En relisant
Poullart des Places
Joseph Lécuyer
Présentation
Pour mieux situer les textes du P. Joseph Lécuyer donnés ci-dessous, on se reportera à la présentation générale de ce volume. Le P. Lécuyer rappelle lui-même, dans son introduction, les circonstances qui lont poussé à les écrire en 1977. Il était à lépoque un membre éminent et actif du Groupe dEtudes Spiritaines (GES) de la maison généralice (Rome). Sous lanimation du P. Amadeu Martins, ce groupe publiait une revue trimestrielle, les Cahiers Spiritains, appelés familièrement les Cahiers rouges en raison de leur couverture. Cest dans cette revue que le P. Lécuyer a publié sa relecture des Ecrits de Poullart des Places, en trois livraisons : n° 3, mai-août 1977, p. 3 à 18 ; n° 4, septembre-décembre 1977, p. 3 à 17 ; n° 5, janvier-avril 1978, p. 3 à 20. On ne manquera pas, en lisant les réflexions du P. Lécuyer, de se reporter aux Ecrits eux-mêmes de Poullart des Places que nous rééditons en ce volume dans une version révisée et corrigée, accompagnée des introductions que le P. Lécuyer avait rédigés pour leur édition (non complète et pas entièrement révisée) dans le n° 16 (Pâques 1983) des Cahiers Spiritains.
Lorsque le P. Lécuyer relisait Poullart
des Places, il navait alors à sa disposition que lédition KOREN des Ecrits. Cest donc à cette édition que se rapportent
les nombreuses références données en notes de bas de page. Il nous a paru inutile
dindiquer à chaque fois la page du présent ouvrage où se trouvent les textes
cités, car, dans lédition révisée de tous les Ecrits de Poullart des
Places que nous donnons en ce volume, nous
avons pris soin de mettre en marge la pagination du texte français de lédition
KOREN : ainsi, lindication K 120 veut dire
KOREN, Ecrits, p. 120. De la même façon,
lindication marginale L 54 renvoie à la page 54 de lédition LECUYER des
Ecrits de Poullart des Places. La table des correspondances est ainsi complète.
Les écrits qui nous sont restés de Claude-François Poullart des Places ne sont pas nombreux ; les premiers datent de 1701, 1année de ce quil considère comme sa conversion ; les derniers précèdent de quelques années sa mort prématurée en 1709. Aucun de ces écrits nétait destiné à la publication ; en dehors des Règlements pour la Communauté du Saint-Esprit, ce sont des notes personnelles, rédigées selon les circonstances, souvent sous forme dentretien avec son âme ou avec Dieu. Sauf peut-être certains passages des Règlements du Séminaire, tout a été écrit avant lordination à la prêtrise de Claude, soit alors quil avait entre 21 et 25 ans. uvres dun jeune homme, à la période des grandes décisions qui le conduisent à abandonner une brillante carrière pour se consacrer au service des plus pauvres. A ce seul titre, elles méritent tout notre intérêt, puisquelles sont à lorigine de notre vocation et de notre histoire de spiritains.
En les relisant posément, tranquillement (ce que nous faisons si peu de nos jours), il ma semblé quon pouvait y déceler, au-delà dun style qui nest plus le nôtre, un esprit qui nous concerne : je veux dire une attitude spirituelle devant Dieu et devant le monde, qui rejoint, au travers des siècles, nos préoccupations daujourdhui, et qui se retrouve au long de notre histoire spiritaine, en particulier dans celui qui nous a si profondément marqués de son empreinte, le P. Libermann. Cest cela que je voudrais essayer de montrer. Jai bien conscience de la difficulté de cette tâche ; dabord, parce quil est toujours difficile de décrire ou de cerner un esprit, quon ne saurait jamais réduire à des schémas préétablis ou exprimer en des définitions claires et distinctes ; mais aussi parce que, je le dis avec confusion, jai beaucoup négligé la connaissance des écrits et de luvre de Poullart des Places. Serais-je téméraire en pensant quil en est probablement de même de beaucoup de mes confrères spiritains ? Pourtant, nous avons en français, après le gros livre déjà ancien du P. Henri Le Floch, une excellente biographie écrite par le P. Joseph Michel ; et nous avons (en français et en anglais), 1édition complète des Ecrits spirituels de M. Claude-François Poullart des Places, par H. J. Koren et M. Carignan. Ces livres devraient être dans toutes nos bibliothèques de communautés. Et, sils y sont, il faudrait les lire.
Cest ce que jessaierai de faire dans les pages qui vont suivre. Jy suis encouragé par une circonstance qui ne saurait nous laisser indifférents : dans deux ans, le 26 février 1979 sera le troisième centenaire de la naissance de Claude-François, en la ville de Rennes, en Bretagne, au foyer de François-Claude Poullart et de Jeanne Le Meneust. Ceux-ci étaient mariés depuis le 27 mai 1677 [1], et ils avaient craint de navoir pas denfants. La venue de ce garçon combla leur attente.
Comment mieux préparer ce centenaire quen recueillant ce qui nous reste de ce très jeune fondateur ? Le P. Koren fait remarquer que notre Congrégation est, sans doute, depuis le XVIe siècle, la seule société religieuse de prêtres qui ait comme fondateurs un simple tonsuré (Poullart des Places) et un acolyte (le P. Libermann) [2]. Il est certain, en tout cas, que les écrits du premier portent clairement lempreinte de la jeunesse. Peut-être pouvons-nous espérer quils nous aideront à garder une certaine jeunesse dâme.
1 - Réflexions sur les vérités de la religion (1701)
Les deux premiers écrits de Claude-François Poullart des Places datent dune retraite quil fit peu de temps après avoir obtenu brillamment sa licence en droit, à lâge de 21 ans. Le P. LE FLOCH et, à sa suite, le P. Koren pensent que cette retraite eut lieu à Paris, au noviciat des jésuites de la rue du Pot-de-Fer, sous la direction du P. Sanadon [3]. Il nexiste, semble-t-il, aucune preuve sérieuse de ce fait, et Joseph Michel considère comme plus vraisemblable que la retraite eut lieu à Rennes [4]. Ce détail importe peu. Il est certain, en tout cas, que cette retraite marqua de façon définitive la vie du jeune avocat, et que ce fut à cette occasion quil se décida à consacrer toute sa vie au service de Dieu.
Pendant ces jours de silence et de recueillement, il écrit des notes personnelles dont nous possédons un exemplaire écrit de la main même du jeune homme [5].
Le premier cahier a pour titre: Réflexions sur les vérités de la Religion. Ce sont, en réalité, des notes prises après les sermons de la retraite, et on y reconnaît très clairement les grands thèmes des Exercices Spirituels de saint Ignace. Cependant bien des passages sont extrêmement personnels et éclairent dun jour très vif la personnalité du retraitant. Je me contenterai ici de signaler quelques passages.
Voici dabord une prière où Claude nous révèle, en même temps, quil songe depuis longtemps à se consacrer à Dieu, quil a résisté à cette vocation, mais quil a enfin décidé de se rendre à lappel dun amour qui le poursuit. Ces lignes, me semble-t-il, peuvent convenir encore à chacun de nous :
Il nappartient quà
vous, ô mon Dieu, de manier le cur de lhomme. En reconnaissant votre
puissance, que je reconnais efficacement votre amour ! Vous m'aimez, mon divin
Sauveur, et vous men donnez des marques bien sensibles. Je sais que votre tendresse
est infinie, puisquelle nest pas épuisée par les ingratitudes innombrables
que je vous ai fait paraître tant de fois. Il y a longtemps que vous voulez me parler au
cur, mais il y a longtemps que je ne veux point vous écouter. Vous tâchez de me
persuader que vous voulez \vous servir de moi dans les emplois les plus saints et les plus
religieux, mais je tâche, moi, de ne vous pas croire.
Si votre voix fait quelquefois quelque impression sur mon esprit, le monde,
un moment après, efface les caractères de votre grâce Combien y a-t-il déjà
dannées que vous travaillez à rétablir ce que mes passions détruisent
continuellement ? Je crois bien que vous ne voulez plus combattre sans succès
Je ne
suis point venu ici pour me défendre, je ne suis venu que pour me laisser vaincre.
Parlez mon Dieu, quand il vous
plaira
, à présent que je viens vous chercher, que je suis prêt de suivre tous les
saints ordres de votre divine Providence, descendez dans le cur où il y a si
longtemps que vous voulez entrer : il naura plus des oreilles que pour vous, et ne
formera désormais dautres affections que pour vous aimer comme il doit [6]
I1 sagit donc dune véritable conversion. Certes, Claude na jamais été un grand pécheur ; il a conscience toutefois que sa conduite jusquici a approché de limperfection quon trouve dans lambition et la vanité du siècle [7] . Il écrit donc :
Il faut que je change de nature pour ainsi dire, que je me dépouille du
vieil Adam pour me revêtir de Jésus-Christ
Vous voulez, mon Dieu, que je sois
homme mais vous voulez que je le sois selon votre cur. Je comprends ce que vous
demandez en un mot, et je veux bien vous laccorder parce que vous maiderez,
que vous me donnerez de la force et que vous moindrez de votre sagesse et de votre
vertu [8]
Retenons ces mots qui sont tout un programme : Vous voulez, mon Dieu, que je sois homme mais que je le sois selon votre cur . Parce quil est homme, le jeune avocat a conscience de sa fragilité, et donc du besoin quil a de laide de Dieu :
Sil faut quun faible roseau comme moi soit exposé à la fureur
des vents et des plus fortes tempêtes, ceignez-moi de votre miséricorde et couvrez mon
infidélité de la robe de justice [9]
Mais à lexemple dun
David, au souvenir que jai dun Salomon et dun saint Pierre, que puis-je
promettre, de quoi puis-je répondre, puisque les plus hauts cèdres ont bien tombé. Je
nai point assez de présomption pour me fier à mon courage Je suis homme, et par
conséquent je suis faible et je puis vous oublier au moment que je croirai veiller avec
plus de précaution sur moi[10]
Je vous déclare que je veux
résister à ces engagements funestes du péché. Je ne puis le faire sans votre secours,
et je ne puis assez vous le demander. Ne permettez jamais que je devienne aveugle,
éclairez-moi de la même lumière dont vous avez éclairé un Augustin, un Paul, une
Madeleine et tant dautres saints personnages [11].
Le langage du retraitant décrivant le péché et ses effets se ressent de la rhétorique du temps, et aussi de lemphase oratoire qui faisait partie de son métier davocat ; de même certaines expressions sur la colère de Dieu, sur la vengeance quil doit exercer contre les pécheurs, sur la mort et sur lenfer [12], relèvent dun vocabulaire et dun genre littéraire qui ne sont plus guère de notre temps, mais qui, il faut le reconnaître, ne peuvent étonner ou choquer que ceux qui ne sont pas familiers avec le langage de la Bible elle-même, ou avec celui des orateurs des XVIIe et XVIIIe siècles.
Une remarque toutefois simpose : Iensemble de ces pages donne limpression que la réflexion de Claude-François est presque exclusivement orientée vers son salut personnel. En fait, cet écrit doit refléter fidèlement les instructions du prédicateur de la retraite ; celui-ci, on le voit avec évidence, a suivi le plan de la première semaine des Exercices Spirituels de saint Ignace, qui a pour but la considération et la contemplation des péchés. Cependant, il faut relever les lignes suivantes qui sont déjà décidément orientées vers une perspective dapostolat :
Je ne pourrai me rendre familier avec les idoles, jirai les détruire
jusque dans leurs plus forts retranchements, et par des raisons solides et soutenues de la
grâce, je chercherai à arracher les têtes renaissantes du dragon. Je vous ferai
connaître à des curs qui ne vous connaissaient plus ; et concevant moi-même le
désordre des âmes qui sont dans la mauvaise habitude, je persuaderai, je convaincrai, je
forcerai à changer de vie ; et vous serez loué éternellement par des bouches qui vous
auraient éternellement maudit [13].
On peut être tenté de sourire devant lenthousiasme du jeune avocat, convaincu de la puissance dune parole éloquente pour persuader et convertir les curs. Mais il se hâte dajouter quil emploiera aussi dautres moyens : il leur apprendra à prier, à faire pénitence, il les encouragera à la constance contre les assauts du démon [14]. Lui-même sait quil a besoin de cette constance et craint le poids de ses mauvaises habitudes :
Un cur qui sest habitué à satisfaire ses passions est comme cet arbre que la violence des vents a fait pencher dun côté : quand il tombe, cest toujours du côté de sa pente. Rarement, presque jamais, il se redresse pour retomber de lautre côté. Voilà limage dun homme qui a pris goût dans le péché et qui sest formé une habitude. Cette peinture, Seigneur, me confirme dans ma crainte [15].
Toutefois, ce qui le décide à se donner entièrement à Dieu, ce nest pas la crainte des châtiments que mériteraient ses péchés futurs, mais lamour de celui dont il a découvert la bonté et la tendresse:
Les
châtiments qui suivront mon crime ne seront point la cause de ma prudence et de ma
sagesse, mais la peur de vous déplaire et doffenser un Maître qui mérite
dêtre aimé si tendrement marrêtera, mon Dieu, dans la fidélité que je
vous dois [16]
Le monde ne me récompensera pas
de lattachement que jaurais pour lui. Je serais seulement bien en peine
sil fallait y trouver un véritable ami qui maimât sans intérêt. Dieu seul
maime sincèrement et veut me faire du bien
Que je trouve partout des
mortifications, que les hommes me rebutent et me méprisent. Jy consens mon Dieu,
pourvu que vous maimiez toujours et que je vous sois cher. Jaurai de la peine
à souffrir et à étouffer cette vanité dont je suis si fort rempli. Mais que ne doit
pas faire un homme pour vous qui êtes un Dieu qui avez répandu votre précieux sang pour
moi [17] ?
Jarrêterai ici ces citations du premier écrit de notre fondateur. Il nest pas facile dy discerner les grandes orientations dune pensée qui se cherche encore. Cependant, je pense pouvoir dire que jai été frappé par les quelques points suivants :
1) Au milieu de considérations assez impersonnelles sur le péché, se détachent des formules remarquables sur lamour de Dieu qui poursuit le pécheur inlassablement, un amour tout gratuit sur lequel on peut compter sans réserve. Claude-François décide que sa vie doit être entièrement une réponse à cet amour.
2) Toutefois, en face de cette certitude et de cette décision, il a lexpérience personnelle de la faiblesse de lhomme. Doù la nécessité du secours divin pour pouvoir devenir un homme selon le cur de Dieu.
3) A la décision de se donner entièrement à Dieu est liée indissolublement celle de travailler aussi pour la conversion des autres, de lutter contre le mal sous toutes ses formes, darracher les têtes renaissantes du dragon.
Tous ces traits se préciseront dans les écrits suivants.
2 - Choix dun état de vie (1701).
Le deuxième écrit de Claude-Francois Poullart des Places se présente sous la forme dun manuscrit de 19 pages faisant suite aux Réflexions sur les vérités de la religion que nous venons de parcourir. Ces pages ont été écrites au cours de la même retraite et ne se comprennent que dans le même contexte spirituel. A la fin du premier écrit, le retraitant déclare quil est résolu à prendre une décision pour le choix de sa vie future :
Jai tout à craindre dans létat où je suis. Je ne suis point,
Seigneur, dans celui où vous me souhaitez, et pour faire mon salut comme je dois, il faut
que je prenne le parti que vous mavez destiné. Cest là maintenant la
première chose à laquelle je dois penser [18] .
En fait, nous sommes toujours dans le cadre des Exercices Spirituels de saint Ignace ; celui-ci, au cours de la deuxième semaine des Exercices, donne des directives pour faire le choix, ou, mieux, l'élection dun état de vie. Le jeune avocat rennais suit fidèlement ces directives, non toutefois sans une certaine souplesse dans lordre des diverses considérations quil fait. Je nai dailleurs pas lintention de faire une étude systématique de la méthode suivie par Claude. Je voudrais plutôt mettre en relief son attitude spirituelle devant Dieu et dans la recherche de sa volonté.
La
prière d'introduction
Le texte commence par une admirable prière quil faut lire en entier :
O mon Dieu, qui conduisez à la céleste Jérusalem les hommes qui se
confient véritablement à vous, jai recours à votre divine Providence, je
mabandonne entièrement à elle, je renonce à mon inclination, à mes appétits et
à ma propre volonté pour suivre aveuglément la vôtre.
Daignez me faire connaîtree ce que vous voulez que je fasse, afin que
remplissant ici-bas le genre de vie auquel vous mavez destiné, je puisse vous
servir pendant mon pèlerinage, dans un état où je vous sois agréable et où vous
répandiez sur moi abondamment les grâces dont jai besoin pour rendre à jamais la
gloire qui est due à votre divine Majesté [19].
Dès cette première prière, nous remarquons quelques attitudes fondamentales qui vont se retrouver dans tout le document :
1) Il y a dabord la certitude que Dieu conduit au salut ceux qui se confient véritablement à lui, ce qui aboutit à la décision de sabandonner entièrement à la Providence. Cette certitude sexprime de bien des manières dans le document : Jespère que vous parlerez à mon cur et que vous me tirerez, par votre miséricorde, des inquiétudes embarrassantes où mon indétermination me jette [20] . Vous me donnerez les grâces qui me sont si nécessaires [21] . Vous êtes engagé, Seigneur, à conduire mes pas, puisque je suis résolu de marcher dans le chemin que vous mindiquerez [22] . Ne permettez pas, mon Dieu, que je sois trompé. Je mets toutes mes espérances en vous [23] .
2) Comme conséquence, Claude-François veut renoncer à ses propres inclinations, appétits, à ses préférences, pour ne chercher que la volonté de Dieu : Je me détache, mon Dieu, de toutes les vues humaines que jai eues jusquici dans tous les choix de vie auxquels jai pensé [24] . Je renonce à tous les avantages qui pourraient me flatter et que vous napprouvez pas. Voilà que jai acquis une indifférence très grande pour tous les états. Quid me vis facere Domine ? Paratum cor meum (Que voulez-vous que je fasse, Seigneur ? Mon cur est prêt) [25] . Cette attitude dindifférence pour tout ce qui nest pas la volonté de Dieu, on le sait, fait partie de la méthode délection indiquée par saint Ignace, et qui a sa place normale au cours de la deuxième semaine des Exercices [26]. On sait aussi que cest un des points sur lesquels le P. Libermann insistera le plus [27], et lui aussi citera volontiers le mot du Psaume 56,8 (ou 107,2) que nous avons rencontré sous la plume de Claude-François : Soyez toujours disposé à sacrifier à Dieu tout ce qui pourrait lui déplaire dans votre âme et à suivre en tout son divin et adorable bon plaisir. Il faut que vous puissiez lui dire à chaque instant du jour : Paratum cor meum, Domine, paratum cor meum [28] .
3) La prière dintroduction se termine enfin par ces mots : Daignez me faire connaître ce que vous voulez que je fasse, afin que vous répandiez sur moi abondamment les grâces dont jai besoin pour rendre à jamais la gloire qui est due à votre divine Majesté . Une fois de plus, nous nous trouvons dans latmosphère des Exercices de saint Ignace, qui situent toute lélection dans la lumière de la fin pour laquelle Dieu a créé lhomme : On considère dabord pour quoi lhomme est né : louer Dieu notre Seigneur et sauver son âme [29] . Poullart des Places redit cela de bien des manières : Dieu ne ma créé que pour laimer, que pour le servir, et pour ensuite jouir de la félicité qui est promise aux âmes justes. Voilà mon unique affaire, voilà le but auquel je dois diriger toutes mes actions [30] . Je ne blâme pas ton penchant, pourvu que jy trouve la condition quil faut, cest-à-dire la gloire de Dieu et lenvie de faire ton salut [31] . Je te demande donc si Dieu seul et mon salut sont les motifs qui me feraient entrer dans le monde [32] . Souci du salut de son âme, certes, mais ce souci chez Claude-François est inséparable de celui de la gloire de Dieu, cest-à-dire de son amour, de son service, au point quils paraissent sidentifier comme dans la phrase célèbre qui commence le Fondement des Exercices de saint Ignace : Lhomme est créé pour louer, respecter et servir Dieu Notre-Seigneur, et par là sauver son âme [33] .
Ainsi la prière qui ouvre le Choix dun état de vie ne contient rien qui soit véritablement original du point de vue des pensées exprimées. Mais le ton demeure personnel, la sincérite émouvante dans la recherche de la volonté de Dieu et le rejet de tout ce qui pourrait sy opposer.
Un
portrait " daprès nature "
Lécrit de Poullart des Places contient ici un véritable portrait psychologique quil trace de lui-même, et quil conclut par ces mots : Me voilà tout entier, et quand je jette les yeux sur ce portrait, je me trouve peint daprès nature [34] .
Il serait intéressant de se pencher sur ce portrait, den faire lanalyse; le P. Michel sy est essayé, et je ne puis que renvoyer aux pages de son livre [35]. I1 serait particulièrement tentant de comparer ce portrait littéraire avec le beau portrait de Claude-François peint quelques années plus tôt par Jean Jouvenet et conservé à la Pinacothèque de Munich [36]. Je ne saurais, faute de compétence, me livrer à ce travail.
Mais il peut être possible de lire ces pages et celles qui suivent sous une autre lumière que celle du psychologue ; il est possible de relever les points que Claude lui-même considère comme une aide ou comme un obstacle à la réalisation de son intention, qui est de découvrir et de faire la volonté de Dieu. Cest ce que jessaierai de faire.
Le défaut que Claude mentionne avec le plus dinsistance est lambition, lamour de la gloire, du succès, ou la vanité : très passionné pour la gloire et pour tout ce qui peut élever un homme au-dessus des autres par le mérite [37] , esclave de la grandeur incapable de souffrir un affront signalé [38] , plein de jalousie et de désespoir des succès des autres [39] , le retraitant a conscience que cette passion pourrait laveugler dans la recherche de la volonté de Dieu. Ne serait-ce pas en partie le chagrin même de nêtre pas assez estimé du monde ; lappréhension de ne pas pouvoir satisfaire toute son ambition, qui lui font regarder avec intérêt vers le cloître [40] ? Nest-ce pas la vanité, le désir des succès de la chaire, qui lui font désirer le sacerdoce [41] ? Cest, en tout cas, certainement lambition qui pourrait lattirer vers la vie à la cour [42] ou vers la magistrature [43]. Cette insistance de Claude est symptomatique : il est évident quil a déjà renoncé fermement à sa passion : le refus de céder à la vaine gloire, de rechercher les honneurs et les succès mondains, est inscrit en filigrane tout au long de ces pages à la fois lucides et passionnées ; le jeune avocat a médité la nécessité que nous avons de suivre lexemple de Jésus-Christ humble partout [44] , et déjà dans son premier écrit, il avait prié dans ce sens : Défendez-moi, Seigneur, contre ces tentateurs, et puisque le plus redoutable est lambition qui est ma passion dominante, humiliez-moi, abaissez mon orgueil, confondez ma gloire [45] . Ny a-t-il pas déjà dans ces phrases une ébauche de lesprit que Claude inculquera plus tard à la communauté du Saint-Esprit?
Après lambition, le trait de caractère le plus fréquemment mentionné sexprime en ces termes : Mon naturel est doux et traitable, complaisant à lexcès, ne pouvant presque désobliger personne, et cest en cette seule chose que je me trouve de la constance [46] . Cette complaisance, ce désir de faire plaisir à tous, pourrait, à bien des égards, apparaître plutôt comme une qualité; mais Claude sait bien quil y a là un réel danger, celui de manquer à la fermeté souvent nécessaire, autant chez un prêtre [47] que chez un magistrat : Tu tappliquerais même à ta charge, tu ten acquitterais dignement, si la complaisance en tout cela nétait point capable de déranger de si bons desseins. Tu voudrais faire ton devoir parce que tu as de la religion, et tu voudrais pourtant écouter les sollicitations, parce que tu aimes à obliger tout le monde [48] . En dehors du devoir professionnel, cette tendance présente dautres périls : ayant horreur pour le ménage [49] " , répugnance pour le mariage [50] , il ny aurait de solution pour un avocat que de consentir de rester toute la vie garçon dans le monde ; mais, se dit-il, cela peut être dangereux pour le salut, avec ta complaisance [51] . Sil veut sorienter vers le sacerdoce, une résolution simpose : Tu renonceras à la complaisance et tu prieras le Seigneur de te donner de la fermeté Tu changeras la facilité et tu ne te serviras plus de la complaisance que pour le bien, ce qui serait une chose admirable, quand un cur doux et complaisant embrasse sérieusement la vertu [52] . Mais il nenvisage cette possibilité que dans lhypothèse de se mettre dici quelque temps dans un séminaire de piété [53] . Non seulement il y entrera, mais Dieu le conduira à fonder bientôt lui-même un tel séminaire.
En-dehors de cette tendance habituelle à la complaisance, Poullart des Places saccuse encore dêtre inconstant, passant dun extrême à lautre: Quelquefois dévôt comme un anachorète ; dautres fois mou, lâche, tiède pour remplir mes devoirs de chrétien [54] . Ton inconstance te fait former incessamment de nouveaux désirs, et tes nouveaux désirs donnent la naissance à mille chimères [55] . Cette inconstance dans le bien lui apparaît comme un obstacle grave pour le sacerdoce [56] . I1 reconnaît en outre, à plusieurs reprises, quil est fort ami du repos et de la paresse [57] " , quil a une inclination pour la vie douce [58] telle quil pourrait la trouver à la cour [59] ; il soupçonne même que la paresse pourrait être une des raisons inavouées qui lui ont fait penser à la possibilité de prendre lhabit de moine et de vivre dans la solitude [60] !
Bien dautres aspects du caractère de Claude sont ainsi mis en lumière avec une sincérité qui se veut impitoyable. Mais cette insistance sur ses défauts est elle-même le signe dune volonté de les surmonter, pour servir Dieu quoi quil puisse 1ui en coûter. Et il sait quil lui en coûtera, car sil est, suivant son aveu, assez indifférent pour les richesses [61] , sobre sur les plaisirs de la bouche et du goût et assez réservé sur ceux de la chair [62] , indifférent pour le sexe [63] , il a, au contraire " une tendresse secrète et extrême pour ses parents [64], qui, dit-il, méritent que je ne fasse jamais rien contre leur volonté [65] , et particulièrement pour sa jeune sur : Tu laimes tendrement, tu ne peux te priver dêtre longtemps éloigné delle; elle nest point établie et elle test assez chère pour que tu veuilles que je mintéresse dans sa fortune [66] . Toutefois, il sait aussi que ses parents ne sopposeront pas à sa vocation quand ils la connaîtront sainte [67] .
Or Claude reconnaît quil a beaucoup dinclination pour létat ecclésiastique [68] , et même quil a toujours eu ce désir depuis sa tendre enfance [69] " ; et il est convaincu que, sil prenait ce parti, ce serait pour convertir des âmes à Dieu pour pouvoir plus facilement faire le bien, et pour donner avec plus de libéralité aux pauvres [70] .
Ce dernier trait est à souligner : aimant beaucoup à faire laumône, et compatissant naturellement à la misère dautrui [71] , par inclination pour les pauvres [72], Claude est convaincu que, même sil avait choisi la magistrature, il aurait défendu selon son inclination naturelle, le misérable, la veuve et les orphelins quand ils auraient le bon droit de leur côté [73] , et que sa position sociale lui aurait donné la possibilité de satisfaire plus généreusement son inclination pour donner laumône [74] .
Amour pour les pauvres, désir de servir lEglise qui date de son enfance, tels sont bien deux traits révélateurs de la personnalité de Claude-François Poullart des Places, deux traits qui éclairent déjà dun jour très singulier sa vie future. Il semblerait donc que la cause est entendue ; et pourtant il croit devoir hésiter encore, et décide de laisser le dernier mot à son directeur de conscience. Tel est le sens de sa dernière prière :
Cest à vous, ô mon Dieu, à qui je dois madresser pour me
déterminer selon votre volonté. Je suis venu ici pour prendre conseil de votre divine
sagesse. Détruisez en moi tous les attachements mondains qui me suivent partout. Que je
nai plus, dans l'état que je choisirai pour toujours, dautres vues que celles
de vous plaire, et comme, dans la situation où je suis, il mest impossible de rien
décider et que je sens pourtant que vous voulez quelquautre chose de moi que mes
incertitudes, je vais, Seigneur, me découvrir sans déguisement à vos ministres. Faites,
par votre sainte grâce, que je trouve un Ananias qui me découvre le véritable chemin
comme à saint Paul. Je suivrai ses conseils comme vos commandements. Ne permettez pas,
mon Dieu, que je sois trompé. Je mets toutes mes espérances en vous [75] .
En réalité, comme le dit Joseph
Michel, Claude sait bien ce que va lui dire son Ananias, mais il a besoin de
lentendre. Il ne veut pas sintroduire de lui-même sur le chemin qui mène au
sacerdoce ; il sabandonne entièrement à la Providence et va considérer comme
réponse du Seigneur la parole de son ministre [76] .
En achevant la lecture de ce deuxième écrit de Poullart des Places, est-il possible dindiquer quelques conclusions ? Voici celles qui se présentent spontanément à mon esprit :
1) Nous nous trouvons devant un jeune chrétien qui veut, avant toute autre chose, servir Dieu, comme et où Dieu le veut. Pour découvrir cette volonté de Dieu, il a recours dabord à la prière, mais aussi à un examen très rigoureux des tendances naturelles qui sont en lui, en se mettant, autant que possible, dans une attitude intérieure dindifférence à tout ce qui nest pas Dieu.
2) Parmi les attraits particuliers, il y a une place très spéciale pour le désir de servir les pauvres.
3) Parmi les dangers à éviter, il faut placer dabord lambition ; la conséquence est quil faut suivre lexemple de Jésus-Christ humble partout .
Tous ces traits, me semble-t-il, font partie de notre héritage spiritain le plus authentique.
3 - Fragments de résolutions pour un règlement
particulier.
Dès octobre 1701, Claude Poullart des Places entrait au collège Louis-le-Grand pour se préparer au sacerdoce ; il y suivait les cours de théologie donnés par les jésuites. Son biographe, M. Thomas, nous donne de longs détails sur la vie de prière et de mortification quil sétait imposée, et cela, semble-t-il, dès quil avait pris la résolution de changer détat de vie [77]. Mais je me limiterai aux écrits de Claude lui-méme.
Il nous reste de lui quatre pages, fragments dun règlement particulier qui, probablement, contenait bien dautres détails ; ce qui demeure ne concerne que les exercices de piété quotidiens que simposait notre jeune étudiant. A lire ces pages, on aura évidemment limpression dune abondance de prières vocales et dexercices de piété : longues prières du matin, au moins une heure de prière du soir, dont une demi-heure devant le Saint-Sacrement ; prières chaque fois quon entre dans sa chambre ou quon en sort ; visites nombreuses au tabernacle entre les cours ainsi quaprès les repas. Il est difficile daprès ces notes trop fragmentaires de se faire une idée de lensemble de la vie de notre théologien. Le règlement quil composera bientôt pour le Séminaire du Saint-Esprit nous fera mieux comprendre ce quil a pu simposer à lui-même pendant ses années détudes à Louis-le-Grand. Mais ce qui paraît plus important que des questions de règlement, cest, ici encore, lesprit qui anime les textes, et, en particulier, les grandes intentions qui sexpriment dans les prières.
Celles-ci ne sont pas toutes originales ; nous y trouvons des formules qui sont encore familières à beaucoup dentre nous : en plus du Pater, de lAve Maria et du Credo, sont mentionnés le Veni Sancte Spiritus, le De Profondis pour les défunts, les litanies de la Sainte Vierge et celles du Saint Nom de Jésus. Dautres sont des textes que Claude aura simplement empruntés aux recueils de prières en usage dans les collèges de la Compagnie de Jésus; cest le cas dune prière à la Vierge quil récite matin et soir:
Je réciterai le Sancta Maria, etc., pour me mettre
particulièrement sous la protection de la Sainte Vierge, dont jai été autrefois
lenfant particulier, lui ayant été voué par mes parents, qui mont fait
porter pendant sept ans le blanc en son honneur [78] .
Il sagit, dit Joseph Michel, dune formule que les membres des Congrégations Notre-Dame instituées dans les collèges des jésuites devaient réciter chaque jour [79] . Les autres formules sont plus difficiles à identifier : il sagit surtout de trois prières latines que Claude récitait pendant ses fréquentes visites au Saint-Sacrement, et dont il ne nous donne que les premiers mots [80]. Dans lensemble, on trouve dans ces exercices de piété toutes les dévotions ordinaires d'un fervent séminariste: invocations au Saint-Esprit pour obtenir ses lumières, prières pour demander la protection de la Vierge Marie et de lange gardien, ainsi que prières pour les défunts. Il faut toutefois souligner limportance de la dévotion à lEucharistie dont témoignent les visites fréquentes au Saint-Sacrement dont nous avons déjà parlé.
Mais il faut nous arrêter plus longuement à deux textes composés par M. des Places lui-même. Il les présente, non comme des formules à réciter exactement à la lettre, mais plutôt comme des canevas quil désire suivre à peu près de cette manière [81] ; cette remarque est importante car elle nous invite à considérer moins la forme que le fond, moins le style que les sentiments exprimés.
a) La
grande prière à la Trinité.
Claude introduit la première prière par ces mots :
Pour ce qui est de la fin que je me proposerai dans mes prières, seront les
demandes suivantes que je ferai à peu près de cette manière, deux fois le jour, le
matin et le soir [82] .
Peut-être précisément parce quil ne prétend pas faire un texte précis en tous points, parce quil veut seulement déterminer à peu près, comme il le dit, la fin quil se propose dans ses prières, ce texte est difficile à analyser ; il est même très malaisé dy trouver un fil conducteur, un lien logique entre les différents paragraphes. Ni Henri LE FLOCH, ni Joseph Michel nont essayé de le faire. Sans avoir leur compétence et leur connaissance de Poullart des Places, je vais pourtant tenter de faire cette analyse, ou, plus simplement, je tâcherai de dire ce que ces pages me semblent pouvoir signifier pour le spiritain que je voudrais être aujourdhui.
1) Soulignons dabord linvocation initiale à la Sainte Trinité : Très sainte et très adorable Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, que jadore, par votre sainte grâce, de tout mon cur, de toute mon âme et de toutes mes forces Nous retrouverons ces mêmes mots au début de la prière plus courte que Claude faisait plusieurs fois par jour ; ce rappel du mystère central du christianisme et de notre devoir dadoration nest pas sans importance.
2) Claude énumère ensuite les personnes pour lesquelles il désire prier; mais ce quil demande avant tout pour lui-même, pour ses parents, amis, ennemis, bienfaiteurs, et généralement pour tous ceux pour qui il a le devoir de prier, ce sont les grâces de sanctification, de rémission des péchés et de conversion.
3) A cette même intention, il offre le sacrifice de la messe, mais il ajoute ici une longue liste de grâces quil demande pour lui-même : la foi, lhumilité la chasteté, la pureté dintention, la droiture dans mes jugements, la grande confiance en vous, la grande défiance de moi-même, la constance dans le bien, la persévérance finale, la douleur de mes péchés, lamour des souffrances et de la croix, le mépris de lestime du monde, la régularité pour mes petites règles, votre force et votre vertu contre la tiédeur, contre les respects humains et généralement contre tous vos ennemis . Quel programme de perfection morale ! Dans cette liste, Joseph Michel souligne avec raison les mots : Iamour des souffrances et de la croix, le mépris de lestime du monde ; il faut y voir un rappel de ce que Claude, dans ses écrits précédents, avait décelé comme sa passion dominante, la vanité, ou plus exactement, lambition et le désir de lestime des hommes. Mais il faut aussi tenir compte dune indication que donne M. Bernard, le biographe de Grignion de Montfort, relatant la vie de Poullart des Places au collège Louis-le-Grand (appelé aussi collège de Clermont) : Arrivé à Paris, il entre au collège de Clermont La lecture de la vie de M. Le Nobletz, prêtre missionnaire mort en odeur de sainteté en Bretagne, ne lui fut pas dun petit secours pour mépriser le monde et se mettre au-dessus du respect humain [83] . En plus de linfluence de M. Le Nobletz, il est impossible de ne pas penser à celle des auteurs spirituels jésuites que Claude aura certainement lus, et spécialement du P. Louis Lallemant, dont le P. Champion avait publié quelques années plus tôt (en 1694) la Doctrine Spirituelle [84].
4) A ce point de sa prière, on peut déceler un passage important : au-delà des vertus, ce que Claude désire avant tout, cest de connaître Dieu lui-même, de laimer toujours davantage et de le servir parfaitement : Dieu tel quil sest manifesté à nous dans lincarnation, dans la vie et la mort de Jésus-Christ :
Faites-moi encore la grâce, ô mon Dieu, de graver dans mon cur, par
des traits de votre grâce qui soient ineffaçables, la mort et la passion de mon Jésus,
sa vie sacrée et sa sainte incarnation, pour que je men souvienne sans cesse et que
jy sois sensible comme je le dois. Remplissez mon cur et mon esprit de la
grandeur de vos jugements, de la grandeur de vos bienfaits et de la grandeur des promesses
que je vous ai faites par votre sainte grâce
Lexpérience de ses péchés passés lui fait alors demander dêtre privé de tous les biens qui pourraient détourner son cur de Dieu. Il écrit :
Accordez-moi donc encore cette grâce, en me détachant absolument de toutes
les créatures et de moi-même, pour nêtre plus inviolablement quà vous seul
et pour que mon cur et mon esprit, nétant plus remplis que de vous, je sois
toujours en votre présence comme je dois .
Il serait facile dinstituer ici une comparaison avec les textes, parfois si durs en apparence, du P. Libermann, sur le renoncement absolu. Mais, pour lun comme pour lautre, le renoncement nest pas une fin en soi : même lorsque Claude ose demander dêtre chargé dopprobres et de souffrances, cest, écrit-il,
afin, mon divin Maître, que, me rendant digne dobtenir de votre
infinie bonté votre saint amour, celui de la Sainte Vierge, la grâce de connaître et
dexécuter avec une résignation parfaite votre sainte volonté, qui sont les trois
grâces que je vous demande par-dessus toutes choses, je puisse être prêt à souffrir la
mort
plutôt que de consentir à commettre un seul petit péché véniel de propos
délibéré
Ainsi, ce que Claude demande par-dessus toutes choses, cest lamour de Dieu, lamour de la Vierge, et laccomplissement parfait de la volonté de Dieu. Retenons ces quelques mots, qui sont, pour nous aussi, tout un programme.
5) Les deux derniers paragraphes de la prière sont centrés sur le sacrifice de la Messe: par le Sang précieux que Jésus-Christ a bien voulu répandre et qui continue à être offert, par toutes les saintes communions et les prières qui ont été faites et qui le seront dans lavenir, Claude demande à être exaucé. Nous trouvons ici un aspect de la spiritualité de Poullart des Places sur lequel son biographe, M. Thomas, sest longuement étendu. Mais nous y reviendrons bientôt.
La prière sachève par un dernier recours à la Vierge Marie : Claude lui demande doffrir son cur et celui de tous les autres croyants, avec le sang de Jésus, à celui quil supplie dêtre pour tous un Dieu de miséricorde dès
maintenant et à jamais .
b)
Prière en rentrant ou en sortant de ma chambre "
On retrouvera les mêmes sentiments dans la prière plus courte que M. des Places récitait, à genoux, chaque fois quil entrait dans sa chambre ou quil en sortait. Ici encore, il précise quil désire ainsi prendre la bénédiction du bon Dieu à peu près en cette manière ; il ne sagit donc pas dune formule stéréotypée; elle mérite toutefois dêtre reproduite ici en entier :
Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit que jadore par
votre sainte grâce, de tout mon cur, de toute mon âme et de toutes mes forces, je
vous supplie de vouloir bien me donner la foi lhumilité, la chasteté, la grâce de
ne faire, de ne dire, de ne penser, de ne voir, de nentendre et de ne souhaiter que
ce que vous voulez que je fasse, que je dise etc. Accordez-moi ces grâces, mon Dieu, avec
votre sainte bénédiction, et que mon cur et mon esprit nétant remplis que
de vous seul, je sois toujours dans votre présence et vous prie sans cesse comme je dois.
Mon Jésus, soyez-nous Jésus éternellement ; mon Jésus, soyez-moi Jésus éternellement
; soyez éternellement en moi et moi en vous. Je vous recommande mon esprit et mon
cur entre vos mains, par la très sainte Vierge. Au nom de mon Jésus et de Marie [85].
Est-il besoin de souligner la beauté de cette prière, et le programme de perfection spirituelle quil contient ? Volonté dentrer entièrement et sans réserve dans le plan de Dieu, de ne faire que ce qui plaît à Dieu : telle est bien lattitude que nous révèle lEvangile en Jésus-Christ lui-même, qui ne veut faire que la volonté de son Père, qui vit toujours en présence de son Père. Quant aux invocations: Mon Jésus, soyez-nous soyez-moi Jésus éternellement , le P. Koren suggère quil faut recourir à létymologie du mot Jésus qui signifie : Dieu est mon sauveur [86]. Il ne me semble pas que cela soit nécessaire : lamour ne sembarrasse pas détymologie ; celui qui aime se plaît à redire inlassablement au bien-aimé dêtre ce quil est pour lui et de lêtre à tout jamais.
Mieux que tout autre commentaire, lécrit de Poullart des Places que nous devons étudier maintenant nous éclairera sur lattitude spirituelle que révèlent ces lignes.
4 -
Réflexions sur le passé
Le quatrième écrit de Claude
Poullart des Places date, selon Joseph Michel, de la fin de l'année 1704 [87].
I1 y avait déjà plus dun an que le jeune théologien avait fait
létablissement de ce qui deviendra le Séminaire
du Saint-Esprit. Le petit groupe de pauvres
étudiants que Claude avait commencé à aider à la fois matériellement et
spirituellement, était devenu, le 27 mai 1703, jour de la Pentecôte, une véritable
communauté consacrée au Saint-Esprit, sous linvocation de la Sainte Vierge
conçue sans péché . Claude-François, qui nétait encore
quaspirant à létat ecclésiastique , en était le fondateur et le
directeur, tout en continuant ses propres études de théologie en vue du sacerdoce [88].
Etonnante situation, presque impensable de nos jours : le supérieur de ce qui déjà a
toutes les apparences dun séminaire, na pas encore reçu les ordres mineurs,
et na que vingt-quatre ans ! Cest à juste titre que Joseph Michel intitule le
chapitre X de sa biographie de Claude Poullart des Places : Létonnante audace dun clerc tonsuré
Cest donc environ un an et demi après cette étape décisive de sa vie que Claude-François écrit les quatre pages in-folio que la Congrégation du Saint Esprit conserve dans ses archives et qui ont reçu le titre de Réflexions sur le passé [89]. Ces pages sont profondément émouvantes et méritent une lecture attentive, même si, ici encore, elles ne sont manifestement pas destinées à la publication et ne constituent que des notes personnelles écrites pendant une retraite, avec, peut-être, Iintention de les faire lire au directeur de la retraite.
Lécrit se divise très naturellement en deux parties : la première rappelle les grâces reçues dans le passé; la seconde décrit lépreuve spirituelle dans laquelle Poullart des Places se débat.
a) Rappel
des grâces reçues
Le manuscrit porte comme en-tête les lettres: AMDGVqM, ce quil faut traduire : Ad Majorem Dei gloriam Virginisque Mariæ (Pour la plus grande gloire de Dieu et de la Vierge Marie).
Et, tout de suite, Claude-François saccuse de négligence: Je devrais, si jaimais un peu Dieu et mon salut, être inconsolable davoir passé cette année comme je lai fait . Il sagit bien dune mise en accusation, dun véritable réquisitoire, que notre jeune théologien, se souvenant peut-être de ses études davocat, sapprête à prononcer contre lui-même. Mais, avant dentrer dans le détail des crimes quil sattribue, et pour en souligner la gravité, il va se remémorer tous les bienfaits quil a reçus de Dieu : Est-ce là ce que le Seigneur devait attendre de ma reconnaissance ?
Ici, Claude-François rappelle la grâce de conversion dont nous avons pu trouver la trace dans ses premiers écrits ; à lentendre, Dieu la tiré de chaînes criminelles , des griffes de Satan , il a fait des miracles en sa faveur :
Pour mattirer à lui il ferma les yeux sur un crime énorme qui
mettait le dernier comble à mes iniquités et que je venais de commettre dans le temps
même quil me pressait de plus de me convertir. Il ne parut pas seulement en avoir
de ressentiment; au contraire, il sen servit pour me toucher. Lexcès de sa
patience commença à me percer le cur [90] .
De quel crime énorme sagit-il ? Joseph Michel pense lavoir identifié : Au début doctobre 1697, Claude a 18 ans et demi. Il quitte ses parents et sengage sur la route de Nantes, voyageant, comme les étudiants de son rang, à cheval et lépée au côté. Au cours dune halte, peut-être même aux portes de la ville, il fait la rencontre de Le Huédez qui, du Croisic à Rennes, transporte voyageurs et marchandises. Une dispute éclate. Le voiturier est blessé dun coup dépée [91]
Pour beaucoup, Iincident aurait été sans importance; pour Claude, il sagit dun crime énorme, et, sept ans plus tard, il en parle encore avec une vive horreur. Mais sil sen souvient, cest surtout pour admirer la bonté de Dieu qui se servit même de cette faute pour le ramener entièrement à lui : Dieu seul et mon cur doivent noublier jamais le plus prodigieux effet de sa miséricorde qui fût jamais .
Le manuscrit continue sur ce ton dactions de grâces pour les bienfaits innombrables reçus de Dieu. Bientôt, toutefois, Claude en vient à décrire létat intérieur dans lequel il a eu le bonheur de vivre pendant dix-huit mois : période de consolation sensible, sentiment presque continuel de la présence de Dieu, attrait pour une vie de pauvreté et de sacrifice en réponse à lamour de Dieu. Relevons ces quelques lignes :
Je ne souhaitais que de laimer, et, pour mériter son amour,
jaurais renoncé aux attachements les plus permis de la vie. Je voulais me voir un
jour dénué de tout, ne vivant que daumônes après avoir tout donné. Je ne
prétendais me réserver, de tous les biens temporels, que la santé dont je souhaitais
faire un sacrifice entier à Dieu dans le travail des missions, trop heureux si après
avoir embrasé tout le monde de lamour de Dieu, javais pu donner jusquà
la dernière goutte de mon sang pour celui dont les bienfaits métaient toujours
présents [92] .
Attrait pour une vie pauvre, pour un travail missionnaire, pour un sacrifice total au service de la prédication de lamour de Dieu, autant de points que nous avons déjà relevés chez Poullart des Places, et dont il inculquera lesprit à luvre quil a fondée et qui subsiste jusquà nous.
Nous avons ensuite des détails abondants sur la vie spirituelle de notre théologien pendant ces dix-huit mois privilégiés : désir ardent de sentretenir de Dieu, intense dévotion au Saint Sacrement, prière continuelle, amour du recueillement et de la solitude, vive conscience des fautes passées, sentiments dhumilité, dévotion et contrition allant jusquau don des larmes, etc. Les biographes de Poullart des Places ont reconnu dans ces pages une description remarquable de cette étape de la vie spirituelle dont le P. Libermann parlera longuement dans un traité intitulé De lOraison daffection [93]; la comparaison entre les deux écrits est grandement facilitée par la présentation en colonnes parallèles quen a faite Joseph Michel [94]. Il y a cependant une grande différence entre les deux descriptions : Claude-François parle de cette période de sa vie passée non seulement comme dune période dintense ferveur spirituelle, mais comme dun état idéal dont il est tombé par sa faute ; François Libermann, avec une plus longue expérience de la conduite des âmes, sait quil ne sagit que dune étape encore très imparfaite et non dépourvue de dangers : Cest lenfance de la vie intérieure; elle a besoin dêtre guidée [95] .
Toutefois, en lisant ces pages brûlantes de Poullart des Places, et en les comparant à la description que son biographe, M. Thomas, fait de cette période de sa vie, il me semble que certains traits fondamentaux de la spiritualité spiritaine sy manifestent déjà très nettement. Il me suffira de les énumérer :
1) Conscience très vive de lamour et de la bonté de Dieu, de sa miséricorde que nos péchés ne sauraient lasser ;
2) Vue sans aucune indulgence de la malice et de lingratitude du péché, qui est lunique obstacle à la victoire de lamour de Dieu. On me permettra de transcrire ici, à ce sujet, une courte prière de Poullart des Places que M. Thomas a conservée :
Mais hélas ! mon Dieu, dans cent millions dannées, au milieu de
votre gloire, il sera vrai de dire que cet homme que vous aimez Seigneur, et sur qui vous
avez répandu vos bienfaits et vos grâces, autrefois, lorsquil vivait sur la terre,
a péché contre vous [96] .
3) Désir de répondre à lamour de Dieu par un don total engageant toute la vie à son service, particulièrement dans le travail des missions , et même dans le martyre, que, dit encore M. Thomas, Claude-François souhaitait trouver parmi ceux au salut desquels il espérait se consacrer [97] . Dans limmédiat, il confesse quil éprouvait une véritable tendresse pour ceux qui souffraient , un zèle ardent pour engager les pécheurs à retourner à Dieu, jusque-là que, pour réussir auprès deux, je naurais rien trouvé de trop bas . Son biographe précise quil avait, dès ces temps-la, une affection particulière pour les uvres qui étaient les plus obscures, pour les uvres abandonnées [98] . Cest ainsi quil soccupe des petits Savoyards, ces enfants venus de leur lointaine province et dont le métier était de ramoner les cheminées ; cest ainsi aussi quil avait commencé à donner son argent, son temps et son soutien spirituel aux pauvres écoliers, ce qui le conduira à devenir fondateur de séminaire et de congrégation.
4) Importance de la mortification, ou, mieux, de ce que le P. Libermann appellerait labnégation, le renoncement, cest-à-dire le refus délibéré de suivre le monde et ses manières , son estime, ses usages et la volonté de suivre uniquement Jésus Crucifié [99] .
5) Importance vitale de la prière, de lEucharistie, de la pensée de Dieu maintenue le plus souvent possible. Nous avons déjà vu comment, dans les fragments de résolution pour un règlement particulier, Claude-François sétait fixé des règles précises pour vivre le plus constamment possible en présence de Dieu, jusquà ne jamais vouloir sortir de sa chambre ou y rentrer sans faire un acte explicite de retour à la pensée de Dieu. Lécrit que nous examinons ici ne fait que nous confirmer dans cette impression : pour lui, on ne peut pas vraiment aimer Dieu sans vivre fréquemment dans la pensée de sa présence et de son amour.
b) Le
temps de lépreuve spirituelle
Dans une deuxième partie de son écrit, Claude Poullart oppose sa ferveur passée à ce quil appelle Iétat pitoyable de tiédeur où je me trouve [100] . En des formules très sévères, il énumère tous les points où se manifeste cette tiédeur : plus dattention spontanée à la présence de Dieu, plus dattrait pour la prière ou pour la communion à lEucharistie, plus de courage pour la mortification ni pour la garde des sens, plus de zèle pour le bien spirituel ou la conversion des autres, etc. Au lieu de ne chercher que lestime de Dieu, Claude séprouve sensible à la réputation dhommes vertueux [101] ; il constate quil est sujet à des sautes dhumeur, à la vanité, quil est irrégulier dans lobservation de son règlement: En un mot, il faut lavouer devant Dieu, je ne suis plus quun homme qui a quelque réputation de vivre encore et qui est très certainement mort, au moins si je compare le présent avec le passé. Hélas ! je ne suis plus quun masque de dévotion et lombre de ce que jai été [102] .
Un masque de dévotion ! Cette expression, si dure quelle soit dans lintention de celui qui lécrit, est un aveu : Poullart des Places a conscience que, pour ceux qui sont les témoins de sa vie, il na pas changé ; et, de fait, ni M. Thomas ni M. Besnard, ses deux premiers biographes, ne font mention dune quelconque diminution dans la ferveur de sa vie. M. Thomas reconnait quil a cessé un certain nombre de mortifications ; mais ce ne fut pas par une diminution de ferveur, ce fut par lordre exprès de son directeur et par le conseil de ceux en qui il avait confiance [103] .
Il sagit donc bien dune épreuve intérieure, semblable à celles que Dieu réserve à tous ceux quil veut mener à une plus haute sainteté : privation de la dévotion sensible, du sentiment de la présence de Dieu, expérience douloureuse de lactivité toujours renaissante du vieil homme. Il nest pas dans mon dessein de répéter ici ce que tous les grands auteurs spirituels ont enseigné sur la nécessité et sur les caractéristiques de ces épreuves ; à ce sujet, le P. Michel a cité avec bonheur quelques textes de saint Bernard, du P. Libermann, de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse [104].
Mais, dans lécrit même de Poullart des Places, malgré sa brièveté, on peut, me semble-t-il, déceler des signes du progrès spirituel qui sest accompli en lui pendant cette période de sécheresse. Il faut remarquer dabord un approfondissement de lhumilité, de la défiance de soi : Cette funeste expérience que jai de moi-même me donne bien un raisonnable sujet de me défier de mes forces, écrit-il [105] . Lui-même reconnaît, comme une grande grâce de Dieu, que, pendant cette période dépreuve, 1) il na jamais été content de soi-même un seul moment ; 2) il a toujours vu intérieurement quil était bien au-dessous de ce que les autres pensaient ou disaient de lui ; 3) ses scrupules lui ont été une occasion de sapprocher plus souvent du sacrement de la pénitence et de craindre davantage le péché [106] .
Précisément parce quil a conscience davoir eu, dès le temps de ses premiers écrits, une tendance à lambition et à la vanité, il se demande si son état actuel nest pas la conséquence davoir manqué à lhumilité et davoir cédé à la présomption, en entreprenant luvre de gouverner ces pauvres écoliers que la Providence nourrit [107] . Ecoutons-le :
La source de mon relâchement
(ou pour parler plus juste et comme je dois) de ma chute et de mon égarement, cest
de mêtre trop tôt tiré de la solitude de mêtre répandu au-dehors,
davoir entrepris létablissement des pauvres écoliers et davoir voulu
soutenir la chose. Je navais point assez de fonds de vertu pour cela, et je
navais pas encore assez acquis dhumilité pour me mettre en toute pureté à
la tête dune telle bonne uvre. Dix ans de retraite à ne penser quà
moi après une vie comme la mienne, nétaient point un temps trop long [108] .
Il est vrai, reconnaît Claude, que, dans les premiers temps de luvre des pauvres écoliers, il navait pas encore tout à fait perdu la ferveur. Mais cétait lorsque la chose était plus obscure et quelle était quasi ensevelie dans la plus humble poussière [109] . Cest donc le succès inespéré de luvre qui serait à lorigine de ce quil considère comme une perte coupable de ferveur.
Il est vrai aussi quil na rien entrepris sans la permission de son directeur ; mais est-il bien sûr quil na pas eu dès les débuts des ambitions secrètes et non avouées [110] ? Et Claude-François conclut par ce cri profondément émouvant :
Ces réflexions me pénètrent de douleur. Jai quitté le monde pour
chercher Dieu, pour renoncer à la vanité et pour sauver mon âme ; et serait-il possible
que je neusse fait seulement que changer dobjet et que jeusse conservé
toujours le même cur ? Que servirait donc enfin davoir fait la démarche que
jai faite [111] ?
Mais au milieu même de cet apparent désarroi, tout cet écrit de Poullart des Places manifeste une attitude qui me paraît fondamentale, et qui est, dailleurs, un effet normal de lépreuve spirituelle, pour qui la supporte avec générosité ; malgré lapparent abandon de Dieu, malgré la perte du sentiment de sa présence, malgré les doutes sur sa propre sincérité et lexpérience renouvelée de sa misère, la foi de Claude-François na jamais été plus forte : foi dans linfinie miséricorde de Dieu, dans sa tendresse, et dans son pardon toujours assuré. Cette attitude transparaît dans laffirmation même de son indignité ; sil a pu faire une retraite, sil a pu découvrir clairement sa misère, cest encore une grâce qui vient de Dieu, et une preuve de sa fidélité : Toute cette conduite de Dieu me fait espérer que le ciel ne sera point toujours de fer pour moi si je songe de bonne foi à pleurer mes fautes et à rentrer en grâce avec le Seigneur [112] . Aussi, rien dans son écrit (quoi quen dise Joseph Michel [113]), ne permet de penser quil ait songé sérieusement à abandonner luvre entreprise ; et nous savons par les témoignages des témoins de sa vie quil lui demeurera fidèle jusquà la fin. Est-il plus grande preuve de sa foi ?
A vrai dire, la véhémence avec laquelle Claude-François saccuse ; la douleur quil manifeste de son infidélité, sont, en réalité, des signes indéniables de son amour envers ce Dieu quil nomme : celui sans lequel je ne puis, quoi que je fasse, vivre un moment en paix [114] . On pense à lEpouse du Cantique qui cherche avec angoisse son Bien-Aimé, et qui est malade damour (Cant. 5,8). Mais peut-être la meilleure expression de lattitude spirituelle de Poullart des Places à cette période de sa vie nous est-elle donnée par M. Besnard lorsquil décrit la dernière maladie et les derniers moments du jeune fondateur :
La défaillance même de la nature semblait lui prêter de nouvelles forces pour répéter souvent ces paroles du saint roi David : " Quam dilecta tabernacula tua, Domine virtutum, concupiscit et deficit anima mea in atria Domini ". Que vos tabernacles sont aimables, ô Dieu des célestes armées; mon âme ne saurait plus soutenir lardeur avec laquelle elle soupire après la demeure du Seigneur (Ps. 82, 2-3) [115] .
5 -
Règlements généraux et particuliers
Le dernier écrit de Poullart des Places que nous possédons est contenu dans un manuscrit de 64 pages in-quarto : il sagit des premiers règlements de la Communauté du Saint-Esprit. Ils ont été rédigés par le fondateur lui-même, qui dut les commencer dès les débuts de luvre, mais ne les a achevés, selon Joseph Michel [116], que lorsque la communauté se fût transférée de son premier siège, rue des Cordiers, à une maison plus grande, rue Neuve-Saint-Etienne. Le changement eut lieu à la fin de lannée 1705. Claude François avait reçu les Ordres Mineurs quelques mois plus tôt, le 6 Juin, en la fête de son saint patron, saint Claude, moine et archevêque de Besançon.
Le Règlement, tel que nous lavons, ne donne dailleurs pas limpression dêtre une uvre achevée ; il porte des ratures, des corrections, et le fondateur laurait sans doute complété, et revu avec soin, si la mort ne lavait enlevé si tôt.
Ces Règlements supposent une communauté déjà nombreuse. Cest précisément à cause du nombre croissant des écoliers que Poullart des Places dut changer de résidence. Cest ce que nous dit M. Besnard dans son Mémoire :
Les progrès en tout genre que faisaient ses premiers disciples étaient
trop remarquables pour ne pas lui attirer dautres excellents sujets. Il pensa donc
à leur louer une maison pour quon fût plus au large. En peu de temps, il sy
forma une communauté decclésiastiques, à qui il donna des règles remplies de
sagesse, quil fit examiner et approuver par des personnes dune grande
expérience. Lui-même pratiquait le premier ce quil recommandait aux autres [117] .
Cette dernière phrase est importante pour nous : nous savons ainsi que, à travers les pages de son Règlement, nous pouvons contempler la vie de notre fondateur pendant ses dernières années, en même temps que nous pouvons y découvrir lesprit quil voulait infuser à son uvre.
A vrai dire, il nest jamais très attirant de lire un Règlement. En lisant celui de Poullart des Places, on se souviendra dabord quil est lui-même un juriste, quil sait lutilité de descendre dans les détails, de ne rien laisser dans le vague, ce qui peut donner parfois limpression dune certaine minutie. Mais il faut se rappeler aussi quil est écrit pour des étudiants dont la plupart nont pas, dans les débuts, Ihabitude dune vie commune et auxquels il faut inculquer le sens dune vie communautaire. Au début, le fondateur dirige tout seul sa communauté, et il se fait aider dans les différentes tâches par les étudiants eux-mêmes. Cependant, dès le début de 1705, il sassociera un prêtre, Michel-Vincent Le Barbier; en octobre de la même année, ce sera le tour dun sous-diacre, Jacques-Hyacinthe Garnier [118]. Ainsi, peu-à-peu, les exigences mêmes de luvre entreprise conduiront à former une vraie communauté de formateurs chargés de la direction des séminaristes. Mais il ny a quune règle pour tous, directeurs et élèves, et cest directement de ces premiers règlements que la future règle spiritaine sinspira.
Une autre remarque préalable est faite par Henri Koren, et je pense utile de la reproduire ici :
Encore que lesprit de ces règles soit digne dadmiration et dimitation dans
nos séminaires modernes, nous nen saurions pourtant conseiller la lettre. Elles sharmonisaient sans doute avec
le XVIIIe siècle, mais ne seraient guère
pratiques de nos jours. Ce quau XIXe siècle le P. Libermann disait de la
formation des futurs prêtres sapplique a fortiori à notre temps : " Le mode
déducation pour les jeunes ecclésiastiques, à lépoque où nous vivons,
doit être tout-à-fait différent de celui qui a été mis en usage avant la Révolution
de 1793. Il est reconnu
par lexpérience que les méthodes anciennes sont maintenant inapplicables " [119] .
Lisons donc les Règlements de Poullart des Places en essayant den mettre en lumière lesprit qui demeure toujours valable.
A - Une communauté de prière
La communauté du Saint-Esprit apparait dabord comme une communauté de vie spirituelle et de prière. Quelques aspects plus importants méritent de retenir notre attention.
1 ) La consécration au Saint-Esprit
Tous les écoliers adoreront particulièrement le Saint-Esprit auquel ils ont été spécialement dévoués . Ainsi commence le premier article des Règlements [120].
Comment expliquer cette consécration spéciale au Saint-Esprit, et quelle en est la portée ? Les recherches du P. LE FLOCH et celles du P. Michel ont suffisamment répondu à la première de ces questions : cest dans sa province natale que Claude-Francois a puisé la dévotion au Saint-Esprit. Je ne crois pas utile de résumer ici les résultats des recherches historiques sur ce point ; il suffira de rappeler que le fondateur avait précisément choisi la fête de la Pentecôte de 1703 pour commencer son uvre; il nest guère vraisemblable de ne voir là quune coïncidence [121].
Mais quel est le sens de cette consécration ? Une première indication nous est donnée par larticle 2 ; la fête de la Pentecôte y est désignée comme une des deux fêtes principales de la maison, avec celle de llmmaculée Conception. Les écoliers célèbreront la première pour obtenir du Saint-Esprit le feu de lamour divin, et la seconde pour obtenir de la très Sainte Vierge une pureté angélique, deux vertus qui doivent faire tout le fondement de leur piété .
Nous réservant de revenir sur llmmaculée Conception, nous retiendrons que la dévotion au Saint-Esprit est destinée à obtenir le feu de lamour divin. Telle est donc la grâce que Poullart des Places met au principe même de son uvre : la charité, dont la source est en Dieu et que lEsprit-Saint répand dans les curs.
Parmi les prières prescrites par la règle, on remarquera non seulement que les élèves récitent chaque jour lOffice du Saint-Esprit [122], mais avant chaque étude ou répétition, on demandera au Saint-Esprit des lumières pour travailler utilement : un Veni Sancte pour cela, et un Ave Maria en lhonneur de la Sainte Vierge pour obtenir de son Epoux ces lumières. On fera la même prière au commencement de la lecture spirituelle [123] LEsprit qui est source de lamour divin dans nos curs (cf. Rom. 5,5) est aussi lEsprit de vérité (cf. Jo. 14,17 ; 15,26), qui peut faire accéder à la vérité tout entière (Jo. 16,13). Les deux aspects sont dailleurs inséparables, et ils sont intimement unis dans la prière Veni Sancte Spiritus et dans loraison qui la suit habituellement [124]. La coutume de réciter cette prière, suivie de lAve Maria, avant tous les exercices de communauté, est demeurée vivante dans la Congrégation du Saint-Esprit jusquà nos jours. Puisse ce rappel fréquent de la présence de lEsprit-Saint et de son action ne jamais se perdre parmi nous !
Mais surtout que demeure dans la Congrégation, au-delà de telle ou telle formule, le désir quexprime le Veni Sancte : Viens, Esprit Saint. Remplis le cur de tes fidèles. Quils soient brûlés au feu de ton amour !
Poullart des Places indique dun mot un autre aspect de la dévotion au Saint-Esprit quil veut inculquer à sa communauté : tous les dimanches, on doit réciter la prière : Ure igne Sancti Spiritus [125] Il sagit dune oraison qui se trouvait dans le Missel romain parmi les Oraisons diverses ; les premiers mots sont inspirés du Psaume 25,2, et lon peut tenter la traduction suivante de toute la prière : Seigneur, passe au feu de lEsprit Saint nos reins et nos cceurs ; ainsi nous pourrons te servir avec un corps chaste et te plaire par un cur pur . Cest donc la pureté du cur et du corps quon demande à recevoir par laction de lEsprit Saint. A larrière-plan, il y a certainement les images de lAncien Testament qui représentent Dieu comme un feu qui purifie (Malachie, 3,2 ; Zach. 13,9) et aussi le souvenir des langues de feu qui, au jour de la Pentecôte, symbolisent lEsprit Saint descendant sur lEglise. La pureté ainsi demandée est, sans doute, la chasteté corporelle, mais de façon beaucoup plus complète, la rectitude totale de lintention, de la volonté et du cur, au service de Dieu, en un mot, cette grâce que Claude-François, dans sa prière à la Sainte Trinité demandait pour lui-même: que son cur et son esprit ne soient remplis que de Dieu seul.
Luvre de Poullart des Places, qui deviendra la Congrégation du Saint-Esprit, a donc comme premier fondement, la certitude de la présence et de laction, dans lEglise de Dieu, et spécialement dans ceux qui se destinent à son service dans le sacerdoce, de la Personne divine, envoyée par le Christ à la Pentecôte, qui apporte le feu de lamour divin [126], les lumières pour travailler utilement [127], et qui purifie de tout ce qui pourrait étre un obstacle au service unique et sans réserve de Dieu [128].
2) La dévotion à la Vierge Immaculée
Après
avoir mentionné la consécration au Saint-Esprit, Poullart des Places, dès le premier
article du règlement, ajoute : lls (les écoliers) auront aussi une singulière
dévotion à la Sainte Vierge, sous la protection de laquelle on les a offerts au
Saint-Esprit .
Le deuxième article désigne comme fête principale avec la Pentecôte, la fête de l'Immaculée Conception, que les écoliers célèbreront pour obtenir de la très Sainte Vierge une pureté angélique . Les raisons de ce choix et de cette dévotion sont à chercher surtout, comme la montré Joseph Michel, dans linfluence que les jésuites, ardents défenseurs de llmmaculée Conception, ont eue dans la formation spirituelle de Poullart des Places [129].
Dans la formulation du premier article, on remarquera le lien qui est indiqué entre le Saint-Esprit et Marie : cest sous la protection de celle-ci que les écoliers ont été offerts au Saint-Esprit. Y aurait-il dans ces lignes une allusion au lieu où sétait déroulée la cérémonie dinauguration de la première communauté ? Selon une tradition orale, en effet, cette cérémonie aurait eu lieu dans la chapelle de Notre-Dame de Bonne Délivrance, en léglise Saint-Etienne-des-Grès
Il me semble que la formule a un sens beaucoup plus profond : le fondateur a une confiance particulière dans la prière de la Vierge pour obtenir que les pauvres écoliers soient spécialement dévoués (cest-à-dire : consacrés) à lEsprit Saint, ou, en dautres termes, pour que celui-ci prenne entièrement possession de leur âme en les embrasant du feu de lamour divin [130].
Ce lien entre la prière à lEsprit Saint et linvocation de Marie est encore clairement indiqué plus loin : larticle 30 des Règlements, que nous avons déjà rencontré, prescrit de faire avant chaque étude ou répétition une prière au Saint-Esprit pour demander ses lumières, et un Ave Maria en lhonneur de /a Sainte Vierge, pour obtenir de son Époux ces lumières. Cest nous qui soulignons ces derniers mots: on pourrait, en effet, sétonner de trouver dans les Règlements de Poullart des Places laffirmation que lEsprit Saint est lépoux de Marie. Ce titre, en effet, nest pas très fréquent en théologie et lon peut se demander quelle influence a joué sur Claude Poullart pour le lui faire adopter. On peut penser évidemment, en premier lieu, à son intimité avec Grignion de Montfort, qui attribue volontiers à Marie le titre d Epouse du Saint-Esprit [131] ; sans doute, aucune des uvres du saint navait encore été publiée ; mais on peut penser que leurs conversations avaient souvent abordé un tel sujet.
Il faut songer aussi à linfluence, sur lun et sur lautre, de la Doctrine Spirituelle du P. Lallemant, publiée par le P. Champion en 1694 : Marie, écrit le grand spirituel jésuite, est lunique en qualité dépouse du Saint-Esprit, puisquelle seule a contracté avec lui, au nom de toute la nature humaine, un sacré mariage, pour être Mère dun Homme-Dieu, sans cesser dêtre vierge [132] .
En tout cas, cest cette
dignité très particulière dépouse du Saint-Esprit que Claude-François
considère lorsquil met son uvre sous sa protection spéciale, assuré
quil est que ses prières, à ce titre, seront plus sûrement exaucées. On
linvoque donc pour obtenir les lumières du Saint-Esprit, mais aussi pour obtenir une pureté angélique ; à cette
intention on célébrera solennellement la fête de llmmaculée Conception [133],
et on dira lAngelus trois fois par jour, avec la prière per sanctam, pour se conserver toujours dans la
très grande pureté de cur et de corps [134] .
On pourrait redire ici ce que nous avons déjà dit plus haut : la pureté désirée et demandée nest pas uniquement la chasteté corporelle, mais bien une pureté qui imite autant que possible celle de Marie vénérée sous le vocable de son Immaculée Conception [135] : refus de toute souillure du péché, de toute compromission, pour pouvoir se donner entièrement à Dieu.
Le souvenir de Marie sera donc fréquemment rappelé dans la vie de la communauté ; en plus des prières quotidiennes, lorsquon sortira de la maison pour aller en quelque endroit, on sassemblera tous en commun dans la chapelle pour se mettre sous la protection de la très sainte Vierge [136] ; on jeûnera la veille de llmmaculée Conception [137] ; on dira, tous les dimanches, les fêtes, les jours de congé et de promenade, le chapelet à deux churs [138] ; les jours de classe, on récite le chapelet en se rendant en classe trois par trois [139].
A travers la sécheresse inévitable dun texte de règlement, on entrevoit facilement une profonde atmosphère de piété mariale, la vive conscience dune présence constante de la Vierge Marie dans le déroulement de la vie de la communauté.
3) LEucharistie et la vie liturgique
Poullart des Places, on la dit plus haut, avait une très grande dévotion à lEucharistie. M. Thomas, son premier biographe, va jusquà dire : Cest particulièrement vers le Sacrement de lautel que le portait sa dévotion, ou, pour mieux dire, sa plus ardente passion [140] . La communauté du Saint-Esprit sera donc aussi marquée par cette dévotion : Lon ne recommande rien avec plus dinstance que dassister avec tout le respect possible à la sainte Messe, à laquelle on ne manquera jamais sans une maladie qui ne permette pas au malade de sortir [141] . Cest donc chaque jour que tous doivent y participer [142], sans excepter le tailleur et le cuisinier [143].
En revanche notre mentalité daujourdhui peut être étonnée des règles et des conseils donnés pour recevoir la communion. Voici la règle générale : On sapprochera tous les quinze jours des sacrements de la pénitence et de lEucharistie [144] ; la même fréquence est prescrite au tailleur et au cuisinier [145].
Or il
est bon de rappeler que, dans la mentalité et les usages du temps, cette fréquence,
comme règle générale, est déjà considérée comme une faveur réservée seulement aux
plus fervents ; même les jésuites nosent guère aller au-delà, sinon dans des cas
exceptionnels. Il faudra attendre jusquà Pie X pour que la communion fréquente et
même quotidienne soit considérée comme normale [146]. Les formules de Poullart
des Places pouvaient même paraître hardies à bien des esprits du temps : en effet, le
n° 37 des Règlements continue : On
exhorte fort les particuliers à sen approcher (de lEucharistie) encore plus souvent, le tout cependant subordonné
à lavis de leurs directeurs . Les
mots encore plus souvent que nous avons
soulignés, laissent entendre que la règle des quinze jours est déjà considérée comme
une faveur. De plus, une fois par mois, on consacre une journée pour penser
sérieusement à la mort, (et) le jour précédent, on communiera comme si ce devait être
le dernier jour de sa vie [147] . Enfin, on
fera aussi, tous les mois, un petit pèlerinage de dévotion, où lon exhorte ceux
qui en auraient une sainte envie, de sapprocher de la sainte Table [148]
.
Ainsi, tout en maintenant une règle générale qui tient compte des habitudes du temps, concrètement, on ouvre assez largement dautres possibilités, en tenant compte des attraits personnels et de la prudence des directeurs de conscience.
Assistance à la messe et communion exigent un effort personnel de dévotion ; les règlements le rappellent :
Lorsquon revient de la Messe ou quon y va, les jours de congé ou de fêtes, on ne doit point parler ensemble, mais il faut sentretenir intérieurement avec Dieu sur la grandeur du sacrifice de la sainte Messe ou sur le bonheur quon a eu de communier si on sest approché de la Sainte Table [149]. Les jours de fêtes et de dimanches, après la Messe de Communion, on fera ses actions de grâces en léglise pendant environ un quart dheure [150]. Les jours de pèlerinage on marche en silence pour se mieux préparer à la sainte Messe [151] .
La dévotion à lEucharistie est entretenue en dehors de lassistance à la Messe, par de fréquentes visites au Saint-Sacrement, chaque fois quon sort en ville pour aller en classe ou ailleurs, ou quon sort de classe pour revenir à la maison [152] ; les règlements mentionnent les attitudes et les gestes de respect qui conviennent en ces occasions [153].
Mais la vie liturgique nest
pas seulement affaire de dévotion personnelle ; le règlement prévoit donc des lecons et
des exercices réguliers pour apprendre les cérémonies une demi-heure tous les mardis et
samedis, une heure entière les jours de fête [154] ; des maîtres de chant
apprendront le plain-chant aux particuliers de la maison
; ils feront
prévoir à leurs écoliers les antiennes, les hymnes, les psaumes quils doivent
chanter à Vêpres, le dimanche suivant .
Cela est considéré comme si important que les maîtres de chant
avertiront Monsieur le Supérieur si quelquun se dispense de chanter [155]
.
4) Autres prières et exercices de piété
Dautres prières vocales ou mentales sont prévues par les Règlements : prières du matin et du soir, méditation, examen particulier, prières pour les bienfaiteurs, récitation du De Profandis en descendant au réfectoire, lecture brève de la vie du saint du lendemain après le souper, lecture spirituelle dun quart dheure chaque jour, etc.
Tout cela peut paraître une accumulation de pratiques de dévotion bien lourde et quelque peu artificielle. Une comparaison avec les règlements des autres séminaires du temps montrerait quil ny avait là rien danormal. Bien mieux, dans notre Congrégation, nous sommes nombreux à avoir vécu, pendant de longues années, un règlement quotidien qui se rapprochait beaucoup de ce que Poullart des Places demandait à sa communauté : prière et méditation en commun, récitation de langelus trois fois par jour, Veni Creator et Ave Maria avant chaque exercice commun, examen particulier, visite au Saint-Sacrement, chapelet quotidien, office, etc. En fait, sur ce point, presque tout ce qui avait été prévu pour le Séminaire a été pratiqué par toute la Congrégation pendant plus de 250 ans. Cette durée elle-même nest-elle pas un signe de la valeur de ces Règlements ? Une spiritualité commune ne se maintient pas sans un minimum dobservances communes ; celles-ci peuvent et doivent évoluer, mais il demeurera toujours vrai que, dans une communauté chrétienne, et a fortiori dans une communauté religieuse, sera valable lavertissement de lEpître aux Hébreux : Faisons attention les uns aux autres, pour nous stimuler dans la charité et les uvres bonnes ; ne désertez pas votre assemblée, comme quelques-uns ont coutume de le faire, mais encouragez-vous mutuellement (Hebr. 10, 24-25) . Cette attention à la communauté ne se limite dailleurs pas au domaine des exercices de piété, comme nous allons le voir.
B - Une communauté de pauvres
La maison du Saint-Esprit forme
une communauté destinée à des jeunes gens qui se préparent au sacerdoce, et qui
nont pas les moyens matériels de payer ailleurs leur pension; ce sont les
plus pauvres quon doit recevoir de préférence [156] .
M. des Places lui-même, nest pas, à proprement parler, un pauvre. A partir du mois daoût 1706, il aura une rente viagère de soixante livres tournois: cest le minimum exigé par lévêque de Rennes pour quil puisse étre ordonné. Mais il a refusé tout autre bénéfice, et le peu quil possède est mis entièrement au service de la communauté quil a fondée.
Les Règlements précisent que le Supérieur partagera entièrement la vie des étudiants : Les uns et les autres doivent se faire un plaisir de se regarder comme des pauvres à qui la Providence présente la nourriture quon leur donnera au réfectoire [157]. Les services matériels sont accomplis à tour de rôle par tous sans que personne en soit exempt [158] ; nous savons par M. Thomas [159] que Poullart des Places ne sen exemptait pas, lavait la vaisselle [160], décrottait les souliers des étudiants [161], prenait sa part des commissions et des achats à lextérieur [162].
Je nentrerai pas dans le détail des petites et grandes corvées qui assuraient la vie matérielle de la maison, et dont il nous est parfois difficile aujourdhui dapprécier limportance : propreté, économat, cuisine, éclairage, lingerie, chauffage, entretien du matériel, etc.
Les écoliers (le texte des Règlements dit assez souvent : les particuliers) ne sont pourtant pas des religieux ; ils disposent de petites sommes, avec lesquelles ils peuvent se procurer des suppléments de vin [163], paient le blanchissage de leur linge personnel [164], et les vitres quils auront cassées [165] La maison fournit à tous la nourriture, les vêtements et les chaussures nécessaires [166].
Le personnel fixe de la maison est véritablement au service des écoliers. Il sagit dabord de Poullart des Places, qui porte le titre de Monsieur le Supérieur ; il est vraiment le centre de la maison, il préside aux exercices communs, et cest à lui quon sadresse pour les permissions, les exceptions, les petits problèmes quotidiens, les comptes, etc. [167]. Les tâches qui lui sont assignées sont si nombreuses quon se demande comment il a pu les concilier, au moins au début, avec létude de la théologie. Il est question parfois, au pluriel, des Supérieurs [168], et, une fois, de ceux qui gouvernent [169]. Il sagit sans doute des premiers collaborateurs de Poullart des Places: Michel-Vincent Le Barbier, qui sera son bras droit du début de 1705 jusquen juin 1709 [170] ; Jacques-Hyacinthe Garnier, arrivé en octobre 1705 et qui lui succédera en octobre 1709 [171]. Il est question aussi des répétiteurs, sur lesquels nous avons très peu de renseignements [172]. Enfin le tailleur et le cuisinier participent à la vie de la maison dune manière très étroite [173]. Faut-il voir en ces premiers collaborateurs le germe du futur institut qui continuera luvre du fondateur après sa mort prématurée ; en tout cas, sans porter le titre de religieux, sans lêtre encore canoniquement, ils en ont déjà les caractères [174].
Tous vivent en pauvres, mangent à la même table le même menu, dont une partie vient des restes des jésuites [175]. Seuls les malades peuvent avoir un traitement particulier [176]. Tout vêtement un peu recherché est interdit [177]. Le tabac (à priser) est considéré comme un luxe absolument inadmissible [178]. Mais cette pauvreté doit être acceptée librement :
[Tous] doivent manger toujours
avec actions de grâces ce quon leur présente [179] ; on se contentera de tout ce qui sera
servi et lon ne recherchera rien de meilleur [180] ; on ne parlera jamais de ce
quon aime ou de ce quon naime pas. On ne louera ni on ne blâmera pas ce
quon vient de manger. Il est indigne dun véritable chrétien de penser trop
à toutes ces sortes de choses, de sen entretenir ou de sen plaindre, mais
cest une immortification encore bien plus considérable à un religieux ou un
ecclésiastique que de tomber dans ce défaut. On ne sinformera pas de ce quon
donnera aux repas, On ne priera pas léconome dacheter telle ou telle chose
On ne se plaindra jamais que les choses sont mal apprêtées, quil y manque
encore tel ou tel assaisonnement
Un homme un peu mortifié, tel quon le doit
être ici, mange
indifféremment ce quon
lui donne. Il trouve tout bon quand il se souvient que son Dieu a été abreuvé de fiel
et de vinaigre [181] .
Nous avons dans ces derniers mots un trait de lumière : ce nest pas seulement par nécessité, par dénuement, que Claude Poullart veut vivre en pauvre et demande aux siens den faire autant ; cest pour imiter le Christ lui-même qui sest abaissé volontairement à la pauvreté et au dénuement de la Croix. Cet exemple est dun grand prix pour tout chrétien, mais il lest encore bien plus pour un religieux ou un ecclésiastique, cest-à-dire pour les prêtres quil veut former.
C - Une communauté de futurs prêtres
Car il ne faut pas oublier que cest en cela que consiste le premier objectif envisagé par Poullart des Places : préparer de futurs prêtres. Les Règlements, tels que nous les avons, écrits de sa main, ne parlent guère explicitement de cette finalité, mais celle-ci est toujours sous-entendue, et lensemble est inintelligible en dehors de cette perspective.
Tous les documents qui nous en
parlent ajoutent une précision importante: Poullart des Places a voulu encore par
cet établissement élever dans une vie dure et laborieuse et dans un parfait
désintéressement des vicaires, des missionnaires et des ecclésiastiques pour servir
dans les pauvres paroisses et dans les postes abandonnés pour lesquels les Evêques ne
trouvent presque personne [182] . Ils sont destinés à
remplir les postes inférieurs de IEglise [183] . Cette
destination sera explicitée dans la Règle latine
que le Cardinal de Paris approuvera le 2 février
1734 [184].
Ainsi la vie pauvre, humble et laborieuse de la Maison du Saint-Esprit nest pas uniquement, ni même premièrement, causée par la pauvreté réelle des étudiants et de leurs supérieurs ; elle est due à la volonté bien précise de préparer des prêtres qui soient disposés à garder toute leur vie cette attitude de détachement de la richesse, de dévouement aux tâches les plus obscures et les plus humbles du ministère sacerdotal. Cest ce que dira encore, en 1762, Monseigneur de Beaumont, évêque de Paris :
Ce Séminaire a pour fin
particulière délever de jeunes ecclésiastiques dépourvus et détachés des biens
de ce monde et de les disposer à aller partout où leurs évêques les enverront, et à
choisir de préférence les places les plus pénibles, les fonctions les plus abandonnées
et, par cette raison, les plus difficiles à remplir
Lesprit de
lInstitut
est de redouter et de fuir les places lucratives et honorables du
sanctuaire, de se dévouer aux emplois les plus obscurs et les plus fatigants, comme
dévangéliser les pauvres dans les campagnes, les malades dans les hôpitaux, les
soldats dans les armées, les idolâtres dans le Nouveau Monde [185] .
Ces témoignages - on pourrait en ajouter dautres - éclairent bien des détails des Règlements que nous étudions, en particulier la recherche volontaire dune vie pauvre et la pratique des emplois les plus humbles. A une période où le clergé se laissait trop facilement conduire par des préoccupations dambition, de succès mondains, ou de richesse, on pouvait facilement comprendre la portée des lignes suivantes :
On ne jettera point, surtout, les yeux sur les personnes magnifiquement
habillées, sur les ameublements, sur les équipages et sur les ajustements mondains. On
pense au plaisir, au monde et à la vanité quand les yeux sont trop facilement sur ces
sortes de choses [186] .
Cest sans doute aussi dans le même esprit que lon ne recherchait pas les grades ou diplômes universitaires ; toutefois une exception est prévue pour les élèves qui auraient terminé leur théologie, et qui peuvent continuer à étudier pendant deux années la Morale et le Droit Canon dans lequel ils pourront se faire graduer [187]. Une des raisons de cette exception, selon le P. LE FLOCH et le P. Michel, a dû être que la faculté de Droit Canonique, à la différence de celle de Théologie ne demandait quune somme très modique pour conférer les grades, et même parfois les concédait gratuitement ; ajoutons que la fréquentation de lUniversité pendant deux ans seulement ne suffisait pas pour obtenir des bénéfices vacants [188]. Ainsi lobtention des diplômes en Droit Canon ne pouvait pas être une tentation de rechercher plus tard les postes lucratifs, ce qui eût été contre le but même de la fondation.
Mais, en-dehors de la recherche des diplômes, les Règlements nous révèlent que Poullart des Places donnait une très grande importance à létude : huit heures et demie détude les jours de classe, six heures et demie les dimanches, ces heures comprenant le temps de la classe, les répétitions et la préparation de lEcriture Sainte [189] . Le tome Vll de la collection Gallia Christiana, qui paraîtra en 1744, nous apprend que Poullart des Places avait coutume de répéter : Un clerc pieux sans science a un zèle aveugle, et un clerc savant sans piété est exposé à devenir hérétique et rebelle à lEglise [190] . Ce dernier point tient particulièrement à cur au fondateur, qui prie ses élèves dêtre toujours attachés dans tous les points de doctrine aux décisions de lEglise pour laquelle ils doivent être pleins de soumission [191] . Cest, sans doute, la raison principale pour laquelle, au lieu denvoyer ses élèves à lUniversité trop souvent gallicane et janséniste, Claude-François les fait suivre les cours de philosophie et de théologie chez les jésuites [192].
D - Une communauté de charité fraternelle
La lecture des Règlements ma révélé, à travers de multiples détails, un aspect quil me semble important de souligner : Poullart des Places veut que règne dans la maison quil a fondée une profonde atmosphère de charité entre tous, de respect mutuel, dattention aux autres.
Il ne suffit pas, on le sait, de prescrire : On saimera tous, à la vérité, très tendrement [193] . Cet amour doit se manifester dans toute lattitude et le comportement; cest dans cet esprit que Claude-François exige que les élèves aient une physionomie douce, modeste et retenue [194] , que tous se tiennent à table comme le veut lhonnêteté , cest-à-dire la bonne éducation [195], que lon se traite toujours avec beaucoup dhonnêteté, se prévenant, comme dit lApôtre, les uns les autres, avec toute sorte de respect [196] .
Conformément à cette prescription de saint Paul (Rom. 12, 10), quand on se rencontrera dans les escaliers, dans le jardin ou ailleurs, on ne manquera jamais de se saluer réciproquement. Quand on donnera quelque chose à un autre, ou quon en recevra de lui, on noubliera pas non plus de se découvrir lun lautre, et de donner ou de recevoir avec une certaine honnêteté quune éducation chrétienne doit nous avoir acquise [197] . La politesse bien comprise est un exercice de charité fraternelle ; les formes extérieures en peuvent changer, et bien des prescriptions de détail que lon trouve dans les Règlements seraient difficilement applicables de nos jours [198]. Mais, ici encore lesprit demeure.
Cest ainsi que les règles
concernant le silence sont justifiées par la nécessité de ne pas troubler la
paix qui doit régner dans la maison [199] ; il sagit de respecter les exigences de
1étude et du recueillement dun séminaire et donc déviter tout bruit
inutile [200].
Il faut comprendre dans le même sens la défense de faire jamais des mines pour
faire rire les autres [201]
, de se montrer en public sans être
correctement habillé [202]
; point de propos malséants, de plaisanteries vulgaires, de proverbes bas et
populaires, point de sobriquets ou plaisanteries fades [203] .
Tout cela paraîtra peut-être désuet à notre époque où lon se glorifie de parler de tout ouvertement, où un certain laisser-aller dans les attitudes et les paroles est de bon ton, où même une certaine vulgarité de langage est appréciée. Est-il bien sûr que ce soit un progrès ? Quoi quil en soit des usages variables, le souci de respecter les autres, dans son maintien, ses attitudes et ses paroles, demeure, me semble-t-il, une exigence essentielle de toute vie commune; et cest cela quil faut retenir des règlements de Poullart des Places.
Bien dautres détails seraient à remarquer ; je ne veux retenir que la page concernant les soins à donner aux malades :
Linfirmier avertira
Monsieur le Supérieur aussitôt quil saura que quelquun est indisposé. Il
tâchera de le savoir de bonne heure, il aura soin de donner aux malades ce dont ils ont
besoin, les portera à supporter leur maladie
pour lamour de Jésus-Christ, il ne se rebutera point des petites peines quil
aura en cette charge, comme de vider les pots de chambre, faire les lits, etc., mais il
sy portera de bon cur pour lamour de Dieu. Il servira les malades comme
si cétait Jésus-Christ même quil eût à soigner [204] .
Suivent les détails sur les soins
de propreté, Iexactitude dans lobservation des ordonnances des médecins [205].
Linfirmier doit aussi veiller aux besoins spirituels des malades : lorsquils
en sont capables, il les conduira à la messe à des heures convenables et leur fera la
lecture spirituelle ; mais il prendra
garde que ceux qui ont pris médecine ne sortent pas ce jour-là, quils se tiennent
chaudement et tranquillement dans la chambre [206] .
Ainsi, au sujet des malades, le grand principe est que lon doit les servir comme si cétait Jésus-Christ lui-même . En réalité, ce principe qui découle directement de lEvangile (Mt. 25,40 ss.), inspire tous les règlements de Poullart des Places, et cest à sa lumière quil faut les lire. Cest aussi dans cet esprit quil les a pratiqués lui-même.
[1]. Cest sans doute par une distraction de typographe que le P. J.-Th. Rath place cet événement au 17 Mai, dans son livre: Geschichte der Kongregation vom Heiligen Geist, I. Teil, Knechtsteden, 1972, p. 78.
[2]. Henry J. KOREN, Knaves or Knights ? A History of the Spiritan Missionaries in Acadia and North America, 1732-1839 (Pittsburgh, Duquesne University, 1962),, p. 2.
[3]. LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 156 ; KOREN, Ecrits, p. 42-43.
[4]. MICHEL, Poullart des Places, p. 344.
[5]. Telle est, du moins, la conclusion de Michel (p. 340), alors que Koren (Ecrits, p. 42) pense que cest une copie faite par M. Thomas.
[6]. KOREN, Ecrits, p. 48-50.
[7]. KOREN, Ecrits, p. 50, § 3.
[8]. KOREN, Ecrits,. p. 50, § 4.
[9]. KOREN, Ecrits, p. 52, § 2.
[10]. KOREN, Ecrits, p. 58, § 1-2. Lexemple de David et de Salomon succombant à la tentation, malgré leur sainteté et leur sagesse, a été introduit dans nos Règles latines (n°. 50) ; mais la citation est attribuée à saint Jérôme.
[11]. KOREN, Ecrits, p. 62, § 2.
[12]. Voir, par exemple, dans KOREN, Ecrits, p. 62, § 1 ; p. 72, § 1-2 ; p. 66-67 ; p. 72-76.
[13]. KOREN, Ecrits, p. 62, § 3.
[14]. KOREN, Ecrits, p. 62-64.
[15]. KOREN, Ecrits, p. 66, § 2-3.
[16]. KOREN, Ecrits, p. 66, § 3.
[17]. KOREN, Ecrits, p. 82, § 1-2.
[18]. KOREN, Ecrits, p. 82.
[19]. KOREN, Ecrits, p. 88 ; LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 169.
[20]. KOREN, Ecrits, p. 89-90.
[21]. KOREN, Ecrits, p. 90, § 5.
[22]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 1.
[23]. KOREN, Ecrits, p. 112, § 2.
[24]. KOREN, Ecrits, p 90, § 5. Sur tout ce qui suit, on verra avec intérêt les remarques du biographe de Poullart des Places, M. Pierre Thomas, dont le mémoire est publié aussi par Koren, Ecrits, p. 252 ss.
[25]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 1.
[26]. Exercices Spirituels, deuxième semaine, " Première manière de faire une saine et bonne élection ", second point : Il faut que jaie pour objectif la fin pour laquelle je suis créé : louer Notre-Seigneur et sauver mon âme. En outre, je dois me trouver indifférent, sans aucun attachement désordonné, de façon à ne pas être incliné ni attaché à prendre ce qui m'est proposé plus quà le laisser, ni à le laisser plus quà le prendre. Mais je dois me trouver comme laiguille dune balance pour suivre ce que je sentirai être davantage à la gloire et à la louange de Dieu notre Seigneur et au salut de mon âme (trad. Fr. Courel, 2e éd. Paris, 1963, p. 100). Ces idées sont déjà très clairement exprimées dans le Principe et Fondement (ibid. p. 28-29). Sur ces points, LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 168.
[27]. Voici quelques références, parmi beaucoup dautres : Lettres Spirituelles, I, p. 53, 294, 471, 493 ; II, p. 106, 324, 465.
[28]. Lettre du P. Libermann à M. Jolivel, du 28 octobre 1838 : ND, I, p. 419.
[29]. Voir les Exercices Spirituels, dans la traduction citée du P. F. Courel, n°. 177, 179, 181, 185. Ceci nest encore quun rappel du Principe et Fondement (ibid. p. 28-29).
[30]. KOREN, Ecrits, p. 90, § 3.
[31]. KOREN, Ecrits, p. 98, § 7.
[32]. KOREN, Ecrits, p. 104, § 4.
[33]. Voir plus haut, la note 29.
[34]. KOREN, Ecrits, p. 92-94.
[35]. MICHEL, Poullart des Places, p. 59-71.
[36]. Cest J. Michel qui a identifié ce portrait : voir supra, p. ** , " Histoire d'un portrait ".
[37]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 4.
[38]. KOREN, Ecrits, p. 94, § 1.
[39]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 4.
[40]. KOREN, Ecrits, p. 96-98.
[41]. KOREN, Ecrits, p. 100, § 3-4.
[42]. KOREN, Ecrits, p. 106, § 3.
[43]. KOREN, Ecrits, p. 100, § 6.
[44]. KOREN, Ecrits, p. 100, § 6.
[45]. KOREN, Ecrits, p. 82, § 2.
[46]. KOREN, Ecrits, p. 48, § 3.
[47]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 1.
[48]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 2.
[49]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 6.
[50]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 5.
[51]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 5.
[52]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 3.
[53]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 3.
[54]. KOREN, Ecrits, p. 94, § 2.
[55]. KOREN, Ecrits, p. 98, § 2.
[56]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 1.
[57]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 3.
[58]. KOREN, Ecrits, p. 96, § 6.
[59]. KOREN, Ecrits, p. 106, § 3.
[60]. KOREN, Ecrits, p. 96, § 6.
[61]. KOREN, Ecrits, p. 92, § 3.
[62]. KOREN, Ecrits, p. 94 § 1.
[63]. KOREN, Ecrits, p. 102, § 6.
[64]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 3.
[65]. KOREN, Ecrits, p. 106, § 5.
[66]. KOREN, Ecrits, p. 98 § 3. Je serais personnellement très réservé sur le rapprochement que fait Ch. Baudouin entre ce sentiment de tendresse fraternelle et la répugnance pour le mariage, selon la note de Michel, Poullart des Places, p. 67.
[67]. KOREN, Ecrits, p. 98, § 4.
[68]. KOREN, Ecrits, p. 98, § 6.
[69]. KOREN, Ecrits, p. 102-104.
[70]. KOREN, Ecrits, p. 98-100.
[71]. KOREN, Ecrits, p. 94, § 2.
[72]. KOREN, Ecrits, p. 104, § 1.
[73]. KOREN, Ecrits, p. 108, § 2.
[74]. KOREN, Ecrits, p. 110, § 2.
[75]. KOREN, Ecrits, p. 112.
[76]. MICHEL, Poullart des Places, p. 79.
[77]. KOREN, Ecrits, p. 250 ss.
[78]. KOREN, Ecrits, p. 118. Pour ce qui concerne le port de lhabit blanc pendant les sept premières années de la vie de Claude, voir le Mémoire de M. Thomas : KOREN, Ecrits, p. 228.
[79]. MICHEL, Poullart des Places, Poullart des Places, p. 88, en note, reproduit le texte latin de cette prière ; mais il doit y avoir un mot omis trois lignes avant la fin. Il faut sans doute lire : neque permissurum ut a meis subditis aliquid unquam contra vestrum honorem agatur .
[80]. Cf. KOREN, Ecrits, p. 122, dernier paragraphe. La première, qui commence par les mots : Ave salus mundi verbum, est peut-être celle quU. Chevalier indique comme une prière pour lélévation du Corps du Christ, dans les Heures dAngers, dont le manuscrit est du xve siècle : c£ U. Chevalier, Repertorium Hymnologicum, n°. 35720.
[81]. KOREN, Ecrits, p. 118, 122.
[82]. KOREN, Ecrits, p. 118. Pour le texte de la prière, nous suivrons celui que donne J. Michel, p. 85-87. H. Koren reproduit, en plus du manuscrit écrit de la main de M. des Places (pp. 118-120), le texte recopié par M. Thomas, qui ne diffère du premier que par des détails de style qui, dailleurs, sont habituellement des améliorations (p. 258-262).
[83]. KOREN, Ecrits, p. 280. Il sagit de la biographie de Michel Le Nobletz publiée en 1666 par le Père Verjus, un des biographes les plus irritants du XVIIe siècle , dit H. Bremond, Histoire Littéraire du sentiment religieux, 5e volume, Paris, 1920, p. 82, note 2. Dans ce volume de Bremond, on trouvera beaucoup de détails infiniment précieux sur le renouveau mystique en Bretagne au XVIIe siècle. Claude des Places a certainement subi de bien des manières linfluence de ce courant de spiritualité qui avait transformé sa province natale. Voir aussi les remarques de LE FLOCH, Poullart des Places, p. 219 ss.
[84]. Un simple regard sur louvrage du P. Lallemant manifeste une étonnante correspondance entre les vertus énumérées par M. des Places et celles que le P. Lallemant considère comme les plus nécessaires à la perfection: c£ 2e Principe, Sect. L chap.3; 3e Principe, chap. 3-4.
[85]. KOREN, Ecnts, p. 122. Les derniers mots, omis dans la copie de M. Thomas (ibid. p. 254), sont à séparer de la phrase précédente, comme le font LE FLOCH, Poullart des Places, (p. 239) et la traduction anglaise (Koren, Ecrits, p. 123) ; nous avons donc mis un point avant les mots : Au nom de mon Jésus et de Marie .
[86]. KOREN, Ecrits, p. 122-123, en note.
[87]. Michel, Poullart des Places, p. 161 et p. 339-340. Le P. Le Floch, Poullart des Places, p. 300, en situe la date pendant la retraite préparatoire aux ordres mineurs , que Claude reçut le 6 juin 1705.
[88]. MICHEL, Poullart des Places, p. 139.
[89]. Le texte est publié par KOREN, Ecrits, p. l30-l48. MicheL qui a étudié à son tour le manuscrit, le reproduit presque intégralement en le commentant (voir Poullart des Places, p. 47, 49 ; 89-94 ; 164-169). Cest ce dernier texte, plus correct, quil faut suivre.
[90]. MICHEL Poullart des Places, p. 47 et 49 ; KOREN, Ecnts, p. 130.
[91]. MICHEL, Poullart des Places, p. 48.
[92]. MICHEL, Poullart des Places, p. 89-90 ; KOREN, Ecrits, p. 132-134.
[93]. Ecrits Spirituels du Vénérabte Libermann, Paris, 1891, p. 149-209. Le rapprochement avec lécrit de Poullart des Places est déjà fait par KOREN, Ecrits, p. 128.
[94]. Michel, Poullart des Places, p. 89-94
[95]. Ecrits spirituels, p. 202.
[96]. KOREN, Ecrits, p. 254, § 2.
[97]. KOREN Ecrits, p. 254, § 2. Tout le contexte montre bien que Poullart des Places songe ici aux missions lointaines, où il espère trouver le martyre des mains de ceux que M. Thomas appelle les sauvages.
[98]. Mémoire de M. Thomas, dans KOREN, Ecrits, p. 268, § 4. Cest nous qui soulignons.
[99]. MICHEL, Poullart des Places, p. 92, § 12 ; KOREN; Ecrits, p. 136, § 1.
[100]. KOREN, Ecrits, p. 138, § 3.
[101]. KOREN, Ecrits, p. 140, corriger daprès MICHEL, Poullart des Places, p. 165.
[102]. KOREN, Ecrits, p. 142; MICHEL p. 166.
[103]. Mémoire, de M. Thomas, dans KOREN, Ecrits, p. 270, § 3.
[104]. MICHEL, Poullart des Places, p. 161-164.
[105]. KOREN, Ecrits, p. 144, § 1.
[106]. KOREN, Ecrits, p. 144, § 3.
[107]. KOREN, Ecrits, p. 144 § 2 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 167.
[108]. KOREN, Ecrits, p. 146 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 167-168.
[109]. KOREN, Ecrits, p. 146.
[110]. KOREN, Ecrits, p. 146-148.
[111]. KOREN, Ecrits, p. 148.
[112]. KOREN, Ecrits, p. 144 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 167.
[113]. MICHEL, Poullart des Places, p. 167.
[114]. KOREN, Ecrits, p.144-146 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 167.
[115]. Mémoire de M. Besnard, dans KOREN, Ecrits, p. 286 ; cf. MICHEL, Poullart des Places, p. 241.
[116]. MICHEL, Poullart des Places, p. 340. Dans les pages qui suivent nous emploierons souvent le mot communauté, que Claude Poullart des Places nemploie pas ; en effet, Louis XIV avait formellement interdit la création de nouvelles communautés. Cf. Michel, Poullart des Places, p. 213 ss.
[117]. KOREN, Ecrits, p. 284. Et KOREN, Ecrits, p. 220 : Tous ces Règlements ont été dressés par feu Monsieur des Places et écrits de sa main, et pratiqués par lui et ses élèves .
[118]. MICHEL, Poullart des Places, p. 144-145 et p. 216. Probablement dès les débuts de son uvre, Claude-François eut un collaborateur dans la personne de Jean Le Roy, né à Gourin, paroisse voisine de labbaye de Langonnet, et déjà avancé dans ses études théologiques pour quil puisse être ordonné prêtre en 1705 (MICHEL, Poullart des Places, p. 142-143) . Jean Le Roy avait sans doute été orienté vers la rue des Cordiers par Claude de Marbeuf, abbé de Langonnet, qui exerçait ses droits seigneuriaux sur la paroisse de Gourin (MICHEL, Poullart des Places, Poullart des Places, p. 144). Les liens entre la famille de Marbeuf et celle de Poullart étaient très étroits. Labbé de Langonnet avait été parrain de la petite sur de Claude-François Poullart des Places en 1680 (MICHEL, Poullart des Places, p. 15). Jean Le Roy fut rappelé en 1707 dans son diocèse par son évêque (cf. MICHEL, Poullart des Places, p. 184-185 ; J. Th. RATH, Geschichte der Kongregation von Heiligen Geist, Knechtsteden, I- Teil, 1972, p. 119).
[119]. KOREN, Ecrits, p. 158-160. La citation du P. Libermann est dans les ND, Xll, p. 525.
[120]. Règlements généraux et particuliers : voir infra, p. ** ss.
[121]. Cf. LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 291-292 ; MICHEL, Poullart des Places, p. 148-157 ; RATH, op. cit., p. 114-118.
[122]. Règlements, n° 31.
[123]. Règlements, n° 30.
[124]. Je pense quil sagit de la courte prière qui se trouve encore dans le Missel, au jour de la Pentecôte, immédiatement avant lEvangile, et non de la séquence qui commence par les mêmes mots.
[125]. Règlements, n°. 40. Voir dans le Missel romain davant la dernière réforme liturgique, Orationes Diversæ, n°. 26 ; dans le Missel de Paris de 1685, cette oraison se trouvait au même endroit et sous le même numéro.
[126]. Règlements, n°. 2.
[127]. Réglements, n°. 12. On pourrait rappeler aussi les paroles de la Séquence de la Pentecôte : O /ux beatissima, reple cordis intima tuorum fidelium
[128]. Voir encore la séquence de la Pentecôte : Lava quod est sordidum, riga quod est aridum, sana quod est saucium
[129]. MICHEL, Poullart des Places, p. 157-160.
[130]. Toutes ces expressions sont dans les premières lignes des Règ/ements.
[131]. Cf. Le Secret de Marie, n°. 13; Traité de la Vraie dévotion, n°, 35-36 (uvres Comp/ètes de L. M. Grignion de Montfort, Paris, éd. du Seuil. 1966, p. 447 et 506-507).
[132]. Doctrine Spirituelle, Vl, sect. I, chap. 4, art. 2 ; éd. Christus, Paris, 1959, p. 295.
[133]. Règlements, n° 2.
[134]. Règlements, n° 28. Je nai pas pu identifier la prière Per sanctam
[135]. Règlements, n° 2 ; cf. n° 68.
[136]. Règlements, n° 21.
[137]. Règlements, n° 68.
[138]. Règlements, n° 41.
[139]. Règlements, n° 82 ; cf. n° 155.
[140]. Mémoire de M. Thomas, dans : KOREN, Ecrits, p. 264. Cest nous qui soulignons.
[141]. Règlements, n° 36.
[142]. Règlements, n° 20.
[143]. Règlements, n° 223 et 230.
[144]. Règlements, n° 37.
[145]. Règlements, n° 223 et 230.
[146]. Cf. J. DUHR, art. " Communion Fréquente ", dans: Dictionnaire de Spiritualité, II, col. 1273-1282.
[147]. Règlements, n° 43.
[148]. Règlements, n° 44.
[149]. Règlements, n° 250.
[150]. Règlements, n° 38.
[151]. Règlements, n° 84.
[152]. Règlements, n° 42.
[153]. Règlements, n° 87-91.
[154]. Règlements, n° 55
[155]. Règlements, n° 202-203.
[156]. Règlements, n° 5-6. Il nest pas hors de
propos de rappeler que cette disposition correspond exactement à ce que demandait le
Concile de Trente, dans son Décret concernant les séminaires : Le Concile
veut que lon choisisse de préférence les fils de pauvres ; on nexclut pas
cependant les fils de riches, pourvu quils pourvoient à leur subsistance et
manifestent lintention de servir Dieu et lEglise (Concile de Trente, Session
XXIII, De Reformatione, can. XVIII) .
[157]. Règlements, n° 67.
[158]. Règlements, n° 23 ; cf. n° 140.
[159]. Mémoire de M. Thomas, dans : KOREN, Ecrits, p. 272-274.
[160]. Règlements, n° 213-215.
[161]. Mémoire de M. Thomas, dans : KOREN, Ecrits, p. 274 ; cf. Règlements, n°. 199 et 248.
[162]. Mémoire de M. Thomas, dans : KOREN, Ecrits, p. 272-274.
[163]. Règ/ements, n° 169-170. Nous savons par le P. Picot de Clorivière que Poullart des Places ne buvait jamais de vin : cf. J. Picot de Clorivière, La vie de M. Louis-Marie Grignion de Montfort, Paris, 1785, p. 312.
[164]. Règ/ements, n°. 181 et 183.
[165]. Règlements, n° 197.
[166]. Règlements, n° 66, 222, 263.
[167].Règ/ements,n°.13. 18. 34. 47. 57. 60. 65. 66. 78. 82. 84. 130. 140. 155. 156.
165.183. 185. 203. 217.218. 219. 234. 236. 237. 240. 242. 244. 258.
[168]. Règlements, n° 114. 142. 169. 263.
[169]. Règlements, n° 25.
[170]. MICHEL, Poullart des Places, p. 144 et 236.
[171]. Michel, Poullart des Places, p. 144 et 250.
[172]. Règlements, n°. 53,131-137,169.
[173]. Règlements, n°. 221-224 et 225.
[174]. Cf. Michel, Poullart des Places, p. 217-218.
[175]. Règ/ements, n° 227.
[176]. Règlements, n° 58 et 78.
[177]. Règlements, n° 105-106 ; 111-112.
[178]. Règlements, n° 114.
[179]. Règlements, n° 66.
[180]. Règlements, n° 70.
[181]. Règlements, n° 72-78.
[182]. Lettres patentes de confirmation d 'établissement d 'une Commauté dEtudiants sous le titre du Saint-Esprit et de llmmaculée Conception, en date du 2 mai 1726 ; texte dans : LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 574-575 et NDH, p. 4.
[183]. Lettres royales du 17 décembre 1726, LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 578 et NDH, p. 8.
[184]. LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 601 et NDH, p. 15-16.
[185]. Michel, Poullart des Places, p. 195-196, citant un manuscrit de la Bibl. Nationale de Paris.
[186]. Règlements, n°. 98.
[187]. Règlements, n°. 11.
[188]. LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 345 ; Michel, Poullart des Places, p. 203-204.
[189]. Règ1ements, n° 45.
[190]. Gallia Christiana, tome Vll, col. 1043.
[191]. Règ/ements, n° 54.
[192]. Je ne vais pas entrer dans le détail des études ; le P. LE FLOCH et le P. Michel ont suffisamment montré limportance quon leur donnait dans la communauté du Saint-Esprit : LE FLOCH, Poullart des Places, Nouvelle édition 1915, p. 344 ss.; Michel, Poullart des Places, p. 197 ss.
[193]. Règlemnts, n° 16
[194]. Règlements, n°. 9.
[195]. Règlements, n°. 76 ; cf. n°. 101-102.
[196]. Règlements, n° 238.
[197]. Règlements, n° 256-257.
[198]. Voir, par exemple; n°. 238 et n°. 92, etc.
[199]. Règlements, n° 117.
[200]. Règlements, n° 116-124.
[201]. Règlements, n° 103.
[202]. Règlements, n° 107-108.
[203]. Règlements, n° 109-110.
[204]. Règlements, n° 185-186.
[205]. Règlements, n° 87.
[206]. Règlements, n° 188, 190.