Cahier Afrique (2008)




  Un nouveau bulletin  
A l’occasion de le fête de Pentecôte 2008 , notre groupe, renouvelé par de jeunes confrères, a décidé la parution de notre nouvelle revue sur le Net , Algérie cssp. Com(munauté). Ainsi nous pourrons vous donner des nouvelles de notre vie en Algérie 2 fois par an : Noël et Pentecôte

Nous avons conscience de la particularité de notre mission de cheminement avec un peuple qui ne partage pas notre foi . Nous serons toujours très intéressés par vos réactions , vos questions ou par l’enrichissement de votre expérience personnelle

Editorial
Histoire du groupe
C’est en 1901 que François Xavier Libermann, devint supérieur de la fondation spiritaine de Misserghin dans le diocèse d’Oran. Il fallait reprendre une œuvre en difficulté: orphelinat, ferme et ateliers et accueillir des membres d’une Congrégation dissoute, dont un qui devint célèbre, Frère Clément, Inventeur de la " Clémentine " Très vite, les lois anti-cléricales empêchèrent les œuvres d’éducation. Misserghin devint une maison de repos pour les confrères en convalescence et une maison de rapport : oranges et vins pour la Province de France. Des confrères prirent aussi des paroisses dans la région.
1950 vit la réouverture du collège d’enseignement technique et agricole. En 1975, lors de la nationalisation, il y avait 200 élèves internes. Plus quelques externes. Nos anciens élèves, tous musulmans bien sûr, nous disent avec gratitude combien ils ont été marqués par l’éducation reçue.
En 78, nous nous installons sur Oran puis à Sidi Bel Abbès en 80 et à Mascara en 1991.Nous devions animer de petites communautés chrétiennes très internationales. Pour rencontrer la société algérienne nous avons dû chercher du travail dans l’enseignement public, l’éducation. Mais en 87 , on nous a encore privé du droit d’enseigner dans le public , nous avons alors transformé nos locaux paroissiaux pour donner des cours de soutien scolaire , ouvrir des bibliothèques  et créer , avec les religieuses des cours de formation féminine .Nous appelons ces structures : " plate-formes  de rencontres "  car nous trouvons là un lieu favorable pour rencontrer les musulmans.
Nos communautés vivent de l’ Esprit de l’ Eglise locale très marquée par le Père Charles de Foucault .En suivant le parcours des anciens René et Raymond , vous verrez comment la vie de nos communautés a dû épouser l’histoire chaotique de l’église et du pays , et comment à chaque étape , malgré les dépouillements et la violence , il a fallu discerner, inventer ,rester debout pour le service et le témoignage . Nous sommes restés à deux de 94 à 2000, René à Sidi Bel Abbès et Raymond à Mascara . Ce furent les années du terrorisme : plus de 150 000 morts dans tout le pays et 19 religieux (ses) et notre Evêque d’ Oran qui furent assassinés. L’Eglise a payé le prix de sa solidarité avec ce peuple algérien, bien que en quasi totalité musulman. Quand la situation fut redevenue normale, nous avons accueilli des stagiaires de la WAP, puis du Nigéria et de la FANO
Innocent(Ghana) qui a pris le virus de l’ Algérie lors de son stage a aussi contaminé 2 de ses confrères : Dominic( Ghana) et Chrislain ( Brazza) et nous attendons Frédérick( Kénya) pour septembre .Avec 4 jeunes , en première affectation , nous osons regarder l’avenir Voilà notre  espérance  .Mais notre situation demeure bien fragile . Les Chrétiens sont à nouveau la cible de mesures administratives (visas non accordés) ou de certains médias. Le monde musulman se sent agressé par l’occident chrétien et par la modernité sous toutes ses formes. Alors il se replie sur la religion et craint la division de la nation musulmane. Il peut accepter que des prêtres animent la foi des chrétiens expatriés mais ne comprend pas notre présence en milieu totalement musulman avec pour objectif la rencontre, le dialogue respectueux des cultures et des religions. On nous soupçonne soit de prosélytisme soit de travailler pour des puissances occidentales en vue de déstabiliser le monde musulman.

Et pourtant nous sommes convaincus d'être bien à notre place sur ces lignes de fracture qui divisent l’humanité entre le nord et le sud, l’occident et l’orient, les riches et les pauvres, la chrétienté et le monde musulman, entre l’Afrique blanche et l’Afrique noire. Comme le Christ en croix, nous sommes souvent écartelés, mais nous voulons être des liens, des ponts "  au milieu de cette humanité qui se divise et se déchire ". Nous voulons être des "guetteurs qui attendent dans la prière et une présence humble mais active la venue de ce Royaume fraternel dont les frontières ignorent nos limites de pays, de race ou de religion."
Raymond Gonnet, CSSp, Supérieur

Un mot de la part des membres de la circonscription

Chrislain R. P. LOUBELO, CSSp
Je suis originaire du Congo-Brazzaville, province d'Afrique Centrale ( PAC). Ordonné en juillet 2006, je suis arrivé en Algérie en octobre 2006. C’est en réponse à l’appel de prendre part au dialogue interreligieux en contexte musulman et à quelques dispositions intérieures que je suis venu. En retrouvant ma communauté à Sidi bel Abbes, je me suis assez facilement intégré dans les activités sur place, à savoir les cours de soutien en français et en anglais aux scolaires et adultes. C’est tout naturellement une autre forme de vivre le dialogue : elle permet de rencontrer des gens et de travail ensemble. Très vite, je me suis senti solidaire de l’Eglise locale et de sa façon d’être présente. La pastorale est essentiellement centrée sur l’accompagnement des étudiants chrétiens subsahariens ; aussi c’est avec joie et enthousiasme que je prends part aux activités qui sont organisées à leur attention : ma première participation à l’université d’été qui a lieu pendant les grandes vacances d’été a été un grand moment pour moi. Ceci m’a permis de renforcer une autre prise de conscience, rencontrer des jeunes de diverses nationalités, dans un contexte mondial où on parle de plus en plus de mondialisation : la possibilité de vivre ensemble malgré nos différences évidentes et apparentes. Un acte concret de vivre la fraternité universelle! (1 Jn 4, 20). Autant le dire aussi la petite communauté paroissiale est très internationale : la communauté spiritaine, deux nationalités, la communauté des sœurs franciscaines (FMM) cinq, et les étudiants qui viennent d’un peu partout de l’Afrique subsaharienne.
Bien loin de faire rimer notre présence ici avec passivité, notre Mission de présence demeure témoignage. La mission est avant tout présence – présence à soi-même et présence à l’autre. Ces formes de présence sont éprouvantes mais elles me procurent aussi jusque-là de la joie qui me donne, à travers la prière, et la force et le courage et des raisons de rester. Mission de présence gratuite offerte au Seigneur. Conviction aussi d’entrer dans une longue histoire, une longue tradition, celle des anciens, Spiritains et autres, en mission d’église, présents en Algérie depuis des décennies.

Dominic K. Asare, CSSp,
Asare appartaient à la circonscription d'Algérie, originaire de la province d'Afrique de l'Ouest (WAP). Ordonné en 2006, il a choisi de faire partie de cette mission de présence. Il a passé une année avec nous, année au cours de laquelle il a donné des cours de soutien en anglais à Sidi Bel Abbes. Il suit des études d'arabe classique et d'islamologie au Caire. Il a à cœur la mission en Algérie. Dominic se prépare pour faire face aux demandes de cette mission.
Nous lui souhaitons bien de bonnes choses et nous anticipons son retour avec joie.

Raymond Gonnet, CSSp
J'ai pris contact avec l'Algérie en 1965, avec 16 mois de stage dans notre maison de Misserghin Ce fut aussi ma première affectation en 1970. J'ai eu la chance de pouvoir consacrer, à Alger, 2 années d'études intensives à l'étude de l'arabe classique et de l'arabe algérien. En 72, je revins à Misserghin comme surveillant général du Centre qui comptait 220 élèves dont 200 internes. L'année suivante, René You qui était directeur fut élu premier vicaire provincial de France, on me confia, sans y être trop préparé, la responsabilité du Centre et de la communauté. C'était la grande période du socialisme triomphant et des pays non alignés, avec Boumediene, Fidel Castro, Tito, Nasser etc… avec les nationalisations : Révolution Industrielle, Révolution Culturelle, Révolution agraire qui mettra fin à la présence spiritaine à Misserghin en 75. La Congrégation m'a alors proposé de faire partie de la première équipe pour fonder au Pakistan. Mais par 2 fois, mon visa fut refusé .C'est ainsi que je revins à Oran.
Très vite je me retrouvais, comme éducateur, dans un Orphelinat de l'Assistance publique d'Oran. Pendant six ans, j'ai essayé de donner affection, éducation dignité, avenir, insertion dans la société à ces garçons méprisés car sans origine. Aujourd'hui, leurs enfants me considèrent comme leur grand père !
Mon travail m'avait amené à travailler avec Monsieur Elias, Psychologue et directeur d'une école spécialisée. Aucune structure n'existait pour prendre en charge les enfants déficients mentaux. Alors, forts de notre amitié, nous avons convoqués des parents pour créer une association. Elias s'occupa de la partie pédagogique et moi de la gestion. Nous avons ouvert 4 centres de jours de 30 enfants, puis un autre de 60. Au début, nous avons dû former les monitrices et trouver l'argent, car nous n'avions pas de subvention de l'Etat. Là, je puis témoigner de la gentillesse et de l'immense générosité des Algériens .En 89, fatigué je me suis retiré, restant en lien .Aujourd'hui, l'Association reçoit environ 300 handicapés.
Deux ans à Sidi Bel Abbès, juste le temps de transformer les locaux et j'arrivais fin 91 à Mascara. La communauté chrétienne de Mascara ? 3 religieuses ! Et pourtant, dans cette ville rurale, très sympathique, de 80 000 h. la convivialité entre Juifs, chrétiens et musulmans avait été très forte. Il fallait trouver les moyens de la poursuivre. Restait l'église, bâtiment de 30 m. /16 et 7 m. de Haut. On entreprit de la transformer en créant un étage. Alors il nous fut possible de faire diverses activités : formation féminine, bibliothèque d'agronomie, puis médecine et lettres françaises et anglaises. Cours de soutien scolaire en anglais et français, petit dispensaire pour les pauvres. Ainsi, notre Centre El Amel, l'Espoir, car construit pendant la période terroriste, est vraiment devenu une " Platte forme "de rencontres tant souhaitée par notre cher Evêque assassiné, Pierre Claverie. Il nous a permis de tisser sur la ville une multitude de liens d'amitié et aussi de pouvoir accueillir de jeunes confrères. Si nous n'avons pas de paroissiens , je puis dire , que tous les habitants de la région sont de la paroisse et manifestent souvent leurs sentiments , surtout quand nous participons aux deuils ou autres événements familiaux ou religieux .
Si je ne crois plus trop au dialogue des discours , je crois très fort au dialogue de la vie quotidienne : celle de Nazareth , vécue dans la simplicité Et je rends grâces au Seigneur de m'avoir permis de passer toute ma vie apostolique au niveau de l'humanité de croyants différents convaincu de notre enrichissement mutuel .

Baba Innocent ABAGOAMI, CSSp
Les êtres humains sont en effet des résultats des cultures.
J'ai grandi dans un environnement à majorité musulmane au nord du Ghana. J'ai grandi avec des filles et des garçons musulmans, fréquentant les mêmes écoles qu'eux. J'ignorais que je me préparais pour une mission, une mission de 'présence', une mission de 'rencontre' de l'autre, une mission de faire chemin ensemble avec un groupe entièrement différent.
Par conséquent, ce n'était pas une surprise quand en 2000, j' étais envoyé pour faire un stage pastoral de deux années en Algérie. J'ai passé ces deux années à Mascara, rencontrant des gens et vivant mettant ma vie de communauté. C'st ainsi que je suis 'tombé amoureux' de la mission en Algérie, de la mission en monde arabe, et de la mission de présence, de rencontre de l'autre, et de voyage avec l'autre, dans la perspective d'enrichissement mutuel.
En étude de théologie au Nigeria, j'ai essayé d'approfondir ma connaissance dans le dialogue avec Islam à travers des recherches personnelles. Cela explique le titre de ma thèse de licence, 'L'Eglise catholique Et le Dialogue interreligieux: Une Base Théologique Pour Progrès Dans La Région nord Du Ghana.' Mon intérêt de faire route avec l'autre m'a poussé à publier mon deuxième livre intitulé, 'Pas d'avenir sans relation.'
Pour réaliser cette vocation désirée, j'ai choisi de revenir en Algérie après mon ordination. Je fais face à la réalité de mes rêves: une nouvelle culture, un nouveau peuple, un nouveau climat, une nouvelle société, et même une nouvelle manière de vivre en communauté. Maintes fois, je me suis rendu compte que le Spiritain est appelé dans cette partie du monde pour rencontrer des gens de foi différente, faire chemin ensemble avec l' autre comme le Christ avec les disciples sur la route d' Emmaüs, (cf Luc 24:13ff). Cependant, cet apostolat de présence n'est pas dépourvu de défis.
En dépit de ces défis, la présence spiritaine aussi bien que celle de l'église locale en Algérie, est sine qua non. C'est par ce seul moyen que l'incarnation du Christ est manifestée dans la société algérienne.
J'espère, par conséquent, ma participation à la réalisation de la mission spiritaine ici, telle qu'elle est fidèlement vécu dehors par nos confrères ainés: Raymond Gonnet et René You.
Concernant le futur de cette mission, Libermann m'inspire quand il disait à ses missionnaires:
Ne jugez pas d'après ce que vous avez vu en Europe.
Dépouillez-vous de l'Europe, de ses mœurs, de son
esprit. Faites-vous nègres avec les nègres et vous les
jugez comme ils doivent être jugé; faites-vous nègres
avec les nègres pour les former comme ils doivent
l'être, non à la façon de l'Europe, mais laissez-leur
ce qui leur est propre; faite-vous à eux comme de
serviteurs doivent se faire à leurs maitres.
( cf. N. B. IX, 330 ).
René You, CSSp

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- Algérie- bulletin n° 2008-1 -