Parole de Vie..   
Dialogues

SPIRITAINS DANS LA « MAISON DE L’ISLAM »


5. Mission dans la maison de l’Islam, un lieu d’épanouissement de notre vie spiritaine

Tout cela doit bien paraître mesquin – vous savez que ce mot mesquin vient de l’arabe « meskin » qui signifie pauvre, qui inspire la pitié – à beaucoup d’entre vous qui êtes ou qui avez été des animateurs de communautés chrétiennes nombreuses, des prédicateurs de la bonne nouvelle, de Jésus-christ , fils de Dieu vivant et ressuscité, des administrateurs des sacrements, des meneurs de groupes d’action catholique, des acteurs de développement…Etre curé de 4 ou 5 religieuses et d’une poignée d’étudiants d’Afrique subsaharienne, cela ne remplit pas un agenda et ne nourrit pas son homme ; mais la perspective est tout autre quand on pense chaque jour à cette masse de croyants qui vous entoure et avec lesquelles on brûle de partager la Bonne Nouvelle et sa foi au Christ ressuscité. Il m’arrive souvent de dire que pendant ces 22 ans de présence à Sidi-Bel-Abbès, j’ai été le prêtre d’environ 600.000 habitants que compte la Wilaya (ou le département).On est souvent ramené à la prise de conscience de Jérémie au chapitre 1, verset 6 : « Ah ! Seigneur Yahvé, vois, je ne sais pas porter la parole : je suis un enfant ! » Cette mission a bien, ce me semble, la particularité de nous ramener à l’humilité en même temps qu’à l’enthousiasme des commencements comme ce fut certainement le cas pour Poullart des Places ou Libermann ,  quand on ne sait pas encore les mots pour délivrer le message et qu’il faut inventer le langage de la vie parce que celui de la parole n’est pas de mise.

Pour trouver ce langage, nul doute que la vie religieuse telle que nous la proposent nos fondateurs et que nous l’ont transmise nos anciens nous est d’un grand secours , à commencer par la fréquentation quotidienne de la prière communautaire et personnelle et de l’Eucharistie .Sinon comment refléter le visage de ce Christ qui doit illuminer notre vie comme il a illuminé toute la vie de Libermann. Prier en terre d’Islam, ce n’est pas seulement vouloir se montrer aussi religieux que ces croyants qui se prosternent cinq fois par jour ou qui accomplissent méticuleusement les préceptes de leur religion le plus souvent comme un acte de soumission (muslim = soumis), mais comme un retour sans cesse renouvelé à ce Jésus-Christ que nous brûlons de faire connaître. Avec cette certitude libermanienne, ce me semble, si bien résumée dans la Règle de vie, que cela ne peut être que l’œuvre de l’Esprit-Saint :  « Dans la prière, nous sommes purifiés et transformés par l’Esprit Saint : ses dons et les fruits de sa présence deviennent en nous source d’équilibre humain et spirituel et fécondent toute notre vie ».(RVS 86). Comment faire autrement que d’essayer de mettre au cœur de notre vie cette « union pratique » si chère à Libermann ?

Notre consécration religieuse par nos vœux, elle-même , en milieu musulman ne serait d’aucune valeur sinon un contre témoignage, si nous voulions nous contenter de lui donner un caractère exemplaire dans un milieu où le célibat est une honte et le mariage « la moitié du paradis », la pauvreté vécue comme une tare et la richesse considérée comme bénédiction divine, et l’obéissance comprise comme une soumission servile à Dieu. Il nous est souvent arrivé dans le Groupe spiritain d’Algérie ces dernières années de réfléchir au caractère spécifique de notre vie religieuse en milieu musulman : tout en reconnaissant les exigences particulières de notre consécration dans un milieu qui n’y croit pas, force est de constater que ce même milieu nous oblige à faire la vérité, un permanent « ajustement sur le christ » comme aimait à dire notre ancien évêque, le P.Claverie, lui-même religieux dominicain. Cette consécration est, selon notre Règle de vie, joie, adoration et libération (RVS 53) ; des valeurs  dont il est inutile de dire l’importance du témoignage dans un milieu musulman tourmenté et tiraillé entre foi et modernité.

Il faudrait aussi plus de temps pour développer l’importance de la vie de communauté en pays musulman : en plus des justifications de ce choix fait par Libermann et tel qu’exprimé par la Règle de vie aux numéros 27 et 28 , en particulier ce passage :  « La vie communautaire est un élément essentiel de la vocation spiritaine et un moyen privilégié de mettre en pratique les conseils évangéliques au service de la Bonne Nouvelle », on pourrait insister davantage, dans ce contexte sur le témoignage de l’amour fraternel, surtout quand il devient international, interculturel ou interracial . On connaît le contentieux sans cesse renaissant entre les musulmans et nous, chrétiens occidentaux en raison des croisades, de la colonisation et des conflits actuels, mais on parle moins souvent du mépris avec lequel l’arabe musulman regarde les africains subsahariens en qui il voit encore bien souvent d’anciens esclaves ; on devine alors l’importance et les questions posées par une fraternité internationale et interraciale, surtout quand, dans la pensée de l’Algérien moyen, l’Africain ne peut être que musulman…

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