Femmes au Cameroun



Les entrepreneurs ruraux du Sud

Missionnaire de la Résurrection,
Soeur Gisèle Mbarga continue avec courage la formation de jeunes agriculteurs initiés
au lycée de Sàa par le Père Bernard Foy.

La chute du cours du cacao

Pendant la colonisation, nos parents ont appris à cultiver du cacao, du café, du thé... produits voués alors à l'exportation et procurant des revenus "assez acceptables". Mais depuis plusieurs années, les cours du cacao ont baissé, la crise économique frappe le continent avec ses conséquences :



les paysans délaissent les plantations, il n'y a plus de crédits pour l'agriculture, pas de soutien pour permettre aux paysans de diversifier leur production. Laissé à lui-même, le peuple s appauvrit, les enfants ne vont plus à l'école et les jeunes partent. C'est l'exode rural vers des villes qui n'ont elles-mêmes pas grand chose à proposer.


La section des entrepreneurs ruraux"

Quelles nouvelles perspectives ouvrir dans une situation qui se détériore très vite ? Le Père Bernard Foy, alors responsable d'un lycée de Sàa (Centre du Cameroun), s'est mis en tête de repenser la formation des jeunes qui veulent rester dans le monde agricole. Il faut former des "entrepreneurs ruraux", des jeunes prêts à mener à bien un projet agricole après une formation de quelques années. Il obtient de l'Etat Camerounais qu'un établissement scolaire dispense cette formation agricole avec obtention d'un diplôme (il a bien compris qu'en Afrique la notion de diplôme est très importante).
Il prend ensuite son bâton de pèlerin pour convaincre



les responsables des établissements d'enseignement privé catholique. Mon Institut religieux, les Missionnaires de la Résurrection, adopte le projet et met son collège de Sàa à sa disposition. On m'envoie faire des études d'ingénieur en agronomie.
Depuis cinq ans, la principale de l'établissement a obtenu du Ministère de l'Education Nationale l'ouverture d'une section agricole. Déjà 130 jeunes ont été formés, dont 1 1 0 sont des "entrepreneurs ruraux" et 20 ont souhaité faire des études supérieures. Ces jeunes s'installent dans leur village, et démarrent, dès la fin de leur formation, un projet dans le domaine de la culture ou de l'élevage


vers une agriculture "moderne"

Dans un pays où il n'y a pas de prime d'installation pour le jeune agriculteur, où il n'y a ni assurance contre les intempéries naturelles, ni véritable système d'accession au crédit, c'est le suivi qui est primordial. Il faut tout faire pour encadrer ces personnes fragiles et c'est ans cette option que je poursuis mes études en France aujourd'hui. Il faut créer une ferme "pilote", lieu de soutien, de conseil, d'animation, d'évaluation, lieu de regroupement, et d'expérimentation. Il faut mettre à la disposition de ces jeunes agriculteurs Ge moins de vingt-cinq ans une structure qui ressemble à une véritable coopérative où ils puissent emprunter du matériel... Quand on sait qu'aujourd'hui, dans nos régions, on peine à trouver une brouette dans le village. Il faut aider ces jeunes a s'organiser pour l'utilisation et l'achat du matériel. Le manque de matériel est la principale cause de retard dans les récoltes et dans les semis, hypothéquant ainsi les résultats des récoltes à la fin de l'année.



Aujourd'hui, notre courage et notre ambition viennent du fait que ces jeunes eux-mêmes réclament un suivi, une évaluation. -ils veulent apprendre des choses nouvelles, ils veulent quitter la culture traditionnelle pour créer une agriculture "moderne". Il faut noter aussi que su entrepreneurs ruraux aujourd'hui, 30 jeunes filles qui se battent aussi réussir malgré les difficultés financières, les blocages sociaux et culturels. Dans ce milieu notre animation vise un véritable changement de mentalités dans la tolérance réciproque. Nous croyons que l'évolution est possible.
Au moment où je suis en train de terminer mes études, je me réjouis de repartir pour cette aventure... et je voudrais dire que nous restons très ouverts pour accueillir toutes les bonnes volontés, tous ceux qui aiment l'Afrique, tous les amis de l'Afrique, tous ceux qui croient encore aujourd'hui à la solidarité entre les peuples. Il y a bien des coups de pouce à donner à ces "entrepreneurs ruraux " du sud.

Soeur Gisèle Mbarga