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de Madagascar
Père Jean-Claude JAQUARD Communauté spiritaine 35150 – PIRE SUR SEICHE FRANCE e.mail : jcjaq@free.fr - Tel : 06 42 74 64 55 Noël 2007
Chers amis Noël est tout proche. Difficile de ne pas y penser en traversant les rues des villes et des villages de France. Depuis le début du mois de décembre, les décorations de fin d’année ornent les maisons et les ruelles : guirlandes lumineuses, lumières clignotantes dans les devantures de magasins, sapins décorés… Il m’est difficile de ne pas penser au délestage que la plupart des villes de Madagascar doivent subir actuellement. D’un côté de cette terre, un débordement de lumière au prix de quelles dépenses et de l’autre, l’obligation de sortir les bougies ou les lampes à pétrole pour pouvoir s’éclairer. Il n’y aura pas beaucoup de guirlandes lumineuses et clignotantes pour les fêtes de Noël à Madagascar ! La Jirama, société d’eau et d’électricité, est en faillite depuis quelques années et n’arrive plus à fournir l’électricité demandée dans les grandes villes, surtout à cause de la vétusté du matériel. La plupart des groupes électrogènes de ses usines ont plus de 60 ans et il est temps de remplacer tous ces vieux moteurs. Les délestages se sont multipliés, même dans la capitale, depuis quelques mois. Le retour en France m’aura obligé à une transition rapide : changement brutal de température en quittant l’été austral (35° à Mahajanga) et en me plongeant dans l’hiver européen (- 5° ces jours-ci au lever du jour dans la région Rhône-Alpes) - un petit millier de personnes, dont la plupart étaient des enfants et des jeunes, à la messe du dimanche 25 novembre le jour de mon départ dans la paroisse spiritaine de Tsiadana à Tananarive et une petite cinquantaine de personnes de plus de 60 ans à la messe de mon village dimanche dernier. Le changement a été rapide et il me faudra quelques temps pour me permettre d’atterrir et de ne pas rêver ! Après plus de 34 années passées dans les Iles de l’Océan Indien (31 ans à Madagascar et 3 années à la Réunion), il me faut revenir dans mon pays natal, à la demande de ma Province d’origine. Les Spiritains malgaches croissent en nombre et le moment était venu de passer la main, après avoir été responsable de ma Congrégation dans la grande Ile pendant 10 ans. Par contre, les Spiritains français diminuent, prennent de l’âge et le jour est venu d’apporter mon aide à ma Province d’origine qui doit faire face à de gros problèmes de diminution et de vieillissement. C’est pour cela que je rejoindrai la communauté des Spiritains de Piré sur Seiche dans quelques jours. Une grande et belle maison, située à 20 kilomètres au sud de Rennes qui accueille une vingtaine de missionnaires ayant passé la plus grande partie de leur vie en Afrique ou dans d’autres pays lointains et pouvant encore rendre quelques services dans le temps de leur retraite. Dans cette communauté dont on me confie l’animation, je serai le plus jeune avec l’économe, le Père Gabriel Borner : signe des temps dans l’Eglise de France et dans le milieu de nos Congrégations religieuses en Europe ou du clergé français. On reste un des plus jeunes avec ses 60 ans passés !!! De quoi seront faites mes activités dans cette maison, je ne le sais pas encore avec précision mais j’essayerai de me mettre au service de ma Congrégation en France pour quelques années. Mon séjour en Bretagne ne durera pas très longtemps puisque le château de Piré avec son grand parc, que les Spiritains ont acquis en 1928, doit être vendu dans 2 ou 3 ans : un regret pour les Spiritains de ma Province qui sont très attachés à cette maison mais un espoir pour moi de pouvoir peut-être repartir un jour à Madagascar… bien que je ne me fasse pas trop d’illusion en regardant la pyramide des âges des Spiritains français. La mission à laquelle je suis appelé est aussi de rester solidaire avec cette famille qui m’a formée et dont je fais partie. A l’heure où je vous écris cette circulaire, je suis dans ma famille pour quelques semaines de vacances. Je n’étais pas revenu chez moi depuis le décès de ma mère le 12 mars dernier et ces quelques jours de vacances me permettent de retrouver mes frères et sœurs que je n’ai pas pu rejoindre au moment des obsèques. Je passerai les fêtes de Noël à Artemare et rejoindrai Piré sur Seiche pour les fêtes de la nouvelle année.
J’ai quitté Madagascar au début de la saison des
mangues sur la côte Ouest et des litchis sur la côte Est. Depuis quelques
années, Madagascar est le 3ème producteur de litchis après l’Inde et
la Chine populaire. L’Afrique du Sud, la Réunion et l’Ile Maurice sont les 3
autres pays exportateurs de litchis en concurrence avec Madagascar pour le
marché européen. Pour 2007, la production sera de 200.000 tonnes environ dont
20.000 pour l’exportation, surtout vers le marché européen. Ce « fruit de
Noël » est de plus en plus demandé et consommé sur les tables de
réveillon.
Sur la Côte Est, le mois
de novembre est aussi le temps de la cueillette du girofle mais la production
n’aura pas été bonne cette année : les cyclones de mars-avril ont secoué les
girofliers au moment de la floraison et les paysans de la région de Tamatave ne
pourront pas profiter de la grosse entrée d’argent que cela apporte aux années
favorables. Au niveau politique, l’année 2007 a confirmé la grande
désillusion d’une bonne partie du peuple malgache. A la suite de la réélection
de Marc Ravalomanana à la présidence de la République en décembre 2006, une
série de scrutins a été organisée tout au long de l’année, élections menées
dans la précipitation et dont le but était de quadriller le pays avec les
hommes du TIM, le parti au pouvoir actuellement : référendum pour changer
la constitution, élection législative et tout dernièrement les élections
municipales. Les candidats à toutes ces élections ont développé leur programme
en faisant miroiter le paradis pour bientôt : construction d’hôtels 5
étoiles à Ivato près de l’aéroport international de la capitale, à Mahajanga et
à Tamatave, enrichissement rapide du pays avec l’exploitation du pétrole dans
la région de Mahajanga ou de l’ilménite à Fort-Dauphin et d’autres projets grandioses
de ce type qui ont été présentés comme la solution miracle, permettant au pays
de sortir de la pauvreté dans les 5 années à venir. Mais les électeurs ne se
sont pas passionnés pour écouter les orateurs au cours des tournées de propagande.
Aux élections législatives, la participation n’a pas dépassé les 20% dans la
capitale et les 30% dans plusieurs grandes villes du pays dont Mahajanga :
preuve flagrante du désintérêt de l’ensemble de la population et de ses doutes
à croire des promesses trop faciles, au moment où la vie des gens n’a jamais
été aussi difficile. A Madagascar, la manière de dire son désaccord est de ne
rien dire du tout et l’abstention rentre dans ce cadre là. Force est de
constater que le régime politique actuel ressemble de plus à plus à une dictature
où l’opposition est peu à peu muselée.C’est ce pays que j’ai quitté mais je resterai attentif à ce qu’il va vivre dans les années à venir : ses espoirs, ses projets, ses réalisations et, malheureusement, actuellement et une fois de plus, ses désillusions. Je continuerai à soutenir particulièrement le travail de mes frères Spiritains qui continuent à se dépenser pour semer autour d’eux la justice et la paix, en partageant les paroles du Christ. Je pense aux Spiritains qui sont au service des enfants de la rue du Centre NRJ de Tananarive ou des enfants pauvres du quartier de Mandroseza et auxquels le Centre Vonjy essaye d’apporter son aide. Merci à tous ceux qui nous soutiennent pour développer ces 2 Centres. Je n’oublie pas mes frères qui travaillent dans les 3 paroisses de ville à Tananarive, Mahajanga et Antsiranana et les 2 paroisses de brousse de Mampikony et de Vavatenina qui restent proches des jeunes et des plus pauvres. Je pense aussi à ceux qui accompagnent les vocations à la vie religieuse et missionnaire, sans oublier le Père Frezy Tam Tsi qui devient le 1er supérieur malgache des Spiritains de la grande Ile et qui aura la lourde tâche d’animer notre famille religieuse à Madagascar dans les années à venir. A Noël, la petite église d’Anivorano, dans la brousse
de Vavatenina, sera inaugurée et permettra à tous les Chrétiens de la région de
célébrer ensemble la naissance du Christ. Lors de mon dernier passage sur la
Côte Est, le Père Paulin Horosidy a eu la gentillesse de m’emmener sur sa moto
pour voir l’avancée des travaux de construction. Le soir de Noël, dans cette
modeste église de brousse comme dans les grandes églises des villes du monde
entier, ce sera le même mystère qui se célébrera : celui de la venue du
Fils de Dieu parmi nous qui nous apporte la PAIX de Dieu et renouvelle notre
espérance. Joyeux Noël à tous et que l’année 2008 nous permette
de passer sur d’autres rives où la vie nous attend, sans regarder en arrière,
comme cette famille de Madagascar qui vient de traverser en pirogue le Maningory
et qui va continuer sa route à pieds pour rejoindre ses amis. Bien fraternellement.
Jean-Claude Sommaire *** ../.. page13 |