Règle Provisoire 1845




A-V-E-R-T-I-S-S-E-M-E-N-T


L'édition du Père Cabon qui a été dactylographiée ici (N.D. II, 235-365) n'est pas une édition critique mais un libre remaniement qui s'inspire tantôt de la copie du P. Arragon (1844, Arch. spir. boîte no 16), tantôt de la Règle imprimée en 1845 et la variante négligée n'est pas toujours indiquée en note.
Le premier numéro de chaque article donne la numérotation continue telle qu'on la trouve dans la SYNOPSE. La seconde numérotation recommence à zéro au début de chaque chapitre comme dans les N.D..
Il convient donc, au besoin, de retourner à la SYNOPSE DES DEUX REGLES DE LIBERMANN, de A. Bouchard et F. Nicolas, Paris, 1968.REGLE PROVISOIRE DES MISSIONNAIRES DU TRES-SAINT COEUR DE MARIE.

Amiens, Imprimerie de Duval et Herment, Place Périgord, 1, 1845.<



TOUT A LA TRES-GRANDE GLOIRE DE NOTRE PERE CELESTE EN JESUS-CHRIST NOTRE SEIGNEUR, PAR SON DIVIN ESPRIT ET EN UNION AU TRES-SAINT COEUR DE MARIE.

PREMIERE PARTIE.
De la Congrégation des Missionnaires du Saint-Coeur de Marie, de sa fin et des moyens de l'atteindre.
CHAPITRE Ier.
DE LA CONGREGATION DES MISSIONNAIRES DU TRES-SAINT COEUR DE MARIE.

1 ART. I. - La congrégation des Missionnaires du très Saint-Coeur de Marie est une réunion de Prêtres, qui, au nom et comme envoyés de Notre-Seigneur Jésus-Christ, se dévouent tout entiers à annoncer son saint Evangile et à établir son règne parmis les âmes les plus pauvres et les plus délaissées dans l'église de Dieu. De là les articles qui suivent:
2 ART. II. - Ils doivent se considérer comme des Apôtres envoyés de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voilà pourquoi ils doivent porter profondément gravées dans leurs coeurs et annoncer partout les saintes maximes de son saint Evangile; faire connaître ses saints mystères et ses divines volontés à ceux qui les ignorent; attirer à lui les âmes qui se perdent et remplir d'amour et de sainteté ceux qui sont en bonne voie.
3 ART. III. - Ils ne perdront pas de vue que s'ils doivent établir l'amour et le règne de Jésus-Christ dans les autres, ils doivent à bien plus forte raison l'établir d'abord de la manière la plus solide et la plus parfaite dans leurs propres âmes.
4 ART. IV. - Leur divin maître les envoie vers les âmes les plus pauvres; aussi ne peuvent-ils entreprendre de missions que parmi celles qui sont les plus abandonnés et les plus délaissées.
5 ART. V. - Ils auront sans cesse devant les yeux qu'ils ont dévoués à ces pauvres âmes, se regardant comme leurs serviteurs, n'ayant de pensées, de désirs, d'occupation que pour leur salut.
6 ART. VI. - Ils doivent sans cesse s'estimer infiniment au-dessous et infiniment indignes d'une si grande vocation et absolument incapables d'en remplir les grandes et divines fonctions. Ils mettront toute leur confiance dans le maître qui les envoie et tâcheront de faire tout ce qu'ils pourront pour correspondre le plus parfaitement possible aux grands desseins de Dieu sur eux.
7 ART. VII. - Ils doivent vivre dans une grande union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ comme avec leur supérieur, leur père, leur souverain maître et leur chef. Ils se tiendront devant lui comme de bons disciples soigneux de l'écouter et de recevoir ses ordres en toutes choses. Ils lui obéiront avec foi et amour comme des enfants pleins du désir de lui être agréables en tout, et de le glorifier partout et toujours.
8 ART. VIII. - Leur vie sera une vie de foi, se tenant unis à Notre-Seigneur Jésus-Christ, ils le considéreront en toute chose comme la source, le principe et l'âme de toutes. Ils doivent l'aimer en toutes choses, et toutes choses en lui et pour lui.
9 ART. IX. - Sachant quelle est l'incompréhensible sainteté de cet adorable maître, ils doivent tendre de toutes leurs forces à la retracer en leur personne, imitant ses vertus au degré le plus
parfait et ne disant jamais: c'est assez, afin que les hommes soient obligés de reconnaître en eux et dans leur conduite celui qui les envoie, le très saint, très aimable, très doux Seigneur Jésus leur maître.
10 ART. X. - Ils doivent être tellement remplis de l'esprit de sainteté de cet adorable maître, et agir tellement sous l'influence de la grâce divine que la répandant par leurs paroles et leurs actions ils en remplissant tous ceux avec lesquels ils auront des rapports.
 
CHAPITRE II.
A QUI LA CONGREGATION EST-ELLE CONSACREE? QUELS EN SONT LES PATRONS?


11 ART. Ier - La Congrégation est consacrée en premier lieu à la très sainte Trinité, comme n'ayant d'existence que pour établir sa gloire dans ses propres membres et ensuite parmi tous les hommes avec lesquels ils seront en rapport, et surtout parmi ceux auxquels sa divine volonté les appliquera plus spécialement.
12 ART. II. - En second lieu nous appartenons et sommes entièrement consacrés à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous lui avons été donnés par son père pour l'oeuvre dont sa divine volonté nous occupe. C'est lui qui nous envoie dans cette portion de sa vigne; c'est lui qui nous communique sa grâce et sa puissance. Aussi, devons-nous travailler uniquement selon ses intentions et sous sa seule direction.
13 ART. III. - Ces deux premières consécrations sont essentielles à tout apostolat; mais ce qui nous distingue de tous les autres ouvriers qui travaillent dans la vigne du Seigneur, c'est une consécration toute spéciale que nous faisons de toute notre Société, de chacun de ses membres, de tous leurs travaux et entreprises au très Saint-Coeur de Marie, coeur éminemment apostolique et tout enflammé de désirs pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Nous le considérerons comme un modèle parfait du zèle apostolique dont nous devons être dévorés et comme une source abondante et toujours ouverte où nous devons le puiser. Nous y recourrons sans cesse avec la plus grande confiance, pour qu'il daigne épancher sur nous la tendresse maternelle qu'il ressent pour nous et nous obtenir une grande abondance de grâces pour nous et pour tous nos travaux.
14 ART. IV. - Nous tâcheront de ne pas laisser stérile et infructueuse cette triple consécration de nos âmes; elle sera le principe de notre conduite, nous ramènera sans cesse aux objets fondamentaux de toutes nos dévotions, et devra nous porter puissamment à faire adorer et glorifier partout l'adorable Trinité et Notre-Seigneur Jésus-Christ; à faire aimer, louer, bénir, honorer à jamais sa bien heureuse mère et son très saint et immaculé Coeur.
15 ART. V. - Nous prendrons pour patrons et protecteurs en premier lieu les deux grand Apôtres St.Pierre et St.Paul et nous y joindrons St.Jean comme l'apôtre du coeur de Marie aussi bien que du coeur de Jésus. Les premiers seront pour nous des modèles parfaits qui tout embrasés du zèle enflammé du coeur de Marie se sacrifient sans cesse pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, et nous montrent par là ce que nous devons être. - St.Jean nous apprendra de plus à être des enfants bien aimés de notre tendre mère et à puiser dans son coeur très saint le zèle ardent que Jésus-Christ y a répandu. Nous mettons St.Jean parmi nos protecteurs et au même rang que St.Pierre et St.Paul à cause de ses rapports intimes avec Notre-Seigneur et la très Sainte-Vierge; c'est l'apôtre des Saints-Coeurs de Jésus et de Marie.
16 ART. VI. - Nous aurons pour patrons secondaires tous les autres saints Apôtres, et nous les honorerons d'une manière spéciale. Nous aurons en outre une grande dévotion envers tous les hommes apostoliques qui ont travaillé avec grand zèle à la gloire de Dieu et salut des âmes. Chacun tâchera de s'attirer leur protection par la piété avec laquelle il célébrera leurs fêtes.
17 ART. VII. - Nous célébrerons de la manière la plus solennelle la fête du très Saint-Coeur de Marie et celle de son Annonciation, mystère qui est la source de tout ce que nous admirons dans son Coeur sacré. Celles de St.Pierre, St.Paul et St.Jean seront aussi très solennelles pour nous, mais de second ordre, et les fêtes des autres Apôtres, quoique solennelles aussi seront néanmoins d'un degré inférieur aux précédentes.
18 ART. VIII. - Quoique St.Joseph ne puisse pas être regardé comme notre patron n'ayant jamais exercé d'apostolat, il doit cependant être bien cher à chaque membre de la Congrégation, à cause des rapports intimes qu'il a eus avec Jésus et Marie, et parce qu'il a si bien mérité la tendresse du coeur de sa très sainte épouse. Nous devons l'invoquer comme notre protecteur et comme le modèle de la vie intérieure dont nous avons si grand besoin pour être de vrais Missionnaires selon le Coeur de Marie. On célébrera sa fête avec la même solennité que celles de nos premiers patrons.
 
CHAPITRE III.
QUELLE EST LA DESTINATION DE LA CONGREGATION ?

19 ART. Ier. - La Congrégation est destinée aux Missions étrangères et lointaines. Jamais aucun de ses sujets ne doit être retenu en Europe par le seul motif de l'y employer au salut des âmes; ce n'est que pour le bien de nos Missions que quelques uns peuvent y faire leur séjour.
20 ART. II. - On ne doit avoir dans les maisons d'Europe que le nombre qui est nécessaire pour le bien de l'oeuvre sans compter toutefois les anciens et les infirmes qui ne peuvent plus se rendre utiles dans les Missions.
21 ART. III. - Ceux qui sont ainsi employés dans les maisons d'Europe ne doivent pas oublier leur vocation à la vie apostolique. Ils doivent s'employer de toutes leurs forces (même les infirmes qui sont encore capables de quelque chose) à procurer la gloire de Dieu et le salut des âmes dans les endroits où ils se trouvent. Le tout cependant selon la sainte obéissance et sans jamais rien négliger de leurs occupations ordinaires pour le bien de l'oeuvre.
22 ART. IV. - Ceux qui seraient tellement infirmes ou si occupés dans la maison, qu'ils ne pourraient pas exercer le zèle à l'extérieur, doivent au moins pratiquer dans l'intérieur de la maison toutes les vertus propres aux Missionnaires de la Congrégation afin d'être toujours de vrais modèles pour les novices et un sujet d'édification pour le dehors.
23 ART. V. - Les Missions auxquelles la Congrégation doit s'appliquer seront parmi les plus pauvres, méprisés, dont les besoins sont très grands, et qui sont les plus négligés dans l'église de Dieu et parmi lesquels on peut espérer produire beaucoup de fruits.
24 ART. VI. - On n'abandonnera cependant pas une Mission commencée pour en entreprendre une autre qui aurait plus parfaitement ces conditions, à moins que par la grâce et la bénédiction de Dieu la première soit dans un si bon état qu'elle n'ait plus les conditions indiquées dans l'article précédent.
25 ART. VII. - La Mission que Notre-Seigneur nous donne maintenant est celle des noirs qui a éminemment les conditions sus-dites. La volonté divine paraît donc être que nous allions au secours de ces pauvres âmes. Nous ne nous occuperons d'aucune autre oeuvre jusqu'à ce que celle-ci n'ait plus les conditions qui nous y attirent.
26 ART. VIII. - Quoique toutes nos vues doivent se porter maintenant vers les noirs, cependant nos Missionnaires ne négligeront pas les autres habitants des pays, où ils seront employés, ils tâcheront de procurer le salut de tous ceux qui sont dans la voie de perdition, à condition toutefois que l'intérêt spirituel des noirs n'en souffrira aucun dommage.
 
CHAPITRE IV.
CE QUI DOIT FAIRE L'OCCUPATION SPECIALE ET CONTINUELLE DES MISSIONNAIRES POUR ATTEINDRE LA FIN POUR LAQUELLE NOTRE SEIGNEUR LES ENVOIE.

27 ART. Ier. - Etant envoyés par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour établir son règne dans les âmes, nous devons employer toute la force de notre zèle contre le péché mortel, en donner la plus grande horreur à tout le monde; et pour en délivrer ceux qui en sont infectés, recourir à tous les moyens que notre amour pour notre divin maître nous inspirera, et qu'une sainte prudence nous permettra de suivre. Nous devons aussi faire tous nos efforts pour éloigner du péché véniel et le rendre odieux.
28 ART. II. - Nous travaillerons encore de toutes nos forces à déraciner les vices et les habitudes mauvaises les plus répandues parmi les peuples confiés à nos soins. Tant que l'on n'aura pas détruit ces causes de péché, les âmes y seront toujours entraînées et y croupiront sans cesse.
29 ART. III. - L'ignorance étant la source principale des péchés et des vices grossiers dans lesquels vivent les peuples, nous devons avoir recours à tous les moyens possibles pour les éclairer. Aussi faut-il commencer toujours par réveiller et affermir en eux la foi en leur donnant une connaissance solide des dogmes de la religion, et en leur expliquant clairement les commandements de Dieu et de l'Eglise.
30 ART. IV. - Mais il ne faut pas s'en tenir là; il faut ensuite travailler à les sanctifier et pour cela tâcher de les remplir d'amour et de religion pour la personne adorable de Notre-Seigneur Jésus-Christ et pour tous ses saints mystères, faisant tout ce qui sera possible pour les leur faire connaître en détail et surtout ceux où éclate davantage sa charité pour nous.
31 ART. V. - Après l'amour et les sentiments de religion envers Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce qui peut les porter le plus efficacement à travailler à leur sanctification, c'est un amour tendre, vif et plein de confiance envers la très sainte Vierge. Nous nous efforcerons donc de les remplir de ces sentiments pour cette tendre mère leur expliquant et faisant goûter ceux de ses mystères qui fournissent les instructions les plus utiles à leur état, leur indiquant des pratiques de dévotion envers Marie, établissant, prudemment toutefois, des confréries. Nous donnerons surtout l'exemple de cette dévotion de la manière la plus forte, et nous ne parlerons jamais de la divine Vierge qu'avec des sentiments profonds d'amour et de vénération.
 
CHAPITRE V.
PREMIER MOYEN A EMPLOYER POUR SAUVER LES AMES.

LES MISSIONS.
I. Des Missions.
32 ART. Ier. - Les missions sont un des moyens les plus efficaces pour obtenir les effets qui sont marqués dans le chapitre précédent. Elles consistent dans une succession de prédications, d'instructions, de catéchismes et d'autres exercices de dévotion prolongés plus ou moins selon les besoins et les circonstances, mais toujours d'assez longue durée pour qu'elles produisent des effets de grâces solides et persévérants.
33 ART. II. - On n'entreprendra pas de missions sans y être autorisé par l'évêque ou par celui qui tient sa place dans le pays où l'on est, ni sans le consentement des curés du lieu où doit se donner la mission.
34 ART. III. - Les missions se feront soit par une communauté entière, soit par une partie de communauté, soit par la réunion de plusieurs membres tirés de différentes communautés, selon que le supérieur provincial le jugera convenable après avoir consulté le supérieur de la mission.
35 ART. IV. - Ils disposeront tout, quant au lieu et au temps, de telle manière que les peuples puissent venir commodément des environs et assister aux exercices.
36 ART. V. - Avant de commencer les missions, ils conviendront ensemble des choses principales sur lesquelles il faudra insister pour leur faire produire tout le fruit qu'on en peut attendre et pour établir solidement, par leur moyen, le royaume de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans les âmes.
37 ART. VI. - Dès l'ouverture des missions, ils s'appliqueront à les rendre intéressantes afin d'y attirer les peuples.
38 ART. VII. - L'ouverture de la mission étant faite, on commencera la série des premiers exercices qui seront contre le péché. On fera un certain nombre de sermons les plus forts et les plus frappants que l'on pourra, sur les grandes vérités, les fins dernières, la laideur du péché, les malheurs qu'il cause; on fera voir ce que nous devons à Dieu et ce que nous lui sommes. Les seconds exercices consisteront à faire voir les récompenses promises pour l'autre vie, à offrir des consolations et des encouragements qui ramènent d'une crainte salutaire à un commencement d'espérance et d'amour. Les troisièmes exercices consistent à présenter aux âmes les mystères de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin d'achever de briser les coeurs que la crainte aura déjà abattus, par une contrition pleine d'amour. Les quatrièmes exercices consistent dans une série d'instructions et de prédications solides sur les lois de Dieu, de l'église; la fréquentation des sacrements, sur la dévotion à Notre-Seigneur, à la très-sainte Vierge, à St.Joseph et aux autres saints.
39 ART. VIII. - On ne négligera pas le catéchisme des enfants qu'on fera autant de fois par semaine qu'il sera nécessaire pour les instruire à fond des vérités principales de notre sainte religion. On invitera les grandes personnes à y assister. On fera le catéchisme de la manière la plus simple et la plus propre à faire comprendre aux enfants les vérités qu'on leur annoncera. On prendra tous les moyens possibles pour les y attirer et les y intéresser. On excitera leur émulation pour bien étudier et bien apprendre, sans cependant rien faire qui puisse les porter à la vanité. Il serait bon d'engager les âmes pieuses et zélées à instruire les enfants de peu d'intelligence et ceux qui ne savent pas lire, afin de les rendre capables de profiter des instructions des Missionnaires.
40 ART. IX. - On déterminera chaque jour un temps convenable pour entendre les confessions. On confessera les femmes et les hommes séparément autant que faire se pourra.
41 ART. X. - Vers la fin de la Mission on fera une communion générale; il y en aura une pour les hommes à part et une autre pour les femmes. On les y préparera avec tout le soin possible et on tâchera de les remplir de ferveur par plusieurs exercices qu'on leur fera sur cette matière. Ces jours seront solennisés avec la plus grande pompe.
42 ART. XI. - Dans le cours de la Mission on profitera de plusieurs circonstances qu'on pourra facilement faire naître pour faire une fête et une cérémonie touchante et intéressante pour le peuple afin de lui faire impression et de le bien disposer. On fera aussi, si l'on peut, une procession du très Saint-Sacrement avec sermon sur ce divin Sacrement. A la fin on tâchera de planter une croix de Mission si on peut s'en procurer les moyens, ou on remplacera cette cérémonie par une autre très-solennelle.
43 ART. XII. - Dans ces Missions faites pour les noirs on peut de temps à autre faire des instructions pour les blancs. Ces instructions doivent leur être particulière et il serait bon qu'eux seuls y assistassent.
44 ART. XIII. - On entreprendra difficilement une Mission entière pour les blancs. Avant d'en entreprendre une, il faut examiner si cela ne nuirait pas au bien spirituel des noirs.
II. Règles pour les Missionnaires.
45 ART. I. - Tous ceux qui ont été désignés pour une Mission s'y prépareront par une retraite dont le temps sera déterminé par le supérieur suivant l'importance de la Mission. Quand elle sera achevée le supérieur prescrira encore un temps convenable de retraite pendant lequel on s'examinera sur les fautes qu'on aurait commises pendant la Mission afin de les réparer s'il se peut, et de les éviter une autre fois.
46 ART. II. - Le supérieur de la Mission choisira ses prédicateurs, et il les préviendra à temps pour qu'ils puissent bien se préparer, il leur dira pour cela d'avance les sermons qu'ils auront à prêcher. Il aura soin de distribuer aussi d'avance les autres fonctions.
47 ART. III. - Autant que possible ceux qui sont chargés de prêcher ne doivent point ou doivent peu confesser ni s'occuper d'aucune autre chose qui demande du temps ou de la réflexion afin qu'ils soient doucement recueillis et entièrement appliqués à leurs saintes fonctions.
48 ART. IV. - Les travaux de la Mission ne doivent pas empêcher de suivre la règle et de mener la vie de communauté. Le supérieur fixera les heures du lever, du coucher, des différentes parties du bréviaire, de l'oraison, de l'examen particulier, des récréations, des repas, pendant lesquels on fera la lecture si cela se peut.
49 ART. V. - Avant de commencer la Mission, lorsqu'on connaîtra un peu la disposition des choses et ensuite un jour dans chaque semaine le supérieur réunira les Missionnaires pour tenir conseil avec eux sur la Mission. Dans ces conseils seront observées avec soin toutes les règles tracées sur cette matière dans la troisième partie.
50 ART. VI. - Le supérieur aura soin de veiller sur les intérêts spirituels de chacun de ses Missionnaires, afin qu'ils conservent la paix, l'humilité, l'esprit intérieur. Ils donnera des avis pleins de douceur et de charité à ceux qui en auraient besoin. Il les avertira aussi des fautes qui concernent la Mission. Ces avertissements doivent être donnés en particulier.
51 ART. VII. - Il aura aussi grand soin de la santé de ses Missionnaires, ne les chargeant pas au-delà de ce qu'ils peuvent porter, et n'attendant pas pour les soulager qu'ils soient trop fatigués. Les Missionnaires doivent instruire avec simplicité leur supérieur de toutes les infirmités et de toutes les fatigues qui leur surviendront; puis ils n'auront plus qu'à se tenir en paix devant Dieu sur tout ce qui pourra leur arriver, sans plus s'en embarrasser.
 
CHAPITRE VI.
DEUXIEME MOYEN A EMPLOYER POUR SAUVER LES AMES.

DIVERS GENRES DE MINISTERE.
I. Des Stations.
52 ART. I. - Les stations consistent à demeurer un temps suffisant dans un canton déterminé pour instruire les pauvres gens dans notre sainte religion par des catéchismes réglés pour les enfants et des instructions suivies pour les grandes personnes.
53 ART. II. - Dans les instructions on visera:
1 A instruire les peuples dans les vérités de la religion en les développant et en les mettant bien à leur portée.
2 A leur apprendre les règles de morale pratique pour la conduite d'une vie solidement chrétienne.
3 A leur expliquer les sacrements dans tous les détails nécessaires, tâchant de les porter à les fréquenter souvent, et à s'y bien préparer. Ces instructions ne doivent pas être une sèche doctrine, mais elles doivent être rendues très-intéressantes, et faites avec une grande onction afin de faire bien goûter aux âmes les vérités qu'on enseigne.
54 ART. III. - Outre les instructions réglées on fera de temps en temps quelques sermons forts pour remuer les peuples, pour porter les pécheurs à la pénitence et fortifier les justes.
55 ART. IV. - Les catéchismes se feront à peu-près comme pendant les Missions. On exigera que les enfants qui savent lire, sachent la lettre de leurs leçons et on aura recours à tous les moyens que sait trouver le zèle pour bien instruire aussi ceux qui sont tout à fait ignorants et grossiers. On tâchera de gagner l'affection de ces enfants, de connaître le fond de leurs coeurs, d'arrêter leurs vices naissants, de les laisser enfin en état de grâce, et déterminés à vivre toujours chrétiennement.
56 ART. V. - Pendant que les Missionnaires seront ainsi occupés à instruire les peuples, ils exerceront parmi eux toutes les fonctions du saint ministère, comme confesser, diriger les âmes, visiter les malades, administrer les sacrements, ne faisant jamais rien toutefois contre ce qu'ils doivent à MM. les curés.
57 ART. VI. - Afin d'assurer davantage le succès des exercices de leurs stations, les Missionnaires, si les circonstances ne s'y opposent pas, donneront une retraite; ils choisiront pour la donner le temps qui leur paraîtra le plus favorable pour qu'elle produise tous les fruits qu'on en peut désirer.
58 ART. VII. - Pour être ainsi en station prolongée dans un endroit, ils doivent être toujours deux au moins, et vivre ensemble en communauté. Ils pourraient se partager le canton et prendre chacun son district pour y exercer les fonctions susdites. Ils ne doivent jamais être séparés l'un de l'autre plus de deux jours entiers, la nuit comprise. Ils seront ensemble pendant le jour quand leurs fonctions le leur permettent.
59 ART. VIII. - Lorsqu'ils auront été assez long-temps dans un quartier pour l'instruction du peuple et après qu'ils l'auront mis en bon état, ils en donneront avis à leur supérieur, lui faisant connaître le succès de leur ministère et se tiendront prets à quitter au premier ordre.
60 ART. IX. - Pendant que les Missionnaires se tiendront ainsi en stations et séparés de la communauté, ils s'avertiront avec une grande charité des fautes et imperfections qui se glisseront dans leur conduite et de tout ce qui pourrait produire en eux tant soit peu de relâchement.
II. Prédications, Retraites, Carêmes, Avents etc.
61 ART. I. - Une autre manière d'exercer le ministère, c'est de vivre en communauté et d'aller de là par ordre du supérieur prêcher et catéchiser dans le lieu où l'on est et dans les environs. Dans ce cas on n'ira prêcher ou exercer un autre ministère que d'une manière passagère et l'on reviendra de suite à la communauté.
62 ART. II. - Les communautés, dans le choix qu'elles font des lieux qu'elles doivent habiter, ne chercheront pas leur bien-être et leurs commodités, mais celles des pauvres âmes auxquelles nous sommes envoyés. On se fixera autant que faire se pourra, dans un endroit qui pourra être comme le centre d'une grande population noire et où ils peuvent venir facilement demander le secours de notre ministère.
63 ART. III. - Les Missionnaires, dans chaque communauté, dirigeront et confesseront les personnes de l'endroit où ils sont établis et des environs; ils exerceront parmi elles tous les ministères de la vie apostolique, sans aucun préjudice toutefois de ce qu'ils doivent à MM. les curés. Ils détermineront le temps et les lieux pour les confessions selon la plus grande commodité des peuples.
64 ART. IV. - Les Missionnaires pourront aussi aller prêcher des retraites, le carême, l'avent, selon les ordres du supérieur. Quand ces prédications devront durer quelque temps, on fera ce qu'on pourra pour les envoyer deux ensemble; et alors ils se conformeront aux règles prescrites pour les stations.
65 ART. V. - Enfin les Missionnaires de chaque communauté se livreront à toutes sortes d'autres ministères auxquels ils seront envoyés par nos seigneurs les Evêques, ou par MM. les préfets apostoliques ou pour lesquels MM. les curés les demanderont.
 
CHAPITRE VII.
TROISIEME MOYEN DE SAUVER LES AMES.
MINISTERE AUPRES DES PRETRES.
66 ART. Ier. - Nous regarderons la sanctification des prêtres comme un des points les plus importants de notre ministère. De là dépend le salut d'une foule innombrable d'âmes, ainsi que la solidité et la conservation du bien que nous pouvons faire parmi les peuples.
67 ART. II. - Nous aurons pour les prêtres qui sont placés dans les paroisses le plus grand respect et la plus grande affection comme envers des supérieurs que nous donne Notre-Seigneur Jésus-Christ.
68 ART. III. - Nous aurons soin de leur manifester ces sentiments dans toutes les rencontres. Nous les traiterons avec distinction leur cédant partout la première place. Nous leur parlerons et nous agirons à leur égard avec toute la déférence possible, même envers ceux dont la conduite serait répréhensible, à moins qu'il n'y ait à craindre du scandale.
69 ART. IV. - Dans les services qu'ils nous demanderont, nous serons toujours disposés à les bien recevoir. Nous ne leur manifesterons jamais aucun mouvement d'humeur ou de mécontentement quand ils auront à notre égard des manières grossières ou qu'ils se rendront importuns, ni de l'indifférence envers ceux qui seront ignorants ou qui ne se conduiront pas selon la sainteté ou la dignité de leur état; ni en général aucun autre sentiment qui puisse tant soit peu leur faire de la peine, quelque soit le défaut qu'on observe en eux. On aura au contraire dans tous ces rapports avec eux la plus grande modestie, la plus grande humilité, charité, affabilité, le tout sans affectation et avec simplicité.
70 ART. V. - On aura une charité et une prévenance encore plus grande envers ceux des prêtres qui nous persécuteraient, ou nous causeraient du tort; on n'en parlera jamais en mal, même entre soi; on n'en paraîtra jamais mécontent et on ne s'en plaindra jamais à personne, mais on fera tous les efforts possibles pour les aimer d'un amour intérieur et cordial; on leur rendra tous les services qu'on pourra. Si cependant ils nuisaient à notre ministère, on prendrait les moyens convenables pour détruire les mauvais effets qu'ils auront produits; mais nous nous y prendrons toujours en cela avec la plus grande charité, de la manière la moins offensante pour eux, et avec les précautions nécessaires pour ne pas leur nuire à leur réputation non plus.
71 ART. VI. - Ils tâcheront, par leurs paroles et par leurs exemples, d'inspirer aux fidèles la plus grande docilité à l'égard des prêtres et surtout de leurs curés. Ils en parleront toujours favorablement, et ne manifesteront jamais devant les fidèles du mécontentement touchant la conduite de ceux dont la vie ne répondrait pas à la sainteté que demande leur état. Ils feront ressortir les bonnes qualités de ceux qui sont bons et excuseront autant que possible, la conduite de ceux qui sont mauvais, à moins qu'il puisse en résulter du scandale.
72 ART. VII. - Ils auront avec eux des rapports très-fréquents, mais ces rapports doivent être tout spirituels. Ils n'iront cependant les voir qu'autant qu'il le faut pour leur manifester le respect et la déférence qu'ils ont pour eux et pour entretenir des rapports bienveillants avec eux. On tâchera plutôt de les gagner et de les attirer chez nous afin de leur faire le bien sans risquer de nous nuire à nous-mêmes. Lorsqu'on est chez eux, ne jamais prendre part à leurs jeux ni à leurs amusements frivoles. Prendre garde cependant d'en donner des marques de désapprobation. On ne mangera pas chez eux sans nécessité, et l'on se tiendra à ce qui est prescrit touchant la nourriture.
73 ART. VIII. - On leur rendra tous les services que l'on pourra avec toutes sortes de bonté et de complaisance, toujours cependant sans affectation. On ne doit jamais laisser passer une occasion de les obliger, surtout lorsqu'il s'agit de les aider dans leurs fonctions saintes. Cependant rien de tout cela ne doit être fait aux dépens de la règle et de l'esprit de piété.
74 ART. IX. - On les engagera à venir souvent faire des retraites dans nos maisons, même chaque année si cela se peut. On les recevra avec beaucoup de prévenance quand ils viendront en faire; on leur donnera la nourriture de la communauté, y ajoutant seulement quelque chose pour eux. On ne leur fera rien payer pour cela; si cependant ils veulent faire une aumône à la maison on la recevra de peur de leur faire de la peine. On tâchera, lorsque la chose sera possible, d'en réunir plusieurs pour leur donner ensemble les exercices de la retraite et les instructions qu'on a coutume de faire dans ces circonstances. S'ils sont en si petit nombre qu'on ne puisse pas leur donner ces exercices, le supérieur chargera quelqu'un de leur donner les méditations et les lectures convenables et de les suivre pendant leur retraite.
75 ART. X. - On tâchera de saisir toutes les occasions pour être utiles à leurs âmes, sans affectation cependant afin de ne pas leur faire de la peine. On les accueillera avec grande complaisance quand ils viendront demander conseil sur leur ministère ou sur quoi que se soit. On les soutiendra, consolera, encouragera dans leurs peines et leurs difficultés, et l'on exercera à leur égard tous les ministères qu'une charité pleine de respect peut produire.
76 ART. XI. - Lorsqu'on entreprendra une mission ou qu'on exercera un autre ministère dans leurs paroisses, il faudra ne le faire qu'avec leur consentement qu'on leur demandera très-humblement après avoir reçu l'ordre du supérieur ecclésiastique du pays, d'exercer ce ministère. Pendant tout le temps qu'on demeure dans une paroisse pour exercer ainsi une fonction, il faut redoubler de respect envers le curé comme envers son supérieur.
77 ART. XII. - Lorsque malgré les ordres reçus et malgré les moyens charitables employés pour obtenir le consentement du curé, celui-ci ne veut cependant pas nous recevoir, on en donnera avis au supérieur ecclésiastique dont on avait reçu l'ordre d'aller dans cette paroisse, et l'on ne pourra passer outre qu'autant qu'il en témoignera un désir formel. Ce sera au supérieur de la province, et en son absence au supérieur de la communauté, à bien examiner devant Dieu ce qu'il y aurait à faire dans ces rencontres difficiles, afin d'éviter toute démarche qui puisse tourner au désavantage des âmes.
CHAPITRE VIII.
QUATRIEME MOYEN QUE PEUT EMPLOYER LA CONGREGATION POUR SAUVER LES AMES.

CLERGE INDIGENE.
78 ART. Ier. - Les missionnaires du Saint-Cœur de Marie, quand ils sont fixés dans un pays, doivent faire leur possible pour y établir un clergé indigène.
79 ART. II. - Ils tâcheront pour cela de procurer la facilité de faire des études convenables à des enfants qu'ils auraient lieu de croire propres à l'état ecclésiastique, sans toutefois se charger eux-mêmes de leur enseigner les lettres de peur que cela n'absorbe le temps si précieux des missionnaires. Tous leurs soins auprès de ces enfants jusqu'à ce qu'ils soient capables de commencer la théologie, devront se borner à former leurs cœurs à la piété cléricale.
80 ART. III. - Ayant donc ainsi par ce moyen ou tout autre, des jeunes-gens capables de commencer l'étude de la théologie, on établira une maison pour les former à l'esprit sacerdotal et les préparer aux fonctions sacrées sous la conduite de quelques uns de nos missionnaires les plus fervents et les plus intérieurs. Cette maison sera sous l'autorité absolue du vicaire ou préfet apostolique.
81 ART. IV. - On fera une règle pour ces maisons, qui aura pour but d'assurer les fruits qu'on désire qu'elles produisent et de conserver dans ceux des missionnaires qui en auront la direction l'esprit qui doit nous animer.
82 ART. V. - Quand cette règle sera faite, elle sera examinée, s'il est possible, par trois Missionnaires demeurant dans le pays même où la maison doit être érigée. Ce sera le supérieur de la Congrégation qui les nommera, et ils doivent lui transmettre leurs observations afin qu'il puisse déterminer définitivement ce qu'il y aura à observer. On montrera ensuite au supérieur ecclésiastique du pays la règle pour les jeunes gens, et en fera par rapport à cette règle ce qu'il jugera convenable.
83 ART. VI. - Aucun supérieur local ne doit entreprendre une maison semblable ni aucune chose importante en ce genre, avant d'en avoir prévenu d'abord le supérieur de la Congrégation et d'avoir reçu ses ordres.CHAPITRE IX.
QUELQUES REGLES DE CONDUITE A TENIR ENVERS CEUX QUE NOUS DEVONS EVANGELISER.
84 ART. Ier. - Le principe de toute notre conduite à l'égard des pauvres âmes auxquelles nous sommes envoyés, sera un amour tendre, fort et compatissant, un désir ardent de procurer leur salut et de les sanctifier; et pour cela un dévouement et une vie de sacrifice continuel, ne nous donnant ni soulagement ni repos que nous leur ayons procuré ces grâces.
85 ART. II. - Par un effet de cet amour tout céleste les Missionnaires ne laisseront échapper aucune occasion de leur faire du bien non-seulement spirituel, mais encore temporel, et cela dans la seule vue de les porter à Dieu et de les sauver.
86 ART. III. - Ils auront un soin et une tendresse sainte et toute particulière pour les plus pauvres et les plus malheureux selon le monde. Ils les traiteront avec une bonté et une prédilection très-grande. Ils leur procureront tous les secours et les soulagements qu'ils pourront sans trop examiner s'ils le méritent ou non. Ils s'entretiendront souvent avec eux, les visiteront fréquemment dans leurs pauvres réduits et ne laisseront échapper aucune occasion de les instruire dans les vérités saintes, et de les rendre meilleurs. Ils emploieront les moyens qu'ils jugeront les plus propres pour leur faire fréquenter les sacrements et pour les aider à s'y bien préparer. Ils les combleront et enrichiront autant qu'ils pourront de toutes sortes de biens spirituels.
87 ART. IV. - La visite des malades sera encore une de leurs plus grandes et plus tendres sollicitudes apostoliques. Ils les consoleront, fortifieront et encourageront autant qu'ils pourront. Ils rendront aux plus pauvres tous les services même les plus pénibles et les plus dégoûtants. Ils feront tout cela avec cordialité, avec gaîté de cœur et d'esprit. Ils tâcheront de procurer aux pauvres quelques moyens de soulager leur misère. Dans les maladies mortelles ils doivent prendre leurs mesures pour procurer à ces pauvres gens l'avantage de recevoir les derniers sacrements et ils prendront garde de trop attendre pour les y préparer. Dans les maladies ordinaires ils tâcheront de faire approcher le malade du sacrement de pénitence et lui procureront les autres avantages spirituels qu'il pourra recevoir dans sa maladie.
88 ART. V. - En général ils auront une tendresse et une compassion très-grande envers les affligés, ils apporteront à leurs peines tous les soulagements et toutes les consolations qu'ils pourront. Ils se reprocheront comme une grande faute la moindre négligence qu'ils auraient mise à donner le secours et la consolation à une âme affligée par la pauvreté, la maladie, ou par toute autre peine.
89 ART. VI. - Ils seront les avocats, les soutiens et les défenseurs des faibles et des petits contre ceux qui les oppriment. C'est dans toutes ces circonstances que la grande charité et la puissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ doivent se développer dans leurs âmes. Toute leur conduite cependant doit toujours être présidée par une douceur et une prudence toute sainte que leur maître leur communiquera s'ils sont fidèles.
90 ART. VII. - Leur manière d'agir avec ces pauvres âmes dans tous leurs rapports avec elles, sera simple, douce, cordiale; ils seront pour elles d'une charité et d'une bonté toute paternelle. Ils leur manifesteront le plus grand intérêt dans toutes les circonstances. Ils seront toujours prêts à les écouter avec bonté, n'en repousseront, n'en négligeront aucune; ils leur répondront avec charité, mais le tout sans affectation et par l'effet d'un amour ardent pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, représenté dans ces pauvres âmes.
91 ART. VIII. - Ils éviteront comme des défauts détestables toutes les manières hautaines, dédaigneuses, moqueuses, indifférentes et autres de ce genre qu'on est si porté à prendre envers les gens de la dernière classe et envers ceux qui sont généralement méprisés. Au contraire plus ces pauvres gens seront abjects et méprisés parmi les hommes, plus notre coeur sera ému de tendresse et de compassion pour eux. Plus ils sont maltraités par les autres, plus nous les traiterons avec bonté et avec attention.
92 ART. IX. - Ils supporteront avec patience, avec douceur et bonté les grossièretés, les défauts et les vices même de ces pauvres gens. Etant pleins d'une sainte et tendre compassion pour eux à la vue de leurs misères et de leur abaissement, ils tâcheront de les guérir avec douceur et avec tendresse de tous les maux qui les accablent. On ne laissera cependant jamais faire le mal sans le désapprouver et le même avec sévérité, lorsqu'on prévoira que la douceur n'y ferait rien et que la sévérité pourra être utile.
93 ART. X. - En général les Missionnaires doivent tâcher de gagner l'affection et la confiance de ces pauvres âmes par cette conduite saintement charitable. Cependant ils doivent prendre garde que leur charité et leur douceur ne dégénèrent en faiblesse envers ceux qui ne pourront être corrigés par la douceur, il faut employer la sévérité et même le rigueur, mais la passion ne doit jamais y paraître. Il faut que ceux que l'on reprend voient même au milieu de notre sévérité que nous les aimons, et que c'est pour cela que nous les reprenons.
94 ART. XI. - On doit prendre garde aussi de ne pas se familiariser avec eux. C'est pourquoi il faut toujours que notre douceur soit pleine de gravité et de réserve; il faut que l'on ait toujours un grand pouvoir et une grande autorité sur leur esprit. Cela est absolument nécessaire si l'on ne veut pas causer la ruine de son ministère auprès de ces âmes grossières et sans culture. Seulement il faut faire attention à ce que cette autorité et cette gravité soient paternelles, toutes en Dieu, et ne dégénèrent pas en hauteur et en affectation.
95 ART. XII. - On étudiera avec soin leurs caractères, on examinera aussi les penchants de leurs cœurs, leurs inclinations, leurs affections; par là on parviendra à connaître leurs vices et les principes d'où ils proviennent. Par là aussi on se mettra à même de prendre les vrais moyens d'acquérir de l'autorité sur leur esprit, de trouver facilement entrée dans leurs cœurs, de gagner leur confiance et leur affection.
96 ART. XIII. - Ils s'efforceront de donner une sainte énergie à ces pauvres âmes, d'élever leurs sentiments et de les tirer par les pensées de la foi des vues basses et abjectes où elles se tiennent elles-mêmes et qui sont souvent cause qu'elles se livrent sans retenue à beaucoup de vices. On prendra garde cependant de les jeter dans l'excès opposé, dans l'orgueil, le libertinage de l'esprit et l'insubordination.
97 ART. XIV. - On fera tout ce qu'on pourra pour établir entre les riches et les pauvres, les blancs et les noirs, cette charité chrétienne qui fait que tous les hommes se considèrent comme frères en Jésus-Christ, afin d'éteindre par là les mépris et l'indifférence d'une part, les jalousies et les haines de l'autre. Mais il faut une grande prudence en cela pour ne pas tout perdre.
 
 
 
DEUXIEME PARTIE.


De la constitution ou de l'état spirituel de la Congrégation des Missionnaires du Saint-Coeur de Marie.
De l'esprit avec lequel elle doit vivre et exercer ses saintes fonctions.

CHAPITRE Ier.
DE LA CONSTITUTION OU DE L'ETAT SPIRITUEL DE LA CONGREGATION EN GENERAL.

98 ART. Ier. - Trois choses constituent l'état spirituel de la congrégation: la vie de communauté, l'apostolat et l'esprit de religion qui doit être l'âme de la vie de communauté et de l'apostolat.
99 ART. II. - La vie de communauté est une vie de société, de régularité et d'obéissance aux supérieurs. L'apostolat consiste à se donner tout entier au salut des âmes sans avoir un poste fixe. L'esprit de religion veut qu'on abandonne entièrement tout intérêt propre, et qu'on consacre tout son être à la seule gloire, au seul bon plaisir et au seul intérêt de Dieu.
100 ART. III. - Quoique l'esprit de religion, la stabilité et le bien spirituel de la Congrégation donneraient à désirer que nous fissions les trois vœux accoutumés, cependant les circonstances obligent la Congrégation à se priver d'un si grand bien, et à n'y astreindre aucun de ses membres.
101 ART. IV. - Toutefois pour que les Missionnaires fervents et pleins de saints désirs ne soient pas privés d'un si grand bonheur, il sera permis à chaque membre de faire les vœux aux conditions suivantes:
1 Que ce soit du consentement et entre les mains du premier supérieur si cela se peut facilement, ou avec le consentement du supérieur de la province dans laquelle se trouvera le Missionnaire qui manifeste ce désir; et alors on en doit donner avis aussitôt au supérieur de la Congrégation. Les supérieurs sont exhortés à ne pas se rendre difficiles à donner cette consolation à ceux qui la demandent à moins que des raisons graves ne s'y opposent.
2 Ces vœux ne doivent être faits qu'à la condition que le supérieur de la Congrégation pourra les résoudre quand il le jugera à propos.
3 Ils doivent être faits à l'insu des autres Missionnaires, et le secret en sera gardé tout le temps de la vie.
102 ART. V. - Pour suppléer aux vœux, chaque Missionnaire fera avant de sortir du noviciat l'acte de consécration indiqué en son lieu. Personne ne doit jamais être envoyé en Mission sans avoir fait cette consécration.
 
CHAPITRE II.
DE LA PAUVRETE.

103 ART. Ier. - La Congrégation en général, et chacun de ses membres en particulier pratiquera aussi parfaitement que possible la pauvreté évangélique en toute chose afin de s'enrichir des grâces et des dons de Dieu.
104 ART. II. - Ceux qui possèdent des biens de la terre ne peuvent être envoyés en Mission qu'après qu'ils auront au moins ÿ l'usage de ces biens. S'ils ne s'en dépouillent pas entièrement, ils doivent prendre au moins si bien leurs mesures qu'ils n'aient plus à s'en occuper par la suite.
105 ART. III. - Personne n'aura rien en propre à lui appartenant, mais tout ce qui est à l'usage des Missionnaires doit leur être fourni par la communauté dont ils font partie. Ils seront entièrement détachés de ces objets et toujours prêts à les rendre avec satisfaction aussitôt que leur supérieur jugera à propos d'en disposer.
106 ART. IV. - Ils souffriront avec amour les privations qui proviendraient de la pauvreté, même celles qui seraient l'effet d'un oubli de la part des supérieurs. Cependant, dans ce dernier cas, s'il en pouvait résulter du mal pour la santé ou quelqu'autre grave inconvénient, ils doivent prévenir qui de droit.
107 ART. V. - On fera profession d'une grande pauvreté en tout ce qui sera à l'usage de la Congrégation et de ses membres. On évitera en toute chose tout ce qui approche du luxe ou de la superfluité.
108 ART. VI. - La nourriture doit être commune et pauvre, se rapprochant le plus possible de celle des peuples au service desquels notre Seigneur nous emploie; cependant il faut qu'elle soit saine, substantielle et convenable.
109 ART. VII. - Leurs habits ainsi que les meubles de leurs logements seront simples et pauvres. Lorsqu'ils seront obligés d'être hors communauté ils tâcheront de se faire loger toujours le plus pauvrement qu'il sera possible, et à peu-près comme sont logés les pauvres peuples auxquels ils doivent leurs services.
110 ART. VIII. - On n'aura jamais non plus de jardin d'agrément, mais tout ce qui s'y trouve doit tendre à l'utilité pour les Missionnaires; on doit y éviter même toute symétrie qui sent la recherche et le pur agrément. En cela comme en tout le reste on ne doit pas avoir d'objet de rareté ou de curiosité afin que tout soit toujours dans un état commun et pauvre.
111 ART. IX. - On aura soin de ne pas se laisser aller au désir de posséder des livres curieux et en grand nombre. On ne doit jamais avoir dans la maison des livres superflus, mais seulement ceux qu'exigent les besoins ordinaires de notre état. Voici ceux qu'on peut avoir:
1 L'Ecriture Sainte avec des commentaires pieux, pas de commentaires savants, sinon pour le besoin.
2 Des SS.Pères, les plus utiles et les plus capables d'inspirer la ferveur et de former à la prédication véritablement apostolique.
3 Les théologies les plus solides et les plus nécessaires pour instruire des choses qui tiennent à notre état; pas beaucoup d'auteurs, mais seulement quelques uns des meilleurs dont on pourrait avoir plusieurs exemplaires si besoin en était.
4 Quelques auteurs de droit canonique, les meilleurs et en petit nombre.
5 Quelques sermonnaires, non les plus beaux et les mieux écrits, mais les plus fervents et les plus apostoliques.
6 Quelques vies de Saints, surtout celles qui sont faites de manière à inspirer la dévotion et la ferveur. Les vies d'hommes intérieurs et apostoliques doivent être préférées à toutes les autres.
7 Quelques livres ascétiques les plus solides et les plus capables de porter à le perfection, ceux qui inspirent et entretiennent la dévotion dans le cœur. Tout autre genre de livres doit être banni de la bibliothèque à moins qu'on en ait un besoin réel.
112 ART. X. - Les particuliers ne peuvent avoir de livres que pour les besoins du moment, ils les rendront dès qu'ils ne leur seront plus nécessaires.
113 ART. XI. - Les Missionnaires ne peuvent jamais recevoir de don; si on veut leur en faire pour la communauté, ils ne le recevront qu'avec la permission du supérieur à qui ils le remettront aussitôt.
114 ART. XII. - On ne recevra pas d'honoraires de messes plus de trois fois par semaine sans un besoin absolu pour la subsistance de la communauté. Pour les autres fonctions sacrées on n'acceptera jamais rien même à titre d'aumône.
115 ART. XIII. - Lorsqu'une nécessité absolue exigera qu'on accepte des honoraires de messes, ce doit être le sacristain dans les communautés, et quand on sera en station le supérieur de station qui seuls pourront les recevoir. Les autres membres de la Congrégation, à qui on en offrirait, doivent renvoyer à ceux-là.
116 ART. XIV. - Leur grande ressource pour leur subsistance dans les pays où ils travaillent sera la providence divine. Cependant les communautés peuvent accepter ce qui est nécessaire pour leur entretien, et un médiocre superflu pour les besoins extraordinaires qui pourraient survenir dans l'année. Elles ne doivent rien recevoir ni posséder de plus; la nourriture et le vêtement c'est tout ce dont nous avons besoin dans nos maisons.
117 ART. XV. - L'argent qu'on aura de reste ne pourra jamais être employé à des superfluités, comme embellissements, agrandissements inutiles de maison et autres choses qui ne seraient pas d'une nécessité réelle.
118 ART. XVI. - Le supérieur de chaque maison établira dans sa communauté un conseil d'aumôniers qui sera chargé de la caisse des bonnes oeuvres, et le président de ce conseil tiendra cette caisse. Tout le superflu de l'argent destiné à la dépense de la communauté et tous les dons et aumônes que recevront le supérieur et les autres missionnaires seront versés dans cette caisse. Quand un missionnaire aura besoin d'argent pour les pauvres ou pour quelque bonne oeuvre, il en demandera aux aumôniers. L'économe ne pourra jamais être de ce conseil. Lorsque les circonstances ne permettront pas d'avoir plusieurs aumôniers, il en nommera toujours au moins un.
119 ART. XVII. - Le président des aumôniers, aidé de son conseil, sera chargé d'examiner, tous les trois mois, les comptes de l'économe, que celui-ci devra lui remettre avec le superflu de la somme qui était destinée pour la dépense de ces trois mois. Le président du conseil d'aumôniers fera part ensuite au supérieur des observations de son conseil sur les comptes de l'économe et en même temps il lui rendra un compte exact de l'emploi des sommes qu'il aura tirées de la caisse des bonnes oeuvres et de plus il lui spécifiera les principales aumônes que lui et les autres aumôniers auront faites par eux-mêmes.
120 ART. XVIII.- Les aumôniers doivent toujours conserver dans leur caisse une somme suffisante pour nourrir la communauté pendant deux mois, et ils ne pourront disposer de cette somme qu'avec la permission du supérieur. Par là on sera à même de subvenir aux besoins pressants de la communauté s'il en survenait d'imprévus et ce sera aussi une petite réserve pour les cas extraordinaires où pourrait se trouver quelque pauvre.
121 ART. XIX. - On prendra garde de ne pas faire souffrir les pauvres pour l'embellissement de l'église et des chapelles de la maison. On y entretiendra cependant la plus grande décence et la plus grande propreté. On ne mettra pas de luxe dans les ornements qu'on y fera; mais on pourra accepter les présents d'éclat qui y seront faits, ou les ornements que des âmes charitables voudraient se charger d'y faire.
122 ART. XX. - Ceux qui viendront se donner à Dieu dans la Congrégation pourront disposer de leur bien selon leur bon plaisir, et ils seront tout aussi bien vus, aussi bien traités lorsqu'ils n'apportent rien ou lorsqu'ils disposent de leur bien en faveur de quelqu'autre œuvre, que s'ils l'avaient donné à nos Missions; comme aussi ceux qui en donneront ne seront en rien mieux traités que les autres. On acceptera ce qu'ils donneront, et on en disposera selon leurs intentions. Mais jamais aucun membre de la Congrégation ne doit parler ou agir en quelque manière que ce soit, pour engager directement, ou indirectement à faire des dons de ce genre. Il faut laisser la grâce de Dieu agir seule et pleinement dans les âmes.
123 ART. XXI. - Les missionnaires du Saint-Cœur de Marie ne doivent pas se contenter de la pratique extérieure de la pauvreté mais ils s'y attacheront de cœur et d'affection. Ils n'estimeront pas les choses riches et éclatantes et ne s'y complairont pas. Ils ne se laisseront influencer en rien par les riches et les grands du monde. Ils n'auront pour eux aucune complaisance, assiduité ou flatterie indigne de leur état. Ils se conduiront cependant avec prudence à leur égard, et rendront à chacun les honneurs qui sont dûs à son rang et à sa position dans le monde.
124 ART. XXII. - Ils ne craindront pas que leur pauvreté paraisse aux yeux des hommes. Ils éviteront de manifester de quelque manière que ce soit qu'ils sont nés riches ou aisés, et qu'ils ne sont réduits à cette médiocrité, que par leur volonté et pour plaire à Dieu, à moins que ce ne soit pour éviter le scandale des âmes grossières et ignorantes dans les choses divines.
 
CHAPITRE III.
DE LA CHASTETE.

125 ART. Ier. - La vertu de chasteté combat tous les penchants et toutes les inclinations du cœur qui viennent de la concupiscence de la chair, et elle tend à établir dans notre âme l'amour pur et chaste dont était rempli le cœur de Marie pour son divin fils. Cependant dans son obligation stricte et rigoureuse, elle consiste à combattre et à éviter ce qui constitue proprement le péché de la chair.
126 ART. II. - Pour conserver ce précieux trésor nous devons être toujours dans l'appréhension et la défiance de nous-mêmes; par la considération de notre extrême fragilité et de la multitude des dangers qui nous environnent. Nous serons en garde contre notre propre faiblesse même quand ces dangers sont éloignés.
127 ART. III. - Les missionnaires éviteront soigneusement la paresse et l'oisiveté, de peur que l'ennemi ne vienne les attaquer en les trouvant désoeuvrés.
128 ART. IV. - Ils éviteront toutes les manières lâches et molles; ils auront la plus grande modestie dans leur tenue, dans leur démarche, dans leurs gestes, et dans toutes leurs manières d'être, même quand ils sont seuls.
129 ART. V. - Ils veilleront avec le plus grand soin sur leurs sens afin de ne pas laisser blesser leurs cœurs par les traits impurs de la concupiscence, ni leur imagination se salir par ses fantômes.
130 ART. VI. - Ils priveront leur corps de toutes les délicatesses dont usent les hommes charnels pour la satisfaction des sens. Ils seront sobres dans l'usage nécessaire des créatures, et se conserveront toujours maîtres de leurs sens, non seulement lorsqu'ils seront en communauté où ils ne peuvent pas se procurer les vaines satisfactions des hommes sensuels, mais surtout quand ils seront hors de la communauté, où les commodités et les douceurs que recherche la nature leur seront offertes.
131 ART. VII. - Ils veilleront aussi avec un soin très-grand sur leurs sens intérieurs pour leur refuser toute espèce de satisfactions qui peuvent tant soit peu amollir l'âme. Ils éloigneront de leur esprit toute curiosité en général, mais principalement celles qui peuvent directement ou indirectement exposer la sainte vertu de pureté, et généralement ils en banniront tout ce qui peut les rendre mous, languissants et faibles. Ils s'établiront surtout saintement et solidement dans la sobriété du cœur, ne se laissant jamais aller à ces tendresses, ces affections, ces goûts, ces jouissances ou satisfactions humaines, qui, lors même qu'elles ne paraissent pas envenimés par la mauvaise concupiscence sont toujours incompatibles avec la pureté de l'amour divin dont ils doivent être embrasés.
132 ART. VIII. - Surtout ils veilleront avec le plus grand soin et avec la plus grande attention sur leur cœur et sur ses affections dans leurs rapports avec les personnes du sexe et particulièrement avec celles qui professent une haute piété. Quand on se sentira une affection pure et pieuse pour ces personnes à cause de leurs vertus et bonnes qualités, on devra redoubler de crainte, de vigilance et de défiance de soi; tellement veiller sur la faiblesse de son cœur qu'on ne se laisse jamais aller à ses penchants pour ces sortes d'affections, veiller tellement sur son esprit qu'il ne s'occupe jamais de ces personnes. On doit éviter de manifester ce sentiment en quelque manière que ce soit, mais se tenir dans la plus grande sobriété et la plus grande réserve dans ses paroles, dans toutes ses actions et dans ses manières.
133 ART. IX. - On ne cherchera pas non plus en aucune façon à s'attacher les autres, surtout les personnes du sexe. On tâchera de se tenir toujours pur, libre et dégagé de tout lien, tâchant de n'aimer et de ne faire aimer que Jésus et Marie.
134 ART. X. - Dans les rapports avec les personnes du sexe, on aura une tenue modeste, des manières graves, un ton doux et modéré, l'action et la parole paisible et très- réservée; on doit avoir avec elles le moins de conversations inutiles que l'on peut; on doit leur parler de ce qui peut servir à leur salut. Il ne faut rester avec elles que le temps qu'exige leur bien spirituel. Jamais on ne doit se permettre avec elles de plaisanteries quelconques, jamais de gestes déréglés, d'éclats de rire, de mouvements vifs et précipités, mais tout en nous doit être grave et composé, sage et paisible. Il ne faut cependant pas prendre un air austère, des manières dures ou brusques, un ton sec ou indifférent. Il faut qu'une douce charité soit l'âme de cette sainte gravité.
135 ART. XI. - Les personnes du sexe ne doivent jamais entrer dans nos maisons. Lorsqu'elles ont besoin de parler à un de nos missionnaires on doit les recevoir dans un parloir. Autant que possible les conseils de direction doivent se donner dans le confessionnal. Si ensuite, malgré cela, il s'en trouve qui ait besoin de parler à quelqu'un des nôtres, on doit la recevoir avec bonté et charité, mais tâcher de faire en sorte que cela n'arrive pas trop souvent.
136 ART. XII. - On ne devra faire de visite à ces personnes que lorsque la nécessité y oblige; et alors on fera en sorte de n'être pas seul avec elles.
137 ART. XIII. - On ne confessera les personnes du sexe que dans l'église ou dans un endroit public destiné à cela et dans un moment où cet endroit est fréquenté.
138 ART. XIV. - Lorsqu'on confessera le soir, on aura toujours une lumière auprès de l'endroit où on confesse de manière à ce que tout le monde puisse y voir très-distinctement.
139 ART. XV. - Ceux qui confesseront des religieuses doivent toujours donner les avis de direction dans le confessionnal. Ni ceux-là ni aucun autre de ceux qui exercent des fonctions sacrées dans un couvent ne doivent aller au parloir, à moins qu'il ne soit pas possible de s'en dispenser, et alors ils doivent y rester peu. S'entretenir de choses qui vont directement au salut des âmes, et jamais de choses inutiles.
140 ART. XVI. - Dans leurs rapports avec les enfants les missionnaires éviteront avec grand soin la complaisance du cœur, l'affection naturelle et sensible qu'on se permet à leur égard sous le prétexte de leur innocence, de leur piété etc.; les regards pour considérer les traits de leur figure avec satisfaction, les caresses trop affectueuses, comme de les embrasser etc... Il faut avoir pour eux une charité et une affection tendre et même sensible, mais surnaturelle, pure, simple et toute en Dieu, sans laisser aller notre mauvais cœur à la jouissance toute humaine qu'il trouve à aimer ces enfants, même quand cette jouissance n'est pas coupable. Il faut leur témoigner une grande douceur et une grande bonté, mais il faut que cela se fasse de la même façon que notre seigneur l'a fait, ou comme la Très-Sainte-Vierge l'a fait envers son divin enfant.
141 ART. XVII. - Non seulement on prendra toutes les précautions possibles pour conserver intacte et sans tâche en son âme la sainte vertu de pureté; mais encore on évitera avec le même soin tout ce qui pourrait donner aux hommes le moindre soupçon sur cet article délicat.
142 ART. XVIII.- Les supérieurs veilleront d'une manière spéciale à l'accomplissement de tout ce qui est marqué dans ce chapitre. Ils auront soin aussi de prévenir tous les autres inconvénients qui pourraient arriver sur cet article important, afin qu'il ne s'introduise jamais le moindre abus sur ce point.
CHAPITRE IV.
DE L'OBEISSANCE.

143 ART. Ier. - L'obéissance consiste dans le renoncement à son propre esprit, et à sa propre volonté pour se soumettre à la sainte volonté de Dieu, manifestée par les règles de la Congrégation et par les Supérieurs.
144 ART. II. - On doit obéir non seulement au premier supérieur et au supérieur particulier de la maison où l'on se trouve, mais encore à tous ceux qui nous sont supérieurs dans la charge et la fonction que nous exerçons.
145 ART. III. - Pour bien pratiquer l'obéissance on doit être docile et obéir à tous ceux qui ont quelque fonction dans la maison, en ce qui concerne leurs fonctions, même au dernier de tous.
146 ART. IV. - On obéira au supérieur dès la première manifestation de sa volonté de quelque manière qu'elle soit manifestée, et cela sans replique ni réflexion.
147 ART. V. - On obéira quand même on prévoit que de grands inconvénients ou de grandes difficultés doivent résulter de la chose ordonnée. On proposera ses difficultés avec humilité et modestie et en même temps avec simplicité et franchise sans trop chercher à faire valoir son sentiment, et étant disposé à se soumettre parfaitement à ce qui sera décidé.
148 ART. VI. - On obéira aux principaux supérieurs même lorsqu'ils ordonneront des choses qui seront contre la règle ou contre l'esprit de la règle. Seulement toutes les fois que cela arrivera on ne doit pas manquer de leur faire des représentations, et s'ils persévèrent on agira selon leurs ordres. Mais on doit sous peine de désobéissance formelle à la règle instruire le supérieur de la Congrégation de l'ordre donné, des représentations faites et de la réponse à ces représentations. En cela on ne doit pas écouter son supérieur particulier s'il défendait d'écrire au supérieur général.
149 ART. VII. - On obéira selon l'esprit et les intentions dans lesquelles le supérieur aura prescrit la chose commandée et on exécutera ses volontés dans toute leur étendue, même lorsqu'ils n'auront pas expressément dit leurs intentions, pourvu que ces intentions non exprimées n'offrent pas d'inconvénients graves.
150 ART. VIII. - La vraie obéissance est non seulement une obéissance de volonté et d'action, mais encore une docilité et soumission parfaite de l'esprit, jugeant des choses ordonnées comme le supérieur en juge, et parce qu'il en juge ainsi sans autre examen ni réflexion. On évitera aussi soigneusement tout examen de l'ordre établi dans la communauté; on évitera avec un plus grand soin encore toute espèce de murmure ou de mécontentement. On ne proposera jamais son avis contre un usage établi ou sur un autre à établir. On ne pourra le faire que dans le conseil ou en parlant en particulier au supérieur, et alors on ne sera pas tenace à son opinion, on obéira avec simplicité à ce qui sera ordonné par le supérieur.
151 ART. IX. - On n'examinera et on ne jugera pas la conduite de son supérieur ni dans les choses qui concernent sa charge, ni dans celles qui regardent sa personne. On se gardera encore davantage de communiquer aux autres les jugements que le démon aura suggérés. Jamais on ne doit parler des ses supérieurs qu'en bien, et de façon à porter les autres à une obéissance exacte et parfaite.
152 ART. X. - Tous doivent être souples entre les mains de leurs supérieurs pour aller où ils seront envoyés et pour accepter les charges qui leur seront données. Cependant on peut représenter au supérieur les raisons qu'on aurait de ne pas se voir chargé d'une fonction, ses craintes, ses goûts et ses dégoûts, mais avec une grande simplicité et docilité sans retarder l'exécution de l'ordre donné et sans diminuer la véritable obéissance.
153 ART. XI. - Personne ne doit jamais entreprendre aucun ministère sans avoir pour cela un ordre de son supérieur, et on doit lui renvoyer toutes les demandes qui seront faites hors de l'obédience qu'on aura reçue.
154 ART. XII. - On ne fera jamais aucune démarche, on ne prendra aucun moyen direct ou indirect pour être employé ou ne pas être employé à tel ministère, telle fonction, ou pour rester là où on se trouve bien ou être rappelé d'un endroit ou d'un ministère. Mais chacun se contentera de manifester au supérieur ses goûts et son aptitude, et se tiendra ensuite en repos.
155 ART. XIII. - Ils obéiront à leurs supérieurs, non comme à des hommes, mais comme à Dieu lui-même; aussi leur obéissance sera sainte, prompte, exacte, humble, simple, pleine d'amour et de joie.
156 ART. XIV. - On pratiquera la parfaite obéissance à ses supérieurs, non seulement dans l'exécution des ordres qu'on en recevra, mais en général dans toute sa conduite à leur égard.
157 ART. XV. - Ils seront respectueux envers leurs supérieurs dans leurs paroles, leurs actions, leur tenue et dans toute leur conduite. Cependant ce respect ne doit pas empêcher qu'ils n'agissent à leur égard avec simplicité, franchise, ouverture de cœur ; ce qui doit être l'effet de l'affection véritable qu'ils auront pour eux comme pour la personne même de Notre-Seigneur Jésus-Christ dont ils leur tiennent la place.
158 ART. XVI. - On recevra avec esprit de religion et avec douceur, modestie et humilité, les corrections qui seront faites par les supérieurs comme si elles venaient de Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, et au lieu de se laisser aller au chagrin et au mécontentement contre celui qui les aura faites, on concevra toujours pour lui la même affection et la même ouverture.
159 ART. XVII. - On n'écoutera pas la vanité et l'amour propre quand ils suggèrent de s'excuser et de se justifier quand on est réellement ré réhensible. Si on n'est pas coupable on ne doit pas se faire scrupule de la dire avec simplicité et modestie si cela paraît utile à la gloire de Dieu. Mais s'il n'y a aucune raison de se disculper, on fera une chose agréable à Dieu en ne s'excusant pas.
160 ART. XVIII.- Lorsque le supérieur insiste, lorsqu'il ne veut pas croire les excuses, on doit se taire et s'en réjouir de tout son cœur en la présence de Notre-Seigneur; lui rendre grâces de ce qu'il nous fait traiter comme nous le méritons à tant de titres et l'on aura pour son supérieur la même affection et le même respect qu'auparavant.
161 ART. XIX. - On n'aura jamais honte de manifester devant les gens du dehors la docilité et l'obéissance qu'on pratique; et on sera aussi exact, aussi prompt, aussi humble, aussi modeste, aussi satisfait dans son obéissance au-dehors qu'on l'est au-dedans de la communauté.
162 ART. XX. - Les anciens, ceux qui ont passé par les principales charges, ceux qui ont fait de grands travaux pour la gloire de Dieu et le salut des âmes et en général tous ceux qui ont acquis le plus d'autorité dans la congrégation, loin d'être exempts de l'obéissance, doivent la pratiquer au degré le plus parfait pour en donner l'exemple à tous les autres.
 
CHAPITRE V.
DE LA VIE DE COMMUNAUTE EN GENERAL.

163 ART. Ier. - C'est une règle importante et fondamentale dans la congrégation, que ses membres doivent vivre en communauté, soumis à une règle commune et que jamais ils ne travaillent un temps considérable séparément et un à un.
164 ART. II. - Lorsque la nécessité exigera que quelques missionnaires aillent exercer le ministère seul et un à un, on choisira pour ces sortes de missions les plus exacts à la règle et les plus appliqués à la vie intérieure. Autant que possible ce ne sera pas trop souvent les mêmes. Ordinairement on mettra un intervalle d'un mois entre les missions de ce genre.
165 ART. III. - Les communautés ne doivent jamais être composées de moins de six membres. Elles ne doivent pas être non plus trop nombreuses. Lorsqu'un pays exige un nombre d'ouvriers au delà de treize, on tâchera d'y établir deux maisons, et chacune se placera au centre de la portion de ce pays qu'elle aura en partage.
166 ART. IV. - Il n'est pas nécessaire que les Missionnaires qui composent ces communautés restent toujours ensemble; mais chacune peut se subdiviser en deux ou trois autres selon les besoins du pays et selon l'exigence des circonstances. Chaque portion de communauté se placera selon les ordres du supérieur (comme il est dit première partie, chap. VI) dans les différents quartiers qui lui seront assignés par le supérieur et y demeurera autant qu'il faudra pour instruire et sanctifier les peuples; ensuite suivant les ordres du supérieur on se rendra dans d'autres quartiers pour faire la même chose ou on reviendra à la communauté.
167 ART. V. - Toutes les fois que le supérieur enverra ainsi deux ou plusieurs exercer le ministère évangélique il constituera supérieur l'un d'entre eux à qui les autres devront obéir exactement.
168 ART. VI. - Pendant tout ce temps ils observeront toutes les règles qui s'observent dans la communauté; ils feront en commun les exercices communs autant que possible et ne négligeront rien pour s'en acquitter avec ferveur.
169 ART. VII. - Quoiqu'ils ne soient pas absolument obligés de faire leurs exercices en même temps qu'ils se font dans la communauté, ils doivent cependant se déterminer les heures où ils les accompliront; de telle façon toutefois que leur ministère ne soit pas gêné. Ces heures une fois déterminées ils doivent y être exacts le plus possible.
170 ART. VIII. - Ni ceux qui sont ainsi en station ni ceux qui vivent en communauté n'exerceront le saint ministère pendant les temps déterminés pour les exercices de piété, pour les repas et les récréations, excepté dans des cas extraordinaires et pressés et avec la permission du supérieur.
171 ART. IX. - La nourriture soit dans les stations, soit lorsque toute la communauté est réunie doit être pauvre et commune se rapprochant le plus possible de celle des peuples dont on prend soin, cependant il faut qu'elle soit saine, substantielle et convenable, comme il a été dit plus haut.
172 ART. X. - On ne doit manger chez les personnes du monde que lors qu'il y a nécessité absolue ou bien quand le succès du ministère le demande absolument, comme cela pourrait arriver quand on s'occupera des noirs dans les habitations; alors peut-être pourrait-on prendre un ou deux repas chez les maîtres. Ce sera au supérieur à juger de cela devant Dieu.
173 ART. XI. - Dans ces circonstances on se conduira selon les règles de la plus grande sobriété, on restera à table le moins longtemps possible et l'on évitera de prendre des liqueurs.
174 ART. XII. - Toutes les six semaines ou deux mois, les Missionnaires reviendront se réunir à la communauté pour y passer ensemble deux ou trois jours, et s'y retremper de nouveau dans la ferveur de la vie intérieure. Les supérieurs choisiront pour la réunion le temps le plus favorable à tous les Missionnaires et à leurs occupations, de telle sorte cependant que jamais on ne passe plus de deux mois sans se réunir.
175 ART. XIII. - Pendant ces réunions chacun mettra par écrit tout ce qui concernera le ministère qu'il aura exercé. Cet écrit sera remis au supérieur. On y dira tout ce qui sera arrivé dans l'exercice des saintes fonctions pendant le temps précédent, quels genres de ministères on aura exercés, combien de fois on aura prêché; combien de personnes à peu-près on aura confessées, si leurs confessions étaient fréquentes. Combien d'enfants et de grandes personnes auront assistés aux catéchismes. Si on a servi d'instrument à la miséricorde divine pour des conversions remarquables. Quelles difficultés on aura éprouvées de la part des hommes dans l'exercice de son ministère, comment on se sera comporté pour les surmonter et comment on aura réussi. On donnera plus spécialement des détails sur le ministère exercé auprès des pauvres gens auxquels nous devons notre plus grande sollicitude. En général on dira dans cet écrit toutes les choses remarquables arrivées dans le saint ministère et le bien que Dieu aura opéré par son moyen.
176 ART. XIV. - Les supérieurs donneront les conseils convenables à chacun selon son état; ils doivent aussi s'examiner eux-mêmes et écrire cet examen afin de pouvoir à la fin de l'année rendre compte au supérieur de la Congrégation de leurs personnes aussi bien que de leurs inférieurs.
177 ART. XV. - Tous les ans on déterminera un temps commode où tous les Missionnaires puissent se réunir pour faire ensemble une retraite de huit à dix jours. S'il y a plusieurs communautés dans un pays, elles se réuniront toutes dans la même maison. C'est un saint repos qui leur est accordé pour leur consolation, pour leur renouvellement dans la ferveur de l'amour de Dieu et du zèle pour le salut des âmes et pour qu'ils se raffermissent dans l'esprit de leur règles. Ceux qui n'auront pu faire leur retraite dans cette réunion ne manqueront pas de la faire dans le cours de l'année.
178 ART. XVI. - Pendant cette retraite générale les supérieurs feront expliquer tous les jours quelques uns des principaux points de la règle, et les choses les plus importantes pour l'exercice des saintes fonctions. Ces entretiens doivent être faits très simplement sans qu'on cherche en rien à briller et à se distinguer devant ses frères. Il devra s'agir seulement de réformer les abus qui auraient pu s'introduire, de faire voir l'importance de certains points négligés, et d'expliquer ce qui demandera explication.
179 ART. XVII. - Tous les jours aussi aura lieu une réunion des supérieurs des différentes maisons pour se consulter ensemble sur les affaires de la Mission, sur l'état de la communauté et des membres qui la composent, afin de remédier à toutes les difficultés et d'avancer la gloire de Dieu. Tantôt ils se réuniront seuls, tantôt avec ceux qu'ils choisiront pour les aider de leurs conseils. Ils devront toujours choisir pour cela ceux qui seront le plus pénétrés et le plus remplis de l'esprit de nos règles, qui ont le plus de zèle pour le salut des âmes et qui font un bien réel. Dans ces réunions doivent être observées toutes les règles prescrites pour la tenue d'un conseil. (3 partie.)
180 ART. XVIII.- Avant de se séparer les supérieurs feront dresser un état de la Mission avec les résolutions prises dans leurs réunions et les motifs principaux qui les auront fait prendre. Ce mémoire sera lu et examiné dans ces mêmes réunions, signé par tous ceux qui en auront fait partie, et envoyé au supérieur de la Congrégation afin qu'il sache tout ce qui se passe et que rien ne soit fait sans ses ordres.
181 ART. XIX. - C'est dans ces réunions générales des missionnaires que s'effectueront leurs changements. Si cependant un cas pressé exigeait un déplacement pendant l'année le supérieur de la province pourrait le faire à la condition qu'il en donne avis au supérieur général.
182 ART. XX. - Le supérieur de la province sera seul supérieur pendant les réunions générales, et tous les autres pendant ce temps rentreront dans le rang des simples missionnaires.
CHAPITRE VI.
REGLES A OBSERVER DANS LA COMMUNAUTE.

183 ART. Ier - Autant que possible on fixera l'heure du réveil dans les communautés une heure avant le lever ordinaire des gens du pays. On donnera un temps convenable pour s'habiller et faire les choses nécessaires. Puis on fera l'oraison pendant une heure la prière y étant comprise. On suivra la méthode du noviciat.
184 ART. II. - Après l'oraison chacun dira la sainte Messe à l'heure et à l'autel qu'on lui déterminera.
185 ART. III. - Tous les jours, on fera l'examen particulier pendant d'heure selon la méthode employée dans le noviciat. On le fera, autant que possible, dans la première moitié de la journée.
186 ART. IV. - Les repas se prendront en commun; on lira à table. La lecture devra être pieuse et récréative. On ne lira jamais en fait de sermons que de pieux et d'apostoliques. Deux fois par an on lira la règle.
187 ART. V. - Après les deux principaux repas il y aura une heure de récréation. Personne ne doit s'en exempter sans bonne raison et sans permission du supérieur. Il faudrait une raison très-grave pour qu'on puisse s'absenter des deux récréations le même jour.
188 ART. VI. - On s'entretiendra avec gaîté, douceur, charité, prévenance et simplicité. On évitera avec soin les disputes et contentions. Les supérieurs ne les souffriront jamais. On ne parlera pas de matière de théologie ni de cas de conscience. Autant que possible les récréations doivent être édifiantes et agréables pour tous.
189 ART. VII. - Quand la chose sera possible, on aura des heures fixes pour la récitation de l'Office divin. Dès que le signal en sera donné, chacun devra aussitôt quitter tout, pour le réciter en son particulier et avec ferveur en union avec ses confrères.
190 ART. VIII. - S'il se trouvait quelqu'un qui ne put le dire ordinairement avec la communauté, il aura toujours soin de se déterminer autant que possible, des heures fixes pour chacune des différentes parties de l'Office, et de ne jamais manquer de les dire aux heures déterminées à moins d'un empêchement absolu.
191 ART. IX. - On dira l'Office dans l'endroit où l'on sera le moins dérangé. On évitera en le récitant la précipitation, l'empressement, la contention et tous les autres défauts qui peuvent se glisser dans cette sainte action. On la fera posément, paisiblement et avec tout le recueillement possible, faisant abstraction de toutes ses occupations comme si on n'en avait pas, afin de se donner entièrement à notre Seigneur pour louer et adorer son père en union avec lui et au nom de sa sainte Eglise.
192 ART. X. - L'heure du coucher sera fixe; on la réglera d'après l'heure du lever, et de manière à ce que les missionnaires aient sept heures de sommeil. Une demi heure avant le coucher prière du soir en commun. Trois fois par semaine on proposera quelques pensées pour servir de sujet d'oraison, ou on en lira un.
193 ART. XI. - Les supérieurs sans trop attendre, et dès les premiers temps de la formation de leurs communautés régleront les heures où doivent avoir lieu ces exercices, de peur que le désordre et le relâchement ne s'y introduisent. Les heures une fois déterminées, le supérieur ne doit les changer que pour des raisons très-graves et avec l'avis de son conseil.
194 ART. XII. - Chacun aura soin de réciter le chapelet en son particulier tous les jours et de s'acquitter de cet hommage de sa dévotion envers la mère de Dieu, avec le plus de piété possible.
195 ART. XIII. - Chacun fera tous les jours une lecture dans le nouveau testament pendant une demi-heure, à moins que les occupations du saint ministère ne l'en empêchent absolument. Cette lecture ne se fera pas par curiosité ou par forme d'une sèche étude, mais en esprit d'oraison et en la présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ. On tâchera aussi de se ménager quelques moments chaque jour pour lire les autres parties de la sainte écriture.
196 ART. XIV. - Chacun fera dans l'après-diner une visite au très-saint Sacrement s'il se trouve assez près de l'église pour cela; si non il passera un quart d'heure dans le recueillement. On commencera cet exercice par la récitation des litanies de la très-sainte Vierge.
197 ART. XV. - Outre la règle commune qui détermine le temps de certains exercices, chacun aura encore soin de régler de telle sorte les heures de la journée, qu'il ne soit pas un instant sans être occupé. On se déterminera un temps pour les occupations dans l'intérieur de la maison et un autre pour celles du dehors, comme la visite des pauvres, des malades; et les autres fonctions du saint ministère dont on sera chargé et qui ont un cours ordinaire.
198 ART. XVI. - On se confessera tous les huit jours; tous les ans on fera une confession générale de toute l'année si on en sent le besoin, et si le confesseur n'y voit pas d'inconvénients. Chacun est obligé de se choisir un confesseur et directeur de conscience parmi les membres de la Congrégation.
199 ART. XVII. - On gardera le silence dans la maison hors le temps fixé pour les récréations.
200 ART. XVIII.- On n'entrera pas dans les chambres les uns des autres sans la permission du supérieur de la maison. On doit y aller rarement et pour une nécessité réelle. On ne s'y arrêtera qu'autant que le besoin le demandera.
201 ART. XIX. - On n'introduira jamais d'étranger dans sa chambre ni dans aucun endroit de la maison sans permission. On recevra dans les parloirs.
202 ART. XX. - On ne mangera pas entre les repas, ni hors du réfectoire sans nécessité et sans permission.
203 ART. XXI. - On ne sortira pas sans permission. On devra, en la demandant, indiquer les endroits où l'on va et les raisons qu'on a d'y aller. Avant de sortir on ira à la chapelle se recommander à notre Seigneur et à la très sainte Vierge. En sortant on marquera son nom sur une tablette qui doit se trouver pour cela chez le portier et en rentrant on démarquera.
204 ART. XXII. - On ne mangera et on ne couchera pas hors de la maison à moins d'une raison très grave qu'on exposera au supérieur. En général, sans une nécessité pressante on ne doit sortir ni rester dehors pendant la nuit.
205 ART. XXIII.- On ne parlera jamais aux étrangers de ce qui se passe dans la communauté, ni des usages et des règles de la Congrégation.
 
CHAPITRE VII.
REGLES POUR LA CONDUITE DES UNS ENVERS LES AUTRES.

206 ART. Ier - La conduite qu'ils doivent tenir les uns envers les autres doit être celle des enfants de la même famille, c'est-à-dire des enfants de Jésus et de Marie. On regardera comme fait à notre Seigneur lui-même tout ce qu'on fera à ses confrères et on agira avec eux comme on aurait agi avec notre Seigneur et sa sainte Mère.
207 ART. II. - On prendra garde à soi pour ne jamais se laisser aller à la vivacité contre ses frères. On supportera avec douceur, patience et charité toutes les peines qu'ils pourraient nous causer et on ne leur manifestera jamais ni mécontentement ni froideur, mais au contraire on se condamnera soi-même et on tâchera de faire des efforts pour gagner l'affection de ce confrère qui nous fait de la peine.
208 ART. III. - Ils veilleront avec le plus grand soin pour ne pas laisser entrer dans leurs âmes des sentiments d'envie ou de jalousie. Dès qu'on sentira en soi le moindre petit mouvement de ce genre on l'étouffera aussitôt en s'humiliant profondément devant Dieu de se voir soumis à ce sentiment diabolique. On demandera la grâce d'en être délivré et on témoignera une plus grande charité et une plus grande douceur à celui qui en est l'objet. S'il était arrivé qu'on eut dit une parole ou fait une action par suite de cette mauvaise tentation, on aura la fidélité de s'en accuser aussitôt à son supérieur.
209 ART. IV. - Chacun se réjouira sincèrement du bien que Dieu fera par ses confrères; on ne s'attristera pas trop si on n'en fait pas autant qu'eux. Il faut que les désirs de notre cœur soient toujours très-purs. Nous devons souhaiter ardemment que Dieu soit glorifié, mais nous tenir en paix et bien soumis à sa divine volonté quand nous le voyons faire à d'autres de plus grands dons qu'à nous, pour l'avancement de sa gloire.
210 ART. V. - Personne ne reprendra jamais son confrère des fautes qu'il lui voit commettre, sans en être chargé par la règle ou par son supérieur.
211 ART. VI. - Personne ne doit se mêler de ce qui regarde l'office d'un autre sans en avoir été chargé par son supérieur ou sans en avoir été prié par celui qui est chargé de cet office.
212 ART. VII. - Personne ne doit jamais, si ce n'est pour l'édification, parler de la manière dont ses confrères s'acquittent des fonctions qu'ils remplissent dans la maison ou au-dehors; on ne doit jamais les examiner et les juger dans l'accomplissement de ces fonctions, à moins d'en être chargé par son supérieur; chacun, sans s'occuper des autres, fera son possible pour remplir saintement et parfaitement les fonctions qui lui sont confiées à lui-même.
213 ART. VIII. - Généralement on doit se garder de juger ses confrères d'une manière défavorable en quoique ce soit. On se gardera bien plus encore de manifester devant les autres les mauvais jugements que le démon aura mis dans notre esprit.
214 ART. IX. - Cependant si on voyait un défaut dans un confrère qui put lui nuire considérablement à lui-même, à son ministère ou au bien de la communauté, on devrait en conscience en parler au supérieur; mais que cela se fasse dans un grand esprit de charité, de douceur, d'humilité et par un pur effet de l'amour qu'on aura pour son frère et de zèle pour le bien des âmes.
215 ART. X. - On repoussera avec horreur de son esprit et de son cœur tout sentiment de mépris ou d'indifférence pour ses frères quelle qu'en soit la raison. On ne préférera jamais les uns aux autres pour des avantages humains, pour les talents et autres qualités de la nature, mais on les estimera tous également. S'il était permis qu'on ait des préférences, ce devrait être pour ceux qui sont plus fervents et plus dévoués à Dieu, et uniquement à cause des vertus et des perfections qu'on apercevra en eux, et dont nous tâcherons de nous remplir nous-mêmes.
216 ART. XI. - On se gardera encore bien davantage de s'élever soi-même au-dessus de ses confrères pour quelques raison que ce soit, on se mettra au contraire toujours au-dessous de tous. On traitera avec eux comme avec des hommes qui méritent de nous être préférés. On ne cherchera pas à briller et à être plus estimé qu'eux, on cherchera plutôt à se faire oublier de tous, tâchant en même temps d'inspirer de l'estime pour les autres.
217 ART. XII. - L'âme de toute cette conduite doit être une charité vraie et sincère. Ils doivent préférer leurs chers frères que le coeur de Marie leur donne à tous les autres hommes et les aimer comme d'autres eux-mêmes, ou plutôt ils doivent aimer en leur personne notre adorable maître et sa Très-Sainte Mère.
218 ART. XIII. - Cette charité doit être cordiale. Il ne suffit pas qu'on l'ait seulement dans la bouche ou même dans les actions, elle doit partir d'un coeur sincèrement affectionné. S'il arrive des tentations contre la charité on emploiera de tout son pouvoir les moyens de les vaincre.
219 ART. XIV. - Elle sera effective. Il ne suffit pas qu'elle soit dans le cœur, il faut qu'on la manifeste par les rapports intimes qu'on aura avec tous ses frères, par les services qu'on leur rendra en toute occasion, par la complaisance et la satisfaction qu'on y mettra, par la douceur avec laquelle on les traitera dans ses paroles, dans ses actions et en général dans tous ses rapports avec eux.
220 ART. XV. - Elle sera simple. On doit bien prendre garde de se laisser aller à des manifestations effectives de charité, à des pensées recherchées pour faire plaisir, à des tournures de phrases agréables, jamais surtout à des paroles capables d'exciter la vanité. Mais on parlera et on agira avec la simplicité des enfants de Dieu sans recherche ni affectation, se laissant aller à l'affection de son cœur, provenant de la charité toute pure dont il doit être plein.
221 ART. XVI. - Elle sera franche et ouverte. On doit agir à l'égard de ses confrères avec franchise et ouverture de coeur, avec épanchement et gaîté; la véritable charité a toujours le sourire sur les lèvres pour porter la joie et la consolation dans les autres.
222 ART. XVII. - Elle doit être modeste et grave. On ne se laissera jamais aller à des mouvements déréglés. On ne se poussera et on ne se touchera jamais; on conversera ensemble avec une modestie douce, grave, pleine de franchise et d'une sainte gaîté.
223 ART. XVIII.- Elle sera respectueuse et humble. On doit se parler et se traiter avec respect sans affectation, éviter toute espèce de familiarité et de grossièreté. On se comportera avec son confrère comme avec Notre-Seigneur lui-même.
224 ART. XIX. - Elle doit être pure. On ne doit pas aimer ses confrères pour en être aimé et estimé à son tour, ni pour aucun autre motif humain. Surtout on n'aimera pas un confrère pour le plaisir naturel et sensible qu'on trouve à aimer, ni par penchant et goût. Si on apercevait ces dispositions et ces sentiments dans son coeur, on s'appliquerait de tout son pouvoir à les combattre comme étant des maladies très-dangereuses de l'âme, capables de détruire entièrement tout esprit de charité dans notre cœur, d'en déraciner toutes les vertus et de lui faire perdre toutes les grâces de Dieu. Ces inclinations et affections naturelles, lorsqu'elles se font sentir avec vivacité et entraînement, mettent un empêchement infaillible à notre avancement spirituel, lient et garrottent pour ainsi dire continuellement en nous l'esprit saint dans toutes ses opérations divines, nous livrent tout entiers à nos passions et tendent à détruire la vertu de chasteté.
225 ART. XX. - Enfin pour renfermer en une seule toutes les autres qualités de la charité, elle doit être sainte. Il faut s'aimer mutuellement comme les saints du ciel s'aiment. Aimer ses frères en Dieu, et Dieu en eux, se réjouir, bénir et louer Dieu de tout son cœur du bien spirituel qu'on voit en eux.
226 ART. XXI. - Aimant ainsi ses confrères tout en Dieu et pour Dieu, on tâchera de faire régner Dieu en eux. C'est pour quoi le plus grand devoir que la charité impose à chaque membre de notre Congrégation, c'est qu'il désire sincèrement et vivement la sanctification de tous ses frères, qu'il prie souvent pour cela, qu'il donne le bon exemple, qu'il les porte à la perfection par ses paroles et par ses actions.
227 ART. XXII. - Leur charité ne se portera pas seulement vers leurs frères individuellement, mais ils auront la plus grande tendresse et le plus grand attachement à la Congrégation par laquelle ils sont saintement unis ensemble dans le coeur tout d'amour et de sainteté de leur très-bonne et très-tendre mère. Ils feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour augmenter ses avantages spirituels, pour conserver l'esprit de ses règles, pour la rendre propre à produire la plus grande gloire de Dieu dans les âmes et pour qu'elle soit une servante fidèle de notre adorable maître dans sa sainte église, afin que toutes les âmes qui l'aiment, le bénissent et se réjouissent en lui de toutes les grâces qu'il répandra par cette pauvre Congrégation.
228 ART. XXIII.- Leur charité ne s'exercera pas seulement envers les confrères vivants, mais même après leur mort. Tous les membres de la Congrégation diront neuf messes pour chacun de leurs frères dont ils auront appris la mort, et cela le plus tôt qu'ils pourront. Tous les ans dans les octaves des fêtes du Très-Saint-Coeur de Marie et de l'annonciation, ils diront deux messes pour tous les membres défunts et une dans la huitaine de chacun de nos principaux patrons.
CHAPITRE VIII.
DU ZELE APOSTOLIQUE.

229 ART. Ier - Les missionnaires du Saint-Cœur de Marie doivent considérer le zèle comme l'essence de l'esprit apostolique qui doit les animer. Ils en feront continuellement l'occupation de leurs pensées, l'objet des désirs de leurs cœurs, la fin de tous leurs exercices de piété.
230 ART. II. - Mais ils se mettront en garde contre le faux zèle qui n'est pas selon Dieu. Ils se représenteront souvent leur divin maître et considéreront les sentiments et les dispositions de zèle de son cœur adorable pour le salut des âmes; ils l'étudieront surtout dans la manière dont il le mettait en pratique.
231 ART. III. - L'âme, la source et l'aliment de leur zèle sera un amour de Dieu pur, saint, ardent, intimement gravé dans leurs cœurs. Ils prendront les moyens les plus efficaces pour s'établir solidement et parfaitement dans le divin amour. Cette vertu sera la vertu propre et caractéristique du missionnaire fervent du très saint Cœur de Marie.
232 ART. IV. - Quoique l'amour affectif soit très bon et qu'il faille s'appliquer à l'entretenir dans son cœur, cependant il faut tendre plus vivement et plus spécialement vers l'amour de générosité et de sacrifice, désirant sans cesse s'immoler à la gloire de son adorable maître et vivant avec joie pour l'amour de lui dans les travaux, les peines et les privations de tout genre. Nous prierons souvent notre divin Seigneur et notre sainte Mère de nous nourrir et perfectionner dans cet amour qui ne vit que de croix et de sacrifice.
233 ART. V. - Ce saint amour doit nous embraser d'un zèle grand et généreux. Nous devons avec courage être sans cesse disposés à faire vivre et régner Jésus-Christ dans les âmes aux dépens de notre repos, de notre santé, de notre honneur, de tous nos intérêts, de notre vie même s'il le fallait.
234 ART. VI. - Notre zèle doit être constant et persévérant au milieu des peines, des fatigues, des privations, contre tous les obstacles et toutes les résistances des hommes.
235 ART. VII. - Le saint amour dont nous devons être embrasés, nous remplissant de désirs immenses de glorifier Dieu, devra nous donner un zèle vif et ardent qui nous fera embrasser vigoureusement les moyens que notre Seigneur nous mettra entre les mains pour gagner et pour sanctifier les âmes.
236 ART. VIII. - Cependant il faut éviter le zèle qui n'est qu'un effet de l'imagination ou d'une ardeur naturelle. Le zèle véritable ne vient pas de la nature, mais de la grâce toute seule. C'est le cœur de Jésus qui en est la source, c'est là qu'il faut le puiser par une vie d'union intime avec lui. Notre zèle doit donc être divin et surnaturel comme le sien.
237 ART. IX. - C'est pourquoi quelqu'ardent qu'il soit il ne doit point troubler la paix de notre âme. Il faut éviter avec le plus grand soin l'activité, la précipitation, l'empressement, la préoccupation et autres défauts de ce genre qui sont les marques d'un zèle rempli d'imperfection qui vient plus de la nature et quelquefois de l'amour propre que de celui qui seul peut le donner pur et saint. Il faut aussi éviter avec le même soin la lenteur et les autres défauts opposés aux précédents. L'action extérieure doit être plus ou moins vive selon l'exigence des circonstances, mais dans l'intérieur l'âme doit être toujours dans une sainte union avec son adorable maître, afin qu'elle n'agisse que par son divin esprit, avec son saint amour et dans sa paix.
238 ART. X. - Pour se conserver dans cette paix de notre Seigneur Jésus-Christ, il faut qu'on évite les embarras les incertitudes et toutes les inquiétudes de l'esprit; on doit agir avec une grande liberté intérieure, faire ce qu'on croit bon et utile pour procurer la plus grande gloire de Dieu et lui laisser le soin de bénir et de faire fructifier selon son bon plaisir ce que l'on aura fait.
239 ART. XI. - La paix donne au zèle une qualité qu'il doit toujours avoir qui est une grande douceur. L'ardeur avec laquelle il faut embrasser tout ce qui peut procurer la gloire de Dieu, ne doit pas nous empêcher de conserver la douceur intérieure, laquelle doit se répandre et paraître dans toute notre conduite, comme elle paraissait si admirablement dans toute la conduite de notre divin modèle.
240 ART. XII. - Nous nous souviendrons de cette parole qu'il nous a dite en la personne de ses apôtres: "Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups." C'est pourquoi nous exercerons la plus grande douceur envers ceux qui nous persécutent, qui nous haïssent, qui cherchent à nous résister et à nous nuire. Les missionnaires seront comme des agneaux sans défense contre leurs ennemis tant que ceux-ci ne s'attaqueront qu'à leurs personnes, et que la gloire de Dieu n'y sera pas compromise.
241 ART. XIII. - Les missionnaires exerceront spécialement la plus grande douceur envers les pécheurs les plus endurcis; envers les âmes faibles et malades par les vices ou les penchants qui les tiennent courbées vers la terre; envers les âmes grossières; envers celles qui leur résistent; et en général envers tout le monde. Ils se regarderont comme les pères de tous les pécheurs, les représentants de notre Seigneur Jésus-Christ pour tous. Ils traîteront donc chacun de ceux avec qui ils auront des rapports, avec la douceur avec laquelle le Sauveur lui-même aura agi à son égard.
242 ART. XIV. - Ils réduiront en pratique dans toute leur conduite cette belle maxime apostolique du grand apôtre qui disait qu'il se faisait tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ. Ils se mettront à la disposition de tous, se conformeront aux caractères, aux goûts, aux désirs, aux vues de tous, afin que par ce moyen ils puissent faire pénétrer dans tous les cœurs l'amour des vérités du saint Evangile, et le désir fervent et efficace de les pratiquer. Cependant ils prendront garde de faire tourner cette parole de St.Paul à la ruine de leurs règles, de l'esprit dont elles doivent les animer, de l'union avec notre Seigneur, de la vie modeste, humble, sainte et religieuse dont ils doivent faire profession à l'exemple de leur divin maître.
243 ART. XV. - Ils doivent allier dans leur zèle la force à la douceur ils feront une guerre continuelle au péché et aux vices ils les poursuivront partout jusqu'à entière extinction s'armant pour cela de la vertu et de la puissance divine de leur maître qu'il ne manquera pas de leur communiquer s'ils sont fidèles. Ils doivent être toujours sans crainte et sans appréhension dans la recherche de la gloire de Dieu. Cependant tout en poursuivant leurs vues saintes avec vigueur ils disposeront toutes choses avec douceur et suavité comme le fait Dieu lui-même.
244 ART. XVI. - La force avec laquelle ils doivent agir doit être sainte, céleste et produite en eux par l'amour de Dieu. Ils veilleront donc sur eux pour ne pas la fonder sur leur caractère et sur leur naturel. Ils ne doivent jamais, quand ils déploieront cette force, sortir de l'esprit d'humilité et de l'idée de bassesse qu'ils doivent avoir d'eux-mêmes en la présence de notre Seigneur Jésus-Christ, ni perdre la paix, la douceur et l'union de leurs âmes à Dieu. Ils éviteront avec grand soin la rigueur, l'opiniâtreté et tous les autres défauts qui proviennent de la force naturelle.
245 ART. XVII. - Cette force qui doit procéder de leur parfait amour pour Dieu, doit les remplir de vigueur et d'une sainte hardiesse pour tout entreprendre et pour se sacrifier mille fois eux-mêmes lorsqu'il s'agira de la gloire de leur maître. Cependant ils ne doivent pas se livrer en aveugles à cet ardeur cependant nécessaire à tout vrai missionnaire, ni employer sans discernement tous les moyens qui semblent propres à faire réussir leurs saintes entreprises; ils considéreront les choses en la présence de notre Seigneur et à la seule lumière de son divin esprit, afin d'agir en toute chose selon la véritable et sainte prudence avec laquelle il a agi lui-même.
246 ART. XVIII.- Mais ils prendront bien garde, en voulant suivre les règles de la sainte et véritable prudence de Jésus-Christ, de se conduire d'après celles de la prudence du monde. Ils n'auront donc jamais en vue leur intérêt propre, ni même celui de la Congrégation, ni aucune autre vue humaine; mais Dieu seul et sa gloire. Ils éviteront la timidité qui veut toujours prendre le parti le plus sur pour l'amour-propre; l'incertitude dans les décisions et tous les autres défauts qui dénotent un homme qui examine par sa seule raison naturelle et non par la lumière divine.
247 ART. XIX. - Quand les Missionnaires, ne pouvant pas avoir recours à leurs supérieurs, seront obligés d'entreprendre quelque chose pour la gloire de Dieu, ils se conformeront suivant l'importance de la chose aux règles prescrites à la troisième partie, chapitre 2, article 19; mais ils ne mettront jamais aucune confiance dans les mesures et les moyens qu'ils croiront devoir employer pour réussir; toute leur confiance devra être Notre-Seigneur Jésus-Christ tout seul, ils l'auront toujours devant les yeux, n'agissant que pour son amour et en son amour.
248 ART. XX. - On se gardera bien soigneusement encore d'un autre défaut de la prudence humaine où conduit quelque fois un faux zèle, ce défaut consiste dans la ruse, la finesse et le détour, il faut que notre zèle soit dirigé par une prudence simple, ouverte, franche évitant avec soin toutes les inventions humaines pour peu qu'elles soient recherchées, tout stratagème et en général toute espèce de voie détournée. Notre prudence doit être comme celle dont notre divin maître nous a donné l'exemple.
249 ART. XXI. - Une règle importante de la véritable prudence chrétienne, c'est de ne pas vouloir surmonter toute espèce de difficultés, mais de savoir plier pour un temps devant un obstacle qu'on prévoit ne pouvoir pas écarter, ou devant des circonstances qui exigent qu'on attende et qu'on diffère, sauf à entreprendre plus tard ce que l'on semble abandonner, si tel paraît être le bon plaisir de Dieu.
250 ART. XXII. - Un des moyens les plus efficaces pour avoir un zèle prudent et selon Dieu c'est d'être parfaitement soumis et obéissant. Tous emploieront ce moyen avec grand soin. Non seulement ils ne feront jamais aucune oeuvre de zèle contre les règles et contre la volonté de leurs supérieurs; mais ils tâcheront même d'agir en tout ce qu'ils feront par un ordre de ces mêmes supérieurs; excepté dans les cas pressés où il est absolument nécessaire qu'ils agissent d'eux-mêmes.
 
CHAPITRE IX.
DE QUELQUES VERTUS PRINCIPALES QUI SONT LE FONDEMENT DU ZELE APOSTOLIQUE.

251 ART. Ier - La vie apostolique n'est rien autre chose que la vie toute d'amour et de sainteté que le fils de Dieu a menée sur la terre, pour sauver et sanctifier les âmes; et par laquelle il s'est sacrifié à la gloire de son Père. Cette vie céleste est fondée sur la mort de l'homme naturel, de ses concupiscences et de ses affections. C'est le fondement qu'ils tâcheront de jeter dans leurs âmes afin de bâtir solidement là dessus le vrai zèle apostolique.
252 ART. II. - Ils n'agiront jamais par aucun motif d'intérêt humain et terrestre; l'intérêt de Dieu seul, sa gloire, l'établissement de son règne dans les âmes, c'est là ce qu'ils doivent uniquement chercher et vers quoi ils doivent tendre le plus directement possible en toutes choses.
253 ART. III. - Ils ne chercheront l'intérêt de la Congrégation que quand cela tend directement à la gloire de Dieu; ils seront toujours prêts à le sacrifier quand cette même gloire de Dieu l'exigera.
254 ART. IV. - Ils feront profession en toutes circonstances de ne jamais mettre leur plaisir et leur satisfaction dans les choses de la terre. Ils ne mettront pas leur contentement dans l'agrément qui se rencontre dans la beauté, la grandeur et les richesses de ces choses, pas même sous le prétexte d'en prendre occasion pour glorifier Dieu. Cette disposition à l'égard des choses de ce monde devra se manifester hautement dans toute leur conduite; ils éviteront cependant en cela l'affectation et se prémuniront contre l'amour propre.
255 ART. V. - Ils mépriseront en général toutes les petites satisfactions de la curiosité, même dans les choses permises et innocentes; ils n'y mettront jamais leur plaisir. Mais toute leur satisfaction, tout leur contentement et toute la complaisance de leur esprit sera dans les choses qui tendent à procurer, la grande gloire de Dieu et le salut des âmes.
256 ART. VI. - Ils pratiqueront le parfait renoncement à eux-mêmes et à leur amour propre dans ce qui tient aux richesses spirituelles aussi bien que dans ce qui regarde les richesses matérielles. Ils ne se complairont pas en eux-mêmes, et ne s'estimeront pas d'avantage pour la science, le talent ou pour les autres dons qu'ils auront reçus de Dieu. Ils mettront toute leur ambition à aimer Notre-Seigneur Jésus-Christ de toute la plénitude de leur âme, à le servir avec la plus grande fidélité et à se sacrifier sans cesse à sa gloire. Le reste n'est que vanité et de nul prix pour la vie éternelle.
257 ART. VII. - Ils seront dans le plus parfait détachement de leurs parents et de leurs amis. Ils en feront un sacrifice complet à Dieu avant de partir pour leurs Missions, et ce sera pour toute leur vie, ne conservant pour eux qu'une affection pure, surnaturelle et entièrement subordonnée à la divine volonté et à ce qu'exige le service de Dieu.
258 ART. VIII. - Ils feront encore à Dieu le sacrifice d'eux-mêmes. Ils agiront en toutes choses comme des hommes qui ne s'appartiennent pas à eux-mêmes, mais à Notre-Seigneur Jésus-Christ leur unique maître. Ils ne feront jamais leurs actions pour l'amour d'eux-mêmes. Ils tâcheront de ne jamais se complaire dans ce qu'ils pourraient voir en eux de bien, ni dans celui qu'ils font. Ils tâcheront de se mettre dans une sainte indifférence en tout ce qui les regarde, ne s'occupant d'eux-mêmes qu'autant que leur sanctification l'exige, se remettant pour tout ce qui les touche entre les mains de Dieu et à la conduite de leurs supérieurs.
259 ART. IX. - Par suite de cette sainte indifférence pour eux-mêmes ils ne prendront pas un soin empressé, inquiet de leur santé, ils ne feront, par rapport à cela, que ce que la gloire de Dieu et l'obéissance exige d'eux, et dans la seule vue de plaire à Notre-Seigneur Jésus-Christ et de se conserver pour son service.
260 ART. X. - Pour observer ces choses plus soigneusement, et pour s'y donner de plus grand coeur ils considéreront bien souvent cette vérité: que celui qui est vide et dépouillé entièrement de l'amour des biens que les hommes du monde estiment et recherchent avec tant d'avidité, possède dans son âme les richesses de Dieu, qui sont pour lui un bonheur suprême; comme aussi celui qui possède les biens de la terre par l'estime qu'il en fait et par l'affection qu'il leur porte, est vide et dépouillé des biens de Dieu.
261 ART. XI. - Ils tâcheront de se pénétrer profondément de cette autre maxime qu'un véritable apôtre n'est pas dans le monde pour jouir, mais pour souffrir. Dès le moment qu'ils seront dans les jouissances et les satisfactions de la terre, ils perdront leur vigueur apostolique.
262 ART. XII. - C'est pourquoi ils fuiront les douceurs et les jouissances du corps avec le plus grand soin; ils en auront horreur et les craindront comme un poison pour leurs âmes.
263 ART. XIII. - Ils mettront leur trésor, leurs satisfactions et leurs joies dans les peines, les travaux, les croix, les humiliations et les afflictions de tout genre; ils les regarderont comme de grands dons et de grandes grâces de Dieu, qui leur sont donnés comme des récompenses saintes et salutaires accordées dès ce monde à leur fidélité au service de leur divin maître.
264 ART. XIV. - Lorsqu'ils n'auront pas de croix, de privations et d'humiliations, loin d'en être contents ils craindront plutôt de ne pas être de vrais apôtres. Ils s'humilieront profondément devant Notre-Seigneur de se voir indignes de la récompense ordinaire réservée à ses fidèles serviteurs sur la terre. De plus ils se tiendront bien sur leurs gardes et prendront de grandes précautions contre le relâchement qui pourrait s'introduire bien facilement dans leurs âmes par suite de cette paix sensible dont jouirait la nature.
265 ART. XV. - Dans les privations, les peines et les afflictions ils auront l'esprit serein, libre, ouvert, calme, le coeur dans la douceur et la paix humble que donne le saint amour de leur divin maître et de leur très-sainte mère dont les dispositions ont toujours été telles au milieu de tant d'afflictions et d'oppressions auxquelles leurs coeurs sacrés étaient sans cesse assujettis.
266 ART. XVI. - Ils auront une grande horreur pour l'orgueil, l'ambition et la vanité, et ils éloigneront de toute leur conduite les effets pernicieux de ces vices.
267 ART. XVII. - Ils n'attacheront aucun prix à ce que le monde estime grand, sublime et élevé. Ils ne désireront et ne rechercheront point ces choses ni dans l'ordre de la nature ni dans l'ordre de la grâce. Ils ne se laisseront pas dominer par la superbe pour vouloir se distinguer et sortir du commun, pour se faire un nom par l'étendue de leurs connaissances, par l'élévation de leur esprit, par la sublimité de leurs pensées et de leurs discours. Ils auront horreur de toutes ces choses et les éviteront avec soin dans leurs conversations et dans leur conduite et encore d'avantage dans l'exercice des saintes fonctions; ils ne chercheront en tout que la plus grande gloire de Dieu et cela avec une grande pureté, une grande simplicité et une parfaite humilité.
268 ART. XVIII.- Au lieu d'attacher du prix et de désirer ce qui les relève aux yeux des hommes ils n'estimeront, n'aimeront et ne rechercheront que la connaissance de leur néant, de leur faiblesse, de leur inutilité, de la profonde misère de leurs âmes. Au lieu de mettre leur complaisance dans ce qui les exalte, ils tâcheront de s'établir dans une véritable humilité de coeur, dans l'amour des choses basses, dans le contentement au milieu du mépris des hommes. L'amour de Dieu le plus pur, le détachement d'eux-mêmes et la parfaite obéissance seront les fondements de cette vie si sainte et si humble; le zèle véritable pour le salut des âmes, l'esprit d'oraison, l'accomplissement parfait des règles en seront la suite, aussi bien qu'en se livrant à la superbe ils deviendraient des instruments nuls et même nuisibles à la gloire de Dieu, de même par la pratique parfaite de ces vertus ils deviendraient de véritables Apôtres.
269 ART. XIX. - S'ils ont le bonheur de pratiquer sincèrement ces vertus, ils seront paisibles, doux, humbles, graves et charitables dans leur langage, dans leurs actions, dans leur démarche, dans leur tenue et en général dans leur conduite et dans leurs rapports avec tout le monde. Ils n'exigeront rien des autres pour leur propre personne, se regardant comme des hommes de néant et des serviteurs qui doivent tout à tout le monde et à qui personne ne doit rien. Ils prendront bien garde cependant à ce que leur ministère ne soit pas méprisé, et à ce qu'ils ne perdent pas l'autorité apostolique dont ils ont besoin auprès des âmes.
270 ART. XX. - Ils auront horreur de cet esprit d'orgueil et d'ambition qui inspire le mauvais désir de dominer sur ses confrères, d'avoir plus d'autorité et d'être plus considéré qu'eux dans l'intérieur de la communauté ou parmi les personnes du dehors. Bien au contraire ils se rempliront du véritable esprit d'humilité par lequel ils désireront sincèrement devant Dieu d'être regardés et mis les derniers de tous.
271 ART. XXI. - Ils regarderont comme un crime abominable l'ambition qui fait désirer et briguer même les supériorités. Tous au contraire se regarderont comme indignes d'être placés au-dessus de leurs confrères pour les gouverner. Ils se reconnaîtront incapables de remplir les grandes et importantes fonctions de la supériorité, pensant être bien éloignés d'avoir les grandes qualités que demande cette charge. Si par malheur il arrive à quelqu'un de se laisser vaincre par le démon de l'orgueil et de l'ambition pour faire ces brigues, il doit tenir la dernière place partout, jusqu'à ce qu'il se soit établi dans une humilité sincère. Et dans leurs déterminations à cet égard, les supérieurs ne doivent pas considérer le bien qu'ils peuvent empêcher, mais seulement l'avancement spirituel de leurs frères. Ils agiront cependant en cela avec la plus grande douceur et charité.
272 ART. XXII. - On ne doit jamais se mécontenter d'un emploi médiocre dont on serait chargé, sous le prétexte qu'on pourrait bien s'acquitter d'un plus considérable et qu'on s'y rendrait plus utile. Il faut se défier beaucoup de toute pensée qui tend à satisfaire notre amour propre et à nous relever aux yeux des hommes.
273 ART. XXIII.- On se mettra en garde contre la honte qu'on éprouve devant les personnes du monde quand on occupe une place inférieure dans le saint ministère. Il faut dans ce cas agir avec la même humilité que dans l'intérieur de la communauté.
274 ART. XXIV. - Ceux qui réussissent dans leurs fonctions doivent veiller beaucoup sur eux-mêmes pour ne pas laisser pénétrer l'orgueil dans leur coeur et pour ne pas se laisser entraîner aux mauvais sentiments qu'il inspire. Ils doivent dans leur succès s'abaisser sans cesse devant Dieu, craindre de se perdre eux-mêmes en sauvant les autres, demander avec instance la grâce de l'humilité, s'humilier même à l'extérieur devant leurs confrères, et se réjouir si on les abaisse et si on ne fait pas attention à ce qui pourrait devenir pour eux le sujet d'une tentation d'orgueil. Cependant ils doivent employer avec simplicité les dons de Dieu pour sa très grande gloire, tout en se tenant dans une sincère et profonde humilité.
275 ART. XXV. - Quand on ne réussira pas, ou quand on fera une action ou une démarche blamée par les hommes, on se mettra bien sur ses gardes contre la tristesse et le découragement, effets ordinaires produits dans ces circonstances par l'amour propre. On prendra garde à tout sentiment de fausse humilité qui rabaisse l'âme et la porte à l'abattement, comme aussi on évitera d'affecter toutes les manières que l'amour propre invente pour couvrir la honte qu'on ressent; mais on s'humiliera dans son intérieur devant Dieu; on se réjouira devant lui de ce qu'il nous a procuré les moyens de parvenir à l'amour de notre propre abjection, et on tiendra son âme dans la paix, tâchant d'oublier peu à peu ce qui cause cette humiliation.
276 ART. XXVI. - Pour vaincre plus facilement tous ces mauvais penchants d'orgueil et tant d'autres qui en proviennent, et pour parvenir à une humilité véritable, profonde et intérieure, ils tâcheront d'employer les pratiques de l'humilité extérieure conseillées et généralement mises en usage par tous les saints.
277 ART. XXVII.- Chacun doit se regarder comme le dernier de tous ses frères, aimer à être traité comme tel par tout le monde, choisir en tout ce qu'il y a de plus bas et de plus vil, et cédant toujours le meilleur aux autres. On se gardera bien de se peiner ou de s'offenser quand on nous aura témoigné de l'indifférence. De notre côté nous n'en témoignerons jamais à personne, et nous donnerons sans cesse à tous nos confrères des marques de respect et de distinction. En tout cela rien ne doit être affecté.
278 ART. XXVIII- Pour se perfectionner dans l'humilité ils se porteront avec joie aux oeuvres les plus basses pour le service de leurs confrères comme de faire la cuisine dans la maison, laver la vaisselle, balayer les escaliers, les salles, la cour, brosser les habits, nettoyer les souliers, et autres oeuvres encore plus basses s'il s'en trouve. Ils feront tout cela même en présence des étrangers, et sans honte ni vanité, mais avec une douce et humble modestie.
279 ART. XXIX. - Ils regarderont la vanité comme une bassesse d'âme indigne d'un missionnaire et d'un apôtre de Jésus-Christ; ils chasseront loin d'eux tout sentiment de complaisance en eux-mêmes, tout désir de se faire estimer et remarquer. Ils ne feront jamais rien pour plaire à personne ou pour être considérés de qui que ce soit, pas même de leur supérieur; mais ils agiront purement et saintement en toute chose et n'auront de désir de plaire qu'à Dieu seul; c'est sa seule complaisance qu'ils doivent désirer attirer sur eux et sur leurs actions.
280 ART. XXX. - Ils éviteront avec le plus grand soin l'esprit du monde, les façons de voir et de considérer les choses des gens du monde; ils veilleront bien sur eux pour ne rien imiter de leur conduite dans leurs paroles, leurs actions et leurs manières, ils ne s'assujétiront pas à leurs usages. Mais ils formeront tout le plan de leur conduite, de leurs manières, de leurs usages sur leur divin maître et d'après ses préceptes; par là ils seront pour les gens du monde des modèles vivants de la pratique de l'Evangile dont l'esprit se peindra dans toute leur conduite.
281 ART. XXXI. - Ils ne se laisseront jamais non plus dominer par les blâmes et les jugements des gens du monde. C'est à eux à juger le monde et à lui apprendre la conduite qu'il doit tenir; mais le monde n'a rien à leur enseigner. Ils ne doivent point se soumettre à ses doctrines ni à ses jugements faux, pleins de malice et opposés aux saintes maximes de leur divin maître.
282 ART. XXXII.- Pour éloigner autant que possible de nos missionnaires tout sentiment de vanité, il est expressément défendu de donner jamais des louanges et de dire des paroles flatteuses ni à ses supérieurs, ni à ses inférieurs, ni à ses égaux. La charité, la douceur et le respect avec lesquels ils doivent se traiter mutuellement, ne doivent jamais se pratiquer aux dépens de la sainte humilité.
283 ART. XXXIII- L'humilité sincère et profonde doit les animer à l'égard de la Congrégation aussi bien que par rapport à leurs personnes en particulier. Ils auront la plus grande estime pour leurs règles, pour l'esprit qui y est contenu, la plus grande affection pour le corps auquel il a plu à Dieu de les unir pour sa gloire et pour leur sanctification; mais ils ne doivent pas mettre leur complaisance dans l'exaltation de ce corps, ni s'affliger lorsqu'ils le verront humilié aux yeux des hommes. Ils doivent éprouver une véritable satisfaction de voir d'autres religieux estimés, respectés; et se réjouir à la vue du bien qu'ils font dans l'église de Dieu. De leur côté, ils tâcheront seulement d'employer tous les moyens pour que leur Congrégation soit aussi une servante fidèle de la sainte Eglise, animée d'un zèle infatigable pour procurer son exaltation et la plus grande gloire de Jésus-Christ son divin époux.
284 ART. XXXIV.- Lorsqu'on les humilie et qu'on calomnie leur communautés, ils doivent se tenir en repos et dans le silence devant Dieu, se contentant de le servir fidèlement et avec amour sans vouloir être honorés et estimés des hommes. Si cependant ces calomnies étaient nuisibles à leur ministère, ou devaient être des obstacles à la gloire de Dieu ils tâcheraient de les détruire, mais toujours en se conservant dans les bornes d'une humilité pleine de douceur et de modestie, épargnant, si cela se peut, les calomniateurs et les traitant même avec respect.
285 ART. XXXV. - Ils auront aussi un très grand soin de vaincre les défauts de leurs caractères et de leur humeur. Ils feront tout ce qu'ils pourront pour ne pas faire souffrir et pour n'offenser en rien ceux avec qui ils sont en rapport; afin que leur ministère soit sans reproche devant les hommes aussi bien que devant Dieu, et afin que tous les hommes voyant en eux de vrais serviteurs de Dieu, pleins des vertus et des perfections de leur divin maître, exempts des défauts et des faiblesses si communes dans les autres, bénissent et glorifient leur Père Céleste qui les a envoyés, et en profitent pour leur sanctification.
286 ART. XXXVI.- Ils éviteront soigneusement tout ce qui est défectueux dans leurs manières; ils auront un abord facile,, ouvert et qui met à leur aise et remplit de confiance ceux qui ont affaire avec eux. Ils seront polis envers tout le monde, prenant cependant bien garde de ne jamais imiter en rien la politesse du monde; la leur doit être une politesse évangélique pleine de charité et de simplicité.
287 ART. XXXVII- Ils éviteront avec le même soin de se faire des habitudes et comme des manies, en adoptant certaines expressions favorites, certaines manières dans le parler, dans les gestes ou la tenue, afin qu'ils ne prêtent pas au ridicule par ces imperfections et ne nuisent pas à leur ministère. Tout en eux doit être grave, modeste, sage et selon Dieu dont la sainteté doit reluire dans toutes leurs démarches, dans toutes leurs actions et dans toute leur vie.
 
CHAPITRE X.
DE LA PREDICATION.

288 ART. Ier - Les missionnaires considéreront la prédication comme le ministère principal et le plus important de leur apostolat. Ils tâcheront de s'en acquitter en vrais apôtres.
289 ART. II. - Ils prendront pour modèles de leur prédication notre Seigneur Jésus-Christ et les saints Apôtres. Ils ne s'en proposeront jamais d'autres.
290 ART. III. - Ils étudieront avec soin et dans un grand esprit de piété et d'oraison toutes les dispositions intérieures et extérieures de notre Seigneur et de ses saints apôtres dans leur prédication et leur manière de prêcher. Ils tâcheront de retracer le même genre et les mêmes dispositions, le tout dans un grand esprit de piété et de ferveur.
291 ART. IV. - Dans leurs prédications ils auront pour fin, comme il a été dit ailleurs, d'inspirer la haine et l'horreur du péché, de convertir, de changer les âmes, de les porter à l'amour de Dieu, de les instruire dans les vérités saintes de la religion, de leur apprendre à servir Dieu, à marcher dans la perfection pour assurer leur salut éternel.
292 ART. V. - Pour parvenir à cette fin ils doivent viser dans leurs discours à éclairer les esprits pour leur faire concevoir parfaitement les choses divines, et à échauffer les coeurs afin de les porter à la haine de ce qui est haïssable devant Dieu et à l'amour des choses qu'ils doivent aimer, qu'ils fuient les unes et qu'ils embrassent les autres avec ferveur et courage. Ils ne doivent pas se contenter de produire ces effets sur l'imagination par des paroles emphatiques et par les industries de leur esprit; mais ils doivent pénétrer dans l'esprit et le coeur de leurs auditeurs en assaisonnant leurs discours par le sel de la grâce et leur donnant l'empreinte de la lumière divine qu'ils obtiendront s'ils sont fidèles.
293 ART. VI. - Ils liront et méditeront souvent le saint Evangile et les Epitres des Apôtres, surtout celles de St.Paul, pour y acquérir la connaissance parfaite de notre Seigneur Jésus-Christ, des ses saints mystères, pour se remplir des grandes et admirables vérités qu'il est venu nous enseigner et pour y prendre la lumière, l'onction et la force avec lesquelles lui-même et ses saints apôtres ont enseigné et prêché ces célestes vérités.
294 ART. VII. - Le fond, l'âme de leur prédication évangélique sera non un sec esprit d'étude et de science, mais comme dans les grands modèles qui leur sont proposés un véritable esprit intérieur, un grand amour de Dieu, un zèle ardent pour l'établissement de son règne dans tous les hommes et un désir fervent du salut et de la sanctification des âmes. S'ils ont cette flamme brûlante d'amour dans leur intérieur et s'ils sont remplis de l'esprit de Dieu, ils paraîtront dans la chaire comme de vrais apôtres et produiront des effets merveilleux.
295 ART. VIII. - Leur prédication doit être sainte. Ils doivent toujours annoncer la parole de Dieu et non pas leur propre parole. Ils ne s'étudieront point à employer les industries de l'éloquence humaine pour obtenir de bons effets, mais ils parleront en hommes inspirés par la grâce divine, et tâcheront d'imprimer les sentiments qu'ils éprouvent eux-mêmes dans les âmes de ceux qui les écoutent en se livrant avec ferveur à l'impression de cette sainte grâce.
296 ART. IX. - Leur prédication doit être pure, exempte de tout motif humain, de tout intérêt et de toute espèce de satisfaction humaine. Tout dans cette grande action doit être au-dessus de la nature et tout céleste.
297 ART. X. - Ils prêcheront aussi avec de profonds sentiments d'humilité, se conservant libres de tout amour propre, de toute vanité, de toute complaisance quelconque en eux-mêmes et dans les choses qu'ils disent. Aussi veilleront-ils avec grand soin sur eux-mêmes avant, pendant et après la prédication afin que l'ennemi ne trouve rien qui lui appartienne dans une si sainte et si grande oeuvre et qu'ils n'aient pas le malheur de vouloir plaire aux hommes et de se prêcher eux-mêmes au lieu de prêcher notre Seigneur.
298 ART. XI. - Leur prédication doit être fervente: toutes leurs paroles et toutes leurs actions en chaire doivent être l'expression du zèle ardent dont ils brûlent pour la sanctification des âmes auxquelles ils parlent.
299 ART. XII. - Leur prédication doit être simple dans les pensées, dans les mouvements affectueux, dans l'ordre et l'enchaînement des matières, dans le style: leurs gestes et leur tenue doivent être simples aussi. Ils doivent montrer l'homme apostolique en tout, sentir profondément les vérités qu'ils veulent prêcher, les rendre telles que notre Seigneur les leur montre dans l'oraison sans trop s'attacher à la manière de les exprimer et sans mettre de la recherche dans la tournure des phrases et des pensées.
300 ART. XIII. - Cependant ils ne doivent en aucune manière mettre de la négligence dans toutes ces choses; ils doivent éviter tous les défauts dont ils s'aperçoivent et même donner un certain soin à leur style et à leurs gestes, afin de ne pas nuire en les négligeant, à l'impression que doivent faire leurs paroles. Il faut que leurs pensées soient solides, claires et sans embarras, afin que ceux à qui ils parlent en profitent et les comprennent sans la moindre difficulté.
301 ART. XIV - Leurs prédications doivent être puissantes et généreuses. Ils doivent s'élever fortement contre le péché, jeter la crainte dans le coeur des pécheurs endurcis; mais pour cela il ne faut pas qu'eux-mêmes craignent ceux à qui ils parlent, et qu'ils les ménagent lâchement. Ils doivent parler avec toute la force et la puissance qui leur sont données par notre Seigneur, pour faire connaître aux peuples leurs péchés, leurs vices et pour les en corriger. Ils prendront cependant garde que cette force et cette puissance avec lesquelles ils doivent parler, ne dégénèrent pas en aigreur, et que ce qu'ils diront contre le péché ne paraisse pas être des invectives et des personnalités.

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