Parole de Vie..   
Prier avec Libermann

Libermann, maître spirituel



François Libermann est mort le 2 décembre 1852 alors que la seconde république était en pleine agonie. On a pu dire de lui qu’il a été une des plus grandes âmes d’oraison et un des meilleurs directeurs spirituels de son siècle. Mais qu’a-t-il encore à nous dire en 2010, à l’heure d’Internet et de la mondialisation ?
Ce que nous apporte François Libermann est le cœur de l’expérience chrétienne. En effet notre monde actuel, monde de technique et de progrès, est paradoxalement un monde marqué par la soif de sens et plus précisément encore par la soif de spiritualité. Or en ce domaine, François Libermann nous parle, mais il nous parle de manière originale et riche dans au moins trois dimensions.
Le Père Libermann parle de la vie spirituelle d’abord en homme d’expérience, en témoin ; il nous parle de la vie spirituelle en nous conduisant à l’essentiel tout en respectant la liberté des personnes; enfin, il nous invite à vivre une expérience qui conduit à ce dont les hommes de notre temps ont besoin, la paix.

Le Père Libermann, un homme d’expérience.
Comme le soulignait le Pape Paul VI dans son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, " l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres … ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins " (EN41).
Le Père Libermann a pu être un maître écouté parce qu’il a d’abord été un vrai témoin. Il a traversé la vie en recevant des influences multiples à partir desquelles il va progressivement faire jaillir une synthèse unique, originale et personnelle.
Rappelons brièvement certaines de ces influences. Né dans le judaïsme, il va être éduqué dans un climat spirituel et religieux qui l’habituera très tôt à vivre en la présence de Dieu. Faisant ses études à Metz afin de devenir rabbin, il va passer par une crise de la foi avant de vivre une conversion radicale au christianisme. Son baptême, célébré la veille de Noël en décembre 1826 le fait entrer dans une dimension mystique de l’expérience de Dieu. Entré au séminaire d’Issy, il aura soin de s’ouvrir, avec passion et attention, aux écoles spirituelles et aux modèles qu’on lui proposera alors. Découvrant Mr Olier, St Jean Eudes, il entrera dans l’expérience forte du Christ que l’invite à vivre l’École française. Il aura à traverser une épreuve très douloureuse qui le conduira, au milieu d’une nuit purifiante à recevoir la " petite lumière ", première lueur vers la fondation de la famille missionnaire qui sera la sienne. C’est cette expérience, riche et multiple, qui passe par le dépouillement et la crise et qui fait de François Libermann une figure résolument pour notre temps.

Le Père Libermann, un homme de l’essentiel.
Le Père Libermann a toujours conduit à l’essentiel. A une époque où l’on se souciait surtout de vie morale - voire de " moralisme " - et d’ascèse, il a su ne jamais perdre de vue la finalité de l’expérience chrétienne qui est la vie d’union avec le Christ. Il invitait ses dirigés à vivre cette expérience dès le début de leur chemin spirituel : " Lorsque je voyais une âme dont la portée paraissait élevée, je veux dire une âme qui me semblait appelée à la perfection de la vie intérieure (et il y en a plus qu’on ne pense) je commençais à lui donner une forte idée de la perfection chrétienne afin qu’elle fût frappée et comme enlevée. J’en agissais ainsi, parce que, dans son intérieur, Dieu le poussait avec violence. Voyant la hauteur et la beauté de la chose, elle en était ravie et elle entrait dans un désir violent de parvenir à cet état si beau et si admirable " (LS II, p.386).
Le Père Libermann, pour cette raison, éclairera ses fils sur la sainteté à laquelle ils doivent tendre - par exemple dans ses Écrits Spirituels - avec des accents qui anticipent le splendide chapitre de la constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium. Ce chapitre rappelle à tous les baptisés que leur vocation est de vivre la sainteté et de témoigner ainsi au cœur du monde de la présence agissante de Dieu. C’est cette tension vers la sainteté qui doit demeurer l’horizon de toute l’action pastorale selon le pape Jean-Paul II (Novo millenio ineunte N° 30).
Cette conduite vers la sainteté, qui évite de faire de la morale le but caricatural de la vie chrétienne - elle en est un effet – le Père Libermann l’assurera pourtant avec un véritable soin de la liberté des personnes. Il met ainsi l’Esprit Saint au cœur de l’accompagnement spirituel : " un directeur doit se garder de vouloir conduire une âme ; c’est à Dieu seul de la conduire et au directeur à procurer le moyen qu’elle ne s’oppose pas à cette conduite " (LS, II, p. 311). C’est cette prudence, toute empreinte d’une confiance fondamentale dans l’action de l’Esprit, qui permettra au Père Libermann d’être un accompagnateur conduisant au Christ sans lui faire obstacle : " c’est un grand principe dans les choses divines, de ne vouloir pas amener tout le monde à son avis et à sa manière d’agir " (ND II, p.123).

Le Père Libermann, un homme de paix
Aujourd’hui, au cœur d’un monde complexe où le stress gagne tous les cœurs, l’homme cherche la paix mais ne sait pas toujours comment la trouver. Le Père Libermann, par le chemin spirituel qu’il a initié, a invité à vivre la paix ou, plus exactement, a accueillir la paix que le Christ promet à ses disciples. Cette paix n’est pas une simple absence de conflit, le fruit d’une compromission. Cette paix est le fruit de l’Esprit, la vie de Dieu qui donne à l’homme de goûter l’accomplissement de son être et le sentiment d’être " chez lui " dans l’attente de la vie éternelle.
Cette paix, don de Dieu, le Père Libermann a, bien entendu, compris qu’elle était pure grâce. Mais il a aussi découvert que cette paix supposait que l’on se dispose à l’accueillir. Il a compris, à l’expérience, que la paix se gagne par la paix. Il invitera donc ses dirigés à modérer, à apaiser progressivement tous les mouvements de leur personne ; le corps, l’affectivité mais aussi l’imagination et les puissances de l’âme sont autant de dynamismes qu’il faut tempérer pour les rendre dociles à la motion de l’Esprit. " Agissez en tous temps et en tous lieux et en toutes circonstances posément, avec modération et avec douceur…parlez et agissez avec suavité et avec paix " (LS II, p. 105).
C’est cette conduite de toute la vie, la " voie passive " comme l’appelait le Père Libermann, qui transforme l’homme par la paix et en fait un témoin de la paix. C’est cette conduite qui fait du Père Libermann un spirituel à découvrir et à redécouvrir sans cesse.

Mgr Vincent JORDY, Évêque auxiliaire de Strasbourg

Voir dans notre rubrique MEDIAS, la con férence donnée par le m^me auteur à la miason-mère le 2 février 2010 sur le thème : La "passivité" selon Libermann

QUINZE JOURS AVEC LIBERMANN
François Libermann, né en 1802, devait succéder à son père rabbin à Saverne. Mais, après avoir découvert le Christ, il est baptisé à 25 ans. Il désire devenir prêtre mais l'épilepsie l'arrête pendant douze ans. Il fonde en 1841 une société missionnaire pour l'évangélisation des esclaves et de l'Afrique. En 1848, il entre avec ses missionnaires dans la congrégation du Saint-Esprit. Il en devient le onzième supérieur général et la sauve grâce à son ardeur apostolique.
Pour lui, rien ne s'est passé comme prévu. Son secret, c'est sa disponibilité à l'Esprit Saint. Il réconforte les blessés de la vie, il gère les conflits, il accompagne les chercheurs de Dieu, il invente des voies nouvelles quand tout est perdu, et il propose une vie d'amour, de sainteté et de sacrifice à la suite du Christ.



Arsène Aubert a travaillé neuf ans à la formation biblique des futurs missionnaires de la congrégation du Saint-Esprit (spiritains), quinze ans en Afrique (Zaïre, Cameroun, Gabon) et huit ans en Guadeloupe (synode et paroisse). Pendant six ans, il a été vicaire provincial des spiritains en France. Actuellement, il anime des réunions et des retraites avec la spiritualité de Libermann.


Dans cette rubrique, nous développons un aspect de la spiritualité de Libermann pour le quotidien, à l'aide d'articles parus dans notre revue Echo de la Mission.

Libermann

François Jacob Libermann, fils du rabbin de Saverne, naît en 1802.
Il se convertit en 1826. En 1839, alerté sur le sort des esclaves noirs, il forme le projet de l’Oeuvre des Noirs et fonde en 1841 la " Société du Saint-Cœur de Marie, pour l’évangélisation des Noirs. " En 1848, elle fusionne avec la congrégation du Saint-Esprit fondée en 1703 par Poullart des Places. Libermann meurt en 1852.
Un certain nombre de ses intuitions missionnaires seront développées par Vatican II: a priori de respect envers les peuples et de confiance envers chacun, pédagogie de l’accompagnement spirituel, souci de la formation d’un clergé africain, etc.
" Faites-vous Nègres avec les Nègres pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l’Europe, mais laissez-leur ce qui leur est propre; faitesvous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres… "

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