Notice sur
la congrégation du saint-esprit
et de l
ImmaculÉ cur de Marie,
et sur ses
uvres
(1850)
François Libermann
Pas de meilleure conclusion pour ce volume sur Poullart
des Places quun texte peu connu de Libermann, qui constitue une véritable relecture
de toute lhistoire spiritaine dans ses deux sources
Il sagit de la Notice
sur la Congrégation du Saint-Esprit et de lImmaculé Cur de Marie et sur ses
uvres. Ce texte, pourtant reconnu de Libermann
par le P. Adolphe Cabon, na été publié par ce dernier que tardivement, et par un
court extrait, dans le volume Compléments
(1956) de la série des Notes et Documents, à
la page 142. On peut en être légitimement étonné.
Cest à Paul Coulon quil est revenu de
publier cette Notice pour la première fois dans
son intégralité, accompagnée dune introduction qui en explique avec précision la
genèse historique et qui en montre limportance théologique et spirituelle [1]. Voici donc repris les principaux éléments de cette
introduction.
Présentation par Paul Coulon
En 1850, Libermann passe beaucoup de temps à réformer la marche du séminaire de la rue des Postes et à faire avancer le dossier des évêchés coloniaux (Guadeloupe, Martinique, Réunion). Il envoie Frédéric Le Vavasseur faire une tournée des grands séminaires de France, en particulier de ceux qui sont tenus par les sulpiciens, où il a beaucoup de relations. Il sagit de trouver des volontaires aussi bien pour renforcer le clergé colonial que pour les autres missions de la congrégation en Afrique.
Le Vavasseur quitte
Paris le 7 mai [2]
et commence sa tournée par les séminaires de lEst : Metz, Nancy,
Saint-Dié, Strasbourg. A peine arrivé à Metz, il écrit à Libermann de lui préparer
sur-le-champ une notice imprimée présentant la congrégation, sans quoi ses visites ne
laisseront pas de traces [3].
Libermann sexécute en deux jours. Ecrite le dimanche 12 mai, imprimée le lundi, la
notice rejoint Le Vavasseur avant le 16 mai, date à laquelle il écrit, depuis
Saint-Dié, une lettre terrible où il propose à Libermann dabandonner le
séminaire du Saint-Esprit et les colonies, tellement la réputation de lancien
Saint-Esprit est mauvaise dans les diocèses de France. Il fait, en passant, quelques
remarques sur la notice reçue [4]. Libermann lui répond avec force, le jour de la
Pentecôte, 19 mai : Ce serait une des fautes les plus graves [...] que notre
petite congrégation pût faire à Dieu que cet abandon, et dajouter sur
la notice : Je vois, daprès votre lettre, que ma notice nest pas
selon vos désirs [5].
Le Vavasseur continue sa
tournée après sêtre excusé de son emportement et avoir rallié la position de
Libermann sur le séminaire et les colonies : après Strasbourg, il passe à Besançon,
Lyon, Le Puy, Viviers. Pendant ce temps, Libermann a décidé de remettre en chantier la
notice sur la congrégation, ainsi quune autre notice sur les colonies. Dans une
lettre du 1er
juin, il précise à Le Vavasseur :
Quant aux notices, M. Lannurien en a fait une assez longue avec citations.
Quand elle a été imprimée, nous avons craint quelle ne fasse mauvaise impression
sur les prêtres des colonies et ne complique par là les difficultés que les évêques
ne rencontreront déjà que trop dans lancien clergé. Jai donc pris le parti den faire une
autre plus raisonnée et plus courte. Je me proposai en partie de vous donner un
thème qui prêtât à vos explications verbales [6]. Le texte que
nous donnons ici est la reproduction intégrale de cette Notice écrite par Libermann, fin mai 1850 [7].
Lintérêt de
cette Notice vient de ce quelle nous donne
le point de vue de Libermann : - sur lhistoire de la congrégation du Saint-Esprit
depuis les origines (cest même le seul texte où Libermann parle de Poullart des
Places) ; - sur lhistoire de sa société, le Saint Cur de Marie (son
inspiration initiale, ses débuts missionnaires) ; - sur les raisons de lunion entre
les deux congrégations ; - sur létat actuel
de la société et de ses uvres. Mieux connu, ce texte eut peut-être évité bien
des polémiques ultérieures sur la fusion.
Cette Notice a été soigneusement élaborée par Libermann pour être lue à lextérieur, et tout particulièrement par les jeunes des séminaires de France. On remarquera qu elle nest pas simple récit dhistorien, mais quelle est un véritable raconter croyant . Libermann raconte lhistoire de lhumanité de Dieu en Jésus-Christ se continuant aujourdhui dans lhistoire auprès des pauvres des missionnaires du Saint-Esprit, et cette histoire est en forme de récit pascal : Ayant passé par toutes les épreuves auxquelles la divine bonté devait la soumettre , écrit Libermann de sa congrégation, comme lInconnu du chemin dEmmaüs commençant son récit par les mots : Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? (Lc 24, 26).
Du coup, on ne peut que retenir comme pleins de sens spirituel les thèmes qui reviennent avec insistance dans cette Notice : - limpossibilité à faire avancer lévangélisation avec de mauvais prêtres, doù la volonté de vivre en communauté pour assurer la persévérance dans la ferveur de la vie sacerdotale et religieuse ; - la profonde compassion pour les pauvres par excellence que sont les esclaves des colonies , les Noirs ; - le rôle du Cur Immaculé de Marie et de larchiconfrérie de Notre-Dame-des-Victoires ; - lextrême pauvreté des moyens initiaux ; - lanalyse loyale des raisons humaines des difficultés et des échecs (inexpérience, défaut de précautions) ; - la parfaite clarté et le réalisme simple des conditions mises à lentrée dans la congrégation ; - léventail très large des uvres offertes aux vocations possibles, mais dans un ordre de priorité bien marqué : missions infidèles, missions coloniales, uvres en Europe, direction et professorat ( dans le séminaire ou le noviciat de la congrégation, et dans le séminaire colonial ).
***
Notice sur la congrÉgation du saint-esprit
et de l ImmaculÉ cur de Marie,
et sur ses uvres
*
Etat de la CongrÉgation
La congrégation du Saint-Esprit fut fondée le jour de la Pentecôte 1703, par M. Poulart-Desplaces, du diocèse de Rennes, dans le but délever des ecclésiastiques destinés à se consacrer aux uvres les plus délaissées. Long-temps cette uvre ne subsista que des aumônes de personnes charitables ; le vénérable fontateur allait lui-même les chercher, puis il servait ses élèves de ses propres mains, et leur rendait les services les plus humbles.
En 1723,1assemblée du clergé de France, considérant les importants services que rendaient aux diocèses les prêtres sortis du séminaire du Saint-Esprit, assigna à cet établissement une pension annuelle qui fut augmentée par les assemblées subséquentes.
En 1776, la congrégation du Saint-Esprit fut chargée dentretenir habituellement vingt missionnaires et un préfet apostolique à la Guyane française.
A la grande révolution de 1792, la congrégation du Saint-Esprit partagea le sort de tous les autres établissements religieux de la France. Son séminaire fut supprimé, ses prêtres dispersés, sa maison vendue par lEtat.
Dès que la paix fut rendue à la France par le concordat de 1801, M. Ber-tout, seul et sans maison, recommença luvre de M. Poulart-Desplaces, au milieu de difficultés sans nombre.
En 1816, une ordonnance royale rendit 1approbation légale à la congrégation du Saint-Esprit, et elle fut chargée seule de fournir de prêtres toutes les colonies françaises.
Cependant, malgré les efforts de M. Bertout et de ses successeurs, elle ne put se recruter suffisamment pour prendre la force et lextension nécessaires à la conduite dune uvre aussi difficile ; le séminaire manquait de directeurs, on fut obligé de recourir à des étrangers. De plus, entravée par les difficultés qui résultaient de lesclavage, de lorganisation défectueuse du clergé colonial et de la faiblesse extrême où se trouvait réduit le pouvoir ecclésiastique, le succès lui devint impossible. Jusquen 1830, le gouvernement pourvoyait à la subsistance des élèves du séminaire ; mais les diocèses de France, jusqu alors pauvres en sujets, étaient loin de fournir le nombre de prêtres que réclamaient les besoins des colonies. En 1830, toute subvention fut retirée au séminaire, qui se vit plus que jamais hors détat de remplir les places vacantes. Dans la détresse où luvre se trouvait par cette privation de tout subside, on se vit obligé daccepter des prêtres sans avoir eu les moyens de les bien connaitre, et ce fut une des causes de tous les malheurs que notre sainte religion a eus à déplorer dans nos colonies.
Quoiquen 1840 le gouvernement eût rendu au séminaire 1allocation qui lui avait été accordée sous la Restauration, celui-ci ne put se relever de la déconsidération où lavaient fait tomber les circonstances malheureuses qui viennent dêtre exposées.
Vers la même époque, quelques prêtres sortis du séminaire de Saint-Sulpice, touchés profondément de létat de dégradation et de délaissement où étaient plongés les pauvres esclaves des colonies, qui formaient au moins les deux tiers de la population, conçurent le projet de se réunir pour voler à leur secours. Voyant les difficultés de luvre quils voulaient entreprendre, et leur impuissance à en procurer lexécution, ils résolurent de lunir à luvre de lArchiconfrérie, persuadés quelle triompherait de tous les obstacles par le Cur immaculé de Marie, si plein de miséricorde envers les âmes pécheresses et délaissées.
Pour sassurer de la sainte volonté de Dieu, ils proposèrent leur dessein à la Propagande, et, fortifiés par les paroles les plus encourageantes de la sacrée congrégation, ils se mirent en devoir de le réaliser. Cependant, dans la crainte dempiéter sur les uvres dont était déjà chargée la congrégation du Saint-Esprit, ils offrirent leurs services à cette société. Voulant néanmoins pourvoir à leur persévérance dans la ferveur de la vie sacerdotale et religieuse, et sassurer que leurs efforts seraient employés au salut des âmes pauvres et délaissées, dont létat désolant les avait émus dune profonde compassion, ils demandèrent à la congrégation du Saint-Esprit, comme condition de leur entrée, quils seraient employés au salut des Noirs, et quils vivraient en communauté sous une règle qui pût maintenir parmi eux la ferveur sacerdotale et lesprit apostolique. Mais le moment de la divine Providence nétait pas encore arrivé : Dieu voulait augmenter leur nombre avant de les unir à la communauté du Saint-Esprit, et les charger duvres plus considérables dont cette communauté ne soccupait pas alors, et que probablement elle naurait jamais entreprises, si leurs services avaient été acceptés à cette époque. M. Fourdinier, supérieur du Saint-Esprit, sétant refusé à toute condition, ils entreprirent seuls luvre quils avaient tant à cur. Ils formèrent donc une congrégation, et, tant par reconnaissance pour les grâces quils avaient déjà reçues et quils attribuaient aux prières de lArchiconfrérie, que pour suivre lattrait qui leur était donné intérieurement, ils décidèrent quelle porterait le nom, du Saint Cur de Marie. La congrégation naissante fit son premier établissement à la Neuville, dans le diocèse dAmiens, en septembre 1841 ; M. Libermann en fut nommé supérieur.
Les commencements de la nouvelle société étaient bien faibles et ses moyens dexistence absolument nuls ; Dieu seul était sa force et son soutien ; sa divine providence, son unique ressource, et le Saint Cur de Marie, son espérance. Malgré leur confiance en Dieu, il a fallu à ses premiers membres la puissante impulsion que leur donnait la vue de tant dâmes délaissées, accablées par le malheur et croupissant dans le vice et lignorance, pour quils aient osé se livrer à une entreprise aussi dépourvue de tout secours et aussi contraire à toute prudence humaine. La grâce de Dieu ne les abandonna pas, et elle leur fit prendre la résolution de tout sacrifier plutôt que dabandonner luvre que la divine bonté leur avait inspirée. Ils neurent pas passé quinze jours dans leur solitude, que déjà ils eurent à rendre des actions de grâce à la bonne et divine Providence pour ses soins inattendus qui dépassaient toutes leurs espérances, soins qui allaient en croissant à mesure que leur nombre saugmentait. Dès la deuxième année, ils avaient commencé une mission à lîle Maurice, et une autre à l île Bourbon. Ces missions continuent à produire les fruits les plus abondants pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Vers la fin de cette année (en novembre 1843), sept missionnaires de la nouvelle société partirent pour commencer la mission des deux Guinées. Mais une épreuve bien douloureuse était réservée à ces commencements, épreuve qui sembla devoir anéantir toutes les espérances de la congrégation. Linexpérience des missionnaires et le défaut des précautions nécessaires sous ces climats brûlants, causèrent la mort à cinq dentre eux dès les premiers mois de leur séjour dans le pays. La société, effrayée par ces malheurs et ne sachant pas encore exactement à quoi les attribuer, se vit forcée de suspendre cette mission jusquà ce quelle eût reçu des informations plus rassurantes.
Lannée suivante, cinq prêtres de la même société furent mis à la disposition de la Propagande pour la mission dHaïti (Saint-Domingue), où 500 000 âmes remplies dexcellentes dispositions étaient et sont encore maintenant livrées comme une proie à quelques prêtres indignes accourus de différents diocèses de France, et dont la vie était un scandale permanent pour les habitants de ce malheureux pays. Mais le temps marqué dans les desseins de Dieu n était pas encore venu. Le gouvernement haïtien de cette époque était très-mal disposé ; ses exigences schismatiques obligèrent les missionnaires, à peine arrivés, de quitter le pays, laissant dans la consternation les pauvres habitants, qui avaient eu le temps dentrevoir en eux de vrais prêtres de JésusChrist.
Pendant ce temps, des renseignements exacts sur la Guinée firent connaître que ses côtes peuvent être habitées impunément par les missionnaires européens, moyennant les précautions exigées pour les climats tropicaux, et la congrégation du Saint Cur de Marie eut la consolation de reprendre cette mission vers le milieu de lannée 1845. Ce nouvel effort devait encore lui coûter cher : lun de ses trois premiers membres, M. Tisserant, nommé par la Propagande chef de la mission, périt avant darriver, dans le naufrage du Papin, le 8 décembre 1845. Au commencement de janvier 1847, Rome lui donna monseigneur Truffet pour premier vicaire apostolique, et lannée nétait pas finie, que déjà la société perdait ce pieux évêque, tiré de son sein, dont la mort fut occasionnée par laustérité de vie que son zèle et sa ferveur lui avaient inspiré dembrasser. Enfin le sacrifice de la vie de sept fervents missionnaires, accompagné des prières persévérantes de la congrégation et dun grand nombre dâmes pieuses, ont attiré les regards favorables de Dieu sur luvre des Noirs. En 1848, le Saint-Siège accorda à la congrégation deux évêques pour les deux Guinées et la Sénégambie. Ils ont eu le bonheur dorganiser enfin cette mission, depuis si longtemps abandonnée et si douloureusement éprouvée ; elle est désormais hors de tout danger et montre dès maintenant les plus belles espérances pour lavenir.
La société du Saint Cur de Marie ayant passé par toutes les épreuves auxquelles la divine bonté devait la soumettre, et acquis la consistance et laccroissement nécessaires, il sembla quil était dans les desseins de Dieu quelle accomplît son union avec la congrégation du Saint-Esprit, afin de perfectionner les différentes parties de luvre dont soccupaient les deux sociétés et den former une complète.
Toutes les difficultés qui, jusqualors, sopposaient invinciblement à cette fusion disparurent, et vers la fin de lannée 1848 sopéra la réunion de tous les membres de la société du Saint Cur de Marie à la société du Saint-Esprit. La congrégation conserve son ancien titre du Saint-Esprit et ses constitutions, qui se trouvaient en parfaite harmonie avec lesprit de la société du Saint-Cur de Marie, et laissaient intactes le règlement de vie et lorganisation des communautés de ses missionnaires.
Leur entrée dans la congrégation du Saint-Esprit na rien changé à leur conduite ; les constitutions de cette société, approuvées par le Saint-Siège, comme pleines de sagesse et de prudence, et très-propres à former les missionnaires, nen sont que plus parfaitement observées. En mémoire des grâces obtenues par le cur de Marie, linvocation de ce cur immaculé fut ajoutée au titre du Saint-Esprit, par un décret de la sacrée Congrégation de la Propagande.
Au mois doctobre 1848, Mgr Monnet, nommé depuis quelque temps vicaire apostolique de Madagascar, sest démis de sa supériorité, et M. Libermann a été élu supérieur par le suffrage unanime des membres des deux congrégations réunies.
Après avoir lu cet exposé de létat actuel de la congrégation, ceux qui auraient la pensée de sy dévouer désireront sans doute connaître sa fin et son genre de vie, les conditions quelle exige pour ladmission dans son sein et les uvres qui loccupent.
Son but est de se dévouer au salut des âmes les plus abandonnées ; la vie de ses membres doit donc être la vie apostolique, et ils doivent sappliquer à lacquisition des vertus qui lui sont propres.
Pour le perfectionnement de cette vie apostolique, pour la conservation de la ferveur dans ses missionnaires, et pour la stabilité et lextension de son uvre, la congrégation a pris, pour règle fondamentale et invariable, que ses membres vivront toujours en communauté. Dans les missions infidèles, où la réunion de communautés nombreuses est souvent difficile, ils seront toujours au moins deux ensemble. Dans les pays coloniaux ils naccepteront de cures ou de vicariats que dans le cas de nécessité, transitoirement, et toujours à la condition de vivre en communauté.
Ses membres ne sont pas obligés aux vux ; cependant ceux qui ont le désir de prendre avec Dieu des engagements indissolubles sont admis à les prononcer en particulier entre les mains du supérieur. Les uns et les autres sont astreints aux mêmes observances de la vie commune, aucune différence ne devant exister dans le genre de vie des membres de la congrégation. Lobéissance et la pauvreté sont pratiquées également par tous. La pauvreté consiste à ne rien avoir à sa disposition à soi appartenant ; les missionnaires doivent tout recevoir de la communauté, et ne disposer de rien sans permission. Ceux qui ont des biens patrimoniaux peuvent les conserver, à la condition quils ne puissent employer ni ces biens ni leurs revenus à leur propre usage, ni les distribuer en tout ou en partie de main à main.
Les conditions exigées des ecclésiastiques qui demandent à entrer dans la congrégation sont: une bonne santé, la science et le jugement pratique suffisants pour exercer les saintes fonctions dans les diocèses de France ; un désir sincère de se dévouer au salut des âmes; un bon caractère, si nécessaire pour se faire à la vie de communauté, et une bonne volonté pour lacquisition des vertus apostoliques et religieuses.
Avant dêtre admis dans la congrégation, chacun sera obligé de subir lépreuve du noviciat. Ceux qui viendront avant davoir fini leurs études ecclésiastiques resteront, dans notre séminaire spécial des postulants de la congrégation, le temps nécessaire pour terminer ces études, avant daller au noviciat.
Comme la congrégation est pauvre et quelle a besoin de ressources considérables pour soutenir ses uvres, elle désire que ceux qui se présentent puissent payer une pension pour le temps de leur séminaire et de leur noviciat. Cependant ceux qui seraient hors détat de la fournir seront admis gratuitement, pourvu quils aient les qualités voulues pour former de bons missionnaires. Les uvres auxquelles les membres de la congrégation sont employés sont les missions en pays infidèles, les missions spéciales des Noirs dans les colonies, le professorat et la direction dans le séminaire ou le noviciat de la congrégation, et dans le séminaire colonial ; et enfin, en Europe, quelque ministère auprès des pauvres pour servir dauxiliaires aux prêtres des paroisses dans les uvres que leur zèle peut difficilement atteindre.
Des uvres de la CongrÉgation
I. Missions infidèles. - Luvre la plus importante dont la congrégation se trouve chargée par la divine Providence est la mission des côtes occidentales dAfrique. Cette mission renferme les deux Guinées et la Sénégambie, y compris les rives du Sénégal. Son étendue le long des côtes est de onze cents à douze cents lieues ; lintérieur des terres est inconnu. On na pu, jusquà présent, évaluer le nombre de ses habitants ; mais il est certain quil dépasse de beaucoup le chiffre donné par les géographes. Cette immense contrée, où lEvangile est inconnu, demande des missionnaires fervents, dune grande abnégation, et disposés à sacrifier tout à la gloire de Dieu. Quoique, par suite des premiers malheurs, la mission soit organisée à peine depuis un an, elle donne déjà dheureux résultats et de très-grandes espérances. Les dispositions des populations sont excellentes ; partout les missionnaires sont reçus avec joie, et de tous côtés on les réclame avec instance. Ne pouvant suffire à ces demandes si nombreuses à cause du manque de missionnaires, nous nous sommes astreints, pour le moment, à noccuper que deux des positions les plus importantes, échelonnant les missionnaires par petites communautés dans un rayon suffisamment étendu pour embrasser le plus grand espace possible, et cependant assez resserré pour quil y ait facile communication entre eux. Dans ces deux établissements principaux, nous avons environ une cinquantaine denfants qui reçoivent linstruction élémentaire, chrétienne et profane ; et tous nos efforts tendent à disposer quelques-uns dentre eux à des études plus élevées, et à préparer ainsi un clergé indigène.
Nous navons encore, dans cette vaste mission, que trente-deux missionnaires et un certain nombre de Frères qui leur prêtent le secours de leurs services matériels. Nous y avons appelé aussi une communauté religieuse [8] et déjà quinze Surs sy occupent de l'instruction des filles et du soin des malades.
II. Missions coloniales. - Les membres de la congrégation qui seront dirigés dans les colonies vivront, comme leurs autres confrères, en communauté ; ils serviront de prêtres auxiliaires au clergé des paroisses, sous lautorité des supérieurs ecclésiastiques. Ils soccuperont spécialement des Noirs, sans laisser pourtant dêtre utiles au salut des Blancs toutes les fois quils le pourront. En lisant la notice sur les colonies, on se fera une idée des excellentes dispositions des Noirs, du bien qui a été fait par les membres de la congrégation à Bourbon et à Maurice, et des fruits abondants et déjà mûrs quon peut recueillir parmi eux avec la plus grande facilité.
III. uvres en Europe. - La congrégation a cru quil était conforme à la volonté de Dieu que, tout en travaillant à létranger au salut des âmes délaissées, elle nabandonnât pas les besoins des pauvres dans le pays où elle a pris naissance ; cependant la divine Providence ayant dirigé ses principaux efforts sur les missions étrangères, les uvres dEurope seront toujours la partie la moins importante de son but. Les règlements de la congrégation exigent quon nemploie à ces uvres que dune manière très-passagère les membres dont lattrait pour les missions étrangères est bien déterminé.
IV. Direction et professorat. - La congrégation verrait avec plaisir que, parmi les postulants, il se trouvât quelques jeunes ecclésiastiques aptes aux fonctions de professeurs et de directeurs de séminaire. Elle désire former des hommes spéciaux pour les différentes branches de la science ecclésiastique. A leur aptitude pour ses divers enseignements doivent se joindre la solide piété, le zèle, un caractère bon, affable, propre à leur donner de linfluence sur les élèves quils auront à diriger; et, enfin, la régularité et les vertus qui en fassent des modèles dans la communauté.
Comme le principe de leur vocation était le zèle pour le salut des âmes, ils pourront exercer ce zèle par un ministère extérieur ; toutefois, ce ministère sera assez modéré pour ne nuire en aucune manière à leurs fonctions dans lintérieur de la maison. Par ce moyen, les directeurs se maintiendront dans lesprit de leur vocation apostolique, et acquerront lexpérience nécessaire pour donner aux élèves des conseils utiles à leur futur ministère, et leur inspirer le zèle et les vertus du véritable missionnaire.
[1]. COULON, BRASSEUR, Libermann, p. 661-669.
[2]. ND, XII, p. 186, dans une lettre à Schwindenhammer du 7 mai 1850, p. 182-187.
[3]. ND, Compl.
p. 233-235.
[4].
Arch. CSSp 15-A-VI.
[5]. ND, Xll, p. 199 et 203.
[6]. ND, Xll, p. 215. Souligné par nous.
[7]. La critique interne (absence des
citations de la notice de M. Lannurien et référence à lexistence
dune notice sur les colonies à laquelle on renvoie et qui
nexistait pas encore lors de la rédaction de la première notice envoyée à Le
Vavasseur) permet de dire de ce texte quil sagit bien de la deuxième
rédaction de Libermann, non pas celle du 12-13 mai, mais celle de la fin mai dont il
parle dans sa lettre du 1er juin à Le Vavasseur (ND, Xll, p. 215). Depuis le séminaire de Viviers,
Le Vavasseur répondra à cette lettre de Libermann, le 15 juin: Si vous ne
mavez pas envoyé quelques exemplaires de la notice sur la congrégation,
expédiez-les moi à Toulouse, joignez-y quelques exemplaires de la notice sur les
colonies. Une centaine de chaque. (Arch. CSSp
15-A-VI).
[8]. Les Surs de llmmaculée Conception, de Castres.
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