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PETIT TRAITE DE LA VIE INTERIEURE
 
                                           ES ES 271-280 


I. LA VIE INTERIEURE CONSIDEREE EN ELLE-MEME

              Une âme intérieure :

              1° reste sans cesse présente à elle-même et à Notre-Seigneur qui demeure en elle;

              2° elle vit et agit sous l'influence et la dépendance de Notre-Seigneur Jé­sus-Christ qui vit en elle.

 

II. FIN DE LA VIE INTERIEURE

              L'âme intérieure tend en toutes ses oeuvres à faire mourir sa vie naturelle, pour faire vivre et régner Jésus-Christ en elle.

 

III. PRATIQUE DE LA VIE INTE­RIEURE

              Elle consiste en une douce et amoureuse présence de Dieu.

              L'âme intérieure est habituelle­ment dans une suave, simple et hum­ble direction vers Dieu dans ses oeu­vres.

              Elle tâche de n'agir que par l'ordre et l'impulsion intérieure de Dieu.

              Elle attend tout de lui, elle ramène tout à lui; elle voit Dieu dans toutes les créatures et toutes les créatures en Dieu.

              Dans ses rapports avec le pro­chain, tout est amour divin, paix, zèle, condescendance et humilité.

              Son action est paisible, re­cueillie, pleine de mansuétude, de modestie et d'une douce gravité.

 

IV. ETAT D'UNE VIE INTERIEURE

              Elle est dans un doux repos entre les bras de son bien-aimé.

              Son occupation est de le regar­der dans son intérieur, d'écouter paisiblement sa voix, d'être fidèle à ses saintes inspirations.

              Si quelque fois elle ne le fait pas sensiblement, elle le fait néan­moins en réalité.

              Elle est calme, paisible, posée, saintement réfléchie.

              Elle jouit d'une grande liberté intérieure.

              Son action est forte et suave.

              Elle se montre d'une humeur égale et d'une conduite uniforme.

 

V. EFFETS DE LA VIE INTERIEURE

              Grand amour de Dieu, qui de­vient l'âme et la vie des actions.

              Satisfaction unique et très forte dans les choses divines.

              Mépris et dégoût pour tout ce qui n'est pas Dieu.

              Indifférence pour soi, ses intérêts, ses plaisirs, ses goûts et ses satisfactions.

              Grande paix dans l'âme, grand calme dans l'action, humble assurance dans la conduite, défiance douce et humble de soi-même.

 

VI. BIENS QUI RESULTENT DE LA VIE INTERIEURE.

              Bonheur surnaturel au milieu des plus grandes souffrances et con­tradictions; une vie pure, la haine du moindre péché, de grandes assuran­ces pour son salut; ouvres remplies de grâces et de mérites devant le Seigneur; une grande force pour entreprendre et exécuter ce que Dieu demande de nous.

              Perfectionnement même de nos facultés naturelles, en nous rendant surtout aptes à traiter saintement les choses divines, à concevoir les mys­tères de Dieu, la vie de Notre-Sei­gneur et de sa très sainte Mère, la pratique des vertus chrétiennes, et à en parler dignement.

              Elle seule peut nous apprendre à bien conduire les âmes à Dieu, sur­tout celles qui sont appelées à une perfection au-dessus de l'ordinaire.

              Elle nous procure les dons du Saint-Esprit, selon les miséricordes de Dieu sur nous, et nous rend capa­bles de le glorifier sur la terre.

 

VII. VERTUS PROPRES A LA VIE INTERIEURE.

              La simplicité, l'humilité, la modestie intérieure et extérieure.

              La douceur, la patience, le support de nos défauts et de ceux du prochain.

              La charité, le zèle, la pruden­ce, la force pour entreprendre et poursuivre ce qui est pour la gloire de Dieu, le salut des âmes et notre propre sanctification.

              L'amour des souffrances, et en toutes choses une parfaite soumission à la sainte volonté de Dieu.

 

VIII. MOYENS D'ACQUERIR LA VIE INTERIEURE ET D'Y PROGRESSER

1°.Moyens extérieurs. Fuite de ce qui est dissipant: sociétés bruyantes, gens du monde.

              Sobriété dans la nourriture et le sommeil, mortifications.

              Eviter les tenues et les postu­res molles, éviter tout ce qui n'est que pour la délicatesse, le pur plaisir des sens, tout ce qui n'est que pour l'amusement naturel de l'esprit; faire même quelques mortifications.

              Eviter, lorsque cela est possi­ble, tout ce que peut flatter la vani­té, la curiosité.

              Avoir une règle en tout et au moins à peu près déterminée. Faire certains exercices de piété auxquels on sera fidèle.

              Fréquenter des personnes pieuses qui puissent nous être utiles pour la vie intérieure.

              Se déclarer sans crainte et sans respect humain comme voulant servir Dieu selon la plus grande per­fection; ne pas le faire avec vanité.

              Avoir un directeur spirituel, choisir celui qui peut véritablement nous conduire dans la voie de la per­fection, et non selon nos goûts natu­rels ou dans des vues humaines.

              Pas de recherche dans son extérieur, mais simplicité en tout.

Moyens intérieurs Eloignement du péché; le craindre beaucoup, même les moindres imperfections et la moin­dre infidélité à la grâce.

              De plus, mort à toutes les cré­atures: biens, réputation, parents, amis, et à tout ce qui peut intéresser selon la nature, pour n'être attaché qu'à Dieu seul, et ne rien aimer qu'en Dieu et pour Dieu.

              Mort à soi-même; goûts natu­rels, jouissances, aises, commodités et agréments de la vie, désirs et affections naturelles, tout doit être sacrifié à notre adorable Maître, qui veut vivre et régner dans nos âmes.

              Se détacher même des goûts et jouissances spirituels.

              Surtout guerre à notre amour-propre dans tous ses replis et dé­tails, le tout avec douceur et con­fiance en Dieu seul et en sa sainte grâce, et uniquement pour lui plaire.

              Pratique de l'oraison faite avec soin et fidélité au milieu des distrac­tions et des difficultés.

              Fréquentes oraisons jaculatoi­res et retours vers Notre-Seigneur; chercher à lui plaire en tout ce que l'on fait.

              Veiller sur ses sens intérieurs, surtout sur l'imagination pour ne pas la laisser se satisfaire.

              Tendre sans cesse vers les vertus propres de la vie intérieure et vaincre les obstacles; faire son exa­men particulier sur le plus grand obstacle en nous.

              Avoir souvent Jésus devant les yeux et faire ses actions pour l'amour de lui.

              Le moyen le plus puissant, c'est le fréquent usage des sacre­ments, surtout la sainte Eucharistie, avec une soigneuse et fervente pré­paration.

 

IX. OBSTACLES A VAINCRE

              Légèreté et mobilité de l'esprit à fixer; raideur et dureté de carac­tère à adoucir; opiniâtreté naturelle à rendre souple; empressement et activité à modérer.

              Inquiétudes, agitations et em­barras d'esprit à tranquilliser; trop grande violence d'imagination ou de sentiment à calmer.

              Attendrissement sur soi et sensibilité à amortir; attaches du coeur aux objets créés à rompre.

              Désirs de jouissances, tout retour d'amour-propre sur soi-même à rejeter.

              Tout cela fait, non avec rai­deur et par ses propres forces, mais par amour pour Dieu qui est en nous, et pour lui être agréable en toute notre conduite et parvenir à la vie intérieure.

 

X. MOYENS DE NOURRIR ET D'AUG­MENTER LA VIE INTERIEURE

              Avoir souvent devant les yeux Jésus et Marie; y joindre de fré­quents actes d'amour, d'humilité, d'offrande de soi-même et de ses goût, de soumission et d'abandon entre les mains de Notre-Seigneur, et se laisser entraîner aux mouvements intérieurs qu'il nous donne.

              Agir, autant que possible, par ce mouvement extérieur de la grâce, et dominer le plus possible, l'in­fluence du mouvement naturel dans nos actions, pensées, désirs, goûts.­..; agir plus par principe d'amour que par tout autre.

              Grande assiduité à lire et à méditer l'Ecriture Sainte, qui est la lumière qui doit nous guider, nous échauffer, et qui est une nourriture bien vivifiante pour notre âme; se nourrir peu par les vues de l'esprit et beaucoup par l'union de la volonté.

              Etre souple, docile, humble, modeste, paisible, doux et dispos entre les mains de Dieu, pour se laisser manier par ses divines volon­tés et ses inspirations intérieures, selon son bon plaisir.

              Avoir une conduite doucement grave, modérée, posée, calme, paisi­ble, le tout sans affectation.

              Etre maître de tous les mouve­ments de sons âme; diminuer le plus possible les mouvements spontanés qu'on appelle primo-primi, surtout ceux qui sont vicieux, comme aussi les impressions spontanées.

 

XI. MODELES DE LA VIE INTE­RIEURE

              Avoir toujours les yeux sur l'intérieur de Jésus et de Marie. Con­sidérer 1° les merveilles admirables qui se passaient sans cesse dans l'humanité sainte de Jésus-Christ, ses intentions, sentiments, désirs, vues et dispositions dans les mystè­res, et sa vie toute divine.

              2° L'action intérieure si admi­rable de l'âme sainte de Jésus, ses actions extérieures, sa parole, sa démarche, sa tenue, selon les cir­constances différentes où était cette adorable humanité.

              3° Ses rapports avec son Père, avec les hommes, et son état intérieur en elle-même.

              4° Les rapports de Jésus avec Marie, soit intérieurs soit extérieurs, et ceux de Marie avec Jésus.

              5° L'état intérieur de Marie dans les différents circonstances merveilleuses où elle se trouvait; la vie de Jésus en elle et sa vie en Jé­sus.

              Nous former sur ces grands modèles, selon la grâce et par les mouvements de la grâce qui est en nous.

 

XII. DEFAUTS ET DANGERS A EVI­TER

              La contention et l'effort naturel qui sont la perte de la vie intérieure.

              Ne pas s'attacher aux jouissan­ces et sentiments naturels, ne pas les rechercher trop violemment, mais s'attacher à Dieu seul.

              Ne jamais se troubler ni s'in­quiéter des sécheresses, des distrac­tions et des autres difficultés, mais s'humilier, se fortifier par la foi et la confiance en Dieu. Eviter l'ambition, les désirs des choses grandes et des distinctions spirituelles.

              Ne pas chercher à faire, à penser, à sentir autrement que les autres, mais s'appliquer à aimer Dieu purement; ne pas rechercher ni vou­loir des vues élevées et sublimes; l'esprit doit s'abaisser et le coeur doit être grand sous l'influence de la grâce divine.

              Eviter les vues imaginaires de la perfection et des choses divines; tendre à tenir en repos l'imagination et agir par la volonté et dans l'amour.

              Eviter un certain enchantement et emportement de l'imagination, qui exalte les idées; elle nous fera croire que nous sommes plus avancés qu'en réalité.

              Craindre très fort une certaine hardiesse et assurance de pensée et d'action, en matière spirituelle, qui n'est pas accompagnée et tempérée par la crainte et la défiance de soi-même et cette humiliation intérieure, qui sont toujours les compagnes insé­parables de la véritable liberté d'es­prit, qui vient de la confiance en Dieu. Cette hardiesse tend même à la présomption, qui est une grande ruine pour la vie intérieure; elle porte aussi à condamner ceux qui ne pensent pas comme nous et qui nous condamnent.

              Eviter, comme un grand dan­ger, l'estime, la satisfaction et la complaisance pour son état; lorsqu'on aperçoit un défaut en soi, ne pas chercher à le couvrir en l'expliquant favorablement ou en considérant d'autres bonnes choses pour se con­soler.

              On doit savoir aussi que, tou­tes les fois qu'on juge un autre, on est de suite jugé; quand on condamne un autre, on est de suite condamné. Se juger toujours mal soi-même et toujours bien les autres, c'est le propre d'une âme intérieure.

              Eviter le trouble et l'embarras, lorsqu'un autre, qui est meilleur que nous, ne fait pas selon que nous croyons qu'il devrait faire, selon les règles de la perfection; nous n'avons pas à rendre compte des autres, mais de nous-mêmes.

              En général, éviter et calmer toutes les tentations qui tendent à nous troubler, nous inquiéter, nous mettre en activité.

 

XIII. LECTURES

              Lire la vie des saints les plus distingués et les plus fervents; lire peu d'auteurs spirituels et encore peu à la fois. Nos lectures doivent être plus pour le coeur que pour l'esprit; il faut plutôt viser à se ren­dre fervent qu'à s'instruire; notre grand livre doit être l'intérieur de Jésus et de Marie, non pas écrit par la main des hommes, mais par la main de Dieu même, et notre grand maître, l'Esprit-Saint, parlant dans le fond de notre âme. Ecoutons-le, soyons-lui fidèles, il nous sanctifiera.

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