En relisant Poullart des Places

 

Joseph Lécuyer

 

 

Présentation

 

     Pour mieux situer les textes du P. Joseph Lécuyer donnés ci-dessous, on se reportera à la présentation générale de ce volume. Le P. Lécuyer rappelle lui-même, dans son introduction, les circonstances qui l’ont poussé à les écrire en 1977. Il était à l’époque un membre éminent et actif du Groupe d’Etudes Spiritaines (GES) de la maison généralice (Rome). Sous l’animation du P. Amadeu Martins, ce groupe publiait une revue trimestrielle, les Cahiers Spiritains, appelés familièrement les Cahiers rouges en raison de leur couverture. C’est dans cette revue que le P. Lécuyer a publié sa relecture des Ecrits de Poullart des Places, en trois livraisons : n° 3, mai-août 1977, p. 3 à 18 ; n° 4, septembre-décembre 1977, p. 3 à 17 ; n° 5, janvier-avril 1978, p. 3 à 20. On ne manquera pas, en lisant les réflexions du P. Lécuyer, de se reporter aux Ecrits eux-mêmes de Poullart des Places que nous rééditons en ce volume dans une version révisée et corrigée, accompagnée des introductions que le P. Lécuyer avait rédigés pour leur édition (non complète et pas entièrement révisée) dans le n° 16 (Pâques 1983) des Cahiers Spiritains.

     Lorsque le P. Lécuyer “relisait” Poullart des Places, il n’avait alors à sa disposition que l’édition KOREN des Ecrits. C’est donc à cette édition que se rapportent les nombreuses références données en notes de bas de page. Il nous a paru inutile d’indiquer à chaque fois la page du présent ouvrage où se trouvent les textes cités, car, dans l’édition révisée de tous les Ecrits de Poullart des  Places que nous donnons en ce volume, nous avons pris soin de mettre en marge la pagination du texte français de l’édition KOREN : ainsi, l’indication K 120 veut dire KOREN, Ecrits, p. 120. De la même façon, l’indication marginale  L 54 renvoie à la page 54 de l’édition LECUYER des Ecrits de Poullart des Places. La table des correspondances est ainsi complète.

 

 

     Les écrits qui nous sont restés de Claude-François Poullart des Places ne sont pas nombreux ; les premiers datent de 1701, 1’année de ce qu’il considère comme sa conversion ; les derniers précèdent de quelques années sa mort prématurée en 1709. Aucun de ces écrits n’était destiné à la publication ; en dehors des Règlements pour la Communauté du Saint-Esprit, ce sont des notes personnelles, rédigées selon les circonstances, souvent sous forme d’entretien avec son âme ou avec Dieu. Sauf peut-être certains passages des Règlements du Séminaire, tout a été écrit avant l’ordination à la prêtrise de Claude, soit alors qu’il avait entre 21 et 25 ans. Œuvres d’un jeune homme, à la période des grandes décisions qui le conduisent à abandonner une brillante carrière pour se consacrer au service des plus pauvres. A ce seul titre, elles méritent tout notre intérêt, puisqu’elles sont à l’origine de notre vocation et de notre histoire de spiritains.

     En les relisant posément, tranquillement (ce que nous faisons si peu de nos jours), il m’a semblé qu’on pouvait y déceler, au-delà d’un style qui n’est plus le nôtre, un esprit qui nous concerne : je veux dire une attitude spirituelle devant Dieu et devant le monde, qui rejoint, au travers des siècles, nos préoccupations d’aujourd’hui, et qui se retrouve au long de notre histoire spiritaine, en particulier dans celui qui nous a si profondément marqués de son empreinte, le P. Libermann. C’est cela que je voudrais essayer de montrer. J’ai bien conscience de la difficulté de cette tâche ; d’abord, parce qu’il est toujours difficile de décrire ou de cerner un esprit, qu’on ne saurait jamais réduire à des schémas préétablis ou exprimer en des définitions claires et distinctes ; mais aussi parce que, je le dis avec confusion, j’ai beaucoup négligé la connaissance des écrits et de l’œuvre de Poullart des Places. Serais-je téméraire en pensant qu’il en est probablement de même de beaucoup de mes confrères spiritains ? Pourtant, nous avons en français, après le gros livre déjà ancien du P. Henri Le Floch, une excellente biographie écrite par le P. Joseph Michel ; et nous avons (en français et en anglais), 1’édition complète des Ecrits spirituels de M. Claude-François Poullart des Places, par H. J. Koren et M. Carignan. Ces livres devraient être dans toutes nos bibliothèques de communautés. Et, s’ils y sont, il faudrait les lire.

     C’est ce que j’essaierai de faire dans les pages qui vont suivre. J’y suis encouragé par une circonstance qui ne saurait nous laisser indifférents : dans deux ans, le 26 février 1979 sera le troisième centenaire de la naissance de Claude-François, en la ville de Rennes, en Bretagne, au foyer de François-Claude Poullart et de Jeanne Le Meneust. Ceux-ci étaient mariés depuis le 27 mai 1677 [1], et ils avaient craint de n’avoir pas d’enfants. La venue de ce garçon combla leur attente.

Comment mieux préparer ce centenaire qu’en recueillant ce qui nous reste de ce très jeune fondateur ? Le P. Koren fait remarquer que notre Congrégation est, sans doute, depuis le XVIe siècle, la seule société religieuse de prêtres qui ait comme fondateurs un simple tonsuré (Poullart des Places) et un acolyte (le P. Libermann) [2]. Il est certain, en tout cas, que les écrits du premier portent clairement l’empreinte de la jeunesse. Peut-être pouvons-nous espérer qu’ils nous aideront à garder une certaine jeunesse d’âme.

 

1 - Réflexions sur les vérités de la religion (1701)

 

     Les deux premiers écrits de Claude-François Poullart des Places datent d’une retraite qu’il fit peu de temps après avoir obtenu brillamment sa licence en droit, à l’âge de 21 ans. Le P. LE FLOCH et, à sa suite, le P. Koren pensent que cette retraite eut lieu à Paris, au noviciat des jésuites de la rue du Pot-de-Fer, sous la direction du P. Sanadon [3]. Il n’existe, semble-t-il, aucune preuve sérieuse de ce fait, et Joseph Michel considère comme plus vraisemblable que la retraite eut lieu à Rennes [4]. Ce détail importe peu. Il est certain, en tout cas, que cette retraite marqua de façon définitive la vie du jeune avocat, et que ce fut à cette occasion qu’il se décida à consacrer toute sa vie au service de Dieu.

     Pendant ces jours de silence et de recueillement, il écrit des notes personnelles dont nous possédons un exemplaire écrit de la main même du jeune homme [5].

     Le premier cahier a pour titre: Réflexions sur les vérités de la Religion. Ce sont, en réalité, des notes prises après les sermons de la retraite, et on y reconnaît très clairement les grands thèmes des Exercices Spirituels de saint Ignace. Cependant bien des passages sont extrêmement personnels et éclairent d’un jour très vif la personnalité du retraitant. Je me contenterai ici de signaler quelques passages.

     Voici d’abord une prière où Claude nous révèle, en même temps, qu’il songe depuis longtemps à se consacrer à Dieu, qu’il a résisté à cette vocation, mais qu’il a enfin décidé de se rendre à l’appel d’un amour qui le poursuit. Ces lignes, me semble-t-il, peuvent convenir encore à chacun de nous :

 

“ Il n’appartient qu’à vous, ô mon Dieu, de manier le cœur de l’homme. En reconnaissant votre puissance, que je reconnais efficacement votre amour ! Vous m'aimez, mon divin Sauveur, et vous m’en donnez des marques bien sensibles. Je sais que votre tendresse est infinie, puisqu’elle n’est pas épuisée par les ingratitudes innombrables que je vous ai fait paraître tant de fois. Il y a longtemps que vous voulez me parler au cœur, mais il y a longtemps que je ne veux point vous écouter. Vous tâchez de me persuader que vous voulez \vous servir de moi dans les emplois les plus saints et les plus religieux, mais je tâche, moi, de ne vous pas croire.

     “ Si votre voix fait quelquefois quelque impression sur mon esprit, le monde, un moment après, efface les caractères de votre grâce Combien y a-t-il déjà d’années que vous travaillez à rétablir ce que mes passions détruisent continuellement ? Je crois bien que vous ne voulez plus combattre sans succès… Je ne suis point venu ici pour me défendre, je ne suis venu que pour me laisser vaincre.

“ Parlez mon Dieu, quand il vous plaira…, à présent que je viens vous chercher, que je suis prêt de suivre tous les saints ordres de votre divine Providence, descendez dans le cœur où il y a si longtemps que vous voulez entrer : il n’aura plus des oreilles que pour vous, et ne formera désormais d’autres affections que pour vous aimer comme il doit [6]

 

     I1 s’agit donc d’une véritable conversion. Certes, Claude n’a jamais été un grand pécheur ; il a conscience toutefois que sa conduite “ jusqu’ici a approché de l’imperfection qu’on trouve dans l’ambition et la vanité du siècle [7] ”. Il écrit donc :

 

     “ Il faut que je change de nature pour ainsi dire, que je me dépouille du vieil Adam pour me revêtir de Jésus-Christ… Vous voulez, mon Dieu, que je sois homme mais vous voulez que je le sois selon votre cœur. Je comprends ce que vous demandez en un mot, et je veux bien vous l’accorder parce que vous m’aiderez, que vous me donnerez de la force et que vous m’oindrez de votre sagesse et de votre vertu [8] 

 

Retenons ces mots qui sont tout un programme : “ Vous voulez, mon Dieu, que je sois homme… mais… que je le sois selon votre cœur ”. Parce qu’il est homme, le jeune avocat a conscience de sa fragilité, et donc du besoin qu’il a de l’aide de Dieu :

 

     “ S’il faut qu’un faible roseau comme moi soit exposé à la fureur des vents et des plus fortes tempêtes, ceignez-moi de votre miséricorde et couvrez mon infidélité de la robe de justice [9]… Mais à l’exemple d’un David, au souvenir que j’ai d’un Salomon et d’un saint Pierre, que puis-je promettre, de quoi puis-je répondre, puisque les plus hauts cèdres ont bien tombé. Je n’ai point assez de présomption pour me fier à mon courage Je suis homme, et par conséquent je suis faible et je puis vous oublier au moment que je croirai veiller avec plus de précaution sur moi[10]… Je vous déclare que je veux résister à ces engagements funestes du péché. Je ne puis le faire sans votre secours, et je ne puis assez vous le demander. Ne permettez jamais que je devienne aveugle, éclairez-moi de la même lumière dont vous avez éclairé un Augustin, un Paul, une Madeleine et tant d’autres saints personnages [11].”

 

     Le langage du retraitant décrivant le péché et ses effets se ressent de la rhétorique du temps, et aussi de l’emphase oratoire qui faisait partie de son métier d’avocat ; de même certaines expressions sur la colère de Dieu, sur la vengeance qu’il doit exercer contre les pécheurs, sur la mort et sur l’enfer [12], relèvent d’un vocabulaire et d’un genre littéraire qui ne sont plus guère de notre temps, mais qui, il faut le reconnaître, ne peuvent étonner ou choquer que ceux qui ne sont pas familiers avec le langage de la Bible elle-même, ou avec celui des orateurs des XVIIe et XVIIIe siècles.

     Une remarque toutefois s’impose : I’ensemble de ces pages donne l’impression que la réflexion de Claude-François est presque exclusivement orientée vers son salut personnel. En fait, cet écrit doit refléter fidèlement les instructions du prédicateur de la retraite ; celui-ci, on le voit avec évidence, a suivi le plan de la première semaine des Exercices Spirituels de saint Ignace, qui a pour but la considération et la contemplation des péchés. Cependant, il faut relever les lignes suivantes qui sont déjà décidément orientées vers une perspective d’apostolat :

 

     “ Je ne pourrai me rendre familier avec les idoles, j’irai les détruire jusque dans leurs plus forts retranchements, et par des raisons solides et soutenues de la grâce, je chercherai à arracher les têtes renaissantes du dragon. Je vous ferai connaître à des cœurs qui ne vous connaissaient plus ; et concevant moi-même le désordre des âmes qui sont dans la mauvaise habitude, je persuaderai, je convaincrai, je forcerai à changer de vie ; et vous serez loué éternellement par des bouches qui vous auraient éternellement maudit [13].

 

     On peut être tenté de sourire devant l’enthousiasme du jeune avocat, convaincu de la puissance d’une parole éloquente pour persuader et convertir les cœurs. Mais il se hâte d’ajouter qu’il emploiera aussi d’autres moyens : il leur apprendra à prier, à faire pénitence, il les encouragera à la constance contre les assauts du démon [14]. Lui-même sait qu’il a besoin de cette constance et craint le poids de ses mauvaises habitudes :

 

     “ Un cœur… qui s’est habitué à satisfaire ses passions… est comme cet arbre que la violence des vents a fait pencher d’un côté : quand il tombe, c’est toujours du côté de sa pente. Rarement, presque jamais, il se redresse pour retomber de l’autre côté. Voilà l’image d’un homme qui a pris goût dans le péché et qui s’est formé une habitude. Cette peinture, Seigneur, me confirme dans ma crainte [15].

 

     Toutefois, ce qui le décide à se donner entièrement à Dieu, ce n’est pas la crainte des châtiments que mériteraient ses péchés futurs, mais l’amour de celui dont il a découvert la bonté et la tendresse:

 

     “ Les châtiments qui suivront mon crime ne seront point la cause de ma prudence et de ma sagesse, mais la peur de vous déplaire et d’offenser un Maître qui mérite d’être aimé si tendrement m’arrêtera, mon Dieu, dans la fidélité que je vous dois [16]… Le monde ne me récompensera pas de l’attachement que j’aurais pour lui. Je serais seulement bien en peine s’il fallait y trouver un véritable ami qui m’aimât sans intérêt. Dieu seul m’aime sincèrement et veut me faire du bien… Que je trouve partout des mortifications, que les hommes me rebutent et me méprisent. J’y consens mon Dieu, pourvu que vous m’aimiez toujours et que je vous sois cher. J’aurai de la peine à souffrir et à étouffer cette vanité dont je suis si fort rempli. Mais que ne doit pas faire un homme pour vous qui êtes un Dieu qui avez répandu votre précieux sang pour moi [17] ? ”

 

     J’arrêterai ici ces citations du premier écrit de notre fondateur. Il n’est pas facile d’y discerner les grandes orientations d’une pensée qui se cherche encore. Cependant, je pense pouvoir dire que j’ai été frappé par les quelques points suivants :

 

     1) Au milieu de considérations assez impersonnelles sur le péché, se détachent des formules remarquables sur l’amour de Dieu qui poursuit le pécheur inlassablement, un amour tout gratuit sur lequel on peut compter sans réserve. Claude-François décide que sa vie doit être entièrement une réponse à cet amour.

 

     2) Toutefois, en face de cette certitude et de cette décision, il a l’expérience personnelle de la faiblesse de l’homme. D’où la nécessité du secours divin pour pouvoir devenir un homme selon le cœur de Dieu.

 

     3) A la décision de se donner entièrement à Dieu est liée indissolublement celle de travailler aussi pour la conversion des autres, de lutter contre le mal sous toutes ses formes, d’arracher les têtes renaissantes du dragon.

 

     Tous ces traits se préciseront dans les écrits suivants.

 

 

 

 

2 - Choix d’un état de vie (1701).

 

     Le deuxième écrit de Claude-Francois Poullart des Places se présente sous la forme d’un manuscrit de 19 pages faisant suite aux Réflexions sur les vérités de la religion que nous venons de parcourir. Ces pages ont été écrites au cours de la même retraite et ne se comprennent que dans le même contexte spirituel. A la fin du premier écrit, le retraitant déclare qu’il est résolu à prendre une décision pour le choix de sa vie future :

 

     “ J’ai tout à craindre dans l’état où je suis. Je ne suis point, Seigneur, dans celui où vous me souhaitez, et pour faire mon salut comme je dois, il faut que je prenne le parti que vous m’avez destiné. C’est là maintenant la première chose à laquelle je dois penser [18] ”.

 

     En fait, nous sommes toujours dans le cadre des Exercices Spirituels de saint Ignace ; celui-ci, au cours de la deuxième semaine des Exercices, donne des directives pour faire le choix, ou, mieux, l'élection d’un état de vie. Le jeune avocat rennais suit fidèlement ces directives, non toutefois sans une certaine souplesse dans l’ordre des diverses considérations qu’il fait. Je n’ai d’ailleurs pas l’intention de faire une étude systématique de la méthode suivie par Claude. Je voudrais plutôt mettre en relief son attitude spirituelle devant Dieu et dans la recherche de sa volonté.

 

La prière d'introduction

 

     Le texte commence par une admirable prière qu’il faut lire en entier :

 

     “ O mon Dieu, qui conduisez à la céleste Jérusalem les hommes qui se confient véritablement à vous, j’ai recours à votre divine Providence, je m’abandonne entièrement à elle, je renonce à mon inclination, à mes appétits et à ma propre volonté pour suivre aveuglément la vôtre.

     “ Daignez me faire connaîtree ce que vous voulez que je fasse, afin que remplissant ici-bas le genre de vie auquel vous m’avez destiné, je puisse vous servir pendant mon pèlerinage, dans un état où je vous sois agréable et où vous répandiez sur moi abondamment les grâces dont j’ai besoin pour rendre à jamais la gloire qui est due à votre divine Majesté [19]. ”

 

     Dès cette première prière, nous remarquons quelques attitudes fondamentales qui vont se retrouver dans tout le document :

 

1) Il y a d’abord la certitude que Dieu conduit au salut ceux qui se confient véritablement à lui, ce qui aboutit à la décision de s’abandonner entièrement à la Providence. Cette certitude s’exprime de bien des manières dans le document : “ J’espère que vous parlerez à mon cœur et que vous me tirerez, par votre miséricorde, des inquiétudes embarrassantes où mon indétermination me jette [20] ”. “ Vous me donnerez les grâces qui me sont si nécessaires [21] ”. “ Vous êtes engagé, Seigneur, à conduire mes pas, puisque je suis résolu de marcher dans le chemin que vous m’indiquerez [22] ”. “ Ne permettez pas, mon Dieu, que je sois trompé. Je mets toutes mes espérances en vous [23] ”.

 

     2) Comme conséquence, Claude-François veut renoncer à ses propres inclinations, appétits, à ses préférences, pour ne chercher que la volonté de Dieu : “ Je me détache, mon Dieu, de toutes les vues humaines que j’ai eues jusqu’ici dans tous les choix de vie auxquels j’ai pensé [24] ”. “ Je renonce à tous les avantages qui pourraient me flatter et que vous n’approuvez pas. Voilà que j’ai acquis une indifférence très grande pour tous les états. Quid me vis facere Domine ? Paratum cor meum (Que voulez-vous que je fasse, Seigneur ? Mon cœur est prêt) [25] ”. Cette attitude d’indifférence pour tout ce qui n’est pas la volonté de Dieu, on le sait, fait partie de la méthode d’élection indiquée par saint Ignace, et qui a sa place normale au cours de la deuxième semaine des Exercices [26]. On sait aussi que c’est un des points sur lesquels le P. Libermann insistera le plus [27], et lui aussi citera volontiers le mot du Psaume 56,8 (ou 107,2) que nous avons rencontré sous la plume de Claude-François : “ Soyez toujours disposé à sacrifier à Dieu tout ce qui pourrait lui déplaire dans votre âme et à suivre en tout son divin et adorable bon plaisir. Il faut que vous puissiez lui dire à chaque instant du jour : Paratum cor meum, Domine, paratum cor meum [28] ”.

 

     3) La prière d’introduction se termine enfin par ces mots : “ Daignez me faire connaître ce que vous voulez que je fasse, afin que… vous répandiez sur moi abondamment les grâces dont j’ai besoin pour rendre à jamais la gloire qui est due à votre divine Majesté ”. Une fois de plus, nous nous trouvons dans l’atmosphère des Exercices de saint Ignace, qui situent toute l’élection dans la lumière de la fin pour laquelle Dieu a créé l’homme : “ On considère d’abord pour quoi l’homme est né : louer Dieu notre Seigneur et sauver son âme [29] ”. Poullart des Places redit cela de bien des manières : “ Dieu ne m’a créé que pour l’aimer, que pour le servir, et pour ensuite jouir de la félicité qui est promise aux âmes justes. Voilà mon unique affaire, voilà le but auquel je dois diriger toutes mes actions [30] ”. “ Je ne blâme pas ton penchant, pourvu que j’y trouve la condition qu’il faut, c’est-à-dire la gloire de Dieu et l’envie de faire ton salut [31] ”. “ Je te demande donc si Dieu seul et mon salut sont les motifs qui me feraient entrer dans le monde [32] ”. Souci du salut de son âme, certes, mais ce souci chez Claude-François est inséparable de celui de la gloire de Dieu, c’est-à-dire de son amour, de son service, au point qu’ils paraissent s’identifier comme dans la phrase célèbre qui commence le Fondement des Exercices de saint Ignace : “ L’homme est créé pour louer, respecter et servir Dieu Notre-Seigneur, et par là sauver son âme [33] ”.

     Ainsi la prière qui ouvre le Choix d’un état de vie ne contient rien qui soit véritablement original du point de vue des pensées exprimées. Mais le ton demeure personnel, la sincérite émouvante dans la recherche de la volonté de Dieu et le rejet de tout ce qui pourrait s’y opposer.

 

Un portrait  " d’après nature "

 

     L’écrit de Poullart des Places contient ici un véritable portrait psychologique qu’il trace de lui-même, et qu’il conclut par ces mots : “ Me voilà tout entier, et quand je jette les yeux sur ce portrait, je me trouve peint d’après nature [34] ”.

     Il serait intéressant de se pencher sur ce portrait, d’en faire l’analyse; le P. Michel s’y est essayé, et je ne puis que renvoyer aux pages de son livre [35]. I1 serait particulièrement tentant de comparer ce portrait littéraire avec le beau portrait de Claude-François peint quelques années plus tôt par Jean Jouvenet et conservé à la Pinacothèque de Munich [36]. Je ne saurais, faute de compétence, me livrer à ce travail.

Mais il peut être possible de lire ces pages et celles qui suivent sous une autre lumière que celle du psychologue ; il est possible de relever les points que Claude lui-même considère comme une aide ou comme un obstacle à la réalisation de son intention, qui est de découvrir et de faire la volonté de Dieu. C’est ce que j’essaierai de faire.

     Le défaut que Claude mentionne avec le plus d’insistance est l’ambition, l’amour de la gloire, du succès, ou la vanité : “ très passionné pour la gloire et pour tout ce qui peut élever un homme au-dessus des autres par le mérite [37] ”, “ esclave de la grandeur… incapable de souffrir un affront signalé [38] ”, “ plein de jalousie et de désespoir des succès des autres [39] ”, le retraitant a conscience que cette passion pourrait l’aveugler dans la recherche de la volonté de Dieu. Ne serait-ce pas en partie “ le chagrin même de n’être pas assez estimé du monde ” ; l’appréhension de ne pas pouvoir satisfaire toute son ambition, qui lui font regarder avec intérêt vers le cloître [40] ? N’est-ce pas la vanité, le désir des succès de la chaire, qui lui font désirer le sacerdoce [41] ? C’est, en tout cas, certainement l’ambition qui pourrait l’attirer vers la vie à la cour [42] ou vers la magistrature [43]. Cette insistance de Claude est symptomatique : il est évident qu’il a déjà renoncé fermement à sa passion : le refus de céder à la vaine gloire, de rechercher les honneurs et les succès mondains, est inscrit en filigrane tout au long de ces pages à la fois lucides et passionnées ; le jeune avocat a médité “ la nécessité que nous avons de suivre l’exemple de Jésus-Christ humble partout [44] ”, et déjà dans son premier écrit, il avait prié dans ce sens : “ Défendez-moi, Seigneur, contre ces tentateurs, et puisque le plus redoutable est l’ambition qui est ma passion dominante, humiliez-moi, abaissez mon orgueil, confondez ma gloire [45]… ”. N’y a-t-il pas déjà dans ces phrases une ébauche de l’esprit que Claude inculquera plus tard à la communauté du Saint-Esprit?

     Après l’ambition, le trait de caractère le plus fréquemment mentionné s’exprime en ces termes : “ Mon naturel est doux et traitable, complaisant à l’excès, ne pouvant presque désobliger personne, et c’est en cette seule chose que je me trouve de la constance [46] ”. Cette complaisance, ce désir de faire plaisir à tous, pourrait, à bien des égards, apparaître plutôt comme une qualité; mais Claude sait bien qu’il y a là un réel danger, celui de manquer à la fermeté souvent nécessaire, autant chez un prêtre [47] que chez un magistrat : “ Tu t’appliquerais même à ta charge, tu t’en acquitterais dignement, si la complaisance en tout cela n’était point capable de déranger de si bons desseins. Tu voudrais faire ton devoir parce que tu as de la religion, et tu voudrais pourtant écouter les sollicitations, parce que tu aimes à obliger tout le monde [48] ”. En dehors du devoir professionnel, cette tendance présente d’autres périls : ayant “ horreur… pour le ménage [49] " , “ répugnance pour le mariage [50] ”, il n’y aurait de solution pour un avocat que de “ consentir de rester toute la vie garçon dans le monde ” ; mais, se dit-il, “ cela peut être dangereux pour le salut, avec ta complaisance [51] ”. S’il veut s’orienter vers le sacerdoce, une résolution s’impose : “ Tu renonceras à la complaisance… et tu prieras le Seigneur de te donner de la fermeté… Tu changeras la facilité et tu ne te serviras plus de la complaisance que pour le bien, ce qui serait une chose admirable, quand un cœur doux et complaisant embrasse sérieusement la vertu [52] ”. Mais il n’envisage cette possibilité que dans l’hypothèse de se “ mettre d’ici quelque temps dans un séminaire de piété [53] ”. Non seulement il y entrera, mais Dieu le conduira à fonder bientôt lui-même un tel séminaire.

     En-dehors de cette tendance habituelle à la complaisance, Poullart des Places s’accuse encore d’être inconstant, passant d’un extrême à l’autre: “ Quelquefois dévôt comme un anachorète… ; d’autres fois mou, lâche, tiède pour remplir mes devoirs de chrétien [54] ”. “ Ton inconstance te fait former incessamment de nouveaux désirs, et tes nouveaux désirs donnent la naissance à mille chimères [55] ”. Cette inconstance dans le bien lui apparaît comme un obstacle grave pour le sacerdoce [56] . I1 reconnaît en outre, à plusieurs reprises, qu’il est “ fort ami du repos et de la paresse [57] " , qu’il a une “ inclination pour la vie douce [58] ” telle qu’il pourrait la trouver à la cour [59] ; il soupçonne même que la paresse pourrait être une des raisons inavouées qui lui ont fait penser à la possibilité de prendre l’habit de moine et de vivre dans la solitude [60] !

     Bien d’autres aspects du caractère de Claude sont ainsi mis en lumière avec une sincérité qui se veut impitoyable. Mais cette insistance sur ses défauts est elle-même le signe d’une volonté de les surmonter, pour servir Dieu quoi qu’il puisse 1ui en coûter. Et il sait qu’il lui en coûtera, car s’il est, suivant son aveu, “ assez indifférent pour les richesses [61] ”, “ sobre sur les plaisirs de la bouche et du goût et assez réservé sur ceux de la chair [62] ”, “ indifférent pour le sexe [63] ”, il a, au contraire " une tendresse secrète et extrême ” pour ses parents [64], qui, dit-il, “ méritent que je ne fasse jamais rien contre leur volonté [65] , et particulièrement pour sa jeune sœur : “ Tu l’aimes tendrement, tu ne peux te priver d’être longtemps éloigné d’elle; elle n’est point établie et elle t’est assez chère pour que tu veuilles que je m’intéresse dans sa fortune [66] ”. Toutefois, il sait aussi que ses parents ne s’opposeront pas à sa vocation “ quand ils la connaîtront sainte [67] ”.

     Or Claude reconnaît qu’il a “ beaucoup d’inclination pour l’état ecclésiastique [68] ”, et même qu’il a toujours eu ce désir depuis sa “ tendre enfance [69] " ; et il est convaincu que, s’il prenait ce parti, ce serait “ pour convertir des âmes à Dieu… pour pouvoir plus facilement faire le bien, et pour donner avec plus de libéralité aux pauvres [70] ”.

     Ce dernier trait est à souligner : “ aimant beaucoup à faire l’aumône, et compatissant naturellement à la misère d’autrui [71] ”, par inclination pour les pauvres [72], Claude est convaincu que, même s’il avait choisi la magistrature, il aurait défendu “ selon son inclination naturelle, le misérable, la veuve et les orphelins quand ils auraient le bon droit de leur côté [73] ”, et que sa position sociale lui aurait donné la possibilité de satisfaire plus généreusement son “ inclination pour donner l’aumône [74] ”.

     Amour pour les pauvres, désir de servir l’Eglise qui date de son enfance, tels sont bien deux traits révélateurs de la personnalité de Claude-François Poullart des Places, deux traits qui éclairent déjà d’un jour très singulier sa vie future. Il semblerait donc que la cause est entendue ; et pourtant il croit devoir hésiter encore, et décide de laisser le dernier mot à son directeur de conscience. Tel est le sens de sa dernière prière :

 

     “ C’est à vous, ô mon Dieu, à qui je dois m’adresser pour me déterminer selon votre volonté. Je suis venu ici pour prendre conseil de votre divine sagesse. Détruisez en moi tous les attachements mondains qui me suivent partout. Que je n’ai plus, dans l'état que je choisirai pour toujours, d’autres vues que celles de vous plaire, et comme, dans la situation où je suis, il m’est impossible de rien décider et que je sens pourtant que vous voulez quelqu’autre chose de moi que mes incertitudes, je vais, Seigneur, me découvrir sans déguisement à vos ministres. Faites, par votre sainte grâce, que je trouve un Ananias qui me découvre le véritable chemin comme à saint Paul. Je suivrai ses conseils comme vos commandements. Ne permettez pas, mon Dieu, que je sois trompé. Je mets toutes mes espérances en vous [75] ”.

 

     En réalité, comme le dit Joseph Michel, “ Claude sait bien ce que va lui dire son Ananias, mais il a besoin de l’entendre. Il ne veut pas s’introduire de lui-même sur le chemin qui mène au sacerdoce ; il s’abandonne entièrement à la Providence et va considérer comme réponse du Seigneur la parole de son ministre [76] ”.

     En achevant la lecture de ce deuxième écrit de Poullart des Places, est-il possible d’indiquer quelques conclusions ? Voici celles qui se présentent spontanément à mon esprit :

 

     1) Nous nous trouvons devant un jeune chrétien qui veut, avant toute autre chose, servir Dieu, comme et où Dieu le veut. Pour découvrir cette volonté de Dieu, il a recours d’abord à la prière, mais aussi à un examen très rigoureux des tendances naturelles qui sont en lui, en se mettant, autant que possible, dans une attitude intérieure d’indifférence à tout ce qui n’est pas Dieu.

 

2) Parmi les attraits particuliers, il y a une place très spéciale pour le désir de servir les pauvres.

 

3) Parmi les dangers à éviter, il faut placer d’abord l’ambition ; la conséquence est qu’il faut suivre “ l’exemple de Jésus-Christ humble partout ”.

 

     Tous ces traits, me semble-t-il, font partie de notre héritage spiritain le plus authentique.

 

 

3 - Fragments de résolutions pour un règlement particulier.

 

     Dès octobre 1701, Claude Poullart des Places entrait au collège Louis-le-Grand pour se préparer au sacerdoce ; il y suivait les cours de théologie donnés par les jésuites. Son biographe, M. Thomas, nous donne de longs détails sur la vie de prière et de mortification qu’il s’était imposée, et cela, semble-t-il, dès qu’il avait pris la résolution de changer d’état de vie [77]. Mais je me limiterai aux écrits de Claude lui-méme.

     Il nous reste de lui quatre pages, fragments d’un règlement particulier qui, probablement, contenait bien d’autres détails ; ce qui demeure ne concerne que les exercices de piété quotidiens que s’imposait notre jeune étudiant. A lire ces pages, on aura évidemment l’impression d’une abondance de prières vocales et d’exercices de piété : longues prières du matin, au moins une heure de prière du soir, dont une demi-heure devant le Saint-Sacrement ; prières chaque fois qu’on entre dans sa chambre ou qu’on en sort ; visites nombreuses au tabernacle entre les cours ainsi qu’après les repas. Il est difficile d’après ces notes trop fragmentaires de se faire une idée de l’ensemble de la vie de notre théologien. Le règlement qu’il composera bientôt pour le Séminaire du Saint-Esprit nous fera mieux comprendre ce qu’il a pu s’imposer à lui-même pendant ses années d’études à Louis-le-Grand. Mais ce qui paraît plus important que des questions de règlement, c’est, ici encore, l’esprit qui anime les textes, et, en particulier, les grandes intentions qui s’expriment dans les prières.

     Celles-ci ne sont pas toutes originales ; nous y trouvons des formules qui sont encore familières à beaucoup d’entre nous : en plus du Pater, de l’Ave Maria et du Credo, sont mentionnés le Veni Sancte Spiritus, le De Profondis pour les défunts, les litanies de la Sainte Vierge et celles du Saint Nom de Jésus. D’autres sont des textes que Claude aura simplement empruntés aux recueils de prières en usage dans les collèges de la Compagnie de Jésus; c’est le cas d’une prière à la Vierge qu’il récite matin et soir:

 

“ Je réciterai le Sancta Maria, etc., pour me mettre particulièrement sous la protection de la Sainte Vierge, dont j’ai été autrefois l’enfant particulier, lui ayant été voué par mes parents, qui m’ont fait porter pendant sept ans le blanc en son honneur [78] ”.

 

     Il s’agit, dit Joseph Michel, d’une formule “ que les membres des Congrégations Notre-Dame instituées dans les collèges des jésuites devaient réciter chaque jour [79] ”. Les autres formules sont plus difficiles à identifier : il s’agit surtout de trois prières latines que Claude récitait pendant ses fréquentes visites au Saint-Sacrement, et dont il ne nous donne que les premiers mots [80]. Dans l’ensemble, on trouve dans ces exercices de piété toutes les dévotions ordinaires d'un fervent séminariste: invocations au Saint-Esprit pour obtenir ses lumières, prières pour demander la protection de la Vierge Marie et de l’ange gardien, ainsi que prières pour les défunts. Il faut toutefois souligner l’importance de la dévotion à l’Eucharistie dont témoignent les visites fréquentes au Saint-Sacrement dont nous avons déjà parlé.

     Mais il faut nous arrêter plus longuement à deux textes composés par M. des Places lui-même. Il les présente, non comme des formules à réciter exactement à la lettre, mais plutôt comme des canevas qu’il désire suivre “ à peu près de cette manière [81] ” ; cette remarque est importante car elle nous invite à considérer moins la forme que le fond, moins le style que les sentiments exprimés.

 

a) La grande prière à la Trinité.

 

     Claude introduit la première prière par ces mots :

 

     “ Pour ce qui est de la fin que je me proposerai dans mes prières, seront les demandes suivantes que je ferai à peu près de cette manière, deux fois le jour, le matin et le soir [82] ”.

 

     Peut-être précisément parce qu’il ne prétend pas faire un texte précis en tous points, parce qu’il veut seulement déterminer à peu près, comme il le dit, la fin qu’il se propose dans ses prières, ce texte est difficile à analyser ; il est même très malaisé d’y trouver un fil conducteur, un lien logique entre les différents paragraphes. Ni Henri LE FLOCH, ni Joseph Michel n’ont essayé de le faire. Sans avoir leur compétence et leur connaissance de Poullart des Places, je vais pourtant tenter de faire cette analyse, ou, plus simplement, je tâcherai de dire ce que ces pages me semblent pouvoir signifier pour le spiritain que je voudrais être aujourd’hui.

 

     1) Soulignons d’abord l’invocation initiale à la Sainte Trinité : “ Très sainte et très adorable Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, que j’adore, par votre sainte grâce, de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes forces… ” Nous retrouverons ces mêmes mots au début de la prière plus courte que Claude faisait plusieurs fois par jour ; ce rappel du mystère central du christianisme et de notre devoir d’adoration n’est pas sans importance.

 

     2) Claude énumère ensuite les personnes pour lesquelles il désire prier; mais ce qu’il demande avant tout pour lui-même, pour ses parents, amis, ennemis, bienfaiteurs, et généralement pour tous ceux pour qui il a le devoir de prier, ce sont les grâces de sanctification, de rémission des péchés et de conversion.

 

     3) A cette même intention, il offre le sacrifice de la messe, mais il ajoute ici une longue liste de grâces qu’il demande pour lui-même : “… la foi, l’humilité la chasteté, la pureté d’intention, la droiture dans mes jugements, la grande confiance en vous, la grande défiance de moi-même, la constance dans le bien, la persévérance finale, la douleur de mes péchés, l’amour des souffrances et de la croix, le mépris de l’estime du monde, la régularité pour mes petites règles, votre force et votre vertu contre la tiédeur, contre les respects humains et généralement contre tous vos ennemis ”. Quel programme de perfection morale ! Dans cette liste, Joseph Michel souligne avec raison les mots : “… I’amour des souffrances et de la croix, le mépris de l’estime du monde ” ; il faut y voir un rappel de ce que Claude, dans ses écrits précédents, avait décelé comme sa passion dominante, la vanité, ou plus exactement, l’ambition et le désir de l’estime des hommes. Mais il faut aussi tenir compte d’une indication que donne M. Bernard, le biographe de Grignion de Montfort, relatant la vie de Poullart des Places au collège Louis-le-Grand (appelé aussi collège de Clermont) : “ Arrivé à Paris, il entre au collège de Clermont… La lecture de la vie de M. Le Nobletz, prêtre missionnaire mort en odeur de sainteté en Bretagne, ne lui fut pas d’un petit secours pour mépriser le monde et se mettre au-dessus du respect humain [83] ”. En plus de l’influence de M. Le Nobletz, il est impossible de ne pas penser à celle des auteurs spirituels jésuites que Claude aura certainement lus, et spécialement du P. Louis Lallemant, dont le P. Champion avait publié quelques années plus tôt (en 1694) la Doctrine Spirituelle [84].

 

     4) A ce point de sa prière, on peut déceler un passage important : au-delà des vertus, ce que Claude désire avant tout, c’est de connaître Dieu lui-même, de l’aimer toujours davantage et de le servir parfaitement : Dieu tel qu’il s’est manifesté à nous dans l’incarnation, dans la vie et la mort de Jésus-Christ :

 

     “ Faites-moi encore la grâce, ô mon Dieu, de graver dans mon cœur, par des traits de votre grâce qui soient ineffaçables, la mort et la passion de mon Jésus, sa vie sacrée et sa sainte incarnation, pour que je m’en souvienne sans cesse et que j’y sois sensible comme je le dois. Remplissez mon cœur et mon esprit de la grandeur de vos jugements, de la grandeur de vos bienfaits et de la grandeur des promesses que je vous ai faites par votre sainte grâce… ”

 

L’expérience de ses péchés passés lui fait alors demander d’être privé de tous les biens qui pourraient détourner son cœur de Dieu. Il écrit :

 

     “ Accordez-moi donc encore cette grâce, en me détachant absolument de toutes les créatures et de moi-même, pour n’être plus inviolablement qu’à vous seul et pour que mon cœur et mon esprit, n’étant plus remplis que de vous, je sois toujours en votre présence comme je dois . ”

 

     Il serait facile d’instituer ici une comparaison avec les textes, parfois si durs en apparence, du P. Libermann, sur le renoncement absolu. Mais, pour l’un comme pour l’autre, le renoncement n’est pas une fin en soi : même lorsque Claude ose demander d’être chargé d’opprobres et de souffrances, c’est, écrit-il,

 

     “…afin, mon divin Maître, que, me rendant digne d’obtenir de votre infinie bonté votre saint amour, celui de la Sainte Vierge, la grâce de connaître et d’exécuter avec une résignation parfaite votre sainte volonté, qui sont les trois grâces que je vous demande par-dessus toutes choses, je puisse être prêt à souffrir la mort… plutôt que de consentir à commettre un seul petit péché véniel de propos délibéré… ”

 

     Ainsi, ce que Claude demande par-dessus toutes choses, c’est l’amour de Dieu, l’amour de la Vierge, et l’accomplissement parfait de la volonté de Dieu. Retenons ces quelques mots, qui sont, pour nous aussi, tout un programme.

 

     5) Les deux derniers paragraphes de la prière sont centrés sur le sacrifice de la Messe: par le Sang précieux que “ Jésus-Christ a bien voulu répandre ” et qui continue à être offert, par toutes les saintes communions et les prières qui ont été faites et qui le seront dans l’avenir, Claude demande à être exaucé. Nous trouvons ici un aspect de la spiritualité de Poullart des Places sur lequel son biographe, M. Thomas, s’est longuement étendu. Mais nous y reviendrons bientôt.

     La prière s’achève par un dernier recours à la Vierge Marie : Claude lui demande d’offrir son cœur et celui de tous les autres croyants, avec le sang de Jésus, à celui qu’il supplie d’être pour tous “ un Dieu de miséricorde dès

maintenant et à jamais ”.

 

b) “ Prière en rentrant ou en sortant de ma chambre "

 

     On retrouvera les mêmes sentiments dans la prière plus courte que M. des Places récitait, à genoux, chaque fois qu’il entrait dans sa chambre ou qu’il en sortait. Ici encore, il précise qu’il désire ainsi “ prendre la bénédiction du bon Dieu à peu près en cette manière ” ; il ne s’agit donc pas d’une formule stéréotypée; elle mérite toutefois d’être reproduite ici en entier :

 

     “ Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit que j’adore par votre sainte grâce, de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes forces, je vous supplie de vouloir bien me donner la foi l’humilité, la chasteté, la grâce de ne faire, de ne dire, de ne penser, de ne voir, de n’entendre et de ne souhaiter que ce que vous voulez que je fasse, que je dise etc. Accordez-moi ces grâces, mon Dieu, avec votre sainte bénédiction, et que mon cœur et mon esprit n’étant remplis que de vous seul, je sois toujours dans votre présence et vous prie sans cesse comme je dois. Mon Jésus, soyez-nous Jésus éternellement ; mon Jésus, soyez-moi Jésus éternellement ; soyez éternellement en moi et moi en vous. Je vous recommande mon esprit et mon cœur entre vos mains, par la très sainte Vierge. Au nom de mon Jésus et de Marie  [85]. ”

 

     Est-il besoin de souligner la beauté de cette prière, et le programme de perfection spirituelle qu’il contient ? Volonté d’entrer entièrement et sans réserve dans le plan de Dieu, de ne faire que ce qui plaît à Dieu : telle est bien l’attitude que nous révèle l’Evangile en Jésus-Christ lui-même, qui ne veut faire que la volonté de son Père, qui vit toujours en présence de son Père. Quant aux invocations: “ Mon Jésus, soyez-nous… soyez-moi Jésus éternellement ”, le P. Koren suggère qu’il faut recourir à l’étymologie du mot Jésus qui signifie : Dieu est mon sauveur [86]. Il ne me semble pas que cela soit nécessaire : l’amour ne s’embarrasse pas d’étymologie ; celui qui aime se plaît à redire inlassablement au bien-aimé d’être ce qu’il est pour lui et de l’être à tout jamais.

     Mieux que tout autre commentaire, l’écrit de Poullart des Places que nous devons étudier maintenant nous éclairera sur l’attitude spirituelle que révèlent ces lignes.

 

 

4 - Réflexions sur le passé

 

     Le quatrième écrit de Claude Poullart des Places date, selon Joseph Michel, de la fin de l'année 1704 [87]. I1 y avait déjà plus d’un an que le jeune théologien avait fait l’établissement de ce qui deviendra le Séminaire du Saint-Esprit. Le petit groupe de pauvres étudiants que Claude avait commencé à aider à la fois matériellement et spirituellement, était devenu, le 27 mai 1703, jour de la Pentecôte, une véritable communauté consacrée “ au Saint-Esprit, sous l’invocation de la Sainte Vierge conçue sans péché ”. Claude-François, qui n’était encore “ qu’aspirant à l’état ecclésiastique ”, en était le fondateur et le directeur, tout en continuant ses propres études de théologie en vue du sacerdoce [88]. Etonnante situation, presque impensable de nos jours : le supérieur de ce qui déjà a toutes les apparences d’un séminaire, n’a pas encore reçu les ordres mineurs, et n’a que vingt-quatre ans ! C’est à juste titre que Joseph Michel intitule le chapitre X de sa biographie de Claude Poullart des Places : L’étonnante audace d’un clerc tonsuré…

     C’est donc environ un an et demi après cette étape décisive de sa vie que Claude-François écrit les quatre pages in-folio que la Congrégation du Saint Esprit conserve dans ses archives et qui ont reçu le titre de Réflexions sur le passé [89]. Ces pages sont profondément émouvantes et méritent une lecture attentive, même si, ici encore, elles ne sont manifestement pas destinées à la publication et ne constituent que des notes personnelles écrites pendant une retraite, avec, peut-être, I’intention de les faire lire au directeur de la retraite.

     L’écrit se divise très naturellement en deux parties : la première rappelle les grâces reçues dans le passé; la seconde décrit l’épreuve spirituelle dans laquelle Poullart des Places se débat.

 

a) Rappel des grâces reçues

 

     Le manuscrit porte comme en-tête les lettres: AMDGVqM, ce qu’il faut traduire : Ad Majorem Dei gloriam Virginisque Mariæ (Pour la plus grande gloire de Dieu et de la Vierge Marie).

Et, tout de suite, Claude-François s’accuse de négligence: “ Je devrais, si j’aimais un peu Dieu et mon salut, être inconsolable d’avoir passé cette année comme je l’ai fait…”. Il s’agit bien d’une mise en accusation, d’un véritable réquisitoire, que notre jeune théologien, se souvenant peut-être de ses études d’avocat, s’apprête à prononcer contre lui-même. Mais, avant d’entrer dans le détail des crimes qu’il s’attribue, et pour en souligner la gravité, il va se remémorer tous les bienfaits qu’il a reçus de Dieu : “ Est-ce là ce que le Seigneur devait attendre de ma reconnaissance ? ”

     Ici, Claude-François rappelle la grâce de conversion dont nous avons pu trouver la trace dans ses premiers écrits ; à l’entendre, Dieu l’a tiré de “ chaînes criminelles ”, “ des griffes de Satan ”, il a fait des miracles en sa faveur :

 

     “ Pour m’attirer à lui il ferma les yeux sur un crime énorme qui mettait le dernier comble à mes iniquités et que je venais de commettre dans le temps même qu’il me pressait de plus de me convertir. Il ne parut pas seulement en avoir de ressentiment; au contraire, il s’en servit pour me toucher. L’excès de sa patience commença à me percer le cœur [90] .”

 

     De quel crime énorme s’agit-il ? Joseph Michel pense l’avoir identifié : “ Au début d’octobre 1697, Claude a 18 ans et demi. Il quitte ses parents et s’engage sur la route de Nantes, voyageant, comme les étudiants de son rang, à cheval et l’épée au côté. Au cours d’une halte, peut-être même aux portes de la ville, il fait la rencontre de Le Huédez qui, du Croisic à Rennes, transporte voyageurs et marchandises. Une dispute éclate. Le voiturier est blessé d’un coup d’épée [91]… ”

     Pour beaucoup, I’incident aurait été sans importance; pour Claude, il s’agit d’un crime énorme, et, sept ans plus tard, il en parle encore avec une vive horreur. Mais s’il s’en souvient, c’est surtout pour admirer la bonté de Dieu qui se servit même de cette faute pour le ramener entièrement à lui : “ Dieu seul et mon cœur doivent n’oublier jamais le plus prodigieux effet de sa miséricorde qui fût jamais ”.

     Le manuscrit continue sur ce ton d’actions de grâces pour les bienfaits innombrables reçus de Dieu. Bientôt, toutefois, Claude en vient à décrire l’état intérieur dans lequel il a eu le bonheur de vivre pendant dix-huit mois : période de consolation sensible, sentiment presque continuel de la présence de Dieu, attrait pour une vie de pauvreté et de sacrifice en réponse à l’amour de Dieu. Relevons ces quelques lignes :

 

     “ Je ne souhaitais que de l’aimer, et, pour mériter son amour, j’aurais renoncé aux attachements les plus permis de la vie. Je voulais me voir un jour dénué de tout, ne vivant que d’aumônes après avoir tout donné. Je ne prétendais me réserver, de tous les biens temporels, que la santé dont je souhaitais faire un sacrifice entier à Dieu dans le travail des missions, trop heureux si après avoir embrasé tout le monde de l’amour de Dieu, j’avais pu donner jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour celui dont les bienfaits m’étaient toujours présents [92] .”

 

     Attrait pour une vie pauvre, pour un travail missionnaire, pour un sacrifice total au service de la prédication de l’amour de Dieu, autant de points que nous avons déjà relevés chez Poullart des Places, et dont il inculquera l’esprit à l’œuvre qu’il a fondée et qui subsiste jusqu’à nous.

Nous avons ensuite des détails abondants sur la vie spirituelle de notre théologien pendant ces dix-huit mois privilégiés : désir ardent de s’entretenir de Dieu, intense dévotion au Saint Sacrement, prière continuelle, amour du recueillement et de la solitude, vive conscience des fautes passées, sentiments d’humilité, dévotion et contrition allant jusqu’au don des larmes, etc. Les biographes de Poullart des Places ont reconnu dans ces pages une description remarquable de cette étape de la vie spirituelle dont le P. Libermann parlera longuement dans un traité intitulé De l’Oraison d’affection [93]; la comparaison entre les deux écrits est grandement facilitée par la présentation en colonnes parallèles qu’en a faite Joseph Michel [94]. Il y a cependant une grande différence entre les deux descriptions : Claude-François parle de cette période de sa vie passée non seulement comme d’une période d’intense ferveur spirituelle, mais comme d’un état idéal dont il est tombé par sa faute ; François Libermann, avec une plus longue expérience de la conduite des âmes, sait qu’il ne s’agit que d’une étape encore très imparfaite et non dépourvue de dangers : “ C’est l’enfance de la vie intérieure; elle a besoin d’être guidée [95] ”.

     Toutefois, en lisant ces pages brûlantes de Poullart des Places, et en les comparant à la description que son biographe, M. Thomas, fait de cette période de sa vie, il me semble que certains traits fondamentaux de la spiritualité spiritaine s’y manifestent déjà très nettement. Il me suffira de les énumérer :

 

     1) Conscience très vive de l’amour et de la bonté de Dieu, de sa miséricorde que nos péchés ne sauraient lasser ;

 

2) Vue sans aucune indulgence de la malice et de l’ingratitude du péché, qui est l’unique obstacle à la victoire de l’amour de Dieu. On me permettra de transcrire ici, à ce sujet, une courte prière de Poullart des Places que M. Thomas a conservée :

 

     “ Mais hélas ! mon Dieu, dans cent millions d’années, au milieu de votre gloire, il sera vrai de dire que cet homme que vous aimez Seigneur, et sur qui vous avez répandu vos bienfaits et vos grâces, autrefois, lorsqu’il vivait sur la terre, a péché contre vous [96] . ”

 

     3) Désir de répondre à l’amour de Dieu par un don total engageant toute la vie à son service, particulièrement “ dans le travail des missions ”, et même dans le martyre, que, dit encore M. Thomas, Claude-François souhaitait trouver parmi ceux “ au salut desquels il espérait se consacrer [97] ”. Dans l’immédiat, il confesse qu’il éprouvait une véritable “ tendresse… pour ceux qui souffraient…, un zèle ardent pour engager les pécheurs à retourner à Dieu, jusque-là que, pour réussir auprès d’eux, je n’aurais rien trouvé de trop bas ”. Son biographe précise qu’il avait, dès ces temps-la, “ une affection particulière pour les œuvres qui étaient les plus obscures, pour les œuvres abandonnées [98] ”.  C’est ainsi qu’il s’occupe des petits Savoyards, ces enfants venus de leur lointaine province et dont le métier était de ramoner les cheminées ; c’est ainsi aussi qu’il avait commencé à donner son argent, son temps et son soutien spirituel aux pauvres écoliers, ce qui le conduira à devenir fondateur de séminaire et de congrégation.

 

     4) Importance de la mortification, ou, mieux, de ce que le P. Libermann appellerait l’abnégation, le renoncement, c’est-à-dire le refus délibéré de suivre “ le monde et ses manières…, son estime, ses usages ” et la volonté de suivre uniquement “ Jésus Crucifié [99] . ”

 

     5) Importance vitale de la prière, de l’Eucharistie, de la pensée de Dieu maintenue le plus souvent possible. Nous avons déjà vu comment, dans les fragments de résolution pour un règlement particulier, Claude-François s’était fixé des règles précises pour vivre le plus constamment possible en présence de Dieu, jusqu’à ne jamais vouloir sortir de sa chambre ou y rentrer sans faire un acte explicite de retour à la pensée de Dieu. L’écrit que nous examinons ici ne fait que nous confirmer dans cette impression : pour lui, on ne peut pas vraiment aimer Dieu sans vivre fréquemment dans la pensée de sa présence et de son amour.

 

b) Le temps de l’épreuve spirituelle

 

     Dans une deuxième partie de son écrit, Claude Poullart oppose sa ferveur passée à ce qu’il appelle “ I’état pitoyable de tiédeur où je me trouve [100] ” . En des formules très sévères, il énumère tous les points où se manifeste cette tiédeur : plus d’attention spontanée à la présence de Dieu, plus d’attrait pour la prière ou pour la communion à l’Eucharistie, plus de courage pour la mortification ni pour la garde des sens, plus de zèle pour le bien spirituel ou la conversion des autres, etc. Au lieu de ne chercher que l’estime de Dieu, Claude s’éprouve “ sensible à la réputation d’hommes vertueux [101] ” ; il constate qu’il est sujet à des sautes d’humeur, à la vanité, qu’il est irrégulier dans l’observation de son règlement: “ En un mot, il faut l’avouer devant Dieu, je ne suis plus qu’un homme qui a quelque réputation de vivre encore et qui est très certainement mort, au moins si je compare le présent avec le passé. Hélas ! je ne suis plus qu’un masque de dévotion et l’ombre de ce que j’ai été [102] ”.

     Un masque de dévotion ! Cette expression, si dure qu’elle soit dans l’intention de celui qui l’écrit, est un aveu : Poullart des Places a conscience que, pour ceux qui sont les témoins de sa vie, il n’a pas changé ; et, de fait, ni M. Thomas ni M. Besnard, ses deux premiers biographes, ne font mention d’une quelconque diminution dans la ferveur de sa vie. M. Thomas reconnait qu’il a cessé un certain nombre de mortifications ; mais “ ce ne fut pas par une diminution de ferveur, ce fut par l’ordre exprès de son directeur et par le conseil de ceux en qui il avait confiance [103] ”.

     Il s’agit donc bien d’une épreuve intérieure, semblable à celles que Dieu réserve à tous ceux qu’il veut mener à une plus haute sainteté : privation de la dévotion sensible, du sentiment de la présence de Dieu, expérience douloureuse de l’activité toujours renaissante du vieil homme. Il n’est pas dans mon dessein de répéter ici ce que tous les grands auteurs spirituels ont enseigné sur la nécessité et sur les caractéristiques de ces épreuves ; à ce sujet, le P. Michel a cité avec bonheur quelques textes de saint Bernard, du P. Libermann, de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse [104].

     Mais, dans l’écrit même de Poullart des Places, malgré sa brièveté, on peut, me semble-t-il, déceler des signes du progrès spirituel qui s’est accompli en lui pendant cette période de sécheresse. Il faut remarquer d’abord un approfondissement de l’humilité, de la défiance de soi : “ Cette funeste expérience que j’ai de moi-même me donne bien un raisonnable sujet de me défier de mes forces, écrit-il [105] ”. Lui-même reconnaît, comme une grande grâce de Dieu, que, pendant cette période d’épreuve, 1) il n’a jamais été content de soi-même un seul moment ; 2) il a toujours vu intérieurement qu’il était bien au-dessous de ce que les autres pensaient ou disaient de lui ; 3) ses scrupules lui ont été une occasion de s’approcher plus souvent du sacrement de la pénitence et de craindre davantage le péché [106] .

     Précisément parce qu’il a conscience d’avoir eu, dès le temps de ses premiers écrits, une tendance à l’ambition et à la vanité, il se demande si son état actuel n’est pas la conséquence d’avoir manqué à l’humilité et d’avoir cédé à la présomption, en entreprenant l’œuvre “ de gouverner ces pauvres écoliers que la Providence nourrit [107] ” . Ecoutons-le :

 

“ La source de mon relâchement (ou pour parler plus juste et comme je dois) de ma chute et de mon égarement, c’est de m’être trop tôt tiré de la solitude de m’être répandu au-dehors, d’avoir entrepris l’établissement des pauvres écoliers et d’avoir voulu soutenir la chose. Je n’avais point assez de fonds de vertu pour cela, et je n’avais pas encore assez acquis d’humilité pour me mettre en toute pureté à la tête d’une telle bonne œuvre. Dix ans de retraite à ne penser qu’à moi après une vie comme la mienne, n’étaient point un temps trop long  [108] . ”

 

     Il est vrai, reconnaît Claude, que, dans les premiers temps de l’œuvre des pauvres écoliers, il n’avait “ pas encore tout à fait perdu la ferveur. Mais c’était lorsque la chose était plus obscure et qu’elle était quasi ensevelie dans la plus humble poussière [109] ”. C’est donc le succès inespéré de l’œuvre qui serait à l’origine de ce qu’il considère comme une perte coupable de ferveur.

Il est vrai aussi qu’il n’a rien entrepris sans la permission de son directeur ; mais est-il bien sûr qu’il n’a pas eu dès les débuts des ambitions secrètes et non avouées [110] ? Et Claude-François conclut par ce cri profondément émouvant :

 

     “ Ces réflexions me pénètrent de douleur. J’ai quitté le monde pour chercher Dieu, pour renoncer à la vanité et pour sauver mon âme ; et serait-il possible que je n’eusse fait seulement que changer d’objet et que j’eusse conservé toujours le même cœur ? Que servirait donc enfin d’avoir fait la démarche que j’ai faite [111] ? ”

 

Mais au milieu même de cet apparent désarroi, tout cet écrit de Poullart des Places manifeste une attitude qui me paraît fondamentale, et qui est, d’ailleurs, un effet normal de l’épreuve spirituelle, pour qui la supporte avec générosité ; malgré l’apparent abandon de Dieu, malgré la perte du sentiment de sa présence, malgré les doutes sur sa propre sincérité et l’expérience renouvelée de sa misère, la foi de Claude-François n’a jamais été plus forte : foi dans l’infinie miséricorde de Dieu, dans sa tendresse, et dans son pardon toujours assuré. Cette attitude transparaît dans l’affirmation même de son indignité ; s’il a pu faire une retraite, s’il a pu découvrir clairement sa misère, c’est encore une grâce qui vient de Dieu, et une preuve de sa fidélité : “ Toute cette conduite de Dieu… me fait espérer que le ciel ne sera point toujours de fer pour moi si je songe de bonne foi à pleurer mes fautes et à rentrer en grâce avec le Seigneur [112] ”. Aussi, rien dans son écrit (quoi qu’en dise Joseph Michel [113]), ne permet de penser qu’il ait songé sérieusement à abandonner l’œuvre entreprise ; et nous savons par les témoignages des témoins de sa vie qu’il lui demeurera fidèle jusqu’à la fin. Est-il plus grande preuve de sa foi ?

     A vrai dire, la véhémence avec laquelle Claude-François s’accuse ; la douleur qu’il manifeste de son infidélité, sont, en réalité, des signes indéniables de son amour envers ce Dieu qu’il nomme : “…celui sans lequel je ne puis, quoi que je fasse, vivre un moment en paix [114] ”. On pense à l’Epouse du Cantique qui cherche avec angoisse son Bien-Aimé, et qui est “ malade d’amour ” (Cant. 5,8). Mais peut-être la meilleure expression de l’attitude spirituelle de Poullart des Places à cette période de sa vie nous est-elle donnée par M. Besnard lorsqu’il décrit la dernière maladie et les derniers moments du jeune fondateur :

 

“ La défaillance même de la nature semblait lui prêter de nouvelles forces pour répéter souvent ces paroles du saint roi David : " Quam dilecta tabernacula tua, Domine virtutum, concupiscit et deficit anima mea in atria Domini ". Que vos tabernacles sont aimables, ô Dieu des célestes armées; mon âme ne saurait plus soutenir l’ardeur avec laquelle elle soupire après la demeure du Seigneur (Ps. 82, 2-3) [115] .”

 

 

5 - Règlements généraux et particuliers

 

Le dernier écrit de Poullart des Places que nous possédons est contenu dans un manuscrit de 64 pages in-quarto : il s’agit des premiers règlements de la Communauté du Saint-Esprit. Ils ont été rédigés par le fondateur lui-même, qui dut les commencer dès les débuts de l’œuvre, mais ne les a achevés, selon Joseph Michel [116], que lorsque la communauté se fût transférée de son premier siège, rue des Cordiers, à une maison plus grande, rue Neuve-Saint-Etienne. Le changement eut lieu à la fin de l’année 1705. Claude François avait reçu les Ordres Mineurs quelques mois plus tôt, le 6 Juin, en la fête de son saint patron, saint Claude, moine et archevêque de Besançon.

     Le Règlement, tel que nous l’avons, ne donne d’ailleurs pas l’impression d’être une œuvre achevée ; il porte des ratures, des corrections, et le fondateur l’aurait sans doute complété, et revu avec soin, si la mort ne l’avait enlevé si tôt.

     Ces Règlements supposent une communauté déjà nombreuse. C’est précisément à cause du nombre croissant des écoliers que Poullart des Places dut changer de résidence. C’est ce que nous dit M. Besnard dans son Mémoire :

 

     “ Les progrès en tout genre que faisaient ses premiers disciples étaient trop remarquables pour ne pas lui attirer d’autres excellents sujets. Il pensa donc à leur louer une maison pour qu’on fût plus au large. En peu de temps, il s’y forma une communauté d’ecclésiastiques, à qui il donna des règles remplies de sagesse, qu’il fit examiner et approuver par des personnes d’une grande expérience. Lui-même pratiquait le premier ce qu’il recommandait aux autres [117] . ”

 

     Cette dernière phrase est importante pour nous : nous savons ainsi que, à travers les pages de son Règlement, nous pouvons contempler la vie de notre fondateur pendant ses dernières années, en même temps que nous pouvons y découvrir l’esprit qu’il voulait infuser à son œuvre.

     A vrai dire, il n’est jamais très attirant de lire un Règlement. En lisant celui de Poullart des Places, on se souviendra d’abord qu’il est lui-même un juriste, qu’il sait l’utilité de descendre dans les détails, de ne rien laisser dans le vague, ce qui peut donner parfois l’impression d’une certaine minutie. Mais il faut se rappeler aussi qu’il est écrit pour des étudiants dont la plupart n’ont pas, dans les débuts, I’habitude d’une vie commune et auxquels il faut inculquer le sens d’une vie communautaire. Au début, le fondateur dirige tout seul sa communauté, et il se fait aider dans les différentes tâches par les étudiants eux-mêmes. Cependant, dès le début de 1705, il s’associera un prêtre, Michel-Vincent Le Barbier; en octobre de la même année, ce sera le tour d’un sous-diacre, Jacques-Hyacinthe Garnier [118]. Ainsi, peu-à-peu, les exigences mêmes de l’œuvre entreprise conduiront à former une vraie communauté de formateurs chargés de la direction des séminaristes. Mais il n’y a qu’une règle pour tous, directeurs et élèves, et c’est directement de ces premiers règlements que la future règle spiritaine s’inspira.

        Une autre remarque préalable est faite par Henri Koren, et je pense utile de la reproduire ici :

 

     “ Encore que l’esprit de ces règles soit digne d’admiration et d’imitation dans nos séminaires modernes, nous n’en saurions pourtant conseiller la lettre. Elles s’harmonisaient sans doute avec le XVIIIe siècle, mais ne seraient guère pratiques de nos jours. Ce qu’au XIXe siècle le P. Libermann disait de la formation des futurs prêtres s’applique a fortiori à notre temps : " Le mode d’éducation pour les jeunes ecclésiastiques, à l’époque où nous vivons, doit être tout-à-fait différent de celui qui a été mis en usage avant la Révolution de 1793. Il est reconnu par l’expérience que les méthodes anciennes sont maintenant inapplicables " [119] . ”

 

Lisons donc les Règlements de Poullart des Places en essayant d’en mettre en lumière l’esprit qui demeure toujours valable.

 

A - Une communauté de prière

 

La communauté du Saint-Esprit apparait d’abord comme une communauté de vie spirituelle et de prière. Quelques aspects plus importants méritent de retenir notre attention.

 

1 ) La consécration au Saint-Esprit

 

     “ Tous les écoliers adoreront particulièrement le Saint-Esprit auquel ils ont été spécialement dévoués…”. Ainsi commence le premier article des Règlements [120].

     Comment expliquer cette consécration spéciale au Saint-Esprit, et quelle en est la portée ? Les recherches du P. LE FLOCH et celles du P. Michel ont suffisamment répondu à la première de ces questions : c’est dans sa province natale que Claude-Francois a puisé la dévotion au Saint-Esprit. Je ne crois pas utile de résumer ici les résultats des recherches historiques sur ce point ; il suffira de rappeler que le fondateur avait précisément choisi la fête de la Pentecôte de 1703 pour commencer son œuvre; il n’est guère vraisemblable de ne voir là qu’une coïncidence [121].

     Mais quel est le sens de cette consécration ? Une première indication nous est donnée par l’article 2 ; la fête de la Pentecôte y est désignée comme une des deux fêtes principales de la maison, avec celle de l’lmmaculée Conception. Les écoliers “ célèbreront la première pour obtenir du Saint-Esprit le feu de l’amour divin, et la seconde pour obtenir de la très Sainte Vierge une pureté angélique, deux vertus qui doivent faire tout le fondement de leur piété ”.

     Nous réservant de revenir sur l’lmmaculée Conception, nous retiendrons que la dévotion au Saint-Esprit est destinée à obtenir le feu de l’amour divin. Telle est donc la grâce que Poullart des Places met au principe même de son œuvre : la charité, dont la source est en Dieu et que l’Esprit-Saint répand dans les cœurs.

     Parmi les prières prescrites par la règle, on remarquera non seulement que les élèves récitent chaque jour l’Office du Saint-Esprit [122], mais “ avant chaque étude ou répétition, on demandera au Saint-Esprit des lumières pour travailler utilement : un Veni Sancte pour cela, et un Ave Maria en l’honneur de la Sainte Vierge pour obtenir de son Epoux ces lumières. On fera la même prière au commencement de la lecture spirituelle [123]…” L’Esprit qui est source de l’amour divin dans nos cœurs (cf. Rom. 5,5) est aussi l’Esprit de vérité (cf. Jo. 14,17 ; 15,26), qui peut faire accéder à la vérité tout entière (Jo. 16,13). Les deux aspects sont d’ailleurs inséparables, et ils sont intimement unis dans la prière Veni Sancte Spiritus et dans l’oraison qui la suit habituellement [124]. La coutume de réciter cette prière, suivie de l’Ave Maria, avant tous les exercices de communauté, est demeurée vivante dans la Congrégation du Saint-Esprit jusqu’à nos jours. Puisse ce rappel fréquent de la présence de l’Esprit-Saint et de son action ne jamais se perdre parmi nous !

     Mais surtout que demeure dans la Congrégation, au-delà de telle ou telle formule, le désir qu’exprime le Veni Sancte : “ Viens, Esprit Saint. Remplis le cœur de tes fidèles. Qu’ils soient brûlés au feu de ton amour ! ”

     Poullart des Places indique d’un mot un autre aspect de la dévotion au Saint-Esprit qu’il veut inculquer à sa communauté : tous les dimanches, on doit réciter la prière : Ure igne Sancti Spiritus [125]Il s’agit d’une oraison qui se trouvait dans le Missel romain parmi les Oraisons diverses ; les premiers mots sont inspirés du Psaume 25,2, et l’on peut tenter la traduction suivante de toute la prière : “ Seigneur, passe au feu de l’Esprit Saint nos reins et nos cceurs ; ainsi nous pourrons te servir avec un corps chaste et te plaire par un cœur pur ”. C’est donc la pureté du cœur et du corps qu’on demande à recevoir par l’action de l’Esprit Saint. A l’arrière-plan, il y a certainement les images de l’Ancien Testament qui représentent Dieu comme un feu qui purifie (Malachie, 3,2 ; Zach. 13,9) et aussi le souvenir des langues de feu qui, au jour de la Pentecôte, symbolisent l’Esprit Saint descendant sur l’Eglise. La pureté ainsi demandée est, sans doute, la chasteté corporelle, mais de façon beaucoup plus complète, la rectitude totale de l’intention, de la volonté et du cœur, au service de Dieu, en un mot, cette grâce que Claude-François, dans sa prière à la Sainte Trinité demandait pour lui-même: que son cœur et son esprit ne soient remplis que de Dieu seul.

L’œuvre de Poullart des Places, qui deviendra la Congrégation du Saint-Esprit, a donc comme premier fondement, la certitude de la présence et de l’action, dans l’Eglise de Dieu, et spécialement dans ceux qui se destinent à son service dans le sacerdoce, de la Personne divine, envoyée par le Christ à la Pentecôte, qui apporte le feu de l’amour divin [126], les lumières pour travailler utilement [127], et qui purifie de tout ce qui pourrait étre un obstacle au service unique et sans réserve de Dieu [128].

 

2) La dévotion à la Vierge Immaculée

 

Après avoir mentionné la consécration au Saint-Esprit, Poullart des Places, dès le premier article du règlement, ajoute : “ lls (les écoliers) auront aussi une singulière dévotion à la Sainte Vierge, sous la protection de laquelle on les a offerts au Saint-Esprit ”.

     Le deuxième article désigne comme fête principale avec la Pentecôte, la fête de l'Immaculée Conception, que les écoliers célèbreront “ pour obtenir de la très Sainte Vierge une pureté angélique ”. Les raisons de ce choix et de cette dévotion sont à chercher surtout, comme l’a montré Joseph Michel, dans l’influence que les jésuites, ardents défenseurs de l’lmmaculée Conception, ont eue dans la formation spirituelle de Poullart des Places [129].

     Dans la formulation du premier article, on remarquera le lien qui est indiqué entre le Saint-Esprit et Marie : c’est sous la protection de celle-ci que les écoliers ont été offerts au Saint-Esprit. Y aurait-il dans ces lignes une allusion au lieu où s’était déroulée la cérémonie d’inauguration de la première communauté ? Selon une tradition orale, en effet, cette cérémonie aurait eu lieu dans la chapelle de Notre-Dame de Bonne Délivrance, en l’église Saint-Etienne-des-Grès…

     Il me semble que la formule a un sens beaucoup plus profond : le fondateur a une confiance particulière dans la prière de la Vierge pour obtenir que les pauvres écoliers soient spécialement dévoués (c’est-à-dire : consacrés) à l’Esprit Saint, ou, en d’autres termes, pour que celui-ci prenne entièrement possession de leur âme en les embrasant du feu de l’amour divin [130].

     Ce lien entre la prière à l’Esprit Saint et l’invocation de Marie est encore clairement indiqué plus loin : l’article 30 des Règlements, que nous avons déjà rencontré, prescrit de faire avant chaque étude ou répétition une prière au Saint-Esprit pour demander ses lumières, et un Ave Maria en l’honneur de /a Sainte Vierge, pour obtenir de son Époux ces lumières. C’est nous qui soulignons ces derniers mots: on pourrait, en effet, s’étonner de trouver dans les Règlements de Poullart des Places l’affirmation que l’Esprit Saint est l’époux de Marie. Ce titre, en effet, n’est pas très fréquent en théologie et l’on peut se demander quelle influence a joué sur Claude Poullart pour le lui faire adopter. On peut penser évidemment, en premier lieu, à son intimité avec Grignion de Montfort, qui attribue volontiers à Marie le titre d’ Epouse du Saint-Esprit [131] ; sans doute, aucune des œuvres du saint n’avait encore été publiée ; mais on peut penser que leurs conversations avaient souvent abordé un tel sujet.

     Il faut songer aussi à l’influence, sur l’un et sur l’autre, de la Doctrine Spirituelle du P. Lallemant, publiée par le P. Champion en 1694 : Marie, écrit le grand spirituel jésuite, “ est l’unique en qualité d’épouse du Saint-Esprit, puisqu’elle seule a contracté avec lui, au nom de toute la nature humaine, un sacré mariage, pour être Mère d’un Homme-Dieu, sans cesser d’être vierge [132] ”.

     En tout cas, c’est cette dignité très particulière d’épouse du Saint-Esprit que Claude-François considère lorsqu’il met son œuvre sous sa protection spéciale, assuré qu’il est que ses prières, à ce titre, seront plus sûrement exaucées. On l’invoque donc pour obtenir les lumières du Saint-Esprit, mais aussi pour obtenir une pureté angélique ; à cette intention on célébrera solennellement la fête de l’lmmaculée Conception [133], et “ on dira l’Angelus trois fois par jour, avec la prière per sanctam, pour se conserver toujours dans la très grande pureté de cœur et de corps [134] ”.

     On pourrait redire ici ce que nous avons déjà dit plus haut : la pureté désirée et demandée n’est pas uniquement la chasteté corporelle, mais bien une pureté qui imite autant que possible celle de Marie vénérée sous le vocable de son Immaculée Conception [135] : refus de toute souillure du péché, de toute compromission, pour pouvoir se donner entièrement à Dieu.

     Le souvenir de Marie sera donc fréquemment rappelé dans la vie de la communauté ; en plus des prières quotidiennes, “ lorsqu’on sortira de la maison pour aller en quelque endroit, on s’assemblera tous en commun dans la chapelle pour se mettre sous la protection de la très sainte Vierge [136] ” ; on jeûnera la veille de l’lmmaculée Conception [137] ; “ on dira, tous les dimanches, les fêtes, les jours de congé et de promenade, le chapelet à deux chœurs [138] ” ; les jours de classe, on récite le chapelet en se rendant en classe trois par trois [139].

     A travers la sécheresse inévitable d’un texte de règlement, on entrevoit facilement une profonde atmosphère de piété mariale, la vive conscience d’une présence constante de la Vierge Marie dans le déroulement de la vie de la communauté.

 

3) L’Eucharistie et la vie liturgique

 

     Poullart des Places, on l’a dit plus haut, avait une très grande dévotion à l’Eucharistie. M. Thomas, son premier biographe, va jusqu’à dire : “ C’est particulièrement vers le Sacrement de l’autel que le portait sa dévotion, ou, pour mieux dire, sa plus ardente passion [140] ”. La communauté du Saint-Esprit sera donc aussi marquée par cette dévotion : “ L’on ne recommande rien avec plus d’instance que d’assister avec tout le respect possible à la sainte Messe, à laquelle on ne manquera jamais sans une maladie qui ne permette pas au malade de sortir [141] ”. C’est donc chaque jour que tous doivent y participer [142], sans excepter le tailleur et le cuisinier [143].

     En revanche notre mentalité d’aujourd’hui peut être étonnée des règles et des conseils donnés pour recevoir la communion. Voici la règle générale : “ On s’approchera tous les quinze jours des sacrements de la pénitence et de l’Eucharistie [144] ” ; la même fréquence est prescrite au tailleur et au cuisinier [145].

Or il est bon de rappeler que, dans la mentalité et les usages du temps, cette fréquence, comme règle générale, est déjà considérée comme une faveur réservée seulement aux plus fervents ; même les jésuites n’osent guère aller au-delà, sinon dans des cas exceptionnels. Il faudra attendre jusqu’à Pie X pour que la communion fréquente et même quotidienne soit considérée comme normale [146]. Les formules de Poullart des Places pouvaient même paraître hardies à bien des esprits du temps : en effet, le n° 37 des Règlements continue : “ On exhorte fort les particuliers à s’en approcher (de l’Eucharistie) encore plus souvent, le tout cependant subordonné à l’avis de leurs directeurs ”. Les mots encore plus souvent que nous avons soulignés, laissent entendre que la règle des quinze jours est déjà considérée comme une faveur. De plus, une fois par mois, on consacre une journée “ pour penser sérieusement à la mort, (et) le jour précédent, on communiera comme si ce devait être le dernier jour de sa vie [147] ”. Enfin, “ on fera aussi, tous les mois, un petit pèlerinage de dévotion, où l’on exhorte ceux qui en auraient une sainte envie, de s’approcher de la sainte Table [148] ”.

     Ainsi, tout en maintenant une règle générale qui tient compte des habitudes du temps, concrètement, on ouvre assez largement d’autres possibilités, en tenant compte des attraits personnels et de la prudence des directeurs de conscience.

     Assistance à la messe et communion exigent un effort personnel de dévotion ; les règlements le rappellent :

 

     “ Lorsqu‘on revient de la Messe ou qu’on y va, les jours de congé ou de fêtes, on ne doit point parler ensemble, mais il faut s’entretenir intérieurement avec Dieu sur la grandeur du sacrifice de la sainte Messe ou sur le bonheur qu’on a eu de communier si on s’est approché de la Sainte Table [149]. Les jours de fêtes et de dimanches, après la Messe de Communion, on fera ses actions de grâces en l’église pendant environ un quart d’heure [150]. Les jours de pèlerinage on marche en silence pour se mieux préparer à la sainte Messe [151] .”

 

     La dévotion à l’Eucharistie est entretenue en dehors de l’assistance à la Messe, par de fréquentes visites au Saint-Sacrement, chaque fois qu’on sort en ville pour aller en classe ou ailleurs, ou qu’on sort de classe pour revenir à la maison [152] ; les règlements mentionnent les attitudes et les gestes de respect qui conviennent en ces occasions [153].

     Mais la vie liturgique n’est pas seulement affaire de dévotion personnelle ; le règlement prévoit donc des lecons et des exercices réguliers pour apprendre les cérémonies une demi-heure tous les mardis et samedis, une heure entière les jours de fête [154] ; des maîtres de chant “ apprendront le plain-chant aux particuliers de la maison… ; ils feront prévoir à leurs écoliers les antiennes, les hymnes, les psaumes qu’ils doivent chanter à Vêpres, le dimanche suivant ”. Cela est considéré comme si important que les maîtres de chant “ avertiront Monsieur le Supérieur si quelqu’un se dispense de chanter [155] ”.

 

4) Autres prières et exercices de piété

 

     D’autres prières vocales ou mentales sont prévues par les Règlements : prières du matin et du soir, méditation, examen particulier, prières pour les bienfaiteurs, récitation du De Profandis en descendant au réfectoire, lecture brève de la vie du saint du lendemain après le souper, lecture spirituelle d’un quart d’heure chaque jour, etc.

     Tout cela peut paraître une accumulation de pratiques de dévotion bien lourde et quelque peu artificielle. Une comparaison avec les règlements des autres séminaires du temps montrerait qu’il n’y avait là rien d’anormal. Bien mieux, dans notre Congrégation, nous sommes nombreux à avoir vécu, pendant de longues années, un règlement quotidien qui se rapprochait beaucoup de ce que Poullart des Places demandait à sa communauté : prière et méditation en commun, récitation de l’angelus trois fois par jour, Veni Creator et Ave Maria avant chaque exercice commun, examen particulier, visite au Saint-Sacrement, chapelet quotidien, office, etc. En fait, sur ce point, presque tout ce qui avait été prévu pour le Séminaire a été pratiqué par toute la Congrégation pendant plus de 250 ans. Cette durée elle-même n’est-elle pas un signe de la valeur de ces Règlements ? Une spiritualité commune ne se maintient pas sans un minimum d’observances communes ; celles-ci peuvent et doivent évoluer, mais il demeurera toujours vrai que, dans une communauté chrétienne, et a fortiori dans une communauté religieuse, sera valable l’avertissement de l’Epître aux Hébreux : “ Faisons attention les uns aux autres, pour nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes ; ne désertez pas votre assemblée, comme quelques-uns ont coutume de le faire, mais encouragez-vous mutuellement… (Hebr. 10, 24-25) ”. Cette attention à la communauté ne se limite d’ailleurs pas au domaine des exercices de piété, comme nous allons le voir.

 

 

B - Une communauté de pauvres

 

     La maison du Saint-Esprit forme une communauté destinée à des jeunes gens qui se préparent au sacerdoce, et qui n’ont pas les moyens matériels de payer ailleurs leur pension; ce sont “ les plus pauvres qu’on doit recevoir de préférence [156] ”.

     M. des Places lui-même, n’est pas, à proprement parler, un pauvre. A partir du mois d’août 1706, il aura une rente viagère de soixante livres tournois: c’est le minimum exigé par l’évêque de Rennes pour qu’il puisse étre ordonné. Mais il a refusé tout autre bénéfice, et le peu qu’il possède est mis entièrement au service de la communauté qu’il a fondée.

     Les Règlements précisent que le Supérieur partagera entièrement la vie des étudiants : “ Les uns et les autres doivent se faire un plaisir de se regarder comme des pauvres à qui la Providence présente la nourriture qu’on leur donnera au réfectoire [157].” Les services matériels sont accomplis à tour de rôle par tous “ sans que personne en soit exempt [158] ” ; nous savons par M. Thomas [159] que Poullart des Places ne s’en exemptait pas, lavait la vaisselle [160], décrottait les souliers des étudiants [161], prenait sa part des commissions et des achats à l’extérieur [162].

     Je n’entrerai pas dans le détail des petites et grandes corvées qui assuraient la vie matérielle de la maison, et dont il nous est parfois difficile aujourd’hui d’apprécier l’importance : propreté, économat, cuisine, éclairage, lingerie, chauffage, entretien du matériel, etc.

     Les écoliers (le texte des Règlements dit assez souvent : les particuliers) ne sont pourtant pas des religieux ; ils disposent de petites sommes, avec lesquelles ils peuvent se procurer des suppléments de vin [163], paient le blanchissage de leur linge personnel [164], et les vitres qu’ils auront cassées [165]… La maison fournit à tous la nourriture, les vêtements et les chaussures nécessaires [166].

     Le personnel fixe de la maison est véritablement au service des écoliers. Il s’agit d’abord de Poullart des Places, qui porte le titre de Monsieur le Supérieur ; il est vraiment le centre de la maison, il préside aux exercices communs, et c’est à lui qu’on s’adresse pour les permissions, les exceptions, les petits problèmes quotidiens, les comptes, etc. [167]. Les tâches qui lui sont assignées sont si nombreuses qu’on se demande comment il a pu les concilier, au moins au début, avec l’étude de la théologie. Il est question parfois, au pluriel, des Supérieurs [168], et, une fois, de ceux qui gouvernent [169]. Il s’agit sans doute des premiers collaborateurs de Poullart des Places: Michel-Vincent Le Barbier, qui sera son bras droit du début de 1705 jusqu’en juin 1709 [170] ; Jacques-Hyacinthe Garnier, arrivé en octobre 1705 et qui lui succédera en octobre 1709 [171]. Il est question aussi des répétiteurs, sur lesquels nous avons très peu de renseignements [172]. Enfin le tailleur et le cuisinier participent à la vie de la maison d’une manière très étroite [173]. Faut-il voir en ces premiers collaborateurs le germe du futur institut qui continuera l’œuvre du fondateur après sa mort prématurée ; en tout cas, sans porter le titre de religieux, sans l’être encore canoniquement, ils en ont déjà les caractères [174].

Tous vivent en pauvres, mangent à la même table le même menu, dont une partie vient des restes des jésuites [175]. Seuls les malades peuvent avoir un traitement particulier [176]. Tout vêtement un peu recherché est interdit [177]. Le tabac (à priser) est considéré comme un luxe absolument inadmissible [178]. Mais cette pauvreté doit être acceptée librement :

 

“ [Tous] doivent manger toujours avec actions de grâces ce qu’on leur présente [179] ; on se contentera de tout ce qui sera servi et l’on ne recherchera rien de meilleur [180] ; on ne parlera jamais de ce qu’on aime ou de ce qu’on n’aime pas. On ne louera ni on ne blâmera pas ce qu’on vient de manger. Il est indigne d’un véritable chrétien de penser trop à toutes ces sortes de choses, de s’en entretenir ou de s’en plaindre, mais c’est une immortification encore bien plus considérable à un religieux ou un ecclésiastique que de tomber dans ce défaut. On ne s’informera pas de ce qu’on donnera aux repas, On ne priera pas l’économe d’acheter telle ou telle chose … On ne se plaindra jamais que les choses sont mal apprêtées, qu’il y manque encore tel ou tel assaisonnement … Un homme un peu mortifié, tel qu’on le doit être ici, mange indifféremment ce qu’on lui donne. Il trouve tout bon quand il se souvient que son Dieu a été abreuvé de fiel et de vinaigre [181] . ”

 

        Nous avons dans ces derniers mots un trait de lumière : ce n’est pas seulement par nécessité, par dénuement, que Claude Poullart veut vivre en pauvre et demande aux siens d’en faire autant ; c’est pour imiter le Christ lui-même qui s’est abaissé volontairement à la pauvreté et au dénuement de la Croix. Cet exemple est d’un grand prix pour tout chrétien, mais il l’est encore bien plus pour un religieux ou un ecclésiastique, c’est-à-dire pour les prêtres qu’il veut former.

C - Une communauté de futurs prêtres

 

     Car il ne faut pas oublier que c’est en cela que consiste le premier objectif envisagé par Poullart des Places : préparer de futurs prêtres. Les Règlements, tels que nous les avons, écrits de sa main, ne parlent guère explicitement de cette finalité, mais celle-ci est toujours sous-entendue, et l’ensemble est inintelligible en dehors de cette perspective.

     Tous les documents qui nous en parlent ajoutent une précision importante: Poullart des Places “ a voulu encore par cet établissement élever dans une vie dure et laborieuse et dans un parfait désintéressement des vicaires, des missionnaires et des ecclésiastiques pour servir dans les pauvres paroisses et dans les postes abandonnés pour lesquels les Evêques ne trouvent presque personne [182] . Ils sont destinés à remplir les postes inférieurs de I’Eglise [183] ”. Cette destination sera explicitée dans la Règle latine que le Cardinal de Paris approuvera le 2 février 1734 [184].

Ainsi la vie pauvre, humble et laborieuse de la Maison du Saint-Esprit n’est pas uniquement, ni même premièrement, causée par la pauvreté réelle des étudiants et de leurs supérieurs ; elle est due à la volonté bien précise de préparer des prêtres qui soient disposés à garder toute leur vie cette attitude de détachement de la richesse, de dévouement aux tâches les plus obscures et les plus humbles du ministère sacerdotal. C’est ce que dira encore, en 1762, Monseigneur de Beaumont, évêque de Paris :

 

“ Ce Séminaire a pour fin particulière d’élever de jeunes ecclésiastiques dépourvus et détachés des biens de ce monde et de les disposer à aller partout où leurs évêques les enverront, et à choisir de préférence les places les plus pénibles, les fonctions les plus abandonnées et, par cette raison, les plus difficiles à remplir … L’esprit de l’Institut… est de redouter et de fuir les places lucratives et honorables du sanctuaire, de se dévouer aux emplois les plus obscurs et les plus fatigants, comme d’évangéliser les pauvres dans les campagnes, les malades dans les hôpitaux, les soldats dans les armées, les idolâtres dans le Nouveau Monde [185] .”

 

     Ces témoignages - on pourrait en ajouter d’autres - éclairent bien des détails des Règlements que nous étudions, en particulier la recherche volontaire d’une vie pauvre et la pratique des emplois les plus humbles. A une période où le clergé se laissait trop facilement conduire par des préoccupations d’ambition, de succès mondains, ou de richesse, on pouvait facilement comprendre la portée des lignes suivantes :

 

     “ On ne jettera point, surtout, les yeux sur les personnes magnifiquement habillées, sur les ameublements, sur les équipages et sur les ajustements mondains. On pense au plaisir, au monde et à la vanité quand les yeux sont trop facilement sur ces sortes de choses [186] . ”

 

     C’est sans doute aussi dans le même esprit que l’on ne recherchait pas les grades  ou diplômes universitaires ; toutefois une exception est prévue pour les élèves qui auraient terminé leur théologie, et qui peuvent continuer à étudier pendant deux années la Morale et le Droit Canon dans lequel ils pourront se faire graduer [187]. Une des raisons de cette exception, selon le P. LE FLOCH et le P. Michel, a dû être que la faculté de Droit Canonique, à la différence de celle de Théologie ne demandait qu’une somme très modique pour conférer les grades, et même parfois les concédait gratuitement ; ajoutons que la fréquentation de l’Université pendant deux ans seulement ne suffisait pas pour obtenir des bénéfices vacants [188]. Ainsi l’obtention des diplômes en Droit Canon ne pouvait pas être une tentation de rechercher plus tard les postes lucratifs, ce qui eût été contre le but même de la fondation.

     Mais, en-dehors de la recherche des diplômes, les Règlements nous révèlent que Poullart des Places donnait une très grande importance à l’étude : huit heures et demie d’étude les jours de classe, six heures et demie les dimanches, ces heures comprenant “ le temps de la classe, les répétitions et la préparation de l’Ecriture Sainte [189] ”. Le tome Vll de la collection Gallia Christiana, qui paraîtra en 1744, nous apprend que Poullart des Places avait coutume de répéter : “ Un clerc pieux sans science a un zèle aveugle, et un clerc savant sans piété est exposé à devenir hérétique et rebelle à l’Eglise [190] ”. Ce dernier point tient particulièrement à cœur au fondateur, qui prie ses élèves “ d’être toujours attachés dans tous les points de doctrine aux décisions de l’Eglise pour laquelle ils doivent être pleins de soumission [191] .” C’est, sans doute, la raison principale pour laquelle, au lieu d’envoyer ses élèves à l’Université trop souvent gallicane et janséniste, Claude-François les fait suivre les cours de philosophie et de théologie chez les jésuites [192].

 

 

D - Une communauté de charité fraternelle

 

La lecture des Règlements m’a révélé, à travers de multiples détails, un aspect qu’il me semble important de souligner : Poullart des Places veut que règne dans la maison qu’il a fondée une profonde atmosphère de charité entre tous, de respect mutuel, d’attention aux autres.

Il ne suffit pas, on le sait, de prescrire : “ On s’aimera tous, à la vérité, très tendrement [193]. Cet amour doit se manifester dans toute l’attitude et le comportement; c’est dans cet esprit que Claude-François exige que les élèves aient “ une physionomie douce, modeste et retenue [194] ”, que tous se tiennent à table “ comme le veut l’honnêteté ”, c’est-à-dire la bonne éducation [195], que l’on se traite “ toujours avec beaucoup d’honnêteté, se prévenant, comme dit l’Apôtre, les uns les autres, avec toute sorte de respect [196] ”.

     Conformément à cette prescription de saint Paul (Rom. 12, 10), “ quand on se rencontrera dans les escaliers, dans le jardin ou ailleurs, on ne manquera jamais de se saluer réciproquement. Quand on donnera quelque chose à un autre, ou qu’on en recevra de lui, on n’oubliera pas non plus de se découvrir l’un l’autre, et de donner ou de recevoir avec une certaine honnêteté qu’une éducation chrétienne doit nous avoir acquise [197] ”. La politesse bien comprise est un exercice de charité fraternelle ; les formes extérieures en peuvent changer, et bien des prescriptions de détail que l’on trouve dans les Règlements seraient difficilement applicables de nos jours [198]. Mais, ici encore l’esprit demeure.

     C’est ainsi que les règles concernant le silence sont justifiées par la nécessité de ne pas “ troubler la paix qui doit régner dans la maison [199] ” ; il s’agit de respecter les exigences de 1’étude et du recueillement d’un séminaire et donc d’éviter tout bruit inutile [200]. Il faut comprendre dans le même sens la défense de “ faire jamais des mines pour faire rire les autres [201] ”, de se montrer en public sans être correctement habillé [202] ; point de propos malséants, de plaisanteries vulgaires, “ de proverbes bas et populaires, point de sobriquets ou plaisanteries fades [203] ”.

     Tout cela paraîtra peut-être désuet à notre époque où l’on se glorifie de parler de tout ouvertement, où un certain laisser-aller dans les attitudes et les paroles est de bon ton, où même une certaine vulgarité de langage est appréciée. Est-il bien sûr que ce soit un progrès ? Quoi qu’il en soit des usages variables, le souci de respecter les autres, dans son maintien, ses attitudes et ses paroles, demeure, me semble-t-il, une exigence essentielle de toute vie commune; et c’est cela qu’il faut retenir des règlements de Poullart des Places.

     Bien d’autres détails seraient à remarquer ; je ne veux retenir que la page concernant les soins à donner aux malades :

 

“ L’infirmier avertira Monsieur le Supérieur aussitôt qu’il saura que quelqu’un est indisposé. Il tâchera de le savoir de bonne heure, il aura soin de donner aux malades ce dont ils ont besoin,  les portera à supporter leur maladie pour l’amour de Jésus-Christ, il ne se rebutera point des petites peines qu’il aura en cette charge, comme de vider les pots de chambre, faire les lits, etc., mais il s’y portera de bon cœur pour l’amour de Dieu. Il servira les malades comme si c’était Jésus-Christ même qu’il eût à soigner [204] . ”

 

     Suivent les détails sur les soins de propreté, I’exactitude dans l’observation des ordonnances des médecins [205]. L’infirmier doit aussi veiller aux besoins spirituels des malades : lorsqu’ils en sont capables, il les conduira à la messe à des heures convenables et leur fera la lecture spirituelle ; mais “ il prendra garde que ceux qui ont pris médecine ne sortent pas ce jour-là, qu’ils se tiennent chaudement et tranquillement dans la chambre [206] ”.

     Ainsi, au sujet des malades, le grand principe est que l’on doit les servir “ comme si c’était Jésus-Christ lui-même ”. En réalité, ce principe qui découle directement de l’Evangile (Mt. 25,40 ss.), inspire tous les règlements de Poullart des Places, et c’est à sa lumière qu’il faut les lire. C’est aussi dans cet esprit qu’il les a pratiqués lui-même.



[1]. C’est sans doute par une distraction de typographe que le P. J.-Th. Rath place cet événement au 17 Mai, dans son livre: Geschichte der Kongregation vom Heiligen Geist, I. Teil, Knechtsteden, 1972, p. 78.

[2]. Henry J. KOREN, Knaves or Knights ? A History of the Spiritan Missionaries in Acadia and North America, 1732-1839  (Pittsburgh, Duquesne University, 1962),, p. 2.

[3]. LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 156 ; KOREN, Ecrits, p. 42-43.

[4]. MICHEL, Poullart des Places, p. 344.

[5]. Telle est, du moins, la conclusion de Michel (p. 340), alors que Koren (Ecrits, p. 42) pense que c’est une copie faite par M. Thomas.

[6]. KOREN, Ecrits, p. 48-50.

[7]. KOREN, Ecrits, p. 50, § 3.

[8]. KOREN, Ecrits,. p. 50, § 4.

[9]. KOREN, Ecrits, p. 52, § 2.

[10]. KOREN, Ecrits, p. 58, § 1-2. L’exemple de David et de Salomon succombant à la tentation, malgré leur sainteté et leur sagesse, a été introduit dans nos Règles latines (n°. 50) ; mais la citation est attribuée à saint Jérôme.

[11]. KOREN, Ecrits, p. 62, § 2.

[12]. Voir, par exemple, dans KOREN, Ecrits, p. 62, § 1 ; p. 72, § 1-2 ; p. 66-67 ; p. 72-76.

[13]. KOREN, Ecrits, p. 62, § 3.

[14]. KOREN, Ecrits, p. 62-64.

[15]. KOREN, Ecrits, p. 66, § 2-3.

[16]. KOREN, Ecrits, p. 66, § 3.

[17]. KOREN, Ecrits, p. 82, § 1-2.

[18]. KOREN, Ecrits, p. 82.

[19]. KOREN, Ecrits, p. 88 ; LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 169.

[20]. KOREN, Ecrits, p. 89-90.

[21]. KOREN, Ecrits, p. 90, § 5.

[22]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 1.

[23]. KOREN, Ecrits, p. 112, § 2.

[24]. KOREN, Ecrits, p 90, § 5. Sur tout ce qui suit, on verra avec intérêt les remarques du biographe de Poullart des Places, M. Pierre Thomas, dont le mémoire est publié aussi par Koren, Ecrits, p. 252 ss.

[25]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 1.

[26]. Exercices Spirituels, deuxième semaine, " Première manière de faire une saine et bonne élection ", second point : “ Il faut que j’aie pour objectif la fin pour laquelle je suis créé : louer Notre-Seigneur et sauver mon âme. En outre, je dois me trouver indifférent, sans aucun attachement désordonné, de façon à ne pas être incliné ni attaché à prendre ce qui m'est proposé plus qu’à le laisser, ni à le laisser plus qu’à le prendre. Mais je dois me trouver comme l’aiguille d’une balance pour suivre ce que je sentirai être davantage à la gloire et à la louange de Dieu notre Seigneur et au salut de mon âme ” (trad. Fr. Courel, 2e éd. Paris, 1963, p. 100). Ces idées sont déjà très clairement exprimées dans le “ Principe et Fondement ” (ibid. p. 28-29). Sur ces points, LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 168.

[27]. Voici quelques références, parmi beaucoup d’autres : Lettres Spirituelles, I, p. 53, 294, 471, 493 ; II, p. 106, 324, 465.

[28]. Lettre du P. Libermann à M. Jolivel, du 28 octobre 1838 : ND,  I, p. 419.

[29]. Voir les Exercices Spirituels, dans la traduction citée du P. F. Courel, n°. 177, 179, 181, 185. Ceci n’est encore qu’un rappel du “ Principe et Fondement ” (ibid. p. 28-29).

[30]. KOREN, Ecrits, p. 90, § 3.

[31]. KOREN, Ecrits, p. 98, § 7.

[32]. KOREN, Ecrits, p. 104, § 4.

[33]. Voir plus haut, la note 29.

[34]. KOREN, Ecrits, p. 92-94.

[35]. MICHEL, Poullart des Places, p. 59-71.

[36]. C’est J. Michel qui a identifié ce portrait : voir supra, p. ** , " Histoire d'un portrait ".

[37]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 4.

[38]. KOREN, Ecrits, p. 94, § 1.

[39]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 4.

[40]. KOREN, Ecrits, p. 96-98.

[41]. KOREN, Ecrits, p. 100, § 3-4.

[42]. KOREN, Ecrits, p. 106, § 3.

[43]. KOREN, Ecrits, p. 100, § 6.

[44]. KOREN, Ecrits, p. 100, § 6.

[45]. KOREN, Ecrits, p. 82, § 2.

[46]. KOREN, Ecrits, p. 48, § 3.

[47]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 1.

[48]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 2.

[49]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 6.

[50]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 5.

[51]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 5.

[52]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 3.

[53]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 3.

[54]. KOREN, Ecrits, p. 94, § 2.

[55]. KOREN, Ecrits, p. 98, § 2.

[56]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 1.

[57]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 3.

[58]. KOREN, Ecrits, p. 96, § 6.

[59]. KOREN, Ecrits, p. 106, § 3.

[60]. KOREN, Ecrits, p. 96, § 6.

[61]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 3.

[62]. KOREN, Ecrits, p. 94 § 1.

[63]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 6.

[64]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 3.

[65]. KOREN, Ecrits, p. 106, § 5.

[66]. KOREN, Ecrits, p. 98 § 3.  Je serais personnellement très réservé sur le rapprochement que fait Ch. Baudouin entre ce sentiment de tendresse fraternelle et la répugnance pour le mariage, selon la note de Michel, Poullart des Places, p. 67.

[67]. KOREN, Ecrits, p. 98, § 4.

[68]. KOREN, Ecrits, p. 98, § 6.

[69]. KOREN, Ecrits, p. 102-104.

[70]. KOREN, Ecrits, p. 98-100.

[71]. KOREN, Ecrits, p. 94, § 2.

[72]. KOREN, Ecrits, p. 104, § 1.

[73]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 2.

[74]. KOREN, Ecrits, p. 110, § 2.

[75]. KOREN, Ecrits, p. 112.

[76]. MICHEL, Poullart des Places, p. 79.

[77]. KOREN, Ecrits, p. 250 ss.

[78]. KOREN, Ecrits, p. 118. Pour ce qui concerne le port de l’habit blanc pendant les sept premières années de la vie de Claude, voir le Mémoire de M. Thomas : KOREN, Ecrits,  p. 228.

[79]. MICHEL, Poullart des Places, Poullart des Places, p. 88, en note, reproduit le texte latin de cette prière ; mais il doit y avoir un mot omis trois lignes avant la fin. Il faut sans doute lire : “…neque permissurum ut a meis subditis aliquid unquam contra vestrum honorem agatur ”.

[80]. Cf. KOREN, Ecrits, p. 122, dernier paragraphe. La première, qui commence par les mots : Ave salus mundi verbum, est peut-être celle qu’U. Chevalier indique comme une prière pour l’élévation du Corps du Christ, dans les Heures d’Angers, dont le manuscrit est du xve siècle : c£ U. Chevalier, Repertorium Hymnologicum, n°. 35720.

[81]. KOREN, Ecrits, p. 118, 122.

[82]. KOREN, Ecrits, p. 118. Pour le texte de la prière, nous suivrons celui que donne J. Michel, p. 85-87. H. Koren reproduit, en plus du manuscrit écrit de la main de M. des Places (pp. 118-120), le texte recopié par M. Thomas, qui ne diffère du premier que par des détails de style qui, d’ailleurs, sont habituellement des améliorations (p. 258-262).

[83]. KOREN, Ecrits, p. 280. Il s’agit de la biographie de Michel Le Nobletz publiée en 1666 par le Père Verjus, “ un des biographes les plus irritants du XVIIe siècle ”, dit H. Bremond, Histoire Littéraire du sentiment religieux, 5e volume, Paris, 1920, p. 82, note 2. Dans ce volume de Bremond, on trouvera beaucoup de détails infiniment précieux sur le renouveau mystique en Bretagne au XVIIe siècle. Claude des Places a certainement subi de bien des manières l’influence de ce courant de spiritualité qui avait transformé sa province natale. Voir aussi les remarques de LE FLOCH, Poullart des Places, p. 219 ss.

[84]. Un simple regard sur l’ouvrage du P. Lallemant manifeste une étonnante correspondance entre les vertus énumérées par M. des Places et celles que le P. Lallemant considère comme les plus nécessaires à la perfection: c£ 2e Principe, Sect. L chap.3; 3e Principe, chap. 3-4.

[85]. KOREN, Ecnts, p. 122. Les derniers mots, omis dans la copie de M. Thomas (ibid. p. 254), sont à séparer de la phrase précédente, comme le font LE FLOCH, Poullart des Places, (p. 239) et la traduction anglaise (Koren, Ecrits, p. 123) ; nous avons donc mis un point avant les mots : “ Au nom de mon Jésus et de Marie ”.

[86]. KOREN, Ecrits, p. 122-123, en note.

[87]. Michel, Poullart des Places, p. 161 et p. 339-340. Le P. Le Floch, Poullart des Places, p. 300, en situe la date “ pendant la retraite préparatoire aux ordres mineurs ”, que Claude reçut le 6 juin 1705.

[88]. MICHEL, Poullart des Places, p. 139.

[89]. Le texte est publié par KOREN, Ecrits, p. l30-l48. MicheL qui a étudié à son tour le manuscrit, le reproduit presque intégralement en le commentant (voir Poullart des Places, p. 47, 49 ; 89-94 ; 164-169). C’est ce dernier texte, plus correct, qu’il faut suivre.

[90]. MICHEL Poullart des Places, p. 47 et 49 ; KOREN, Ecnts, p. 130.

[91]. MICHEL, Poullart des Places, p. 48.

[92]. MICHEL, Poullart des Places, p. 89-90 ; KOREN, Ecrits, p. 132-134.

[93]. Ecrits Spirituels du Vénérabte Libermann, Paris, 1891, p. 149-209. Le rapprochement avec l’écrit de Poullart des Places est déjà fait par KOREN, Ecrits, p. 128.

[94]. Michel, Poullart des Places, p. 89-94

[95]. Ecrits spirituels, p. 202.

[96]. KOREN, Ecrits, p. 254, § 2.

[97]. KOREN Ecrits, p. 254, § 2. Tout le contexte montre bien que Poullart des Places songe ici aux missions lointaines, où il espère trouver le martyre des mains de ceux que M. Thomas appelle les sauvages.

[98]. Mémoire de M. Thomas, dans KOREN, Ecrits, p. 268, § 4. C’est nous qui soulignons.

[99]. MICHEL, Poullart des Places, p. 92, § 12 ; KOREN; Ecrits, p. 136, § 1.

[100]. KOREN, Ecrits, p. 138, § 3.

[101]. KOREN, Ecrits, p. 140, corriger d’après MICHEL, Poullart des Places, p. 165.

[102]. KOREN, Ecrits, p. 142; MICHEL p. 166.

[103]. Mémoire,  de M. Thomas, dans KOREN, Ecrits, p. 270, § 3.

[104]. MICHEL, Poullart des Places, p. 161-164.

[105]. KOREN, Ecrits, p. 144, § 1.

[106]. KOREN, Ecrits, p. 144, § 3.

[107]. KOREN, Ecrits, p. 144 § 2 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 167.

[108]. KOREN, Ecrits,  p. 146 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 167-168.

[109]. KOREN, Ecrits, p. 146.

[110]. KOREN, Ecrits, p. 146-148.

[111]. KOREN, Ecrits, p. 148.

[112]. KOREN, Ecrits, p. 144 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 167.

[113]. MICHEL, Poullart des Places, p. 167.

[114]. KOREN, Ecrits, p.144-146 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 167.

[115]. Mémoire de M. Besnard, dans KOREN, Ecrits, p. 286 ; cf. MICHEL, Poullart des Places, p. 241.

[116]. MICHEL, Poullart des Places, p. 340. Dans les pages qui suivent nous emploierons souvent le mot communauté, que Claude Poullart des Places n’emploie pas ; en effet, Louis XIV avait formellement interdit la création de nouvelles communautés. Cf. Michel, Poullart des Places, p. 213 ss.

[117]. KOREN, Ecrits, p. 284. Et KOREN, Ecrits, p. 220 : “ Tous ces Règlements ont été dressés par feu Monsieur des Places et écrits de sa main, et pratiqués par lui et ses élèves ”.

[118]. MICHEL, Poullart des Places, p. 144-145 et p. 216. Probablement dès les débuts de son œuvre, Claude-François “ eut un collaborateur dans la personne de Jean Le Roy, né à Gourin, paroisse voisine de l’abbaye de Langonnet, et déjà avancé dans ses études théologiques pour qu’il puisse être ordonné prêtre en 1705 (MICHEL, Poullart des Places, p. 142-143) ”. Jean Le Roy “ avait sans doute été orienté vers la rue des Cordiers par Claude de Marbeuf, abbé de Langonnet, qui exerçait ses droits seigneuriaux sur la paroisse de Gourin ” (MICHEL, Poullart des Places, Poullart des Places, p. 144). Les liens entre la famille de Marbeuf et celle de Poullart étaient très étroits. L’abbé de Langonnet avait été parrain de la petite sœur de Claude-François Poullart des Places en 1680 (MICHEL, Poullart des Places, p. 15). Jean Le Roy fut rappelé en 1707 dans son diocèse par son évêque (cf. MICHEL, Poullart des Places, p. 184-185 ; J. Th. RATH, Geschichte der Kongregation von Heiligen Geist, Knechtsteden, I- Teil, 1972, p. 119).

[119]. KOREN, Ecrits, p. 158-160. La citation du P. Libermann est dans les ND, Xll, p. 525.

[120]. Règlements généraux et particuliers : voir infra, p. ** ss.

[121]. Cf. LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 291-292 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 148-157 ; RATH, op. cit., p. 114-118.

[122]. Règlements, n° 31.

[123]. Règlements, n° 30.

[124]. Je pense qu’il s’agit de la courte prière qui se trouve encore dans le Missel, au jour de la Pentecôte, immédiatement avant l’Evangile, et non de la séquence qui commence par les mêmes mots.

[125]. Règlements, n°. 40. Voir dans le Missel romain d’avant la dernière réforme liturgique, Orationes Diversæ, n°. 26 ; dans le Missel de Paris de 1685, cette oraison se trouvait au même endroit et sous le même numéro.

[126]. Règlements, n°. 2.

[127]. Réglements, n°. 12. On pourrait rappeler aussi les paroles de la Séquence de la Pentecôte : O /ux beatissima, reple cordis intima tuorum fidelium…

[128]. Voir encore la séquence de la Pentecôte : Lava quod est sordidum, riga quod est aridum, sana quod est saucium…

[129]. MICHEL, Poullart des Places, p. 157-160.

[130]. Toutes ces expressions sont dans les premières lignes des Règ/ements.

[131]. Cf. Le Secret de Marie, n°. 13; Traité de la Vraie dévotion, n°, 35-36 (Œuvres Comp/ètes de L. M. Grignion de Montfort, Paris, éd. du Seuil. 1966, p. 447 et 506-507).

[132]. Doctrine Spirituelle, Vl, sect. I, chap. 4, art. 2 ; éd. Christus, Paris, 1959, p. 295.

[133]. Règlements, n° 2.

[134]. Règlements, n° 28. Je n’ai pas pu identifier la prière Per sanctam

[135]. Règlements, n° 2 ; cf. n° 68.

[136]. Règlements, n° 21.

[137]. Règlements, n° 68.

[138]. Règlements, n° 41.

[139]. Règlements, n° 82 ; cf. n° 155.

[140]. Mémoire de M. Thomas, dans : KOREN, Ecrits, p. 264. C’est nous qui soulignons.

[141]. Règlements, n° 36.

[142]. Règlements, n° 20.

[143]. Règlements, n° 223 et 230.

[144]. Règlements, n° 37.

[145]. Règlements, n° 223 et 230.

[146]. Cf. J. DUHR, art. " Communion Fréquente ", dans: Dictionnaire de Spiritualité, II, col. 1273-1282.

[147]. Règlements, n° 43.

[148]. Règlements, n° 44.

[149]. Règlements, n° 250.

[150]. Règlements, n° 38.

[151]. Règlements, n° 84.

[152]. Règlements, n° 42.

[153]. Règlements, n° 87-91.

[154]. Règlements, n° 55

[155]. Règlements, n° 202-203.

[156]. Règlements, n° 5-6. Il n’est pas hors de propos de rappeler que cette disposition correspond exactement à ce que demandait le Concile de Trente, dans son Décret concernant les séminaires : “ Le Concile veut que l’on choisisse de préférence les fils de pauvres ; on n’exclut pas cependant les fils de riches, pourvu qu’ils pourvoient à leur subsistance et manifestent l’intention de servir Dieu et l’Eglise (Concile de Trente, Session XXIII, De Reformatione, can. XVIII) ”.

 

[157]. Règlements, n° 67.

[158]. Règlements, n° 23 ; cf. n° 140.

[159]. Mémoire de M. Thomas, dans : KOREN, Ecrits, p. 272-274.

[160]. Règlements, n° 213-215.

[161]. Mémoire de M. Thomas, dans : KOREN, Ecrits, p. 274 ; cf. Règlements, n°. 199 et 248.

[162]. Mémoire de M. Thomas, dans : KOREN, Ecrits, p. 272-274.

[163]. Règ/ements, n° 169-170. Nous savons par le P. Picot de Clorivière que Poullart des Places ne buvait jamais de vin : cf. J. Picot de Clorivière, La vie de M. Louis-Marie Grignion de Montfort, Paris, 1785, p. 312.

[164]. Règ/ements, n°. 181 et 183.

[165]. Règlements, n° 197.

[166]. Règlements, n° 66, 222, 263.

[167].Règ/ements,n°.13. 18. 34. 47. 57. 60. 65. 66. 78. 82. 84. 130. 140. 155. 156.

165.183. 185. 203. 217.218. 219. 234. 236. 237. 240. 242. 244. 258.

[168]. Règlements, n° 114. 142. 169. 263.

[169]. Règlements, n° 25.

[170]. MICHEL, Poullart des Places, p. 144 et 236.

[171]. Michel, Poullart des Places, p. 144 et 250.

[172]. Règlements, n°. 53,131-137,169.

[173]. Règlements, n°. 221-224 et 225.

[174]. Cf. Michel, Poullart des Places, p. 217-218.

[175]. Règ/ements, n° 227.

[176]. Règlements, n° 58 et 78.

[177]. Règlements, n° 105-106 ; 111-112.

[178]. Règlements, n° 114.

[179]. Règlements, n° 66.

[180]. Règlements, n° 70.

[181]. Règlements, n° 72-78.

[182]. Lettres patentes de confirmation d 'établissement d 'une Commauté d’Etudiants sous le titre du Saint-Esprit et de l’lmmaculée Conception, en date du 2 mai 1726 ; texte dans : LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 574-575 et NDH, p. 4.

[183]. Lettres royales du 17 décembre 1726,  LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 578 et NDH, p. 8.

[184]. LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 601 et NDH, p. 15-16.

[185]. Michel, Poullart des Places, p. 195-196, citant un manuscrit de la Bibl. Nationale de Paris.

[186]. Règlements, n°. 98.

[187]. Règlements, n°. 11.

[188]. LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 345 ; Michel, Poullart des Places, p. 203-204.

[189]. Règ1ements, n° 45.

[190]. Gallia Christiana, tome Vll, col. 1043.

[191]. Règ/ements, n° 54.

[192]. Je ne vais pas entrer dans le détail des études ; le P. LE FLOCH et le P. Michel ont suffisamment montré l’importance qu’on leur donnait dans la communauté du Saint-Esprit : LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 344 ss.; Michel, Poullart des Places, p. 197 ss.

[193]. Règlemnts, n° 16

[194]. Règlements, n°. 9.

[195]. Règlements, n°. 76 ; cf. n°. 101-102.

[196]. Règlements, n° 238.

[197]. Règlements, n° 256-257.

[198]. Voir, par exemple; n°. 238 et n°. 92, etc.

[199]. Règlements, n° 117.

[200]. Règlements, n° 116-124.

[201]. Règlements, n° 103.

[202]. Règlements, n° 107-108.

[203]. Règlements, n° 109-110.

[204]. Règlements, n° 185-186.

[205]. Règlements, n° 87.

[206]. Règlements, n° 188, 190.

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