplative doit dominer naturellement dans les ordres contemplatifs; l’action pratique doit être [ 698 ] plus caractéristique dans les missionnaires de Jésus-Christ, Cette action pratique consistera à se sacrifier pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, sans éprouver de grandes douceurs intérieures habituellement.

 

 

 

7e Conférence. -De l'union contemplative.

 

 

 

.Chacun a sa voie particulière, parce que la grâce. se prête aux dispositions accidentelles ou permanentes de notre âme pour devenir l'âme de notre âme.

 

 

 

Avant d'arriver a la contemplation, qui est le vrai état d'oraison, on passe habituellement par l'oraison de méditation, qui n'est pas à proprement parler une oraison, mais une préparation à l'oraison, et par l'oraison d'affection, où l'on éprouve des sentiments violents jusqu'à absorber notre âme.

 

 

 

Quant à l'oraison de contemplation, qui est seule véri­tablement oraison, elle consiste dons un rapport constant et habituel (le notre âme avec Dieu. C'est l'exercice de la présence de Dieu et plus ou moins de sentiment de cette présence. Il y a trois degrés dans l'oraison de contemplation : 1er degré : absorption de l'âme, qui est dégagée de tout ce qui l'environne, qui ne s'occupe que de Dieu seul, suavement et sans violence, comme un petit enfant dans le sein de sa mère; 2e degré : on n'est pas absorbé en Dieu, mais on y revient sans cesse, sans aucun travail et comme instinctivement, durant ses occupations, de telle sorte qu'on ne peut s'empêcher de penser fréquemment à Dieu, comme un ami pense fréquemment à celui qu'il aime; 3e degré : on ne revient pas instinctivement à Dieu, il faut un acte pour cela, mais cet acte est facile et agréable.

 

Ce 3e degré est très favorable à la vie apostolique; on s'occupe et on n'est pas distrait. Dans cet état il arrive qu'on n'éprouve point de sentiments explicites devant Dieu; on est là devant lui presque passif, sans souffrir, il est vrai, mais aussi sans jouir ni agir. Dans cet état, on a peine à faire une heure d'oraison; on aime mieux jeter un regard sur une pensée et agir à l'extérieur. Cette action extérieure contribue alors en quelque sorte à [699 ] favoriser l'oraison, comme la promenade ou tout autre exercice modéré favorise la digestion.

 

 

 

Quoique l'union contemplative ne soit pas aussi par­faite que l'action pratique, cependant il faut s'y appliquer, parce que sans elle on ne peut réussir facilement dans l'action pratique; et l'action pratique n'est bonne qu'autant que l'union contemplative y est jointe.

 

 

 

8e Conférence. - De l'union pratique.

 

 

 

L'action ou union pratique consiste à se dépouiller de ses impressions naturelles pour ouvrir son âme aux impressions divines. Tandis que l'âme est esclave de ses impressions naturelles, elle est comme un corps opaque et ne laisse point d'entrée à la lumière surnaturelle de la vérité.

 

 

 

Au contraire, dès que nous dominons ces impressions naturelles et que nous sommes tout appliqués à recevoir les communications divines et à agir, alors notre âme acquiert le mouvement ou la vie; elle devient spirituelle et transparente, de même nature que la vérité divine qui alors s'infiltre en elle sans obstacle et comme naturellement. On a en soi surabondance de vérité, on respire la vérité, on s'en nourrit, on voit les choses de Dieu sans effort et clairement, parce que notre âme est dans son élément, la lumière divine.

 

Il y a deux choses à faire dans cette action pratique ou cette union pratique avec Dieu.

 

La première est de réprimer les impressions naturelles qui sont de trois genres : 1° impressions actuelles des sens; 2e impressions morales qui ont rapport au passé ou à l'avenir, dans le même ordre que les impressions des sens pour l'actualité; ce n'est autre chose que cette même impression des sens qui se reproduit parle fait de l'imagination, laquelle va prendre ses impressions dans le passé ou l'avenir; 3° impressions purement intellectuelles, comme l'orgueil ou l'amour-propre.

 

 

 

La deuxième chose à faire est de se laisser impression­ner par la grâce divine, qui tend sans cesse à nous infuser la foi et l'amour, double élément de la vie surnaturelle.[ 700 ]

 

 

 

Il faut travailler à l'union contemplative et à ]'union pratique conjointement, pour leur perfection mutuelle et leur réunion, à l'effet de former la vie complète.

 

 

 

On peut avoir des distractions dans l'oraison sans cesser d'être uni à Dieu. Souvent, il arrive qu'on est tout embrouillé dans son oraison; non seulement on ne peut pas se rendre compte de ce que l'on fait; on ne sait même pas si l'on fait quelque chose; on est dans une passivité qui fait croire que la besogne ne marche pas, que l'on entrave l'oeuvre de Dieu. Eh bien! c'est alors peut-être que l'action divine est plus efficace, parce qu'elle a plus d'empire sur nous, qu'elle agit presque seule; et on le remarque bien lorsque, à la suite d'une oraison de ce genre, on se sent éclairé et fortifié pour faire le bien.

 

 

 

Une remarque capitale, c'est de ne point donner prise aux mouvements de l’amour-propre dans notre oraison; il faut se persuader intimement et voir par expérience que par soi-même on n'est pas capable d'un lambeau d'oraison, que c'est le fait de la seule miséricorde divine qui, en descendant vers nous, veut bien nous mettre en communication avec elle.

 

 

 

 

Lc 9.23

// Mc 8.34

// Mt 16.24

Un texte de la Sainte Écriture, qui prouve bien que l'union pratique consiste à réprimer la nature et à se laisser impressionner par la grâce, est celui-ci : Abnega temetipsum, tolle crucem tuam et sequere me. - Abnega temetipsum, se renoncer soi-même, c'est-à-dire ne tenir aucun compte de soi-même; bannir toutes ses impressions naturelles, pour chercher à ne plaire qu'à Dieu seul. Tolle crucem tuam. Bien loin d'écouter ses aises, il faut au contraire ouvrir les ailes de la foi pour voler au-devant des peines et des croix. Il faut les prendre sur soi sans ménagement, ces croix, assurés que Dieu nous sera en aide et nous attirera, là-haut où il a été suspendu. Et sequere me. En agissant ainsi, on suit Notre-Seigneur, on l'imite. Et alors pour se soutenir et ne pas s'égarer, ne jamais le perdre de vue, puisqu'il est toujours dans le chemin devant nous, portant le premier la croix, une immense croix et se retournant souvent en arrière pour nous aider à porter la nôtre, la porter lui-même tout à fait et nous faire abonder de joie au milieu des tribulations.

 

[ 701 ]

 

 

 

9e Conférence. - Suite de l'union pratique.

 

 

 

Il faut que tout notre être soit uni à Dieu et cela ne se peut que par l'union pratique.

Jn 17.25

 

 

 

Mt 6.24

// Lc 16.13

1 Co 4.16

voir 2.14

Mundus me non cognovit, Pourquoi Notre-Seigneur appelle-t-il les hommes mundus? Parce que les hommes s'appliquent tellement à la jouissance des choses naturelles, qui sont dans le monde, que leur âme en est toute imprégnée; elle est identifiée, pour ainsi dire, avec ce monde, ces créatures naturelles. Or notre esprit ne peut être à deux choses à la fois, au naturel et au surnaturel : nemo potest duobus dominis servire. Saint Paul dit: Homo carnalis non intelligit qu³ Dei sunt, sed homo spiritualis dijudicat omnia. Ce mot dijudicat signifie qu'il a le tact des choses surnaturelles et non seulement des lumières ou notions passagères, comme on a dans l'oraison, mais qui s'en vont et laissent l'esprit se disloquer.

 

 

 

Toute cette action pratique se comprendra mieux par des comparaisons. Voyons comment agit le monde, comment il a agi sur nous, comment nous devons en triompher.

 

 

 

1° Comment agit le monde. Il est tout entier à son affaire et la connaît à merveille. Les fils du siècle ont plus de sagesse, dit Notre-Seigneur,  que les enfants de Dieu, c'est-à-dire qu'ils connaissent mieux leurs affaires.

 

 

 

Un diplomate possède sa science merveilleusement et s'y applique sans relâche et avec goût; c'est sa vie à lui; il a besoin de cela. Les ouvriers, chacun en son genre, les artistes savent juger de suite de l'objet de leur art, mais ils s'y adonnent aussi tout entiers. Il faut arriver au point de nous identifier de la même façon avec la science du salut, de telle sorte que nous marchions bien sans avoir besoin d'y réfléchir beaucoup.

 

 

 

2° Comment le monde nous a dominés. Si nous n'étions pas nés dans le péché ou si la grâce du baptême, en gué­rissant notre âme, ne l'avait pas laissée comme en écharpe, nous aurions triomphé du moi  ide et tout eût été réglé en nous. Mais nous sommes nés dans le péché et, après avoir reçu le germe du salut, nous sommes restés bien informes encore. Le péché nous a subjugués, tyrannisés; nous aussi nous lui avons donné prise. [ 702 ]

 

 

 

C'est par les trois genres d'impressions ci-dessus mentionnés qu'il nous a dominés et captivés :   impressions physique ou des sens, comme la trop grande délectation dans le boire et le manger; 2° impressions morales, qui se trouvent dans la sphère de l'imagination; elles vont plus près de l'âme et lui font plus de mal; elles ont lieu souvent lorsque nous laissons notre âme revenir sur des impressions physiques qui d'abord ne nous avaient pas fait grand mal, mais qui saisies par l'imagination sont transportées dans une sphère spirituelle en quelque sorte et mises en contact direct avec l'âme, à laquelle elles peuvent porter un immense préjudice. Par exemple, une parole nous a été dite et nous a fait un peu de mal, mais pas beaucoup; plus tard, l'imagination a son retour sur cette même parole et la transmet à l'âme en se l’assimilant; c'est alors que l'irritation devient forte et que l'ennemi commence à avoir prise sur nous; 3° impressions intellectuelles, vues de l'amour-propre, qui consistent à se retourner sur soi-même et mettre sa complaisance dans les dons de Dieu, comme si c'était quelque chose qui nous appartient.

 

 

 

10e Conférence. - Étude constante de la sainteté.

 

 

 

 

 

 

Mt 11.30

La 3e qualité de l'étude de la sainteté est la constance. Nous avons déjà dit qu'il faut étudier la sainteté pratiquement et saintement; maintenant, que ce mot constamment ne nous effraie pas; ne regardons pas cela comme une rude besogne. L'étude de la sainteté est plutôt un délassement qu'une peine : Jugum meum suave est et onus meum leve, a dit le Maître; qu'on ne s'effarouche donc pas à la pensée des sacrifices qu'il faudra faire constamment. S'ils sont impossibles à la nature qu'ils tendent à briser, la grâce qui est conférée donne la force pour cela et fait même goûter une joie douce et sainte dans ces sacrifices, de quelque nature qu'ils soient. On trouve même une saveur délectable au fond de l'âme, alors que la surface est livrée à la sécheresse, à l'angoisse et aux désolations spirituelles.

 

 

 

 

 

Ps 33.9

La sainteté coûte à ceux qui ne s'y adonnent qu'à [703 ] moitié et qui se trouvent toujours à l'étroit; ceux au contraire qui y vont généreusement trouvent d'ineffables délices, des joies toutes pures que la nature ' ne peut comprendre : Gustate et videte quoniam suavis est Dominus.

 

 

 

Rien n'arrête dans la voie parce que c'est la grâce qui porte. L'âme est comme un vaisseau ballotté en pleine mer et qui est poussé par le vent. La marche dans la  voie spirituelle est semblable à un voyageur qui va gravir une montagne; s'il va doucement, il sera brisé d'accablement; si au contraire, il prend son âme à deux mains et va généreusement, il est arrivé au haut, presque sans avoir ressenti sa peine[1]

 

 

 

C'est ainsi qu'il faut faire dans la vie spirituelle : sacrifier, sacrifier toujours, et complètement, et généreuse­ment : les demi sacrifices, sur lesquels on marchande, sont accablants et les sacrifices complets sont suaves.

 

 

 

Cependant il ne faut pas se faire illusion; notre pauvre nature est là qui nous donnera quelque embarras malgré tout; mais aussi triomphe-t-on de ces embarras comme de tout le reste. Ce sont la faiblesse du coeur, l'imagina­tion, l'amour-propre.

 

 

 

1° Faiblesse du coeur. On se sentira déconcerté devant les sacrifices : quoi! toujours des épreuves et des épreuves progressives! Alors, prenons l'élan : allons donc, mon âme, est-ce que tu n'a pas la grâce? Tu n’auras pas encore résisté jusqu'au sang et la mort de la croix. Allons! j'en ferais bien plus encore avec la grâce de mon Dieu! Une mortification bien appliquée ou le simple élan de l'âme la réveille, la dégourdit et nous met à flot, et nous allons mieux que jamais. Le souvenir d'une action semblable de Notre-Seigneur ou d'un saint produit aussi cet effet.

 

 

 

Il faut remarquer que souvent, après une oraison, Notre-Seigneur présente l'occasion pratique, comme s'il disait par exemple : Mon enfant, je viens éprouver ta fidélité, mais ne crains pas, je suis là pour t'aider !

 

[ 704]

 

 

 

Un second remède contre la faiblesse du coeur, c'est d'aller tout dire à son directeur. Lorsqu'on se voit faiblir dans quelque vertu, la charité par exemple, allons de suite trouver notre directeur, et plusieurs fois, s'il en est besoin.

 

 

 

2° L'imagination a deux effets, le trouble, l'illusion. L'imagination bâtissant en l'air comme on bâtit des châteaux en Espagne, l'âme se sent de plus en plus vide par ce travail de l'esprit; elle se trouble alors et cherche à remplir ce vide par la contention. La contention, toujours mauvaise, consiste à vouloir emporter une vertu, un bien spirituel, comme d'assaut, par ses seuls efforts naturels; on croit bien faire, et ces efforts étant inefficaces, le trouble s'augmente de plus en plus; on s'épuise en vains efforts et l'on ne. fait que s'enfoncer davantage.

 

 

 

Nous ne pouvons trop nous convaincre, du fond du coeur, que nous ne pouvons rien par nous-mêmes dans l'ordre surnaturel, rien rectifier en nous de défectueux; ni raideur, ni animosité! nous ne pouvons même p as faire un seul acte véritable d'humilité. On ne peut que se fatiguer et se mettre hors d'haleine en pure perte.

 

 

 

Ce qu’il faut faire, au lieu de se, laisser aller à la contention, c'est de n'espérer qu'en la bonté et miséricorde divine; mais aussi y espérer solidement, de toute son âme. C'est un père infiniment bon, qui n'a rien tant à coeur que de pouvoir glisser ses bienfaits dans l'âme de ses enfants aveugles, qui n'y font pas attention et s'en éloignent. Souvent le bon Dieu, touché de compassion pour les âmes qui se donnent du mal par la contention, leur envoie la lumière, et cela va bien alors.

 

 

 

L'illusion consiste ici à se croire dans le bon chemin et bien avancé en vertu, tandis qu'il n'y a que du factice, c'est-à-dire que tout cela ne se trouve que dans l'imagination.

 

 

 

  L'amour propre a aussi son siège dans l'imagination; on n'est gonflé que parce qu'on n'est pas présent à soi-même et à Dieu; car, lorsqu'on se voit tel que l'on est, on se méprise et l'on n'est nullement tenté de se ,[705]- croire quelque: chose par soi-même. Demeurer donc en face de soi-même et de Dieu pour éviter ces divagations de l'amour-propre. Du reste, il faut mépriser l’amour-propre auquel la volonté n'a pas de part.

 

 

 

11e Conférence. - Retour sur raison  d'union contemplative, sans laquelle nos oeuvres sont imparfaites.

 

 

Jn 4.20.24

Oportet adorare in spiritu et veritate.

 

 

 

 

Gn 15.1

Théorie des passions. Nous avons en nous le désir essentiel du bonheur; c'est un bon mouvement que Dieu a mis en nous, pour que nous cherchions à le satisfaire en lui. Ego ero merces tua magna nimis. Depuis le péché, ce mouvement est devenu déréglé et se porte vers la créature, au lieu du Créateur.

 

 

 

Ce besoin du bonheur inné dans le coeur de l'homme, nous le satisfaisons par l'amour; l'amour est donc le principe des passions; c'est le ressort qui met notre âme en activité. L'amour nous porte vers ce que nous aimons et, par contrecoup, fait que nous repoussons ce que nous n'aimons pas. Ce second mouvement, qui est l'amour négatif, se nomme haine. Ces deux mouvements rappellent espérance et crainte, si leur objet est dans .l'avenir. Il y a ainsi quatre passions principales, l'amour, la haine, l'espérance et la crainte. Il faut chercher à se rendre maître de ces passions - comme on dompte un cheval fougueux, et on le peut avec l'aide de la grâce. Voyons ce que Dieu a fait dans les saints, dans ceux chez qui les passions étaient lés plus fortes.

 

 

 

Dieu donne à cet effet sa grâce par surabondance. Il faut que ces passions soient soumises à cette, grâce, comme un cheval au frein et à l'éperon de celui qui le conduit.

 

 

 

 

 

Mt 11.29

Il faut du temps, sans doute, pour arriver là, surtout pour arrêter l'es mouvements indélibérés des passions, mais une fois que c'est fait, c'est une vie heureuse. Le divin Maître l'a dit et sa parole est véritable -'Jugum meum suave. Dans la lutte, jamais de trouble ni d’inquiétude, si on est subjugué, mais revenir sans relâche au combat et attendre avec confiance la victoire de la [706] miséricorde divine. Fidélité sans contention, et on remplit les vues de Dieu sur soi. Les passions sont devenues des moyens de sanctification; la grâce règne sur elles et tout est soumis à Jésus.

 

 

 

12e Conférence. Divers degrés de sainteté, De l'homme et du chrétien.

 

 

 

Jusqu'ici on a vu la théorie de la sainteté en général; maintenant, quelques mots sur le degré de sainteté que comporte chaque genre de vocation.

 

 

 

Il y a d'abord à distinguer : l'état naturel, l'état chrétien, l'état religieux, l'état du religieux missionnaire ou vie apostolique.

 

 

 

Ce qui est plus élevé renferme en soi ce qui l'est moins; donc, il nous importe de connaître chacun de ces états, nous . qui sommes placés au sommet de l'échelle et qui devons, en conséquence, renfermer éminemment la sain­teté spéciale de chacun de ces états.

 

 

 

1° L'état naturel ou la loi naturelle, qui régit l'homme en tant qu'homme, renferme deux parties l'une néga­tive et  l’autre positive, et cela envers Dieu, envers le prochain, envers soi-même.

 

 

 

Partie négative. Envers Dieu : ne jamais aller contre la volonté de Dieu, c'est-à-dire ne point l'offenser, quoiqu'il puisse nous en coûter. - Pour soi-même : suivre le principe gravé dans notre âme et qui se sent. - Pour le prochain : suivre cette  maxime, ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qui te soit fait à toi-même; et plus explicitement, ne pas faire du mal au prochain, lui faire le bien qui ne coûte pas, supporter ses défauts.

 

 

 

Partie positive. Envers Dieu : l'aimer de tout son coeur, de tout son esprit, de toute son âme et de toutes ses forces, car comme créature on se doit tout entier au créateur. - Envers soi-même : chercher son véritable bien. - Envers le prochain : l’aimer comme soi-même.

 

 

 

En aimant ainsi Dieu, soi-même et le prochain, on accomplit toute la loi naturelle. On ne sort point ici de la stricte justice, et le sauvage lui-même est tenu d'accomplir ainsi la loi naturelle.

 

[ 707 ]

 

 

 

 

 

Jn 15.5

  L'état chrétien. Ici un principe nouveau vient s'ajouter à la nature pour l'animer et, par conséquent, elle doit davantage. Ce principe, c'est la grâce de Jésus-Christ qui fait vivre le chrétien de la vie de Jésus-Christ. Ego sum vitis, vos palmites.

 

 

 

On ne fait donc des actes chrétiens qu’autant qu'on est uni à Jésus-Christ, comme à la branche au tronc. C'est donc par un principe surnaturel, une sève divine, que vit le chrétien. Cette sève descend à nous par les sacre­ments et nous y correspondons par le prière.

 

 

 

Cette prière, c'est surtout la prière de l'Église, c'est l'office divin, c'est substantiellement le saint Sacrifice, qui est l'essence de la prière et dont toutes les autres prières ne sont que des dérivations.

 

 

 

Or, comme prêtres, nous sommes établis de Dieu chefs des chrétiens; nous sommes les grosses branches, qui reçoivent immédiatement la sève du tronc qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ, et nous devons nourrir les rameaux de la surabondance qui nous est donnée.

 

 

 

Si nous sommes simplement des canaux qui ne font que transmettre, nous sommes dans le désordre et agissons contre la nature des choses établies de nous. C'est par nous immédiatement que s'offre le, saint Sacrifice, c'est par nous que se transmettent les grâces surnaturelles; donc, nous devons en être remplis en surabondance.

 

 

 

Mais pour ne parler que des simples chrétiens, le chré­tien doit plus faire que l'homme envisagé en tant qu'homme seulement : aimer Dieu au-dessus de ses forces, à l'aide de la grâce, comme Jésus-Christ aime Dieu son Père. Et par rapport au prochain, il doit dépasser un peu les bornes de la stricte justice pour entrer dans la miséricorde, en faisant quelques petits sacrifices pour lui. Le chrétien étend plus ou moins la pratique de ses vertus, selon qu'il est plus ou moins parfait chrétien.

 

 

 

Le chrétien peut encore jouir des créatures, mais en se tenant dans les bornes prescrites de la loi divine, en demeurant soumis à la volonté de Dieu. Mais comme il est très difficile de ne pas dépasser les bornes dans ces [708] jouissances, le chrétien, par mesure de précaution, devra souvent s'abstenir de certaines choses permises; et c’est ainsi qu'il se tiendra sur ses gardes et ne sera pas surpris. Voilà pour les devoirs du chrétien.

 

 

 

13e Conférence. - État religieux, vie apostolique.

 

 

 

3° Le religieux, voyant la difficulté de s'élever à Dieu tout en jouissant des créatures,* commence par renoncer aux jouissances de la terre pour ne s'attacher qu'à Dieu seul. Sa vie est une contemplation, dans ce sens qu'il ne doit avoir en vue que Dieu seul dans tout -ce qu'il fait ou ne fait pas. C'est un état contemplatif et non pas un fait actuel, comme cela a lieu dans l'oraison, lorsque l'âme est actuellement et sensiblement appliquée à Dieu.

 

La vie religieuse est indépendante du froc; elle con­siste, comme on l'a dit, à se détacher de la créature pour pouvoir s'élancer vers Dieu et s'unir à lui.

 

La vie religieuse, c'est la vie privée de Notre-Seigneur se dévouant à son Père céleste. C'est lui l'unique reli­gieux par soi; tous les autres ne le sont que par lui; il est notre chef.

 

1 Jn 2.16-1 Jn 2.17

Par les voeux de religion, nous nous élevons au-dessus des trois concupiscences dont parle saint Jean : concupiscentia carnis (chasteté), concupiscentia oculorum (pauvreté), superbia vit³ (obéissance).

 

 

 

Par l'émission de ces voeux, le religieux reçoit grâce pour les accomplir, et commençant de suite son sacri­fice, il l'achèvera avec sa vie. Heureux celui que Dieu appelle à la vie religieuse!

 

 

 

  Vie apostolique. Elle suppose déjà la perfection religieuse; elle suppose que l'on a accompli le sacrifice de soi-même à Dieu pendant son noviciat, afin d'être libre ensuite de s'occuper des autres et de les amener à Dieu.

 

 

 

Lorsque l'homme apostolique fait ses voeux, ils opèrent en lui des effets surnaturels, de telle sorte que le sacrifice qu'il fait de lui-même est de suite complet, Dieu venant y apposer le cachet de sa grâce. C'est comme s'il disait : “ Tu viens pour te donner tout à moi, eh bien  je t'accepte, maintenant, tu n'auras plus proprement [ 709 ] à penser à toi mais je vais t'employer pour les autres, selon que bon me, semblera, et c'est en accomplissant ainsi ma volonté que tu avanceras toi-même en sainteté, en travaillant pour le salut des autres. ” Comme un père, qui ne pense qu’à thésauriser pour ses enfants, s'enrichit ainsi lui-même par le fait, de même le missionnaire fidèle, en se consacrant tout entier et en travail­lant saintement au salut des âmes, s'enrichit lui-même de trésors de sainteté et de mérite.

 

 

 

Jn 17.19

Mais pour obtenir ce résultat, il faut. qu'avant de commencer la vie apostolique, on soit saint soi-même, c'est-à-dire tout dévoué pour faire la volonté de Dieu selon cette parole de Notre-Seigneur : Pro eis sanctifico meipsam- En effet, un6 fois entré en exercice de la vie apostolique, ce n'est plus le temps de s'occuper direc­tement de soi-même, mais il faudrait être alors tout dévoué aux âmes pour lesquelles Dieu nous envoie.

Lv 20.8.

LV 21.8.15

Lv 22.9.16.

et 32

Jn 17.9

 

 

 

Ne craignons rien; en nous envoyant Dieu pourvoit à tous nos besoins; c'est sur lui qu'il faut compter alors pour notre sanctification. Il a prié pour les apôtres d'une manière spéciale, afin que la grâce divine opérât en eux, pourvu qu'ils fussent fidèles. Ego pro eis rogo, non pro mundo ro-go. Le monde doit travailler lui-même à sa propre sanctification, mais les apôtres n'ont pas à s'inquiéter à ce sujet; la sainteté leur sera donnée gratuitement et avec surabondance, pourvu qu'ils soient . fidèles, afin qu'ils la distribuent aux autres. C'est ainsi que Joseph fut établi chef de tous. les blés de l'Égypte pour pourvoir aux besoins du peuple. Nous n'aurons donc pas à nous inquiéter après le noviciat.

 

 

 

Mais maintenant, ne l’oublions pas, nous travaillons pour nous exclusivement. Après notre sortie, nôtre sain­teté grandira par notre zèle et notre dévouement,. si nous savons les déployer selon les desseins de Dieu et les règles de l'Institut.

 

 

 

Pendant le noviciat, c'est: comme une barque qui va un peu à la rame. Puis, en devenant apôtre, on s’avance en mer, et il y a à tendre la voilure, parce que c’est désormais un vaisseau à magnifique chargement. Alors les apôtres  sont encore dans le monde, mais ne sont pas [710] du monde. Cependant, pour que nos missionnaires aient aussi la grâce extérieure qui, les fortifie contre le monde extérieur, nous avons la vie de communauté, qui met à l'abri des écueils extérieurs du monde, comme la grâce de Notre-Seigneur met à l'abri contre l'esprit du monde. Cette vie de communauté a été adoptée dans la Congrégation comme chose essentielle, dans la vue expresse de prémunir les missionnaires contre les dangers extérieurs et pour les maintenir dans la ferveur religieuse qui donne la vie a l'apostolat.

 

Dernière Conférence. - Esprit apostolique (suite).

 

 

 

Le chrétien doit reproduire Notre-Seigneur dans sa vie apparente; et le religieux, dans sa vie intime et dans ses rapports avec son Père: Le religieux se donne tout à Dieu, mais pour jouir de Dieu. L'homme apostolique s'est donné tout à Dieu. sans même chercher à jouir de Dieu, Mais uniquement dévoué à son service, il sacrifie là jouissance de Dieu pour servir ce même Dieu.

 

 

 

Ce à quoi nous devons donc nous former, nous laisser former par Notre-Seigneur, c'est le sacrifice continuel de nous-mêmes par l'amour que Dieu nous donnera pour cela.

 

 

 

Ph 2.8

Ce n'est que par le sacrifice de nous-mêmes que nous ferons .'la volonté de Dieu, ainsi que Notre-Seigneur, factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis.

 

 

 

 

Il faut être un instrument souple dans les mains de Dieu; un instrument se fatigue, se jette de  s'ébrèche, se brise et n'a rien à dire. Que l'instrument soit bon ou mauvais, qu'il réussisse ou non, cela ne le regarde pas, mais son maître; l'instrument doit être usé de la manière dont le voudra son maître, et c'est tout; il ne doit vouloir faire ni plus ni moins que son maître ne le veut.

 

 

Jn 8.29

Notre-Seigneur n'a jamais fait que la volonté de son Père, qu³ placita sunt ei facio semper, soit qu'il fît du bien, soit qu’on lui fit du mal; il était toujours soumis et ne voyait en tout que la volonté du Père céleste, qui s'occupait sans cesse de lui activement et [711 ] déterminait toutes les circonstances, auxquelles Notre-Seigneur s'accommodait toujours. Par exemple, pourquoi trente années de vie cachée, lui qui pouvait prêcher si bien et convertir tant de monde? Pourquoi se renfermer dans Israël, tandis qu'il eût pu conquérir le monde par lui-même? Pourquoi ces tracasseries et persécutions con­tinuelles de la part des Juifs? Pourquoi enfin la croix? A cause de la volonté de son Père. Tout, absolument tout, sans exception, rentre dans le cadre, dans la volonté du Père céleste, soit que nous la comprenons, soit que nous ne la comprenions pas; c'est à cette soumission aveugle qu'est accordée la lumière de la vérité; et si jamais on. a dévié tant soit peu, c'est qu'on a manqué de souplesse et de soumission à la volonté divine.

 

 

 

A cette souplesse se rattachent l'humilité, le zèle, la constance, la prudence, enfin tout l'esprit de Dieu dont nous sommes les instruments et qui nous conduit divinement. A la fin de son noviciat, on n'est pas encore parfait; mais il faut avoir commencé à pratiquer un peu toutes les Vertus; et Dieu, au service duquel nous nous vouons, fera le reste, avec de la vigilance de notre part.

 

 

 

Notre état doit être effectif plutôt qu'affectif. Tout dévoués au prochain un jour, nous n'aurons pas le temps de nourrir notre âme de ces caresses et douceurs spirituelles. Le bon Dieu nous donnera la mesure voulue de consolation et de force; mais nous ne devons compter que sur l'amour fort et agissant. Tel est le missionnaire; il ne doit nullement se déconcerter et croire qu'il fait mal, parce qu’il n'éprouve pas de suavités tendres. Soyons de mâles et vigoureux soldats à son service, nous oubliant nous-mêmes et ne respirant que sa gloire et le salut des âmes. Ainsi soit-il !

 



[1] Le Vénéré Père, dans son pèlerinage à Lorette, se trouvait fatigué au pied d'une montagne; il frappe du bâton en disant : qu'est ce que cela signifie? Prend l'élan, et arrive au haut, sans avoir ressenti de peine. (Raconté par lui-même.)


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