Le chemin que je vais emprunter pendant cette causerie pourrait
paraître à certains quelque peu sinueux. En voici donc les principaux
jalons. Par curiosité, je suis d’abord allé voir ce que nos
fondateurs, Libermann en particulier, disent de la rencontre avec les
musulmans.
Puis, à partir des étapes d’engagement d’une Eglise,
celle d’Algérie, nous verrons comment des spiritains se sont trouvés
impliqués dans ce qu’on peut appeler une mission absolument nouvelle.
Et j’essaierai enfin de marquer les points de convergence entre la
congrégation dans son évolution actuelle et la mission telle qu’elle
se cherche dans la « Maison de l’islam ». J’espère ainsi
répondre à la question : « comment peut-on être spiritain
dans les pays majoritairement musulmans ? »
1. Une mission spiritaine ?
Si j’ai accepté ce défi, c’est que j’ai cru
comprendre qu’on me demandait de dire si la mission en milieu
majoritairement musulman s’inscrivait bien dans la tradition de la
congrégation et dans l’esprit de nos fondateurs . Si, en quelque
sorte, je me sentais bien toujours spiritain après avoir passé la quasi
totalité de ma vie apostolique en relation quotidienne avec des
musulmans, dans une minuscule communauté chrétienne, pratiquement sans
avoir inscrit de nouveaux noms sur les registres de catholicité. |
Alors
oui, je veux bien dire en quoi nous avons la conviction d’accomplir une
mission spiritaine, rejoignant en cela les convictions des confrères d’Algérie,
mais aussi du Pakistan, des Philippines, de Maurice de Mauritanie, de
Zanzibar, du Nigéria, du Nord Cameroun ( et j’en oublie) pour qui la
vie quotidienne est, quasi exclusivement, un tissu de rencontres avec des
musulmans.
Je ne m’attarderai pas à détruire deux préjugés
pourtant encore bien enracinés : l’un qui s’appuie sur l’ancienne
idée du partage de l’espace missionnaire et laisse croire que ce type d’apostolat
est réservé aux Pères Blancs : les spiritains étaient en Oranie,
à l’ouest de l’Algérie, dès 1901 alors que les Pères Blancs n’y
sont arrivés qu’en 1964.
>Autre préjugé à bannir absolument : pour
accomplir un tel ministère de rencontre avec le monde musulman, il faut
avoir la spiritualité de Nazareth des Petits Frères de Jésus. Il est
indéniable que le Père de Foucault a marqué de son empreinte la
spiritualité des missionnaires de la « rencontre » tant sur
le plan de l’enfouissement silencieux , de la prière contemplative que
de l’adoration eucharistique, mais la spiritualité missionnaire de
Libermann et des spiritains, telle qu’elle est inscrite dans la règle
avec ses trois dimensions « d’annonce de la Bonne Nouvelle, de
pratique des conseils évangéliques et de communauté fraternelle et
priante » convient tout aussi bien à ce type particulier de
mission : j’espère que vous en serez convaincus à la fin de cette
causerie. |