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DE L'ORGUEIL

(E.S pp. 281-321)

 

 

 

 

DE L'ORGUEIL.. 1

DE L'ORGUEIL EN GÉNÉRAL.. 1

CHAPITRE I : MAUX QUE RENFERME L'ORGUEIL.. 1

1 - MAL DE L'ORGUEIL VIS-A-VIS DE DIEU.. 1

2 - MAL DE L'ORGUEIL ENVERS LES HOMMES. 4

3 - MAL DE L'ORGUEIL ENVERS NOUS‑MÊMES. 4

CHAPITRE II : DES DIFFÉRENTES BRANCHES DE L'ORGUEIL.. 4

1 - CARACTÈRES DISTINCTIFS DE L'AMOUR-PROPRE.. 4

VICES QUI DÉRIVENT DE L'AMOUR-PROPRE.. 7

 

______________________

 

 

 

DE L'ORGUEIL EN GÉNÉRAL

 

Un saint homme a défini l'orgueil : l'amour de sa propre excellence.

C'est une disposition dépravée par laquelle l'âme se considère elle-même, comme si elle était le principe de ses actions, et se regarde comme leur fin. Elle rapporte tout à elle-même et se considère toujours elle-même en tout. De là vient qu'elle cherche et aime sa propre excellence, et qu'elle veut attirer à elle les autres créatures.

Ce désir lui donne une grande facilité de croire qu'elle a quelque excellence, surtout lorsque l'orgueil réside dans l'esprit; il le trompe alors et lui persuade ce qui n'est pas. L'âme met une grande complaisance et un grand amour en elle­-même, et se trouve dans une joie et un conten­tement mauvais, qui produisent de très mauvais effets. Cette joie va quelquefois bien loin, et lui fait dire et faire des choses qui sont ridicules et folles aux yeux de ceux qui ne sont pas dans cet aveuglement.

La satisfaction et le contentement qu'elle éprouve de cette prétendue excellence, lui font prendre des airs et des contenances ridiculement orgueilleuses. Cet aveuglement est quelquefois si grand, qu'en même temps que l'âme se voit remplie de misères, de faiblesses et de pauvretés, et beaucoup au-dessous des autres, elle est ce­pendant pleine de satisfaction de son excellence, et veut que tout le monde l'honore, la respecte et soit plein d'égards pour elle. Cette prétendue ex­cellence a aussi une foule de mauvais effets pour les rapports de cette âme avec les autres : elle veut attirer toutes choses à elle, comme si elle était le principe et la fin de tous ces mouvements.

Lorsqu'elle voit au contraire en soi un défaut d'excellence, ce mauvais désir d'exceller la jette dans de grands découragements, des dépits et des véritables bassesses.

Par l'inspection seule de ces premières idées, on peut voir combien l'orgueil est un grand mal; on s'en convaincra encore beaucoup plus par les détails et les développements qu'on donnera. Considérons en attendant la noirceur de ce grand crime envers Dieu, envers les hommes, envers nous-mêmes.

 

 

CHAPITRE I : MAUX QUE RENFERME L'ORGUEIL

 

 

1 - MAL DE L'ORGUEIL VIS-A-VIS DE DIEU

 

Nous n'avons aucune excellence en nous, puisque nous n'avons rien en nous qui soit à nous et de nous, mais que tout est à Dieu et de Dieu. Tout ce que nous avons lui appartenant, il ne peut donc y avoir aucune excellence en nous pour nous. L'orgueilleux cependant agit en toutes choses comme s'il avait quelque excellence en soi, et en cela il fait deux fautes énormes.

 

Dieu seul est l'Être par excellence. Tout autre qui s'attribue quoi que ce soit, dispute et enlève à Dieu cette excellence unique, et l'attaque dans le premier principe de toutes ses perfections, car toutes les perfections divines ont pour principe premier son existence nécessaire. Il attaque Dieu, l'Être par excellence, à qui seul appartiennent la gloire, l'honneur et l'hommage. C'est pour cela qu'on attribue la gloire au Père, comme principe de la très sainte Trinité. Voilà pourquoi aussi Dieu dit dans la sainte Ecriture : Gloriam meam alteri non dabo, je ne donnerai pas ma gloire à un autre.

 

Les orgueilleux ne se rendent pas compte de cet attentat, dans le sentiment et dans la disposition d'orgueil qui les fait agir; mais il est certain que tout mouvement de ce genre y tend. Ainsi, par exemple, je me complais dans l'estime que les hommes ont pour moi : je fais abstraction de Dieu, je le mets de côté, je me mets à sa place, je détruis dans mon idée ce premier principe de toutes les perfections divines, à qui seul appartient l'estime, je lui enlève sa gloire, au moins je le désire, je le fais réellement dans mon esprit. I1 a dit cependant : gloriam meam alteri non dabo. Ainsi, la seule complaisance en moi produit déjà cet horrible crime. Que sera-ce si je poursuis cet honneur et cette estime, etc.

 

Si la chose n'est pas encore assez claire, que l'on considère ces monstres d'orgueil qui, dans leur folie, voulaient être des dieux. S'ils avaient pu, ils auraient enlevé à Dieu son essence pour se l'attribuer. Sentant bien que cela n'était pas possible, ils voulaient avoir au moins la jouissance d'une excellence chimérique, dans leur esprit même, et ils voulaient que les autres les prissent pour tels; à cette fin ils faisaient tout ce qui était en eux pour s'attribuer cette excellence.

 

Cet horrible attentat commis par ces monstres d'orgueil, nous ne le concevons sans doute pas bien dans un petit sentiment de complaisance que nous avons. Eh bien! qu'on sache que l'effort par lequel ces gens-là voulaient être Dieu, était le même sentiment de complaisance que nous sentons en petit; seulement il était plus fort et plus étendu chez eux, et ils avaient l'effronterie de se proposer directement ce que nous ne faisons que d'une manière indirecte et sans nous en apercevoir. Et si, dès l'origine, nous n'allons pas si loin, c'est qu'il y a des obstacles qui nous arrêtent. On a bien vu qu'Ève alla jusque là dès le premier pas.

 

2° Dieu a créé toutes choses pour lui seul. I1veut que toutes les créatures soient dans la dépendance la plus complète de son divin Être. I1 veut les régir et les gouverner selon sa divine sagesse et sa souveraine puissance. L'orgueil nous fait manquer à tout cela, il renverse tout ordre, met la créature à la place du Créateur, et même le Créateur sous la créature.

 

Dieu ayant créé toutes choses pour lui seul, il doit être leur dernière fin aussi bien que leur principe. I1 veut se communiquer à ses créatures raisonnables, uniquement pour qu'elles le connaissent dans ses perfections divines et qu'elles l'aiment. La créature n'a été faite que pour le Créateur et en rien du tout pour elle-même, car Dieu n'a pas pu me faire pour moi, puisqu'avant qu'il m'eût créé je n'étais rien; Dieu ne pouvant faire quelque chose pour rien, pour le néant, n'a pu me créer que pour lui seul. Toute connaissance de quelque excellence que ce soit et toute complaisance doivent donc tendre à Dieu seul. Or, l'orgueilleux renverse cet ordre : il met Dieu de côté pour s'occuper et occuper même les autres créatures de sa personne qui n'est que néant; sa pensée se tourne vers soi au lieu d'être tournée vers Dieu; sa complaisance est en soi au lieu d'être en Dieu; son amour est en soi au lieu d'être en Dieu.

 

3° Dieu veut que ses créatures soient dans sa plus grande dépendance. Tout ce que nous sommes, et tout ce que nous avons dans l'ordre de la nature aussi bien que dans l'ordre de la grâce, c'est de Dieu Seul que nous le tenons. La conservation et l'augmentation de ces biens dépendent uniquement de Dieu, et c'est de lui seul que nous les tenons, et c'est en lui seul que nous devons les chercher. I1 faut donc que notre esprit et notre cœur soient toujours tournés vers lui, que nous le regardions en toutes choses comme nous donnant, nous communiquant tout secours, gratis et plus que gratis, comme à des gens qui n'ont rien et ne peuvent rien par eux-mêmes. En cette vue et en ce recours continuel vers celui qui est seul capable de satisfaire notre disette, nous devons nous mettre pour ce que nous sommes vis-à-vis de lui, et par rapport aux besoins que nous avons, et par rapport aux biens immenses renfermés en lui, c'est-à-dire comme des créatures devant le Créateur, mais comme des créatures qui sont dans la dernière indigence, qui espèrent, malgré leur bassesse, que le Créateur les regardera et s'abaissera vers elles, et cela avec la disposition qu'exige encore notre péché. Voilà quelque chose de ce à quoi nous oblige cette grande dépendance où nous devons vivre vis-à-vis de Dieu.

 

L'orgueil nous fait faire le contraire. Nous nous comportons comme si nous nous étions créés nous­-mêmes, comme si tous les biens que nous avons et que nous aurons venaient de nous, comme si nous nous les procurions nous-mêmes, comme si nous n'étions aucunement indigents. Nous vivons dans une entière indépendance. Et non seulement cela, mais nous nous estimons capables de procurer des biens aux autres ; nous voulons que les autres aient recours à nous, qu'ils nous regardent comme riches, qu'ils cherchent les biens dont ils ont besoin auprès de nous; nous voulons qu'ils dépendent de nous; nous nous détournons de Dieu et nous en détournons les autres, au moins par nos désirs et dans notre esprit, quelquefois réellement, pour les attirer vers nous, et nous nous tournons nous-mêmes vers nous pour dépendre de nous seuls et non de Dieu; nous nous mettons à la place de Dieu. Quelle horreur

 

Dieu veut régir et gouverner toutes ses créatures. N'ayant rien de nous, ne pouvant rien par nous, et ayant un besoin extrême de recevoir tout de la main de Dieu, il est absolument nécessaire que Dieu nous régisse et nous gouverne. Il a deux titres par lesquels nous lui appartenons, avec tout ce que nous avons de biens et de pouvoir: le premier, c'est qu'en sa qualité de Créateur, tous ces biens et tout ce pouvoir sont à lui seul, et qu'il a le droit et le désir d'en disposer, de les régir et de les gouverner selon sa volonté divine.

 

Secondement, en qualité de Rédempteur, il acquiert un nouveau titre bien puissant, surtout dans l'ordre de la grâce, car tous les biens de cette catégorie nous viennent par la rédemption. Ces deux titres exigent de notre part une attention continuelle vers notre souverain Maître, pour connaître en toutes choses ses ordres, pour les exécuter en toute leur étendue, et pour ne rien faire que par ses ordres, puisque ces biens qu'il nous met entre les mains : l'existence et l'action corporelles et spirituelles, naturelles et surnaturelles, sont à lui seul. C'est son bien qu'il nous transmet, à nous qui lui appartenons encore, afin que nous l'employions selon son bon plaisir et sa volonté divine.

 

Outre cette attention à connaître sa volonté et la disposition qu'il veut faire de nous et des biens qu'il a déposés en nous, sans parler de la prompte exécution de cette volonté en tous les instants, circonstances et actions de notre vie, nous devons encore nous tenir devant sa Majesté dans un continuel et profond respect et une grande crainte religieuse, comme devant notre souverain Maître, devant celui qui nous tient entre ses mains, comme le potier l'argile, pour faire de nous, pour nous accorder, nous refuser, ou nous enlever ce que bon lui semblera. Ajoutez à cela l'état mauvais de notre âme, le péché et les dispositions intérieures qui doivent en résulter.

 

Voilà un tout petit abrégé de ce que nous devons à Dieu, et comment nous devons nous comporter à son égard, comme à l'égard de notre Maître. C'est une dette nécessaire, et celui qui s'y soustrait commet un crime effroyable.

 

Cependant l'orgueilleux y manque dans tous les points et va à l'opposé. Je ne dis pas seulement l'orgueilleux qui pousse les choses à l'excès, mais celui qui se laisse aller à la moindre complaisance en soi-même. Il sort de tout ordre établi par tous les droits que Dieu a sur ses créatures ; il se sert de ces biens mêmes que Dieu lui met entre les mains; il enlève à Dieu sa personne qui lui appartient, et il ajoute crime sur crime, sacrilège sur sacrilège, en employant les biens de Dieu qui sont en dépôt entre ses mains, à la gloire de son idole qui est lui-même, et qu'il a soustrait à la souveraine Majesté de son Créateur et de son Rédempteur. Tout acte d'orgueil est une résistance à Dieu, qui veut employer son bien à sa propre gloire; l'orgueilleux l'en empêche, le lui enlève, et l'emploie pour la prétendue gloire de son néant.

 

Voilà pourquoi il est dit : Deus superbis resistit, Dieu résiste aux superbes. Chaque acte de superbe rencontre la résistance de toute la puissance divine.

De plus, l'orgueilleux ne se contente pas d'employer les biens de Dieu pour se soustraire lui-même à l'autorité de son Créateur et de son Rédempteur, il s'en sert encore pour ‑lui enlever ses autres créatures et pour se les soumettre à soi-meme; il ne se contente pas de dire non serviam, je ne servirai pas, mais il veut régner sur les autres au détriment de Dieu , et il emploie les biens de Dieu même. Quelle horreur!

 

 

 

2 - MAL DE L'ORGUEIL ENVERS LES HOMMES

 

Il suffit d'énumérer quelques-uns des droits du prochain lésés par l'orgueil. Quelque petit qu'il soit, il se répand toujours dans notre action et dans nos rapports avec les hommes. Et c'est dans les différentes formes qu'il prend, que nous lésons différemment les droits que notre prochain a sur nous. Ainsi nous manquons à la charité que nous lui devons, au moins en partie, par l'amour que nous avons pour nous-mêmes et par les préférences que nous nous accordons. Nous exerçons sur lui, du moins jusqu'à un certain point, une supériorité à laquelle nous n'avons point de droit; un supérieur même l'exerce d'une manière et par des actions auxquelles il n'a pas de droit; un inférieur l'exerce aussi sur son supérieur en toutes sortes de manières, quoiqu'on ne s'en aperçoive point toujours. Nous le trompons, nous captivons son estime par toutes sortes de subterfuges et de stratagèmes que nous ne remarquons pas toujours, et nous n'y avons aucun droit. Très souvent même, par suite de cette erreur et de cette tromperie, il nous accorde toutes sortes de choses qu'il ne nous aurait pas accordées s'il nous avait connus; notre orgueil l'a induit en erreur. Nous faisons souvent tort à son âme, soit par le scandale, en l'entraînant par notre exemple, soit en lui en imposant et en l’attirant vers nous et en l'éloignant de Dieu, etc., etc.

 

 

3 - MAL DE L'ORGUEIL ENVERS NOUS‑MÊMES

 

Nous nous retirons de notre état naturel où Dieu nous a mis, et nous gâtons tout le bien qui est en nous; nous nous privons de tous les biens de Dieu dont nous abusons, et d'une multitude d'autres qui devaient s'en suivre; nous nous retirons de dessous la conduite et là sauvegarde de Dieu, pour être abandonnés à nous-mêmes; nous nous mettons en opposition avec la puissance de Dieu; nous nous livrons à Satan; nous nous préparons des maux éternels.

 

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CHAPITRE II : DES DIFFÉRENTES BRANCHES DE L'ORGUEIL

NOTAMMENT DE L'AMOUR-PROPRE

 

 

On peut dire que l'orgueil a trois grandes branches: l'amour-propre, l'ambition et la vanité.

L'amour-propre est la racine et la source de tous les maux; tout le vice de l'orgueil est renfermé en lui, et tous les péchés en proviennent.

 

 

 

1 - CARACTÈRES DISTINCTIFS DE L'AMOUR-PROPRE

 

Dans l'origine des choses, l'âme innocente mettait tout son être en Dieu; elle voyait qu'elle n'était rien et que Dieu était toutes choses en elle et pour elle. Ce sentiment de la grande nullité de son propre être, et de Dieu renfermant seul tout bien en lui, la mettait à son égard dans une grande dépendance qui faisait toute sa gloire, toute son excellence et tout son bien; elle se réjouissait de cette excellence de Dieu, remplie qu'elle était de complaisance et d'amour envers cette excellence divine, qu'elle voyait en elle et dont elle voyait qu'elle dépendait.

 

Dans cet état, l'âme se portait en tout vers Dieu, à qui seul elle attribuait toute excellence, toute beauté et toute gloire, et elle ne voulait rien chercher ailleurs; elle ne voyait, ne concevait, n'estimait, et ne pouvait voir, concevoir, estimer que l'excellence qu'elle voyait en Dieu et dont elle recevait la connaissance et la possession en elle, de manière qu'elle estimait et voyait toujours en Dieu la possession de l'excellence divine qu'elle avait en elle-même. Elle n'aimait que la gloire et l'excellence de Dieu et en Dieu et non en elle comme à elle; elle mettait toute sa complaisance et toute sa joie dans les beautés, les excellences et la gloire qu'elle voyait en Dieu ; et, si elle se réjouissait de ces grandeurs qu'elle voyait en elle, ce n'était pas par rapport à elle, mais parce qu'elles étaient les grandeurs de Dieu. Sa vue, son intention et son affection se portaient en cela vers Dieu et non vers elle-même, de telle sorte, qu'en toutes choses, l'âme tendait vers Dieu.

 

L'amour-propre fait, au contraire, qu'en toutes choses elle se porte vers elle-même. I1 se réduit à trois points :

 

1 - L'âme se porte vers elle-même pour chercher, saisir et s'approprier cette excellence. Cette recherche d'excellence est double : tantôt l'âme veut être excellente en elle-même, posséder en elle une excellence, l'y concevoir, l'y considérer et l'avoir inhérente à sa nature; tantôt elle cherche cette excellence dans d'autres objets soit matériels, soit moraux, qu'elle veut attirer à elle pour s'en décorer, afin d'être excellente. Elle ne veut pas se contenter d'en avoir la jouissance, quelque parfaite qu'elle puisse être; elle entend se l'attribuer, la posséder et l'avoir en elle comme étant à elle; elle veut être quelque chose en elle et par son propre fond.

 

Le principe de ce premier vice est une attache à soi­-même, qui fait qu'on est amateur de soi, qu'on se soutient envers et contre tout, et qu'on se veut du bien et qu'on n'en veut qu'à soi. De là, le désir ardent qui la pousse vers l'objet qui pourra la relever et lui donner quelque relief ou quelque excellence. Le premier mal en cela est l'attache de l'âme à soi. L'âme reste toujours en elle-même, et ne s'applique à rien qu'en vue et par attache à elle-­même; elle n'est en rapport véritable qu'avec elle-même. Aussi celle qui est sujette à ce mal terrible ruinerait le monde entier pourvu qu'elle en soit exaltée. Qu'on examine cette passion dans les hommes, et on verra que nous l'avons tous jusqu'à un certain point. Dès l'enfance elle se manifeste avec violence, et c'est une des grandes désolations du monde. Nous avons besoin de nous vaincre sous ce rapport. Qu'on ôte ce premier principe du monde et le reste tombera. C'est sur l'égoïsme qu'est bâti tout notre orgueil.

 

Nous devons examiner notre conduite, nous détacher de nous-mêmes en toutes circonstances, pour ne faire vivre que Dieu seul en nous et mener une vie surnaturelle. Dès que nous sommes dans notre état naturel, nous tombons de suite dans cette attache à nous-mêmes et dans cet égoïsme, tandis qu'en menant une vie surnaturelle, notre âme s'attache à Dieu, se met en rapport avec lui, et met toutes les créatures avec lesquelles elle traite en rapport avec Dieu au lieu de les attirer vers elle. Elle sort ainsi d'elle-même pour exister en Dieu, tendre vers lui, vivre en lui et le faire vivre en elle. On peut voir cet état lorsque l'âme est abaissée devant Dieu.

 

 

2 - A ce premier mal tient le second, qui est que l'on est amateur de soi. On s'aime soi-même, on se veut du bien. Que l'on examine le détail de sa conduite, et l'on verra que cet amour de soi entre dans tout ce qu'on fait ; on met tout en œuvre pour conserver ce qui nous relève.

Ce sera toujours le moi qui nous touchera en tout et qui entrera dans nos sentiments, et quelquefois sera l'intention principale. Pour bien comprendre cela, on n'a qu'à voir la différence de nos sentiments lorsqu'un confrère réussit mal, ou lorsque nous réussissons mal nous-mêmes la petitesse de notre émotion dans le premier cas, et la grandeur de notre agitation dans le second.

 

 

 

3 - Une âme qui s'aime ainsi elle-même, se préfère à tout le monde pour toutes choses ; elle veut être préférée par tous, et, s'il y a impossibilité, elle le désire et cherche du moins à en approcher le plus possible. Elle s'aime elle-même, elle se veut du bien, elle veut être quelque chose préfé­rablement à tout autre.

Pendant qu'elle est dans un état purement char­nel et matériel, comme les pécheurs du gros com­mun, elle cherche avec empressement les objets grossiers qui la ravalent, croyant, par imbécillité, qu'elle aura de l'excellence en cela. Ainsi les gens grossiers du bas peuple prendront un ton et un air grossiers, croyant que c'est bien et qu'il y a en cela quelque excellence; ainsi les gens du plus haut rang, comme ceux qui sont à leur aise, pren­dront un ton de gens d'une condition plus éle­vée; ainsi des femmes et quelquefois des hommes qui ressemblent à des femmes, surtout des jeunes gens, prendront un certain ton vaniteux, et affec­teront toutes sortes de faiblesses et de défauts de caractère, croyant être gentils, excellents et esti­mables en cela.

I1 arrive que des gens s'abandonnent à l'im­piété, à la négligence de leurs devoirs, perdent même la foi, au moins font tout ce qu'ils peuvent pour la perdre, parce qu'ils s'imaginent que c'est être quelque chose. I1 y a encore une foule d'abo­minations de ce genre que produit dans le monde grossier cette recherche de son excellence. D'au­tres, moins bas, moins faibles et moins grossiers dans leurs vues, cherchent leur excellence dans des choses plus raisonnables ou plutôt moins déraisonnables; ils la mettent dans un certain bien-être, quelquefois simplement dans leurs bonnes manières; d'autres, dans certaines vertus morales, de caractère ou de tempérament, dans leur esprit, leurs talents et autres dons naturels; d'autres recherchent avec ardeur leur excellence dans la science : ils sont infatigables pour y par­venir.

Ceux qui se donnent à Notre-Seigneur cher­chent leur excellence dans des choses plus rele­vées et véritablement excellentes, mais qu'on ne doit pas s'attribuer à soi, qu'on ne doit ni s'ap­proprier ni rechercher pour être plus excellent. Seulement, il y a cette différence: que les premiers s'abandonnent entièrement à ce penchant déréglé, par lequel ils veulent être excellents par eux et en eux, tandis que les seconds le combattent plus ou moins. C'est ce plus ou ce moins de combat qui fait le plus ou le moins de faute dans cette recherche, qui, par là, devient plus ou moins vo­lontaire. I1 faut absolument exterminer ce défaut de notre âme, si nous voulons être véritablement agréables à Dieu et parvenir à la perfection, car, tant qu'il existe, il est un empêchement insurmon­table à notre avancement spirituel.

C'est un très grand obstacle à la grâce, et l'on ne peut pas faire un véritable progrès lorsqu'il est en nous, même involontaire, parce que cette mauvaise habitude de notre âme de se retourner toujours sur elle-même, d'appliquer toujours tout à elle-même, de se l'attribuer et de se l'ap­proprier, fait qu'elle se détourne sans cesse de Dieu, qu'elle se ferme le canal des grâces divines, qu'elle abuse de celles que Dieu lui accorde, et convertit en mal ce qui devait être pour elle une source de biens, usant des grâces qu'elle reçoit de Dieu pour rehausser sa propre excellence, au lieu de s'en servir pour être de plus en plus à son Dieu. Même la coopération bonne qu'elle y apporte : quelquefois, elle la perd tout entière, quelquefois en partie, parce qu'elle s'en sert après pour se rehausser; très souvent elle y recherche plus ou moins sa propre excellence.

I1 y a des âmes qui sont si remplies de cet amour-propre et de cette recherche d'elles-mêmes en matière de piété, qu'elles ne font pas une seule action pieuse sans ce retour vers elles. Quand c'est là le principe unique de leurs actions, elles sont toutes mauvaises et abominables devant Dieu. Si cette recherche d'elles-mêmes y entre seulement pour quelque chose concurremment avec un bon principe surnaturel, alors ces actions sont plus ou moins imparfaites selon le degré de mélange. Il faut diminuer sans cesse ce mau­vais principe, et, avec la grâce de Dieu, l'amoin­drir au point de le rendre extrêmement faible en nous.

 

Les âmes spirituelles cherchent leur propre excellence dans la piété en plusieurs manières. Les unes font beaucoup de lectures d'ouvrages très spirituels, et pensent être bien parfaites parce qu'elles ont lu beaucoup, et qu'elles con­naissent bien des choses sur les matières de piété. Elles tâchent de connaître les termes em­ployés par les auteurs, et, par là, veulent avoir quelque excellence. D'autres n'aiment que les belles pensées, les hautes conceptions, veulent être quelque chose en prenant et en concevant les choses divines, sous des formes élevées, origi­nales, etc. D'autres se contentent par des con­naissances et des conceptions élevées ; elles veu­lent être dans un état sublime, elles examinent et considèrent sans cesse si elles ne sont pas parve­nues à tel degré d'oraison, elles cherchent et as­pirent sans cesse à être dans un état élevé. La voie commune, par laquelle passe la généralité des âmes ferventes, ne les touche point; il leur reste toujours un fond de désir par lequel elles veulent être distinguées de la masse. Elles ne se rendent pas toujours compte de cette mauvaise disposition ; elles croient que c'est un beau zèle pour la gloire de Dieu. Si ces âmes éprouvent quelque mouvement intérieur de piété un peu fort, de suite elles y voient quelque chose de par­ticulier, de grand. Quelquefois même, lorsqu'elles n'éprouvent rien de semblable, leur imagination leur en fait trouver.

 

D'autres, voulant avoir cette excellence en eux, et alliant l'esprit du monde avec les désirs et les idées de piété, se forment une piété mondaine et à eux, facile à pratiquer et conforme à leur caractère, qui les rend contents d'eux-mêmes.

 

II y a encore une foule d'autres défauts qui viennent de là. On va jusqu'à vouloir être humble par un effet de cet amour-propre, et c'est là un grand ,sujet de trouble et d'inquiétude, car c'est le propre de cet amour de s'inquiéter, de se troubler, de se raidir et de se tourmenter quand il n'obtient pas ce qu'il désire, et il n'est guère possible d'acquérir l'humilité par l'amour-propre. Plus ces âmes travaillent avec acharnement et activité pour y parvenir, plus elles éprouvent les atteintes d'amour-­propre, parce que dans ce travail il en entre au moins une bonne dose, et, au lieu de le vaincre, elles le fortifient de plus en plus par la répétition des actes qui en proviennent. Ce défaut suit une âme partout et en tout ce qu'elle fait. Ses œuvres extérieures sont aussi infectées que ses dispositions intérieures. On veut que tout ce que l'on fait, par exemple, prédication et autres œuvres semblables, soit parfait, beau, relevé, digne de soi.

 

 

 

VICES QUI DÉRIVENT DE L'AMOUR-PROPRE

 

Ce grand vice fondamental de l'amour-propre, cet égoïsme, est la source d'une foule d'autres qui tiennent, il est vrai, à d'autres principes encore, mais dont cependant il est le premier fondement.

 

Premier vice : la ténacité à ses goûts, ses idées et ses volontés. - Non seulement on veut rester soi-même dans ses idées, persévérer dans ses volontés, et agir en tout selon ses goûts, ce qui est déjà un grand mal, mais on veut que tout le monde se réduise et se laisse captiver par nos idées, nos goûts, et suive nos volontés. On emploie toutes sortes de moyens pour y amener ceux qui nous environnent.

 

La ténacité à ses idées provient quelquefois de l'estime de son jugement, mais très souvent de cet amour de soi. Si elle vient de l'amour de soi, on y met plus de raideur intérieure; on tient à ses idées, même lorsqu'on ne voit pas trop pourquoi; on y tient surtout lorsqu'on a prononcé le premier et que les autres ont jugé autrement, et lors même qu'on voit qu'on a tort.

 

Lorsque la ténacité vient de l'estime du jugement propre, on y met plutôt de la vivacité que de la raideur. On voit quelquefois d'une façon obscure, et l'on tient tout de même à ses idées, mais on se fait une illusion de raison et on se trompe volontiers ; on prononce aussi bien après les autres, et on soutient de même que si on avait prononcé d'abord. On est plus porté à contredire qu'à soutenir, ou plutôt on est porté à l'un et à l'autre à la fois, tandis que, dans le premier cas, on soutient plutôt qu'on ne contredit.

 

Deuxième vice : la violence, la colère, la ru­desse et l'opiniâtreté.

 

Troisième vice : l'envie et la jalousie. - Ces deux vices n'en forment qu'un, soit par leur prin­cipe, soit par le sentiment dans lequel ils consis­tent, soit par leur objet, soit par leurs effets.

Quoiqu'ils se ressemblent beaucoup en tous ces points, ils diffèrent cependant l'un de l'autre. L'envie est le vice de celui à qui il manque ce qui en fait l'objet, et la jalousie se porte même vers l'objet qu'on possède. L'un et l'autre ont l'œil mauvais et ne peuvent souffrir le bien de leurs frères.

L'envie est un désir déréglé du bien d'autrui, accompagné d'un sentiment d'aversion envers celui qui possède le bien désiré, et de tristesse d'en être privé. L'envie est ordinairement accom­pagnée de la jalousie, qui consiste dans l'afflic­tion de voir son frère avoir ce bien qu'on aperçoit en lui, et dans le désir mauvais de l'en voir privé. L'envie suppose la privation du bien en question, et la jalousie peut exister même avec la possession de ce bien.

Toutes les deux sont fondées sur cet excessif orgueil ou amour-propre et égoïsme, qui ne peut souffrir de supérieur ni d'égal, mais qui veut avoir seul tout bien, qui ne connaît que soi sur la terre. Ce qui excite le plus ces mauvaises affec­tions, ce sont les biens spirituels, le talent, la réputation, l'honneur, etc. L'envieux, comme le jaloux, porte toujours la punition de son crime avec lui. C'est un vice qui ronge l'âme et ruine le corps même.

Ce vice appartient à l'esprit aussi bien qu'à la volonté; c'est une mauvaise vue des biens d'au­trui accompagnée d'une mauvaise affection. Aussi il rend l'esprit aveugle : un esprit envieux ou jaloux ne voit jamais bien ce qui regarde celui qui est l'objet de sa jalousie.

Pour remédier à ce mal, on aura soin de s'abais­ser, de s'humilier sans cesse dans la chose même qui fait l'objet de l'envie. Par exemple, on envie l'élévation d'un autre : on s'appliquera en tout à se tenir le dernier, à n'avoir aucune autorité ni élévation.

 

Quatrième vice : le soupçon. - Notre âme ayant ce désir d'être quelque chose et cette recherche de ce qui peut nous relever, s'applique à trois choses : 1° à la contemplation d'elle-même; 2° à la connaissance de ce qui pourrait la relever; 3° à employer les moyens de se procurer les avan­tages qu'elle veut avoir en elle. Cette contempla­tion ou considération de soi-même ne se fait pas pour connaître Dieu résidant en nous, ni pour se connaître et se corriger de ses défauts, ni pour quelqu'autre bonne raison, mais par le très mau­vais principe de la recherche de soi-même, par laquelle on souhaite ardemment être quelque chose de beau, de grand et de parfait, à l'exclu­sion des autres.

Ce désir étant comme inné dans l'âme par le péché et en faisant comme une seconde nature, la pauvre âme a une pente violente, continuelle, et quelquefois imperceptible, de se regarder et de se considérer elle-même, soit dans ses facultés et son propre être, ou en ses actions, ou en ses rapports, soit pour chercher en elle quelque chose qui la relève, soit pour examiner les excellences qu'elle y cherche. Cette considération ou contemplation de soi­-même a simplement soi pour objet, l'esprit se plaît à se fixer et se reposer en lui-même. Cette opération provient d'un très mauvais principe, qui est l'égoïsme dont on a parlé plus haut, l'attache à soi, le bon plaisir qu'on trouve en soi seul. Une si mauvaise source ne saurait produire que de très mauvais effets, et elle les produit en grand nombre.

 

Cette vue ou contemplation de soi-même, prise de cette façon, est quelquefois une vue de contentement et de satisfaction et de repos que l'âme prend en elle-même, et elle se plaît à se voir et à se considérer. Cette satisfaction n'a d'autre motif que l'amour de soi-même. L'âme se plaît en elle-même sans savoir pourquoi, et, par suite de cette satisfaction aveugle qu'elle a d'elle-même, elle cherche à se voir en toutes choses.

 

Il en résulte de grands maux. Le principe étant aveugle, l'esprit l'est aussi dans sa vue et considération; il se plaît, et quelquefois il ne se plaît que dans la vue de lui-même, et alors il trouve bien tout ce qu'il voit en lui-même: tous ses mouvements lui paraissent aimables, agréables, c'est-à-dire que l'esprit se plaît à considérer avec complaisance ces choses ; toutes ses actions lui paraissent parfaitement bien; ses paroles, ses manières, tout est pour lui un objet de joie et de contentement.

 

En cela il n'est pas fondé en raison, et même quelquefois la raison lui dit le contraire; mais, par une certaine complaisance de l'esprit, il jouit et se plaît en ce qui est en lui et en ce qu'il fait.

 

Le plus mauvais là-dedans, c'est qu'on trouve beaucoup à redire dans les autres. Cette complaisance en soi, cette habitude de se considérer avec ce contentement de notre esprit, fait qu'on n'est guère porté à considérer les autres du même œil ; au contraire, l'esprit voulant ne trouver d'agrément qu'en lui-même, ne se plaît pas dans les autres, et voilà pourquoi il a une pente et une grande facilité à désapprouver et à se mécontenter des autres, de ce qu'ils font et de leurs manières.

 

I1 arrive de là que, comme on s'approuve et on se plaît en soi sans raison, sans y trouver de quoi satisfaire ce repos en soi, on désapprouve le prochain, on s'en mécontente et on y trouve sans cesse à redire, sans raison non plus. Seulement, on cherche à se convaincre, par des motifs qu'on se forge, que le prochain est répréhensible dans sa conduite, et on se laisse très facilement tromper en cela; on cherche à toute force à s'en persuader.

Le remède à ce mal est une charité très grande et un soin particulier de plaire au prochain, sur­tout à ceux contre lesquels on a le plus à redire.

 

Cinquième vice : la susceptibilité. - L'esprit étant dans ce repos et ce contentement, ne peut souffrir le moindre choc : un mépris, une indiffé­rence, un défaut d'attention, une préférence d'un autre le froissent. Lorsqu'on semble désapprou­ver notre conduite, notre manière d'être et de faire; lorsqu'on n'est pas de notre avis et qu'on luge les choses autrement que nous; lorsqu'on ne nous manifeste pas l'amitié, la tendresse, le con­tentement et la bienveillance à laquelle nous pré­tendons; lorsqu'on ne nous fait pas les honneurs que nous attendons, surtout lorsqu'on nous pré­fère un autre; même lorsque nous avons dit ou fait quelque chose qui n'a pas réussi, qui a fait une mauvaise impression : dans tous ces cas et dans une foule d'autres circonstances, notre esprit reçoit un coup et une peine très forte. Il se trouble et s'agite, il est mécontent et vient ensuite aux effets contre la prétendue injure qui lui est faite.

Tantôt c'est une peine cuisante et une plaie profonde qui reste. Ce qui a excité cette suscep­tibilité se représente sans cesse à notre esprit et avec des couleurs si noires, qu'il en est quelque­fois accablé. Il le rumine sans cesse et entre dans une grande tristesse qui, pour une niaiserie, dure quelquefois plusieurs jours sans laisser de re­lâche. La chose en reste quelquefois là, lorsqu'il y a des raisons qui empêchent d'aller plus loin, comme serait une autre passion ou un intérêt. I1 y en a aussi qui en restent là par caractère; d'au­tres, par vertu, ne vont pas plus loin, mais ils n'ont pas encore assez surmonté leur amour­-propre pour ne plus éprouver ces chocs.

Le remède, c'est de distraire son esprit de l'objet qui cause cette plaie dans l'âme et cette agitation dans l'esprit, de viser à se calmer, de faire des actes d'humilité devant Dieu, et de ne pas s'affliger de ce qu'on est si susceptible, mais de porter la peine qui nous vient de notre amour­-propre avec joie, au moins avec soumission à la divine volonté.

La chose parfois ne s'arrête pas là : l'esprit ainsi agité et blessé se révolte, se peine et mur­mure contre les personnes qui l'ont blessé ; il leur suppose des motifs très mauvais qu'elles n'ont pas eus, et quelquefois des motifs qui ne sont pas mauvais, mais qui l'irritent davantage et sans raison. Ceci va plus ou moins loin selon le caractère, la vivacité de l'imagination et l'habitude qu'on en a prise. I1 y en a qui se contentent de murmurer et de repasser dans leur esprit les mauvaises raisons qu'on a eues pour agir ainsi à leur égard.

Il y en a d'autres qui s'irritent et se tourmentent beaucoup, et chez qui la colère va jusqu'à la fureur et à une espèce de rage : elles sont très malheureuses, parce que la moindre des choses les choque et les met dans un très grand désor­dre. L'esprit étant ainsi travaillé par son mécon­tentement, l'imagination s'occupe à des projets de vengeance; quelquefois il cherche, par esprit de représailles, de quoi redire à celui qui a donné lieu à cette susceptibilité. Ces choses-là se pas­sent dans l'imagination, malgré soi, excepté en ceux qui sont volontairement susceptibles, et se nourrissent de tout cela.

Pour remédier à ce mal, il faut s'humilier beaucoup devant Dieu; faire souvent dans cet état des actes d'humiliation, d'amour de Dieu; se sou­mettre humblement et amoureusement à la peine et à l'humiliation qui proviennent de ces mouve­ments ; produire des actes de soumission à Dieu pleins d'amour et d'humilité; viser à tenir son esprit dans le repos devant Dieu au milieu de ces mouvements, par le moyen 'de ces actes ; tâ­cher de parler avec beaucoup de douceur, de ten­dresse aux personnes qui nous ont causé ces sus­ceptibilités; être plus prévenants pour elles qu'à l'ordinaire, et, si c'est un supérieur, être modestes et obéissants à son égard avec une plus grande douceur, ouverture de cœur et affection.

Il y a de pauvres âmes chez qui cette suscepti­bilité va si loin qu'elles se mettent dans des états affligeants, pour la moindre petite chose. A un mot dit sans intention, qui les attaque le moins du monde, leur vivacité part comme de la pou­dre, et elles manifestent malgré elles, par tout leur extérieur et par leurs paroles, qu'elles sont hors d'elles-mêmes. Cela est tellement fort qu'elles ne savent plus ni ce qu'elles disent ni ce qu'elles font ; leurs paroles et leurs actes leur sont un grand sujet de douleur et de repentir lorsqu'elles reviennent à elles; par moments même elles ne veulent pas croire qu'elles ont dit ou fait les choses qu'on leur rapporte, parce qu'elles étaient en tel état qu'elles agissaient et parlaient comme des aliénés.

Il y en a parmi celles-ci qui ont des rancunes très longues; il leur faut beaucoup de temps avant qu'elles se remettent avec quelqu'un qui leur aura une fois causé une de ces susceptibilités, et ces rancunes sont parfois très violentes : tout cela se fait plus ou moins malgré soi.

Voici le remède à appliquer : généralement évi­ter les occasions ou l'on risque de succomber; de temps à autre s'exposer à dessein pour se vaincre, et alors s'y préparer par la prière, même par la mortification; y aller ensuite en possédant son âme devant Dieu, en mettant toute sa confiance en la divine bonté seule, et en se tenant humblement devant lui. Lorsqu'on s'est vaincu plusieurs fois, on peut s'exposer plus souvent, mais toujours avec les précautions et dispositions dont on vient de parler.

Il faut remarquer, en s'exposant ainsi à l'occasion, que ce doit être uniquement dans le désir de se vaincre et non pour aucune autre raison. Par exemple, on trouve du plaisir à être dans la compagnie de telle personne, seulement il arrivera peut-être une occasion de susceptibilité, on la prévoit; il ne faut pas aller avec elle par le seul plaisir qu'on trouve d'être en sa compagnie. Lorsqu'on sent le moment venir et qu'on ressent en soi beaucoup de violence, il faut alors se taire, et si cela augmente, quitter la personne, se retirer bien vite avant de s'être échappé, et ensuite se calmer tout doucement.

 

Sixième vice: la hauteur et l'exaltation d'esprit.

 

- L'âme, dans cet état, a ce regard et cette contemplation déraisonnés et de complaisance en elle. Ce regard se fait avec une certaine hauteur. Ce n'est pas précisément une estime de soi; on se connaît quelquefois comme bien misérable, comme pauvre, comme le dernier de tous ceux avec qui on se trouve, mais on a cependant cette complaisance d'esprit pleine de hauteur en soi.

Cette hauteur suit l'âme dans toutes ses opérations, et elle est très mauvaise; elle se montre dans la tenue, dans la parole, dans le geste, en son particulier comme dans les rapports avec le prochain. Lorsque nous nous trouvons avec des personnes qui sont beaucoup au­-dessus de nous, selon nos idées, comme par leurs talents, par leurs richesses ou par quelqu'autre chose que nous estimons et qui nous manque, alors cette espèce de respect qui est imprimé à notre esprit le tient en réserve dans nos rapports avec elles, à condition que nous ne soyons pas attaqués, car alors il se fera sentir au moins quelque chose de cette hauteur, quoique moins fortement.

 

Dans d'autres occasions, on fait des bassesses avec ces personnes, mais, généralement parlant, on se tient avec elles dans une certaine élévation d'esprit; on fait en sorte d'en être respecté sans se mettre trop au-dessus d'elles. Quand on se trouve avec des égaux, même avec ceux qui ont une supériorité peu au-dessus de nous, on les mène tout autrement, on ne leur passe jamais rien, et, en général, on agit avec eux avec une grande fierté.

 

Dans son particulier, on se sait toujours gré et on se félicite de tout ce qu'on fait. Dans cet état, on ne ménage personne, on se préfère à tous, et n'étant occupé que de soi et ne se plaisant qu'en soi, on sacrifie tout ce qui n'est pas conforme à cette hauteur et à cette satisfaction.

 

Ces personnes sont pleines de dédain pour tout le monde, et, sans se rendre raison de ce sentiment, elles méprisent tout ce que rebute leur esprit de fierté. Si une personne ou une chose tend à les abaisser, elle attire leur très grand mépris, quelque estimable qu'elle soit d'ailleurs.

 

Ces âmes ne savent guère obéir ; elles croient que ce serait s'abaisser, et cette élévation et exaltation complaisante de l'esprit les en rend inca­pables. Quand elles ont bonne volonté jusqu'à un certain point, elles obéissent encore en cer­taines choses, lorsque les supérieurs traitent avec elles en grande douceur et modération, et de telle façon qu'elles ne sentent pas qu'elles obéis­sent; mais s'il arrive que le supérieur agisse avec moins de précaution (le forme et que, sans atten­tion, il parle comme supérieur, s'il ordonne, s'il contredit, quoiqu'il le fasse avec douceur, dès que ces âmes sentent qu'on exerce une supério­rité sur elles, cela les révolte, l'obéissance n'existe plus et elles regimbent; et si elles obéissent par nécessité, c'est avec un grand mécontentement, en murmurant et en conservant de la rancune, et en s'irritant même contre leur supérieur; elles se trouvent extrêmement choquées et déshonorées, traitées injustement, chargées outre mesure, ou le supérieur, selon elles, agit avec imprudence.

Une autre difficulté pour ces âmes, c'est l'obéis­sance devant les autres; l'élévation d'esprit se fait alors sentir plus fortement et produit même un effet physique dont on n'est pas maître. Cet esprit qui veut être grand, non seulement en lui et à ses yeux, mais aux yeux des autres, éprouve une très grande humiliation de se voir ainsi abaissé, lorsqu'il est obligé de plier ainsi sous un joug, et cet abaissement lui parait insupportable lorsque c'est devant les hommes. Cet effet va quelquefois jusqu'à une angoisse très grande, et l'esprit, même lorsqu'on veut à toute force se soumettre parfai­tement, éprouve des répugnances très grandes et des difficultés très fortes pour se rendre à cette obéissance ou soumission publique, tellement qu'il faut avoir travaillé beaucoup à se vaincre pour pouvoir obéir, même de mauvaise grâce, en ces circonstances. Ceux qui n'ont pas encore gagné beaucoup sur eux-mêmes manqueront à l'obéissance en cette circonstance. I1 y en a qui agiront comme s'ils étaient sans supérieur, et comme s'ils voulaient montrer qu'ils font ce qu'ils veulent en cette rencontre.

D'autres iront si loin, que jamais ils ne pourront souffrir qu'on croie qu'ils aient des supérieurs, ou au moins qu'ils soient assujettis, et ils veu­lent agir en tout comme s'il n'y avait rien qui les restreigne. Ce dernier point arrive même bien souvent à des personnes qui ont déjà vaincu une grande partie de leur amour-propre; elles s'y lais­sent encore surprendre parfois. I1 est important de veiller là-dessus, de manifester en toute ren­contre qu'on a un supérieur et qu'on est obligé de faire sa volonté plutôt que la nôtre, et d'obéir à la règle. Nous avons un grand besoin de résis­ter à cette espèce d'amour-propre et de l'affaiblir par des actes positifs et extérieurs ; il est très mauvais, et nos âmes en sont infectées plus que de tout autre.

Une des choses mauvaises dans ce genre d'amour-propre, c'est qu'il fait de très grands progrès dès qu'on n'a pas soin de l'arracher. I1 n'existe pas de mauvaise herbe qui s'étende plus vite. Aussi ne doit-on jamais rien se permettre en ce genre, lorsqu'on s'en aperçoit.

 

Mais si cet amour-propre est cause qu'on est mauvais inférieur, il fait aussi qu'on est mauvais supérieur. Ceux qui en sont infestés ne trouvent jamais de supérieur assez doux; ils voient dans tous leurs ordres de l'orgueil, des imprudences, de la raideur; ils leur trouvent un esprit trop positif, etc. S'ils le sont eux-mêmes, ce mauvais principe se manifeste en toutes les circonstances. Un tel supérieur commande avec empire,-et, lorsqu'il veut prendre sur lui d'user de douceur et d'humilité, sa hauteur intérieure paraît toujours, même quand il parle avec bonté. Il fait sentir sa condescendance dans son ton et sa manière; se voyant lui­-même élevé et l'autre dans sa dépendance, il le traite avec cette douceur de supériorité qui est quelquefois pire qu'une hauteur manifeste. I1 aime à se considérer intérieurement comme au-dessus des autres ; il ne fait pas cela d'une manière expresse et par la pensée, mais le ton intérieur de son esprit et sa tenue se ressentent d'une idée de supériorité, et il en fait sa nourriture, très souvent sans y réfléchir, souvent par la pensée directe : cette pensée le flatte. Quelquefois même on est peiné d'être dans la supériorité, soit par la raison du travail qu'on y a, soit par d'autres raisons même bonnes, et, en même temps, l'esprit se nourrit et s'entretient dans ce ton de hauteur et d'élévation; il est dans une certaine jubilation, et il en résulte une certaine complaisance.

 

Ces supérieurs aiment que leurs inférieurs sentent leur infériorité ; ils aiment qu'on soit docile et obéissant, et ne peuvent souffrir de la résistance dans leurs inférieurs. Si elle se produit, ils ne savent pas les ménager, les supporter, les consoler, leur pardonner et prendre part à la peine qu'on éprouve dans l'obéissance. Ils ne font pas attention à la grandeur de la tentation que l'on éprouve; ils condamnent, se mécontentent et conservent de la mauvaise humeur contre ceux à qui ces choses arrivent. Oh ! qu'ils sont coupables, et que leur châtiment sera grand ! Ils ne pensent jamais que les tentations dont sont assaillis leurs inférieurs, viennent plutôt de leur conduite orgueilleuse, de leur hauteur et mauvais esprit, que de la faute des désobéissants. Les supérieurs qui sont fortement attaqués de ce mal dangereux, font souvent des fautes de ce genre sans s'en apercevoir; et, même lorsqu'ils veulent ménager ces pauvres âmes qu'ils affligent par leur orgueil, ils mêlent encore ce genre d'élévation d'esprit et aigrissent le mal.

 

Le remède à cela est que le supérieur fasse observer la règle et pratiquer l'obéissance :

1° Par son exemple plus que par tout le reste. Qu'il s'exempte plus difficilement des exercices et de l'ordre établi dans la maison, qu'il n'en exempte les autres. Qu'il les observe non en su­périeur mais en simple sujet, et qu'il le fasse, non pour donner l'exemple, mais avec simplicité, par pure obéissance, et comme un devoir à lui en qualité de simple particulier.

2° Par l'humilité, regardant sérieusement tout le monde comme au-dessus de lui, et se considé­rant comme constitué pour le service spirituel et corporel de tous. Qu'il s'estime un domestique établi dans la maison de Dieu pour l'adminis­trer et y entretenir l'ordre et le bien-être, pour la gloire de son Maître et pour le bien des enfants de Dieu qui y sont. Ses inférieurs sont, en effet, les enfants de Dieu ; il doit les considérer comme tels et traiter avec eux en cette vue. Les enfants ne doivent gouverner ni la maison de leur Père céleste, ni le domestique ayant charge du Père de famille pour le gouvernement et l'ordre de la maison. I1 faut que les enfants soient fidèles à l'ordre qu'établit le domestique de leur Père, au nom du divin Père; mais le domestique doit respecter les enfants de son Maître, et ne jamais se regarder comme au-dessus d'eux; ce serait un usurpateur, un criminel horrible, qui serait jeté bien certainement dans les ténèbres extérieures. Le supérieur évitera par là un grand mal dans lequel il court risque de tomber, celui d'agir et de vivre comme si toute la maison était faite pour lui.

 

Cela arrive toujours à ceux qui n'ont pas vaincu entièrement leur amour-propre : ils règlent tout selon leur commodité et quelquefois gênent et molestent toute la communauté pour cela; ils mènent eux-mêmes une vie .assez libre; ils s'exemptent facilement des choses qui leur coû­tent, tandis qu'ils les font rigoureusement exé­cuter par les autres. Ils chargent de grands far­deaux sur les épaules des autres, et ils ne les touchent pas du bout de leurs doigts, et cela sans le moindre prétexte, par un principe de cet amour-propre et une vue de leur supériorité.

Ils se servent encore des inférieurs pour se faire rendre de petits services, qui sont pour leur propre utilité. Cela ne doit jamais être : le supé­rieur ne doit faire obéir les inférieurs que pour l'observation de la règle, le bien et l'utilité de la maison, de la Congrégation, la gloire de Dieu seul, et pour leur propre sanctification; mais jamais son avantage propre et son bien-être ne doivent entrer en ligne de compte. Si le supé­rieur prend les choses dans l'esprit d'humilité que nous venons de dire, il évitera ce grand écueil.

3° Par la douceur. Le grand secret de la dou­ceur, dans la pratique, consiste à ne pas choquer ce même vice de hauteur. Un supérieur qui sait bien ménager ce mauvais endroit dans ses infé­rieurs, leur fournira le moyen le plus facile à l'obéissance. I1 faut bien faire attention à une chose : dans les âmes bonnes, décidées à servir Dieu, ce ménagement consiste à ne pas les heurter trop fort et au­-delà de ce qu'elles peuvent porter. Quand on voit la grâce divine agir contre ce défaut; on peut la favoriser et l'aider, mais avoir bien soin d'agir dans le même sens, de la suivre et de ne pas aller plus loin. Il faut prendre garde encore de ne pas le faire par un principe naturel, et surtout par cette même hauteur d'esprit, car, dans ce cas, cela ne saurait produire rien de bon.

 

Dans les âmes bonnes, qui sont sérieusement décidées à servir Dieu, mais qui sont tentées de ce côté-là, ou qui sont en danger de l'être, comme aussi dans les âmes bonnes mais moins poussées par la grâce de Dieu ou moins décidées, le ménagement consiste à ne pas attaquer ce côté faible, à agir de façon à leur éviter toute tentation de ce genre. Car tant qu'on n'a pas froissé ce genre d'amour-propre, on a beaucoup de facilité à le ménager; mais une fois qu'on est allé contre, on a de la peine à ramener les choses à un bon état.

 

Pour les âmes moins bien disposées, plus défiantes, et dont ce genre d'amour-propre est moins vaincu, il faut porter plus loin ces ménagements; il faut leur accorder quelque chose, sans flatter cependant ce mauvais penchant. Ce ménagement ne doit pas aller jusqu'à les nourrir et les entretenir dans cette pente de hauteur d'esprit; mais il consiste à leur accorder certaines choses favorisant, il est vrai, cette hauteur, mais que l'on ne peut leur refuser sans les froisser, pourvu cependant que cela n'aille pas trop loin et ne risque de tirer à conséquence. Dans le doute, il faut les favoriser, parce qu'il faut toujours craindre sa propre hauteur qui se choque grandement de celle des autres, et qui nous trompe souvent. Dans les ménagements à donner à ces derniers, comme aussi aux âmes tentées, il faut prendre garde qu'elles ne s'aperçoivent du principe de notre conduite.

 

Si le supérieur s'applique le remède précédent, la douceur ne lui coûtera pas. Dans l'exécution des règles et dans l'obéissance à faire pratiquer, il a besoin d'une très grande douceur. Or, une âme travaillée par le mauvais esprit d'élévation est portée à se faire obéir et à faire exécuter les règles avec rigueur; le moindre manquement l'irrite, la révolte, lui fait au moins un effet de résistance en son intérieur, et elle veut sur-le-champ s'opposer à cette désobéissance. I1 faut que le supérieur résiste à ce mouvement, qu'il se rende doux et agréable à tous, pour les aider à obéir par son exemple, ses paroles douces et ses manières engageantes.

 

S'il se laisse aller à ce mouvement de hauteur intérieure, il ne pourra pas soutenir ceux qui ont des défauts, surtout les défauts qui tiennent à l'amour-propre, qui tendent à la désobéissance, et qui se dirigent contre sa personne, soit comme supérieur soit comme particulier. La même chose arrivera pour les âmes tentées, surtout lorsque la tentation est si violente, que les pauvres âmes en sont accablées, et principalement lorsqu'elle se dirige contre lui. Dans tous ces cas, il a besoin de se surveiller beaucoup, parce que cet esprit de hauteur le rend incapable de traiter ces maladies de l'âme; il a besoin de devenir très doux et d'avoir une grande souplesse d'esprit. En gé­néral, cette qualité est très bonne pour faire con­trepoids à la hauteur.

Tout le monde peut employer ces remèdes avec grand avantage.

Une autre faute dans laquelle le supérieur tombe par ce défaut, c'est qu'il est jaloux de son autorité; il manifeste en toute circonstance que c'est lui qui est le maître, et lorsqu'on lèse son autorité en quoi que ce soit, il a grand soin d'y remédier; il s'en fâche et se mécontente beau­coup. Outre cela, il emploie et prend des moyens pour affermir son autorité dans l'esprit des infé­rieurs; il use même quelquefois dans ce but de stratagèmes et de moyens secrets et détournés. I1 fait tout cela dans la pensée qu'il a besoin d'au­torité pour se faire obéir; c'est une secrète illu­sion de son esprit d'orgueil qui le trompe. C’est l'esprit de Dieu qui doit donner autorité à un supérieur; celle qu'il acquiert par son industrie et son arrogance est une autorité factice et usur­pée, et elle ne produira pas de grands effets. Le moyen de faire observer l'obéissance, c'est de la rendre douce et suave, et de donner l'exemple d'une sage humilité. Le supérieur doit viser en toutes choses à faire respecter Dieu et non sa propre personne.

 

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