Retour

 

INSTRUCTIONS

SUR L'ORAISON

 

 

PREMIÈRE INSTRUCTION : UTILITÉ DE CES ENTRETIENS. 1

1 - UTILITÉ POUR L'ORAISON.. 1

2 - UTILITÉ POUR LA DIRECTION DES ÂMES. 2

DEUXIÈME INSTRUCTION : QU'EST-CE QUE L'ORAISON ?. 2

1 - IDÉES GÉNÉRALES. 2

2 - NOTION DE L'ETAT D'ORAISON EN GÉNÉRAL.. 3

TROISIÈME INSTRUCTION :  IMPORTANCE DE L'ORAISON.. 4

1 - FIN DE NOTRE CRÉATION.. 5

2 - COMMENT DIEU NOUS A CRÉÉS POUR OBTENIR CETTE FIN.. 5

2 - ÉLOIGNEMENT OU NOUS SOMMES ACTUELLEMENT DE NOTRE FIN.. 6

QUATRIÈME INSTRUCTION : FRUITS DE L'ORAISON.. 7

CINQUIÈME INSTRUCTION : DES DIVERS GENRES D'ORAISON.. 8

SIXIÈME INSTRUCTION : DE L'ORAISON MENTALE.. 10

SEPTIÈME INSTRUCTION : DE LA PRÉPARATION A L'ORAISON.. 11

HUITIÈME INSTRUCTION : DE L'ADORATION.. 13

NEUVIÈME INSTRUCTION : DE LA CONSIDÉRATION.. 15

DIXIÈME INSTRUCTION : DU RETOUR SUR SOI-MÊME. 17

L'EXAMEN.. 17

LES RÉSOLUTIONS. 18

LA DEMANDE.. 18

ONZIÈME INSTRUCTION : CHOIX DU SUJET ET SON APPLICATION.. 19

 

 

PREMIÈRE INSTRUCTION : UTILITÉ DE CES ENTRETIENS

 

1 - UTILITÉ POUR L'ORAISON

 

On apprend 1° à connaître ce que c'est que l'oraison. Un des grands empêchements au progrès des âmes dans ce saint exercice, est le peu de connaissance qu'on en a. On ne connaît pas ce que c'est que l'oraison, au moins on n'en a qu'une idée superficielle, une idée du commence­ment et non de son progrès. On ne connaît pas les difficultés qui s'y rencontrent et, par conséquent, on est surpris et arrêté à tout instant sans que l'on sache pourquoi. On ne sait quels moyens employer pour surmonter ces difficultés, ni non plus ceux à prendre pour avancer dans ce saint exercice, ni les illusions qui s'y rencontrent et les moyens de les surmonter, ni les empêchements qui nous viennent par ailleurs et les moyens de les vaincre.

 

On apprend 2° à connaître la conduite de Dieu envers nous dans l'oraison, et la conduite que nous devons tenir à son égard dans ce même exercice, afin d'en retirer un véritable profit pour le bien de nos âmes, et pour nous rendre agréables devant lui. En voyant toutes les bontés de Dieu à l'égard de nos âmes, et les moyens qu'il emploie pour notre sanctification, nous nous remplissons d'amour à son égard, et c'est un des grands fruits de ces instructions, ainsi que le recueillement, la dévotion, et un vif désir d'être fidèles à tant de bontés. Nous apprenons en même temps comment nous y prendre pour être fidèles, en nous instruisant des différents moyens à employer à cet effet dans l'oraison.

 

Nous apprenons  3° aussi à connaître quelque chose des immenses richesses et des grâces que Dieu répand dans nos âmes en ce saint exercice. Cela nous donne un grand désir de nous y appliquer de toutes nos forces, un goût très grand pour cet exercice, et un grand courage pour surmonter toutes les difficultés et employer tous les moyens pour avancer.

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

2 - UTILITÉ POUR LA DIRECTION DES ÂMES

 

1° Pour bien diriger, même des âmes communes, on a besoin de connaître les voies intérieures de l'oraison, à plus forte raison cette connaissance est-elle nécessaire pour les âmes qui ont le désir d'avancer.

 

2° On a besoin d'avoir une idée des opérations de la grâce dans les âmes, et des différents états intérieurs par lesquels et dans lesquels Dieu agit en elles.

 

3° On a besoin d'apprendre à discerner, dans les états et dans les dispositions, ce qui est de Dieu de ce qui est de la nature.

 

4° On a besoin de connaître les influences des caractères et du naturel, pour se faire une idée juste des principaux effets des différents naturels.

 

5° Il faut apprendre à connaître les obstacles et les difficultés que les âmes rencontrent dans l'oraison, afin de les prémunir contre.

 

6° Il faut avoir une idée de l'action du démon dans les différents états d'une âme.

 

7° On a besoin de savoir ce que c'est que l'intérieur d'un homme; on apprend à y avoir accès, et à démêler les différentes choses qui s'y passent.

 

8° On apprend soi-même la manière de s'y prendre pour connaître une âme et pour la conduire.

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

 

 

DEUXIÈME INSTRUCTION : QU'EST-CE QUE L'ORAISON ?

 

 

1 - IDÉES GÉNÉRALES

 

On peut donner à l'oraison plusieurs noms, selon les différentes manières de la faire. En voici quelques-uns qui en font connaître la beauté et la perfection.

 

1° C'est une application de l'âme à Dieu : celle-ci quitte les objets créés, s'en désoccupe, se tourne vers Dieu et y applique ses puissances.

 

2° C'est une tendance de l'âme vers Dieu : l'âme s'appliquant à Dieu, tend vers lui lorsqu'elle ne le possède pas selon son désir et en tant qu'elle ne le possède pas. Les âmes intérieures doivent comprendre qu'il y a plusieurs manières de tendre vers Dieu, et qu'il y en a qui ne sont pas bonnes.

 

3° C'est une union de l'âme à Dieu : l'âme s'appliquant à Dieu, s'unit à lui lorsqu'elle le possède.

 

4° C'est une communication de l'âme avec Dieu : communication de la part de Dieu qui verse ses grâces et ses perfections dans l'âme; communication de la part de l'âme qui se verse et se répand devant Dieu ou en Dieu, et cela soit par entretien, soit par épanchement, et en ce cas c'est une fusion de l'âme en Dieu. Ces deux manières se font encore de façons différentes, comme les âmes d'oraison doivent facilement le concevoir.

 

5° C'est un rapport intérieur de l'âme avec Dieu. Pour que cette communication puisse se faire, soit par voie d'entretien, soit par voie d'épanchement ou fusion, il faut qu'il y ait rapport actuel et réciproque de Dieu et de l'âme, et plus ce rapport sera intérieur et spirituel, plus cette communication sera parfaite. Exemple : deux anges veulent se communiquer l'un à l'autre, ils se mettent en rapport être à être, c'est là leur langage. Deux hommes veulent se communiquer leurs pensées et sentiments, ils se parlent; mais s'ils n'ont d'autres rapports que leurs paroles, leurs communications seront nulles ; s'il y a au contraire rapport intérieur, leurs relations seront efficaces, parce qu'il se fait une communication. Par conséquent, Dieu étant esprit pur, plus y a rapport spirituel et pur, plus y a communication. Spiritus est Deus, et in spiritu et veritate oportet adorare.

 

6° C'est un abandon et un anéantissement de tout soi-­même devant Dieu ou en Dieu : c'est là qu'on rend à Dieu les devoirs de religion d'une manière très parfaite.

 

 

 

2 - NOTION DE L'ETAT D'ORAISON EN GÉNÉRAL

 

L'oraison est une position surnaturelle de l'âme, par laquelle elle se dirige vers Dieu et s'unit à lui pour lui rendre ses devoirs, recevoir ses communications et se rendre agréable devant lui.

 

1° C'est une position de l'âme : par là on indique la manière d'être de l'âme vis-à-vis de Dieu. Cette position ou manière d'être varie selon la diversité des états d'oraison de chacun.

 

Pour faire véritablement oraison, il faut se mettre dans son état; si on adopte une autre manière on court risque de n'en jamais faire. Pour connaître notre état nous n'avons qu'à être attentifs à la position et manière d'être intérieure de notre âme, dans les moments de recueillement et de ferveur. Nous verrons ordinairement une grande uniformité, et c'est là l'état où notre âme doit se mettre quand elle veut faire oraison. Cet état change à mesure que nous avançons dans la vie intérieure. Souvent il ne change pas, mais se perfectionne.

 

On dit une position et non un acte passager, comme serait une oraison jaculatoire, un mouvement d'amour, de louanges, etc. Ces choses tiennent à l'oraison et y appartiennent, comme tout acte de vertu bien pratiquée y appartient; mais on ne peut pas appeler cela oraison proprement dite, bien qu'on y trouve un grand secours pour l'oraison. Plus une âme fait de progrès dans l'oraison, plus cette oraison devient persévérante.

 

2° C'est une position surnaturelle: dans laquelle, par conséquent, on ne peut pas se mettre par soi-même, mais par la grâce de Notre-Seigneur, et tout ce qui s'y opère se fait aussi par le secours de l'Esprit-Saint. Ainsi, étant même en oraison, nous ne pouvons nous diriger, nous unir à Dieu, etc., sans le secours de cette grâce. Aussi ne faut-il jamais vouloir se confier en soi-même, en sa fidélité et en son action propre, mais mettre toute notre confiance en Notre-Seigneur. Plus il y a de l'action du Saint-Esprit dans notre oraison, plus elle est parfaite.

 

3° C'est une position de l'âme : l'oraison réside dans l'âme; la composition du corps aide un peu, il ne faut pas la négliger, mais ne pas y attacher trop d'importance. Ce qui importe grandement, c'est de prendre une bonne position intérieure et spirituelle.

 

4° Par l'oraison l'âme se dirige vers Dieu, et c'est là le premier pas qu'elle fait. L'oraison est une voie dans laquelle l'âme se dirige vers Dieu, une voie qui la mène directement à lui. Chacun a sa voie propre, et pour aller à Dieu il faut qu'il y entre. Voilà pourquoi, pour faire une action sainte, il faut se mettre en oraison, il faut la faire en esprit d'oraison. Voilà pourquoi aussi la vie d'oraison doit nous être familière tout le jour, et alors en toutes ses actions, même indifférentes par elles-mêmes, l'âme se dirige vers Dieu, et par là les rend saintes.

C'est ce qui explique pourquoi les âmes intérieures, habituées à vivre dans une oraison con­tinue, sont agitées et en troubles et peines, dès qu'elles ne se trouvent plus dans leur voie; elles ressemblent à un membre disloqué. Etant en sa voie, on a son repos en Dieu ; hors de sa voie, on ne peut plus se diriger vers lui. Si les commençants ne se troublent pas pour être ainsi hors de leur voie, c'est qu'ils n'ont pas l'habitude de cette vie de Dieu, et sont encore répandus dans les créatures et en eux-mêmes.

 

5° Par l'oraison l'âme s'unit à Dieu : c'est là le fond de l'oraison. La direction de l'âme vers Dieu aboutit à l'union; ce n'est que pour cela qu'elle se dirige vers lui. Cette union fait que toutes les puissances de l'âme jouissent de Dieu. L'âme, tout en se dirigeant et en tendant vers Dieu, s'unit à lui, et tout en s'unissant à Dieu se dirige et tend vers lui; cela vient de ce que cette union n'étant jamais parfaite sur la terre, l'âme se dirige et tend vers Dieu pour s'unir davantage et en tant qu'elle ne l'est pas. Cependant il y a des états où l'âme ne semble plus tendre ainsi vers Dieu, mais où elle ne fait que le posséder et en jouir dans son union intime et intérieure.

 

6° L'âme s'unit à Dieu pour lui rendre ses devoirs. Il n'y a pas de véritable union à Dieu quand l'âme ne rend pas ses devoirs, soit d'une manière exprimée, soit par un silence d'adoration. Ces devoirs varient selon la variété des rapports que Dieu met entre lui et l'âme. L'une sera dans l'anéantissement de la créature, l'autre dans l'humiliation d'un serviteur; celle-ci dans l'amour soumis d'un enfant, celle-là dans l'amour familier d'une épouse; mais toutes sentiront qu'elles sont devant leur souverain Créateur, et agiront en conséquence.

 

7° L'âme s'unit à Dieu pour recevoir ses communications : c'est la grande merveille de l'oraison. Dieu nous y communique sa puissance, sa lumière, son amour; il nous y donne ses perfections, ses grâces et ses dons.

 

    8° L'âme s'unit à Dieu pour se rendre agréable devant lui : c'est une fin de l'oraison qu'il ne faut jamais négliger. Une oraison qui ne tend pas à nous rendre meilleurs et plus agréables à Dieu, n'est pas une véritable oraison.

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

 

TROISIÈME INSTRUCTION :  IMPORTANCE DE L'ORAISON

 

L'Oraison est pour nous de la plus haute importance, et nous devrions y employer autant que possible toute notre vie. Tout le temps que nous passons hors de l'oraison est au moins un temps perdu, un temps employé d'une manière opposée à la sainte volonté et aux desseins de Dieu sur nous. Aussi l'état et la vie des saints étaient un état et une vie d'oraison continuelle.

 

Pour faire voir la vérité de cela, il suffit de montrer la fin que Dieu s'est proposée dans notre création; comment il nous a créés pour atteindre cette fin ; combien nous sommes naturellement éloignés de cette fin et opposés aux desseins de Dieu sur nous; et enfin que l'oraison est la voie qui nous conduit à cette fin, dont nous sommes sortis.

 

 

 

 

1 - FIN DE NOTRE CRÉATION

 

Dieu nous a créés pour nous unir à lui, pour que nous lui rendions les devoirs qui lui sont dus, et pour nous communiquer sa vie et ses perfections divines.

 

L'homme devait être en rapport avec les créatures, mais il ne devait y voir que Dieu seul, ne l’appliquer en elles qu'à Dieu seul et n'y jouir lue de lui. Tel a été l'état d'Adam dans son innocence.

 

Nous devons mener cette vie, non pas seulement par moment, mais tous les instants; et tous les soupirs de notre vie doivent être en Dieu, pour jouir de lui, pour l'honorer, et pour avoir sa vie en nous. Or, cela n'est rien autre chose qu'une oraison continuelle.

 

 

 

 

2 - COMMENT DIEU NOUS A CRÉÉS POUR OBTENIR CETTE FIN

 

Pour que nous fussions capables de nous appliquer et de nous unir véritablement à Dieu, et de recevoir la communication de sa vie et de ses perfections divines, divinae consortes naturae, il a fallu que nous fussions créés à son image et à sa ressemblance.

 

Voilà pourquoi il nous a donné trois puissances spirituelles, qui sont dans notre âme et la Composent, et chacune d'elles est en rapport avec sine des trois personnes divines. La première, qui est le fond de notre âme, la principale puissance, elle qui donne le mouvement aux autres, est ce qu'on appelle la mémoire ; la seconde est l'intelligence; la troisième, la volonté, est la puissance par laquelle nous aimons.

 

Ces trois puissances par elles-mêmes sont vides : ce ne sont que des capacités qui ne sont rien en elles, elles ont besoin d'avoir recours à un objet étranger pour se remplir; c'est là une disposition d'une bonté admirable. La très sainte Trinité voulant se répandre dans nos âmes et les remplir elle-même, les a créées une pure et simple capacité. D'où il suit que notre âme, avec toutes ses puissances, doit tendre sans cesse vers Dieu, pour trouver en lui sa vie et son unique subsistance, ce qui ne peut se faire que par l'oraison. De cette nécessité où est notre âme d'avoir de quoi se rassasier, et de cette faim continuelle qu'elle a dès qu'elle est abandonnée à elle-même, résulte encore une tendance très puissante pour chacune des puissances, par laquelle elles se portent vers l'objet qui doit les rassasier.

 

De là procèdent les trois vertus par lesquelles notre âme s'unit à Dieu, et qui renferment toute sa perfection: c'est l'espérance pour la première puissance. Par elle-même cette puissance ne donne pas la possession de l'objet à l'âme, mais elle tend vers l'objet qu'elle veut posséder et y applique son intelligence, par laquelle elle acquiert la possession. Et c'est cette seconde puissance de l'âme qui s'applique à Dieu par la foi, et possède Dieu qu'elle espérait par la première puissance. Fides est sperandarum substantia rerum.

 

L'intelligence étant remplie de la lumière divine, et l'âme possédant Dieu par la foi, elle applique sa volonté pour embrasser, aimer et jouir de cet adorable objet, et c'est là la charité, lui est au-dessus de tout, parce qu'elle met le omble à toute la perfection. Elle suppose les deux premières vertus, elle leur communique mie force nouvelle, elle augmente l'espérance, rend l'âme plus désireuse de posséder le divin objet de son amour, qui ne sera jamais possédé dans sa perfection sur cette terre, et procure à l'intelligence des lumières plus vives et plus intérieures, et, par conséquent, augmente et agrandit sa possession. Tout cela ne peut se faire que par l'oraison, mais tout cela est nécessaire; il est donc indispensable que nous fassions oraison et que nous y vaquions continuellement.

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

 2 - ÉLOIGNEMENT OU NOUS SOMMES ACTUELLEMENT DE NOTRE FIN

 

Outre cette âme que Dieu a créée à son image et à sa ressemblance, il nous a donné un corps qu'il a uni à l'âme. De cette union du corps et de l'âme résultent autant de facultés très sensibles que nous avons de puissances spirituelles dans l'âme ; et ces facultés sensibles sont en rapport avec les sens extérieurs du corps, de façon que l'âme, par le moyen des sens extérieurs, se met en rapport avec les objets sensibles qui sont hors d'elle ; et les sens intérieurs, qui sont en rapport avec les facultés spirituelles, expérimentent certaines impressions par le moyen des sens extérieurs et les transmettent à l'âme.

 

Outre cela, il y a en nous une puissance à part, l'imagination, laquelle est en rapport sensible avec toutes les facultés de l'âme, et sert à les mettre en rapport sensible avec les objets éloignés et que les sens extérieurs ne peuvent atteindre.

 

Pour compléter l'harmonie entre notre âme et notre corps, il y a dans nos sens grossiers trois instincts qui répondent aux trois tendances et besoins spirituels de l'âme.

 

Dans l'origine, l'âme jouissait directement de Dieu, était unie à lui par ses trois puissances, c'est-à-dire par les trois vertus par lesquelles elle tendait vers lui et le possédait et en jouissait. Elle transmettait ce qu'elle recevait avec abondance dans ses parties inférieures, et de là dans les instincts du corps. De cette manière, tout était plein de Dieu dans l'homme, et, dans ses rapports avec les autres créatures, il ne jouissait que de Dieu, qu'il y cherchait et qu'il y voyait.

 

Par le péché, l'homme s'est séparé de Dieu, et Dieu, pour le punir, l'a abandonné à lui-même. Aussitôt il s'est fait sentir un vide affreux, et ce vide se fait sentir encore maintenant : Irrequietum est cor nostrum donec requiescat in te. L'âme n'a rien pour elle et en elle. Elle. tenait à Dieu par les trois vertus; elle a interrompu sa tendance vers Dieu, elle ne peut plus retrouver le chemin. Que faire? D'un côté l'âme est vide par elle-même, affamée et dans un besoin très grand; d'un autre côté les sens veulent être satisfaits, eux aussi, et l'âme réduite à la misère n'a rien à leur donner. Il résulte de là que les sens se satisfont par les instincts de la chair, et que l'âme s'y abandonne aussi.

 

De là l'âme, au lieu de tendre vers Dieu par la charité, la foi et l'espérance, tend vers les créatures par l'amour des plaisirs, des richesses et des honneurs. Il résulte de là qu'il est au moins bien difficile, dans notre état de péché, d'agir selon Dieu, de répondre à la fin qu'il s'est proposée en nous créant, toutes les fois que notre âme ne lui est pas unie par les trois vertus. Et comment tendre vers Dieu sans l'oraison, puisque l'oraison n'est rien autre chose que cette voie ou cet état dans lequel l'âme se dirige vers Dieu pour s'unir à lui. Par là on peut voir combien il est important que nous acquérions cet esprit d'oraison, par lequel l'âme contracte l'habitude de se diriger vers Dieu sans que cela lui coûte.

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

 

QUATRIÈME INSTRUCTION : FRUITS DE L'ORAISON

 

Cette instruction a une double fin : 1° De nous faire embrasser avec ardeur la vie d'oraison; 2° de nous aider à discerner si notre oraison est bonne, car arbor bona bonos fructus facit.

 

Voici quels sont les fruits de l'oraison

 

Premier fruit. - Elle produit dans notre âme la paix et la joie. La paix provient de ce que notre âme est en rapport avec son Dieu, ce qui lui donne nécessairement la paix. La joie est produite par les impressions intérieures de la grâce divine que nous recevons dans cette union de notre âme à Dieu. Ces impressions étant la véritable nourriture de notre âme, elles y produisent une certaine abondance intérieure et une satisfaction parfaite.

 

La paix est plus ou moins profonde, plus ou moins solide, selon le plus ou moins d'avancement de notre oraison ; car, plus notre union à Dieu est intime, plus cette paix est intérieure et forte. La joie est aussi plus ou moins sensible, selon le plus ou le moins de sensibilité dans l'oraison. Cette paix et cette joie nous font marcher avec allégresse et contentement de cœur dans les voies de Dieu, ce qui n'est pas une petite chose.

 

Deuxième fruit. - L'oraison vide peu à peu notre âme des créatures et d'elle-même, et produit en elle du mépris pour tout ce qui n'est pas Dieu. Une âme véritablement établie dans l'oraison n'a de goût que pour Dieu, et, lorsqu'elle se laisse aller à des goûts étrangers, elle peut conclure qu'elle est sortie de son oraison.

 

Cela vient de trois causes :

1° A mesure que notre âme prend l'habitude de se mettre en rapport avec Dieu, elle cesse d'être en rapport avec les créatures : Nemo potest duobus dominis (Saint Math.).

 

2° Notre âme, dans l'oraison, prend goût aux impressions divines; elle apprend la différence qu'il y a à jouir de Dieu et à jouir des créatures; elle sent bien facilement que toutes les fois qu'elle se laisse aller aux créatures, elle ne peut jouir de Dieu, et elle prend ainsi peu à peu de l'indifférence pour ce qu'elle avait tant aimé auparavant.

 

3° Dieu se communique à l'âme dans l'oraison; il l'attire à lui fortement et la remplit de lui-même et de ses dons, et par là repousse et chasse devant lui toute affection aux créatures, pour attirer à lui et pour pénétrer dans cette âme qu'il veut posséder. Dans l'oraison, les impressions de la grâce sont très fortes et prennent facilement le dessus sur les impressions des créatures.

 

Troisième fruit. - L'oraison apprend la pratique véritable et parfaite des vertus les plus sublimes, comme le prouve l'expérience des saints.

En premier lieu, elle nous les fait connaître dans la mise en pratique, et d'une manière pratique et applicable à notre état. En second lieu, elle provoque en nous le désir de les pratiquer et l'exécution même, par. le goût, la forte impulsion et le courage qu'elle nous donne à cet effet.

 

Quatrième fruit. - Par l'oraison nous obtenons de grandes lumières sur les choses divines, soit sur les divines perfections, soit sur la personne, les états et les mystères de Notre-Seigneur, ce qui donne à nos âmes un grand perfectionnement; soit quant à la volonté de Dieu sur nous ; soit sur le fond intérieur de notre âme, sur nos défauts, nos imperfections ; soit sur la conduite à tenir dans les différentes circonstances, pour être fidèle à Dieu et pour agir avec la prudence chrétienne et selon Dieu, envers les autres hommes et dans les occasions difficiles ou dangereuses où nous nous trouvons; soit même sur l'intérieur et la conduite des autres, sur leur voie spirituelle, sur l'action de Dieu en eux, sur leurs fidélités et infidélités, sur leurs vertus et leurs défauts, sur les moyens à employer, et sur une foule de choses de ce genre. Cette lumière n'est pas comme celle qui s'acquiert par le travail et la recherche de l'esprit et de la science; elle nous est imprimée dans le fond intime de notre âme et produit en nous les mêmes effets que toute autre grâce : la joie, la paix, la douceur, la force, l'union à Dieu.

Outre cette lumière qui renferme en elle la sagesse, la science, etc., Dieu nous communique dans l'oraison les autres dons du Saint-Esprit, plus ou moins, selon la volonté de Dieu, mais infailliblement, la lumière étant un don insépa­rable de l'oraison.

 

Cinquième fruit. - L'oraison réforme les défauts de caractère. Voulons-nous savoir si nous avons fait un véritable progrès dans l’oraison, voyons si nos défauts diminuent sensiblement.             Les défauts naturels ne tiennent pas contre une véritable oraison. La raideur, la vivacité, la précipitation, la nonchalance, la légèreté, la mélancolie même, cèdent peu à peu, et on finit par s'en débarrasser presque entièrement; si on fait de grands progrès, il n'en reste plus rien.

 

Sixième fruit. - Elle perfectionne enfin les facultés naturelles, de manière que notre amour­ propre même serait intéressé à bien faire oraison.

 

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

 

 

 

 

 

CINQUIÈME INSTRUCTION : DES DIVERS GENRES D'ORAISON

 

 

Quoique les voies soit différentes, il y a cependant certaines manières générales et principales qui sont communes à plusieurs et qui les renferment toutes. A mesure que l'âme se perfectionne dans les voies intérieures, elle avance et monte par les différents degrés d'oraison.

 

Voici une idée de la progression : D'abord, l'âme une fois attirée par la grâce et désireuse de connaître Dieu et de s'attacher à lui, se met sérieusement à le chercher. Dans cet état, l'âme qui a l'habitude d'opérer uniquement par les sens. dans lesquels elle est tout entière, ne cherche, quand elle est ainsi touchée par la grâce, et ne peut chercher Dieu que par les sens. Elle serait absolument incapable d'aller à lui d'une manière purement intellectuelle. On verra toujours au contraire que ceux qui se livrent habituellement au travail de l'esprit dans les choses de la vie, ont besoin d'agir davantage dans leur oraison par l'esprit. Ceux enfin qui opèrent par l'imagination réussiront quelquefois dans leur oraison par un travail de l'imagination, et ainsi des autres manières et habitudes.

 

Il faut observer cependant que lorsque les âmes, dans leur manière intellectuelle d'agir, ont un défaut considérable et d'habitude, cela devient aussi pour elles un très grand obstacle à l'oraison. Prenons, par exemple, celui qui serait dans l'habitude d'agir surtout par la voie de raisonnement dans tout l'usage de la vie. Dans son oraison (je Veux dire à son début) il agira par le raisonnement. Si, dans l'usage de la vie, il n'avait pas de défaut mêlé dans cette façon d'agir, alors son oraison ne souffrirait pas de grandes difficultés; la grâce le touchant, elle le prendrait par le raisonnement et le ferait raisonner saintement. Une fois que son âme avancerait dans sa voie intérieure, elle quitterait peu à peu le raisonnement pour entrer dans des voies plus élevées ; et c'est à quoi il faudrait l'aider, sans vouloir lui faire quitter aussitôt la voie du raisonnement.

 

Si au contraire cette âme a des défauts dans l'action; si son esprit, par exemple, est porté à subtiliser en toutes choses, à examiner tout avec une logique rigoureuse, se tenant trop dans la forme, alors l'action de la grâce sur cet esprit sera entravée, et les difficultés deviendront grandes, parce que, dès qu'il voudra commencer son oraison, les défauts paraîtront.

 

I1 ne faut pas vouloir de suite mener les âmes à une oraison trop élevée : elles en sont généralement incapables. Ainsi, il ne faudrait pas d'abord engager dans l'oraison purement intellectuelle une âme qui, dans l'habitude et l'usage ordinaire de la vie, s'appliquerait aux choses d'une manière sensible et par le moyen des sens. I1 en résulterait qu'en voulant s'occuper de Dieu d'une manière intellectuelle, elle resterait dans une certaine nullité d'action par rapport à Dieu, tandis qu'en attendant, les sens opéreraient naturellement et l'âme s'y laisserait réellement entraîner.

Dans ce commencement, l'âme habituée à la vie, à l'occupation et à la jouissance des créatures, a besoin d'un effort et d'un point d'appui pour s'élever à Dieu; elle n'y va pas directement, parce qu'elle est dans l'habitude d'être dirigée vers elle-même et vers les autres créatures, et d'en être ordinairement occupée. Il lui faut un moyen indirect pour arriver jusqu'à Dieu. Ce moyen, c'est la considération d'un objet pieux, d'une vérité, etc. Par là elle trouve de quoi se fixer et s'arrêter aux choses divines. Elle conserve toujours son fond d'inclination vers les créatures, et ne conçoit même pas encore ce que c'est que de les quitter, mais elle trouve par le moyen qu'elle emploie facilité de s'en détourner pour un moment, et s'en détourne afin de s'occuper de Dieu. La grâce de Dieu l'aide et elle s'élève à lui, produit des résolutions, de bons sentiments et de bonnes dispositions.

Dans cet état, l'important et la marque d'une bonne oraison est que l'âme prenne de fermes et de sérieuses résolutions, parce que toute son oraison doit tendre principalement à la détacher de ses affections aux choses créées, à lui donner des inclinations opposées à celles qui la remplissent, et à lui imprimer l'habitude d'être vis-à-vis de Dieu ce qu'elle est aux créatures et à elle. Etant si imparfaite, il faut qu'elle se corrige afin d'avancer davantage.

En outre, quand l'oraison est bonne, l'âme est unie à Dieu, la grâce parle à son cœur, elle y est fidèle, et prend nécessairement de bonnes résolutions. Si véritablement elle a été ainsi unie à Dieu dans l'oraison, elle a aussi dû découvrir quelques-uns de ses défauts, dont elle est si pleine, et qui sont si sensibles. Si la grâce lui a parlé au cœur, nécessairement elle a dû la porter à un amour de Dieu plus parfait; elle a dû lui faire voir la vanité des choses de la terre ; elle a dû lui inspirer le désir d'une vie plus parfaite et plus agréable à Dieu ; et si l'âme a été fidèle à là grâce, elle a dû entrer dans de grandes résolutions par rapport aux choses qui lui auront été montrées.

Ce besoin que l'âme a de quitter ses inclinations aux créatures fait qu'elle est portée à faire ses oraisons sur les vertus. L'âme étant dans une habitude continuelle d'une vie surnaturelle, est obligée de se faire violence et de s'appliquer avec effort à la considération de cette vertu ou de cet objet pieux qui l'occupe et la dirige vers Dieu. Comme l'esprit, chez cette âme, est habituellement occupé de choses naturelles et d'une manière naturelle, il résulte de là qu'il n'est pas facilement pénétré des vérités de la foi, ni d'une manière surnaturelle, et qu'il a besoin d'un grand travail pour se convaincre de ces vérités. Il les connaît bien d'une manière superficielle, mais n'en est pas convaincu. Par suite de cette même désoccupation des choses divines, il arrive que la volonté, désappliquée de Dieu et appliquée habituellement aux bagatelles de la terre, n'a guère, de goût pour les choses divines, et ne s'y porté point avec ferveur. C'est encore là une raison pour laquelle l'esprit a besoin de travailler à se convaincre, afin de donner le branle à cette volonté assoupie et indifférente. Voilà pourquoi il est bon qu'on entremêle d'affections les opérations de l'esprit. Et c'est là ce qu'on appelle l'oraison mentale ou de méditation.

 

Lorsque l'âme est une fois bien convaincue des vérités éternelles et que la volonté s'y porte avec plus de force et de perfection ; ou lorsque, plus touchée par la grâce, l'âme se porte à Dieu avec plus de ferveur, ce qui peut arriver dès les commencements, si elle se donne généreusement à Dieu, alors le travail de l'esprit diminue. L'âme allant plutôt à Dieu par l'affection du cœur, elle n'a plus tant de détours, elle ne s'arrête plus tant aux vérités sur lesquelles elle médite, elle va plus vite et plus droit à Dieu.

 

Dans cet état, on a encore besoin assez souvent d'une vérité qui occupe l'esprit pour le convaincre et porter l'affection dans la volonté ; seulement c'est plus facile, et la volonté s'y porte plus vite. D'autres fois, on n'a presque pas besoin du travail de l'esprit pour se convaincre, et quelquefois il suffit d'envisager un sujet pour être dans de grandes affections. Tout cela dépend de la générosité avec laquelle on se détache des créatures et on se donne à Dieu, et de la ferveur de l'oraison, ce qui tient à la force de la grâce.

 

Il ne faudrait pas trop presser les âmes pour les éloigner de ce travail d'esprit. Tant qu'elles goûtent ce travail, et que cela les porte ainsi à l'affection, il convient de ne pas les inquiéter; quand le temps viendra, Dieu les en détachera peu à peu.

 

Dans cet état, comme dans le premier, on n'agit lue par les sens. Cela vient de ce que l'âme ayant été jusqu'à présent, et étant encore répandue en eux, n'agissant, ne recevant d'impressions que par eux, cette habitude la suit jusque dans les choses divines, et les grâces qu'elle reçoit lui sont communiquées de cette façon; même elle ne serait guère capable de les recevoir autrement. Cette dernière oraison s'appelle oraison d'affection.

 

Plus tard, quand elle est restée quelque temps dans un de ces états, elle se perfectionne et ses opérations deviennent peu à peu plus intérieures, plus pures et plus dégagées des sens. Alors Dieu se proportionne à l'état de cette âme il a fait tomber peu à peu ses défauts; il l'a détachée des choses créées pour se l'attacher à lui seul; il a purifié ses sens, perfectionné ses opérations, et ainsi l'a rendue capable de recevoir des impressions intellectuelles. C'est alors qu'il entre dans le fond le plus intime de cette âme, et que ses communications deviennent purement intellectuelles. C'est ce qu'on appelle la contemplation.

 

 

 

 

 

 

 

SIXIÈME INSTRUCTION : DE L'ORAISON MENTALE

 

L'oraison mentale de méditation est une application sensible de notre esprit à une vérité surnaturelle, pour s'en convaincre et se porter à l'aimer par le secours de la grâce, et devenir par là meilleur et plus apte à procurer la gloire de Dieu.

 

1° C'est une application de l'esprit à une vérité. L'objet qu'on se propose dans cette oraison est toujours une vérité, une perfection de Dieu, un vice ou un défaut, une des fins dernières, un mystère, etc. Toutes ces choses deviennent le sujet de l'application de notre esprit, qui médite, réfléchit et raisonne, pour en tirer quelque conclusion pratique, dont il cherche à se convaincre.

 

Cette application d'esprit ne se porte pas vers Dieu dont on considère la perfection, ni vers Notre-Seigneur dont on considère le mystère, mais sur la vérité en elle-même, et toujours en faisant abstraction de Dieu et de Notre Seigneur, quoique d'abord on ait commencé par considérer cette vérité en lui-même. Par intervalle, on produit bien quelque affection, mais l'esprit ne s'arrête qu'à la vérité, aux raisons qui nous obligent de la réduire en pratique, etc.

Dans cette oraison, c'est l'esprit qui travaille le plus, et c'est par le travail de l'esprit qu'on obtient le résultat de l'oraison. C'est pourquoi on appelle cette oraison méditation, parce que le fond, le principal et le plus important, est l'application de notre esprit à un sujet.

 

2° Une application sensible. Dans la contemplation, il y a aussi application d'esprit à un objet, mais ce n'est pas par le ressort des sens; on s'y porte d'une manière directe et simple, tandis que, dans la méditation, cela se fait par le moyen des sens, et les organes y sont employés fortement. C'est par voie de réflexion, eu comparant les objets et par raisonnement, que l'esprit agit dans la considération des vérités sur lesquelles il médite, au lieu que, dans les autres états d'oraison, où l'esprit agit par la considération directe et simple de l'objet en soi, comme dans la contemplation, ou par d'autres manières de considérer les choses, comme dans l'affective, le fond de l'oraison ne consiste en aucune façon dans cette considération.

 

3° La méditation doit se faire sur une vérité surnaturelle : autrement ce ne serait plus une oraison, celle-ci consistant toujours à diriger notre âme vers Dieu, soit directement, comme lorsque Dieu est l'objet direct de la méditation, soit indirectement, lorsque celle-ci porte sur une vérité qui mène à Dieu, comme sont les vérités surnaturelles. Une vérité est surnaturelle, soit par elle-même, comme l'Incarnation du Verbe, la nécessité de la grâce de Dieu, l'humilité chrétienne, etc., soit par la manière de la considérer, comme serait le bel ordre qui règne dans l'univers, considéré de façon à louer Dieu, à l'aimer, à être fidèle, etc., la mort considérée de façon a nous porter à la crainte de Dieu, etc.

 

4° La fin qu'on se propose dans l'oraison de méditation est triple La première est de se convaincre des vérités sur lesquelles on médite. La conviction est un point Capital de l'oraison de méditation; c'est à quoi il faut viser directement. On ne connaît point ces vérités, on les croit sérieusement, mais notre esprit n'en est point pratiquement pénétré, il n'en est pas sérieusement occupé; c'est pourquoi il a besoin de s'y appliquer fortement et de manière à s'en convaincre par ce moyen. Ordinairement, c'est sur une vérité connue qu'il doit méditer, afin d'opérer cette conviction intime, cette préoccupation pratique de cette vérité déjà admise.

 

La deuxième fin c'est d'arriver à aimer ces vérités. L'effet direct de la conviction intime de ces vérités, c'est de s'y attacher, de les aimer, de les goûter et de les savourer, lorsqu'il s'agit d'une vérité pratique pour notre âme, comme une vertu, un mystère; et si c'est une vérité qui, en elle-même, ne serait pas pratique, comme serait la mort, ce serait d'aimer et de goûter le résultat de cette vérité méditée.

La troisième fin de l'oraison de méditation et de la conviction, est de devenir meilleur c'est le fruit principal de cette oraison. L'âme ainsi convaincue de cette vérité, l'ayant ainsi appliquée à elle-­même et à ses besoins spirituels, et ayant excité en elle-même l'amour et le goût de cette vérité ainsi réduite en pratique, prend les résolutions convenables pour en devenir véritablement meilleure. Et cette amélioration doit être pour la gloire de Dieu, et non pour un motif ou pour une fin naturelle, parce que, si notre méditation ne tend pas vers Dieu, elle n'est pas oraison.

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

 

SEPTIÈME INSTRUCTION : DE LA PRÉPARATION A L'ORAISON

 

I1 est absolument nécessaire qu'on se prépare à l'oraison tant qu'on est dans l'état des commençants ; et même alors qu'on a atteint les degrés supérieurs, il faut toujours une certaine préparation, avec cette différence que, dans le premier cas, cette préparation exige un soin très particulier, tandis que, dans le second, elle est toute Faite et ne coûte point.

 

Cette différence provient d'une double source, savoir de l'état de l'âme et de la nature de l'oraison. D'abord l'âme étant répandue dans les sens, et les sens étant occupés sans cesse des choses créées, il en résulte que les puissances de l'âme sont ordinairement appliquées aux choses étrangères à Dieu, et même il leur reste toujours encore une certaine pente ou habitude de cette application. Voilà pourquoi quand il s'agit de s'appliquer à Dieu dans l'oraison, elles ne le peuvent pas quand elles veulent; elles ont besoin de prendre des moyens pour cela. Ces moyens s'appellent préparation. Dans les degrés supérieurs l'âme a, au contraire, l'habitude de l'application de ses puissances à Dieu, elle ne vit plus dans les sens, de manière que les rapports avec les créatures ne l'y tiennent pas appliquée intérieurement, ni attachée; mais au lieu de cette pente vers les créatures, il s'est établi en elle une pente vers Dieu auquel elle a une union habituelle.

 

Une autre raison encore, c'est que, dans les degrés inférieurs, l'âme n'est pas en repos, les sens sont toujours en mouvement; ce sont eux qui opèrent dans l'oraison, et il faut leur donner de quoi les occuper. Tout cela a besoin de préparation, soit pour les mettre en repos, soit pour leur fournir matière à application.

 

La différence énoncée plus haut dépend encore de la nature de l'oraison. Dans les derniers degrés, l'oraison est toute prête et l'âme a l'habitude de la paix. Ainsi la préparation dans ces derniers degrés est toute faite, il faut seulement un peu plus d'attention; mais elle ne l'est pas dans la méditation.

 

Il y a trois sortes de préparations. La première est celle où l'on s'y prend de loin pour bien faire son oraison, et elle est pour tous les genres. Dans l'état d'oraison mentale elle n'est pas parfaite.

 

Elle consiste, 1° dans une grande pureté de cœur. On ne saurait bien faire oraison avec de l'attache aux choses de la terre, avec le désir des choses sensibles, avec l'amour de soi-même et de tout ce qui peut nous être agréable, et avec le désir de se satisfaire en tout. Il faut absolument combattre, prendre des résolutions et se détacher, pour faire quelque progrès dans l'oraison : autrement on est lâche, on ne saurait se gêner, on empêche la grâce d'agir, la volonté ne peut se porter vers Dieu, ni se faire violence.

 

2° Dans la mortification des passions. Les passions sont des commotions des sens, qui se portent avec vivacité pour ou contre un objet. De là on en compte quatre : la joie et la tristesse, la crainte et l'espérance. Les passions produisent l'activité, le trouble, l'empressement, l'inquiétude, etc., Tout cela met opposition à l'oraison. I1 faut donc mortifier ses passions et agir avec douceur, paix et modération. Si on ne les mortifie pas sans cesse, dans le moment de l'oraison on n'en est plus maître.

 

3° Dans la garde des sens. D'abord les sens intérieurs : l'imagination, la curiosité. I1 faut avoir une grande vigilance sur les mouvements du cœur, sur les affections et sur les appétits, diminuer le plus que l'on peut les motus primo primi (les premiers mouvements indélibérés) qui nous entraînent vers nos penchants. En second lieu, les sens extérieurs, qui sont comme les portes et les fenêtres des sens intérieurs, de même que les sens intérieurs sont les portes de l'âme.

 

Pour bien faire oraison, la garde habituelle des sens est nécessaire. Dans l'oraison mentale, cette habitude n'existe jamais parfaitement; il faut tâcher de l'acquérir le plus parfaitement possible. Dans les autres oraisons, cette habitude est très facile, et existe presque toujours, plus ou moins parfaitement, selon le plus ou moins de fidélité et d'avancement.

 

La seconde préparation est de bien prévoir le sujet sur lequel on doit méditer, dans tous ses points. Ceci est nécessaire, de peur de venir à l'oraison sans savoir que faire. I1 faut qu'à l'oraison la mémoire n'ait pas besoin de se tourmenter pour se rappeler les points du sujet.

 

1° Cette préparation du sujet doit se faire en abrégé, quoique dans tous les détails de chaque point.

 

2° Elle doit se faire avec piété et comme par manière d'oraison, et non pas comme si c'était une étude, évitant le trop de régularité et de symétrie, et la mise en forme de ses arguments, pour ainsi dire.

 

3° Se déterminer même les endroits où l'on produira telle ou telle affection, se rappeler quelque texte touchant, mais sans être tenace à tout cela. Si pendant l'oraison on avait du goût pour une autre affection, il faut laisser celles qu'on aurait préparées. Avoir un soin particulier de se déterminer le point de l'adoration et la manière de s'y prendre, comme aussi la résolution. Lorsqu'on a des difficultés à préparer son oraison, à cause des distractions qui empêchent de se recueillir, on doit au moins tâcher de se fixer les différents points, et même la manière de s'y prendre pour l'adoration, quoique sans goût et sans piété, afin de ne pas avoir besoin, le lendemain, de faire travailler la mémoire pour ramasser quelques pensées. Si on ne pouvait absolument pas s'occuper du tout de son oraison, il faudrait, au moins, tâcher de se nourrir de quelque bonne pensée, qui ait rapport au sujet sur lequel on veut méditer.

 

La troisième préparation consiste à se tenir dans le recueillement intérieur et extérieur, le temps qui précède immédiatement l'oraison et le plus longtemps possible.

 

1° Recueillement intérieur. Veiller d'une manière spéciale sur son esprit, son imagination et sur tous ses sens, pour les tenir recueillis, restant intérieurement éloigné de tout objet étranger à Dieu.

 

2° Recueillement extérieur, surtout dans le temps qui précède immédiatement l'oraison; mettant beaucoup de modération dans sa démarche et dans son action; veillant sur ses yeux et sur les autres sens extérieurs; ne s'occupant de quoi que ce soit d'étranger à l'oraison, et se tenant dans la modestie la plus parfaite; évitant aussi tout ce qui peut prêter à l'activité et à l'empressement.

 

I1 y a des personnes qui sont endormies le matin, et dans une espèce de nonchalance et d'assoupissement; elles doivent s'exciter et s'éveiller par une action un peu animée, sans toutefois que cela aille jusqu'à nuire au recueillement. I1 n'est pas nécessaire qu'on s'occupe de son sujet tout le temps ; mais il serait bon d'y tourner son esprit et de l'y arrêter quelques instants avant l'oraison.

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

HUITIÈME INSTRUCTION : DE L'ADORATION

 

L'adoration est cette partie de l'oraison où l'on se met en la présence de Dieu et où on lui rend ses devoirs, selon le sujet de la méditation. L'adoration est un point très important de l'oraison de méditation. Si on s'acquitte mal de ce premier point, toute l'oraison sera mal faite.

 

I1 faut éviter de la faire : 1° avec légèreté et d'une manière superficielle, car alors l'oraison sera pleine de distractions, et les considérations que l'on fera au milieu de la foule des distractions seront superficielles et ne pénétreront pas l'âme.

 

2° D'une manière vague et générale, car alors l'âme ne s'attachera pas, et ce sera une autre source de distractions auxquelles elle sera ouverte, et l'oraison se passera dans le même vague; les réflexions que l'on fera ne porteront pas au fond de l'âme et ne seront pas véritablement pratiques, quoiqu'elles en aient l'air quelquefois.

 

3° Avec nonchalance, indifférence et faiblesse dans les affections et les actes de la volonté autrement toute l'oraison sera froide, pleine de négligence et d'indifférence ; elle sera sans vigueur, sans goût et sans saveur, et les distractions seront continuelles.

 

4° D'une manière purement raisonnée et froide, parce qu'il arrivera de là que toute l'oraison ne sera composée que de raisonnements; on en sortira aussi froid qu'on l'était avant d'y entrer, et les résolutions seront sans force; tout sera humain dans cette oraison, qui ne saurait produire que très peu d'effets.

 

I1 y a deux choses distinctes dans l'adoration la première consiste à se mettre en la présence de Dieu. I1 faut se rendre cette sainte présence aussi vive et aussi sensible qu'on peut, et entrer dans les sentiments dans lesquels doit être un néant pécheur en la présence de la souveraine Majesté et sainteté de son Créateur et de son Dieu. Bien qu'on considère cette première partie de l'adoration comme une préparation, dans les méthodes, il semble qu'elle fait plutôt partie de l'oraison : elle en est la porte et l'entrée. Voilà pourquoi il. vaut mieux l'englober dans l'adoration, afin de donner une idée plus nette de l'ensemble de l'oraison.

 

Cette première adoration est prescrite dans l'oraison mentale à cinq fins : 1° pour achever d'éloigner notre esprit de tout objet créé, afin qu'il entre pleinement dans la considération pieuse de son sujet; cette partie de l'adoration ne se fait pas toujours sur le sujet, mais généralement sur un objet étranger au sujet de la méditation. 2° Pour se disposer à recevoir les grâces de Dieu par le détachement de soi-même et l'humilité. 3° Pour le rendre fidèle à la grâce et l'y faire coopérer plus fortement, ou l'éloigner de toute manière naturelle de procéder. 4° Pour l'empêcher d'examiner les vérités par curiosité ou par d'autres manières imparfaites. 5° Pour l'appliquer plus fortement à Dieu et aux vérités sur lesquelles il doit méditer. C'est pour ces raisons que la méthode de Saint-Sulpice fait faire plusieurs actes, qu'il n'est pas nécessaire d'exprimer tels qu'ils s'y trouvent; il suffit que notre esprit soit fixé vers Dieu avec piété et ferveur, et qu'il soit touché de sa sainte présence.

 

Cette présence de Dieu se fait en plusieurs manières :

 

1- Par la voie du raisonnement : prenant bien garde d'apporter un raisonnement sec et sans affections, qui serait une chose complètement nulle, puisque cette présence de Dieu est faite pour mouvoir la volonté et lui donner l'élan. Il faut se convaincre par un raisonnement pieux et affectueux, que Dieu est présent dans le lieu où nous sommes et dans notre cœur. C'est la manière qui produit le moins d'effet.

 

2- Par des actes simples de l'esprit et de la volonté. Ces actes doivent être faits très affectueusement, autrement ils ne seraient pas de grande utilité. On peut se servir d'un texte de l'Écriture sainte, comme: in ipso vivimus, movemur et sumus, en lui nous avons la vie le mouvement et l'être, ou autre semblable.

 

3- Par l'imagination. On se représente Dieu d'une manière imaginaire, sensible et frappante. Par exemple, on se transporte devant le trône de la Très Sainte-Trinité, on se représente la majesté, la splendeur, l'immensité et la puissance divines dans un grand éclat, Notre-Seigneur assis à la droite de son Père, la très sainte Vierge dans l'adoration, une foule innombrable d'anges et de saints dans la crainte, le tremblement et l'anéantissement devant cette Majesté si grande et si sainte. Ce spectacle prête beaucoup à l'imagination, qui peut se développer encore davantage là dessus pour entrer dans les sentiments et dispositions marquées dans les cinq fins de cette partie de l'oraison.

 

Cette troisième manière est la meilleure :

 

1° parce qu'elle pénètre davantage l'âme de la sainte présence de Dieu; elle captive l'esprit et l'embrasse ,tout entier, ce qui est très bon et très important dans l'adoration. Dans cette partie, tout l'effet qu'on désire n'est que momentané, pour donner le branle à la volonté et pour opérer ces différentes fins, afin de bien faire l'oraison; et, par conséquent, il suffit d'employer le moyen le plus efficace, quoique les effets n'en soient pas permanents, car les effets produits par l'imagination ne durent qu'autant de temps que notre imagination est frappée.

 

2° L'imagination étant agréablement touchée par un objet surnaturel, elle nous laisse tranquilles pendant l'oraison et aide plutôt qu'elle ne gêne; tandis que lorsqu'on la laisse sans rien faire, elle gêne ordinairement. Lorsqu'on médite sur un mystère de Notre Seigneur, on peut, si on aime mieux, entrer d'abord dans son sujet, en se représentant ainsi, par l'imagination, et d'une manière frappante, Notre-Seigneur dans son sujet, et y appliquant toutes les choses qui viennent d'être dites pour cette première adoration.

 

La seconde chose, c'est de commencer à envisager son sujet : on ne fait rien autre en ce point que de rendre tous ses devoirs à Dieu, à Notre Seigneur ou aux saints, selon le sujet de la méditation. Tout d'abord on se représente fortement à son esprit la vérité sur laquelle on doit méditer en Dieu, en Notre Seigneur ou en ses saints, de manière à en être frappé le plus vivement possible; ensuite on entre dans les sentiments qui en découlent, et on rend les devoirs convenables à l'objet dont il s'agit. Cette adoration est faite pour fixer vivement, saintement, affectueusement son esprit sur le sujet de la méditation ; pour donner le branle à la volonté et la toucher, afin qu'elle se porte avec affection vers cette vérité ; et enfin pour mettre l'âme en rapport avec Dieu par le sujet de méditation. Elle se fait à peu près des trois manières qui sont marquées pour la présence de Dieu.

 

On fera, par exemple, son oraison sur la charité. Dans la première manière on se convaincra de la charité de Dieu pour nous, et de la volonté qu'il que nous ayons cette charité les uns envers les autres, et on lui rendra ses devoirs au sujet de Cette charité et de cette volonté. Cette conviction se fait par des considérations simples, courtes et affectueuses. Dans la seconde manière on fait cette conviction par acte de la volonté; on se sert pour cela de quelque idée touchante de la charité de Dieu pour nous, d'un texte bien approprié de l'Ecriture sainte qui nous manifeste la charité de Dieu à notre égard, et on entre dans les sentiments d'adoration, d'amour, etc. Dans la troisième, on se sert de l'imagination, et, dans ce cas, on se représente, par exemple, un mystère de Notre Seigneur, où il nous a manifesté sa charité à notre égard, et on lui rend ses devoirs d'amour, de respect, d'adoration, etc.

 

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

NEUVIÈME INSTRUCTION : DE LA CONSIDÉRATION

 

La considération est faite pour nous convaincre et nous porter à aimer la vérité sur laquelle nous méditons, et pour nous faire produire en même temps des actes envers Dieu; il faut donc tâcher de la faire de façon à se convaincre. Pour cela il faut envisager son sujet par le côté qui fera le plus d'impression sur notre esprit, et se pénétrer bien de ces choses, en s'arrêtant particulièrement sur celles de toutes les pensées qui nous frappent le plus.

 

Il faut éviter cependant :

 1° Les raisonnements originaux ou recherchés, et employer des raisons simples qui sortent naturellement du sujet et dont la conclusion est facile à tirer.

 

2° Les pensées élevées et sublimes, qui fournissent plus à l'imagination qu'au cœur, et qui sont plus capables de contenter notre amour-propre que de nous convaincre d'une vérité surnaturelle.

 

3° Les raisons par trop banales et sans cesse rebattues dans la manière de les présenter, car alors cela devient une espèce de routine de notre mémoire, au lieu de frapper et de convaincre notre esprit. Mais, tout en prenant les raisons ordinaires qu'on donne pour l'établissement des vérités, - et ce sont toujours les meilleures - il faut les considérer à sa façon et d'une manière capable de nous convaincre.

 

4° Les raisonnements vagues : qui donnent un certain mouvement général à l'esprit, mais qui n'y laissent pas une conviction solide et pratique, car c'est là que doivent tendre toutes les raisons que nous employons.

 

5° Les raisonnements spéculatifs : il faut que l'objet dont nous voulons nous convaincre, tende directement à nous rendre meilleurs ; par conséquent il faut qu'il soit pratique et que nos raisons tendent à le rendre tel.

 

6° La subtilité : allant au but qu'on se propose dans la plus grande simplicité, par le plus droit et le plus court chemin.

 

7° Trop de raisonnements : on ne doit en faire qu'autant qu'il en faut pour obtenir la fin qu'on se propose.

Si on se sent convaincu par une raison forte et frappante, on doit tâcher de s'arrêter sur cette raison, la développer et en tirer tous les fruits. Si, après une raison forte et touchante, on en prenait une autre moins forte et peu frappante, on perdrait une partie des effets qu'aurait produits la première raison.

 

8° La manière de raisonner sèche et la forme scolastique : les raisonnements doivent être tels qu'ils portent l'affection dans le cœur.

 

9° La curiosité et l'application naturelle de notre esprit, comme on ferait dans une étude il faut faire ces raisonnements dans le recueillement et dans une grande et unique confiance en Notre-Seigneur.

 

10° Trop d'ordre et d'enchaînement dans les pensées et les réflexions : il est bon qu'il y ait un certain ordre, mais il ne faut pas chercher à lier et à enchaîner nos idées, en les rangeant et en les faisant succéder l'une à l'autre par l'art de la dialectique. Toutes les fois qu'on met des recherches d'art en cela, l'Esprit de Dieu y est moins que l'esprit de l'homme, et cela ne produit qu'une conviction naturelle, qui n'est pas une conviction d'oraison. I1 est nécessaire d'employer des moyens humains dans cette oraison; mais si notre esprit y met de la recherche, s'il y fait trop d'attention, il y mettra trop de curiosité et de confiance, et ses opérations deviendront toutes naturelles ; par conséquent il n'y aura plus guère d'oraison. D'ailleurs l'amour-propre y trouvera grandement son compte, et l'esprit s'y amusera plus que le cœur ne s'y échauffera.

 

En second lieu, comme on ne doit pas seulement convaincre l'esprit de ces vérités, mais qu'il faut encore émouvoir la volonté et la porter à les aimer, il est nécessaire qu'on ne laisse pas la volonté endormie pendant toute l'oraison. Car il faut remarquer que, lorsqu'on dit que' la conviction porte à l'amour des vérités, cela ne veut pas dire qu'il faille diviser son oraison en deux points : d'abord se convaincre solidement de ces vérités, et pendant tout ce temps ne pas agir par la volonté, et ensuite agir par la volonté et laisser tranquille l'esprit. Il faut, en même temps qu'on agit par la raison pour se convaincre, qu'on fasse produire des affections à la volonté sur les choses que voit l'esprit. La conviction se fait à proportion qu'on avance : voilà pourquoi il est bon et important qu'on entremêle les raisonnements d'affections.

 

Dans chaque membre d'un raisonnement, il faut s'arrêter pour produire des affections analogues à la pensée qui fait le membre du raisonnement ; ces affections entremêlées dans les raisonnements augmentent et fortifient de beaucoup la conviction de l'esprit. Quand ensuite tout le raisonnement est fini, on peut le voir dans son ensemble et produire de nouvelles affections. On doit alors tendre à se remplir du désir d'acquérir cette vertu, de profiter de cette vérité, s'exciter et porter la volonté avec le plus d'ardeur qu'on peut vers l'objet de la méditation, dont on sent vivement la nécessité, la beauté, etc.

 

Les affections sont des actes de la volonté, par lesquels elle s'épanche devant Dieu, par suite du sentiment que produit en elle une pensée ou  réflexion.

 

Lorsqu'on a produit une affection, on doit s'arrêter dessus pour sentir et goûter l'impression qu'elle aura laissée dans notre cœur. Quand cette  impression diminue, on produit une nouvelle affection ou la même si on la goûte encore. Puis on s'arrête de nouveau, car il ne faut pas se contenter d'une affection pour chaque membre de raisonnement, mais en produire plusieurs, et le plus ardemment possible.

Lorsqu'on est froid dans son oraison, et qu'on a peine à produire ces affections, il ne faut pas laisser de les produire ; on peut même, dans cette circonstance, prononcer quelques paroles courtes et enflammées, et s'arrêter après les affections. Quoiqu'on n'éprouve pas ce sentiment ou impression intérieure, il faut s'arrêter tout de même pour écouter Notre-Seigneur qui parle à notre âme. On peut se servir, pour les affections, de quelques paroles qu'on aurait apprises, comme : Deus meus et omnia, mon Dieu et mon tout, et d'autres semblables ; mais il vaut beaucoup mieux les produire de son propre fond que de les emprunter : notre cœur les savoure bien davantage.

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

DIXIÈME INSTRUCTION : DU RETOUR SUR SOI-MÊME.

-DES RÉSOLUTIONS.

DE LA DEMANDE

 

Lorsque nous avons convaincu notre esprit par les raisons saintes et fortes que nous avons méditées, et lorsque nous avons porté notre volonté à goûter, savourer et aimer la vérité en question, par les affections, il est alors temps de les réduire en pratique par l'application que nous en faisons à nous-mêmes. Cela consiste en trois choses : l'examen, la résolution, la demande.

 

 

 

L'EXAMEN

 

L'examen de nous-mêmes a pour objet de voir dans notre conduite si nous avons pratiqué la vertu, ou si nous sommes en conformité avec la vérité sur laquelle nous méditons. Pour bien exécuter la chose, il serait bon de faire trois genres d'examens : quand on goûte et aime la vérité sur laquelle on médite, et qu'on désire ardemment la posséder, alors il faut faire un retour général sur soi et examiner comment on s'est comporté par le passé ; on voit jusqu'à quel point on manque de cette vertu. On n'entre pas encore dans le détail de la chose, mais on examine en général pour voir si on en a le désir dans son intérieur, et quelles sont nos dispositions à l'égard de cette vérité. On examine aussi en général si, à l'extérieur, on ne manque pas très souvent contre cette vertu ou vérité.

 

Cet examen est fait pour produire en nous le sentiment du besoin que nous avons de cette vertu et augmenter notre désir; il nous inspire des sentiments humbles et nous porte à demander à Dieu cette vertu ou cette vérité avec ferveur; il nous mène à des résolutions fortes et généreuses sur la pratique générale de cette vertu ou vérité.

 

Comme cet examen est général et ne spécifie pas les choses, il est nécessaire d'en faire un second, plus pratique et plus détaillé, afin qu'après avoir pris ces résolutions généreuses par rapport aux vertus, on en vienne à leur pratique. Ce second examen consiste à voir les circonstances où l'on manque le plus à cette vertu ou vérité, les sources ou principes d'où vient qu'on y manque, les moyens qu'on pourra employer pour se garantir de ces manquements, les obstacles qu'on rencontre .et la manière de les surmonter. Ce second examen sérieusement fait fixe notre esprit sur les défauts que nous avons et sur la pratique de la vertu, et mène directement aux résolutions efficaces et pratiques.

 

Pour rendre ces résolutions encore plus pratiques et d'une exécution plus sûre, il faut faire un troisième examen, qui consiste à prévoir tant les circonstances de la journée, où nous courons le plus de risque de retomber, soit dans les fautes contre cette vertu, soit dans les défauts qui en sont la source, que celles où nous pourrons employer les moyens que nous avons résolu de prendre, et vaincre les obstacles qui se présenteront, afin de déterminer ces résolutions sur ce point. Il faut éviter dans cet examen les recherches et les perquisitions trop minutieuses, les inquiétudes, la trop grande application d'esprit et la contention, la sécheresse et l'aridité dans la manière de le faire; on aura soin de se tenir toujours dans les affections dans lesquelles on a été avant d'entrer dans cet examen. I1 faut souvent s'arrêter et produire les affections que produisent naturellement les fautes qu'on trouve, comme sont l'humilité, la reconnaissance, les désirs du cœur le renoncement, etc. Si on procède ainsi, alors ces examens produisent en nous de grands sentiments du besoin que nous avons de la pratique de cette vertu et du désir de la pratiquer, et par là conduisent naturellement à la seconde chose, qui consiste dans les résolutions.

 

 

 

LES RÉSOLUTIONS

 

Pour le premier examen, les résolutions doivent être générales mais généreuses; il faut, sans hésiter, promettre d'embrasser la vertu dans toute son étendue , sans restriction, quoi qu'il puisse en coûter. Les résolutions du second examen sont comme l'exécution et la pratique des premières résolutions. On veut fortement embrasser cette vertu dans toute son étendue, et l'on se met en mesure pour en venir au fait, en attaquant principalement l'endroit faible et en prenant les moyens efficaces pour en venir à bout. I1 faut que ces secondes résolutions soient prises avec grande fermeté, et la constance consiste à les mettre fidèlement à exécution. Mais , pour en venir au fait avec l'exécution de ces dernières résolutions, il faut se déterminer, après le troisième examen, les circonstances prochaines dans la journée même, pour faire ou éviter fidèlement ces choses : cela fixe davantage l'esprit sur l'objet, et une fois qu'on est parvenu à se vaincre deux ou trois fois, on devient plus fort.

Il faut remarquer ici que, lorsqu'on parle de résolutions pratiques, il s'agit particulièrement de pratiques intérieures pour la réforme d'un défaut intérieur, auquel on résiste par un moyen quelconque, qui tend à retrancher le mal dans le fond de notre âme et à y résister ou à former l'habitude d'une vertu. Cependant il ne faut pas négliger les résolutions extérieures, parce qu'elles favorisent l'établissement de la vertu et la réforme du vice dans notre extérieur; mais tout doit tendre à l'intérieur.

Il serait bon de renouveler, souvent dans la journée les résolutions générales avec affection et sentiment, surtout dans les moments où l'on court risque de tomber. Ces résolutions doivent être prises avec sentiment et affection. I1 faut promettre entre les mains de Notre-Seigneur et de la très sainte Vierge qu'on veut les garder, et réitérer souvent dans la journée cette promesse. Il faut les entrecouper par des retours vers Dieu, Notre-Seigneur, la très sainte Vierge, les anges ou les saints, et par des affections auxquelles on s'arrêtera pour les savourer, afin de se fortifier dans ces résolutions. Dans la journée on se rappellera ces affections lorsqu'il faudra les exciter et les reproduire. Ce retour affectueux vers Notre-Seigneur sera d'autant plus nécessaire, que cela mène directement à la troisième chose qu'il y a à faire dans cette conclusion de l'oraison, qui est la demande, et que cela facilite beaucoup à l'âme le moyen de la bien faire.

 

 

LA DEMANDE

 

Pour nous porter à faire la demande avec ferveur, lorsque nous voyons que cette ferveur nous manque, nous pourrions tâcher de nous pénétrer de notre incapacité à acquérir la moindre vertu par nous-mêmes; nous rappeler pour cela combien de fois nous avons manqué à nos plus ferventes résolutions; cela joint au grand besoin que nous nous sentons de la vertu dont il s'agit, fera que nous demanderons avec ferveur. I1 faut encore y joindre la confiance et la plus profonde humilité, produire différents actes pour tout cela et les savourer.

 

Pour nous fortifier dans notre confiance et pour rendre notre demande plus efficace, nous ferions bien de proposer à Dieu quelque motif pour nous exaucer. Par exemple, on dirait au Père qu'on le lui demande au nom de Notre-Seigneur; qu'il a promis de nous exaucer toutes les fois que nous le supplierions au nom de son Fils, ou si c'est à Notre-Seigneur que s'adresse la demande, on lui représente tout ce qu'il a fait pour nous, etc.

 

On peut aussi pour cela se servir de quelque parole de Notre-Seigneur ou des Saints. Il ne faut pas faire deux parties séparées de la résolution et de la demande, mais les unir et les entremêler, tantôt en se déterminant à soi la résolution à prendre et en s'y fixant bien, tantôt en promettant à Notre-Seigneur ou à la sainte Vierge qu'on la gardera, tantôt en demandant la grâce d'être fidèle. Tout en faisant cela, il faut, de temps à autre, s'abaisser et s'humilier d'avoir été infidèle par le passé et en demander pardon, mais éviter de mettre trop de régularité en cas choses.

 

Retour à la table Ecrits Libermann

 

 

 

ONZIÈME INSTRUCTION : CHOIX DU SUJET ET SON APPLICATION

AUX DIFFÉRENTES PARTIES DE L'ORAISON

 

I1 y a deux genres de sujets que l'on peut prendre  pour l'oraison : 1° Un sujet abstrait, 2° un sujet tiré des mystères ou états de vie de Notre-Seigneur, de la sainte Vierge, ou des vertus mêmes d'un saint.

 

Sujet abstrait. - Cela consiste à faire son oraison sur une vertu ou perfection de Dieu considérée en elle-­même, sur un vice quelconque, etc., de façon qu'il n'y a pas où nous attacher sensiblement, mais seulement où raisonner métaphysiquement. Cette manière de faire son oraison est la moins utile; elle est celle des âmes peu avancées, car on n'y fait pas un grand progrès tant qu'on y reste. Il y a beaucoup de travail de la part de l'esprit et peu d'application du cœur; les raisonnements portent peu aux affections ; les affections sont peu vives, peu profondes et peu intimes; elles ne sont pas longues non plus.

 

Cette manière ne porte pas non plus à une grande générosité dans les désirs, et ne favorise pas beaucoup la présence de Dieu dans la journée, qui est très difficile et très rare dans cet état. Même pendant le temps de l'oraison, on y est très souvent sujet aux distractions. Cela vient de ce que notre esprit, dès qu'il est préoccupé, ou mal disposé, ou porté au dégoût, ne peut se donner tout entier aux raisonnements. De plus, l'imagination n'étant pas occupée, elle dérange, et cela avec très grande facilité, parce que la volonté a trop peu de jouissance pour s'opposer à ses égarements.

 

Dans ce genre d'oraison, on commence dès l'adoration par se représenter une raison; on se persuade que Dieu a ordonné qu'on pratique cette vertu, ou qu'il a cette perfection ; c'est l'esprit qui fait cet acte. Il faut faire un acte de foi et alors on entre dans quelques autres actes pour lui rendre hommage, etc.; on adore cette vertu en Notre-Seigneur ou ses saints. On ne se représente pas Notre-Seigneur pratiquant cette vertu; c'est une opération de l'esprit qui se persuade que Notre-Seigneur l'a faite ou pratiquée, et on fait, des actes de foi là-dessus.

 

Il faut avoir grand soin de ne pas se contenter de faire ces choses comme par formule, mais y mettre autant de cœur qu'on peut. I1 serait bon de se servir d'un texte de l'Écriture ou de quelque parole vive et affective d'un saint, afin de s'animer et de produire des affections.

 

Après l'adoration, on fait des réflexions sur le sujet. Ces réflexions se font comme par la pointe de l'esprit et l'occupent pieusement. Il est important de les entrecouper par des affections ; on peut toujours se servir de quelque passage de l'Ecriture ou des paroles des saints, car dans cet état on ne possède pas grande force d'affection dans le cœur. I1 serait bon de préparer les textes qui pourraient servir. Après les réflexions, on fait le retour sur soi, l'examen et les résolutions. Il est encore bon d'entremêler tout cela d'affections, et de conserver une ou plusieurs des affections qui nous auront le plus touchés, pour nous les rappeler dans la journée.

 

2°- Sujet tiré des mystères. - Le second genre de sujets, ce sont les sujets tirés des mystères. Ce genre est le plus excellent que l'on puisse choisir et porte beaucoup plus de fruits.

 

1° Il apporte plus de conviction dans l'esprit et émeut fortement la volonté, ce qui est un avantage inappréciable. Tout dans cette oraison se fait d'une manière plus chaude et plus intense : l'âme y agit plus intimement ; les affections sont plus sensibles; elles donnent plus de joie au cœur et par là plus de goût pour l'oraison. En outre, les affections étant plus intenses, elles laissent quelque chose pour la journée et portent à agir avec plus de générosité vers Dieu.

 

2° Il fixe l'imagination en lui donnant de la satisfaction et de l'aliment, et par là facilite beaucoup l'oraison; il applique aussi davantage l'esprit et par là le rend moins sujet aux distractions.

 

3° I1 habitue l'âme à considérer Notre-Seigneur : elle apprend peu à peu à le connaître, à pénétrer dans son intérieur et à l'imiter, ce qui est déjà un avantage extrêmement grand ; mais, en plus, cela lui donne beaucoup plus de facilité pour la présence de Dieu dans la journée, parce qu'elle a plus de facilité à se fixer.

 

4° Cette manière rapproche peu à peu l'âme des oraisons supérieures, ou au moins l'y prépare.

 

En voici l'application : Dès le commencement de l'oraison on se représente Notre-Seigneur dans le mystère sur lequel on médite; on se le représente dans les circonstances qui environnent le mystère. Cependant, il faut prendre garde de ne pas s'arrêter trop sur ces circonstances, mais se fixer davantage sur la personne de Notre-Seigneur ; la vue des circonstances est accessoire, elle ne doit être faite que pour environner l'imagination, l'animer et la fixer en Notre-Seigneur.

 

Il faut se représenter sa personne adorable, selon les dispositions du mystère, se retracer tout son extérieur : les traits de son visage, son regard, sa tenue. ses gestes; etc. Tous ces traits extérieurs nous font pénétrer dans son intérieur et nous représentent ce qui se passe dans sa sainte âme : cela doit se faire le plus vivement possible. En suite de quoi il faut lui rendre honneur, hommage, adoration, amour, etc., selon le sujet Ces devoirs couleront comme de source, si on s'est bien pénétré de la vue de Notre-Seigneur dans le mystère. On s'adresse à lui, on s'entretient avec lui, on se tient devant lui, comme on aurait fait si on avait été présent.

 

Exemple : je me représente Notre-Seigneur présenté au peuple par Pilate; je vois cette foule de gens qui environnent le prétoire dont je me fais une idée quelconque. Pilate vient et deux soldats amènent le divin Agneau; puis viennent les cris et les fureurs de ce peuple, etc. Je ne m'y arrête pas, mais toute mon attention se fixe de suite sur mon Seigneur Jésus; je me le représente couvert d'un vieux manteau de pourpre, la couronne d'épines en tête, un roseau à la main ou les mains liées derrière le dos, son visage sacré couvert de sang qui coule de la tête; il est pâle, défait, les yeux abattus; son air est grave, modeste, doux, majestueux, profondément touché et dans une grande humiliation qui paraît dans tous ses traits et dans toute sa tenue.

 

Cela fait, on entre dans des sentiments d'adoration à son égard, se laissant aller à tous ceux que donne cette vue et les excitant en soi le plus vivement qu'on peut. Après l'adoration, c'est-à-dire quand on voit que ces sentiments commencent à diminuer, on fait quelques considérations simples sur le même mystère, que l'on entrecoupe un renouvelant les affections et les sentiments à l'égard de Notre-Seigneur, dans l'état dans lequel nous le voyons dans le mystère.

 

Exemple : 1re considération.

1° Pourquoi Notre Seigneur a-t-il voulu être ainsi humilié, lui qui ne mérite que de la gloire, des louanges, etc., qui est la gloire du Père, qui est le bonheur du monde, qui est le Tout-Puissant et qui, d'un seul mot, pourrait foudroyer ses bourreaux, etc.? Chacune de ces réflexions doit être mêlée d'affections, en lui adressant souvent la parole avec amour, etc. 2°- Il souffre pour nous, néant, orgueilleux, rebelles, criminels. S'humilier alors devant Notre-Seigneur, entrer dans des sentiments de contrition, d'amour, etc.  3° Par conséquent, nous qui sommes les coupables, nous devons souffrir les humiliations, nous devons donc les désirer et nous unir à Notre-Seigneur, vu que les nôtres ne sont d'aucun prix. Puis affections, sentiments envers Notre-Seigneur, résolutions, examens, etc.

 

2e Considération.

Comment a-t-il souffert ces humiliations? même manière de procéder. Entrecouper par des affections; en .produire surtout après chaque membre de la considération; revenir souvent vers Notre-Seigneur pour voir comment il a souffert ces humiliations; finir par entrer dans le désir de retracer en soi ce que l'on voit en son divin Maître. Union à lui dans cet état, résolutions, examens, demandes, etc.

Conserver dans son esprit l'état du mystère, surtout la vue, le trait de figure, la tenue, qui a touché le plus, pour se le retracer de temps à autre dans la journée, comme aussi la pensée et l'affection la plus sensible pour la produire souvent. I1 faut en faire autant de la résolution pratique pour la journée, et, quand le moment de l'exécuter se présente, faire un retour vers Notre-Seigneur, dans la vue qui nous a le plus touché et avec l'affection la plus sensible.

Retour