Cahier Afrique (7)

(...) J’ose croire que la venue de l’Emmanuel, " Prince de la Paix " saura faire de nous et de chacun, des faiseurs de paix. ... Oui demandons à Jésus Emmanuel, vraie Lumière des hommes, Prince de la paix, né dans notre monde de guerres et conflits de nous prendre en pitié et d’accorder aux peuples qui marchent dans les ténèbres de la guerre, du mal développement, de la faim…du tribalisme, de xénophobie… d’ouvrir les yeux du cœur de tous et toutes afin de voir l’Etoile qui brille et qu’il a révélé aux Mages.
(...) La Centrafrique, mon pays de mission continue dans les douleurs de l’enfantement. Le processus de transition devant conduire à la mise sur pied d’un Etat démocratique où la dignité de chaque personne est respectée et où les citoyens jouissent des mêmes droits , est en souffrance. Une démocratie vraie n’est possible que dans un Etat de droit. Et pour cela un minimum de conditions est à remplir. Jean-Paul II, nous dit que " la réalisation des conditions nécessaires pour la promotion des personnes, par l’éducation et la formation à un vrai idéal, et …par la création de structures de participation et de coresponsabilité ".
Le malaise né de la dernière décision de la Cour constitutionnelle de transition en disqualifiant certains candidats aux présidentielles ne peut que grandir. Peut - être des raisons fondées, peut-être des raisons politiciennes… mais ce qui est vrai, nul ne pourra relever les défis posés par la pauvreté, le chômage et la violence dans un tel atmosphère. Il y a à travailler sans relâche au règlement des litiges et des conflits par le dialogue et la négociation. C’est ensemble que les hommes et femmes, jeunes et moins jeunes de ce beau pays pourront éliminer les causes sociales et culturelles menant à la division et au conflit en faisant le choix de promouvoir une culture de la paix et de la non-violence mettant au centre la dignité de la personne et favorisant une consciente plus grande de l’unité des peuples.

La prière et le dialogue ne suffisent pas à panser les blessures de la guerre et à éradiquer la violence. Mais en pesant sur les décisions politiques, ils peuvent cependant contribuer à enrayer la logique destructrice des conflits armés et des attaques terroristes. L’Eglise Centrafricaine par ses Pasteurs et à sa manière contribue à ce que la dignité de l’homme soit respectée, et que les chrétiens puissent avoir la capacité de choisir la paix. Aujourd’hui, si le choix de la violence est facile pour les forts comme pour les faibles, choisir la paix apparaît bien comme l’acte le plus courageux.

La paroisse Notre Dame d’Afrique vient de vivre la clôture de son année jubilaire… 1954-2004, il y a effectivement 50 ans que NDA est érigé en paroisse. Du 25 janvier au 25 décembre 2004, nous avons voulu accompagner nos paroissiens dans une marche de conversion et d’action de grâce…Cela était une année de préparation et de vraie découverte des 7 sacrements, de sensibilisation par rapport aux valeurs humaines et chrétiennes, à une redécouverte de l’histoire de l’église à travers les pas des premiers missionnaires et laïcs… Moise, Jean-Simon Pierre et moi, trois jeunes spiritains de tempérament différent, d’Angola, du Cameroun et du Gabon, nous avons pu conjuguer nos charismes pour créer une fraternité non pas idéale mais vraie, nous avons pu faire l’effort de vivre dans notre diversité pour le bien de la mission commune confiée par l’église et la congrégation… Plein de symbolique autour de ce jubilé : ouverture le dimanche de l’unité des chrétiens par le Nonce apostolique ; clôture le jour de la Nativité du Seigneur par l’Archevêque de Bangui… Voici un extrait du mot que j’ai prononcé au nom de mes frères :< " Depuis plus de cinquante ans, NDA à connu 33 prêtres… 8 Curés…6 congrégations religieuses… comme 8 comme 6 font parties des chiffres sacrés… 33 ans age de l’accomplissement de la mission du Christ sur terre, puis il ouvre une autre mission auprès du Père… 8 Béatitudes, le parcours complet d’une maturité chrétienne pour faire de nous de véritable missionnaire partageant ce que nous avons reçu et écouté… 6 jarres d’eau que transformera Jésus en vin à Cana…
N’est ce pas vous conviendrez avec nous qu’une page se ferme et qu’une s’ouvre… 50ans, 33 prêtres, 8 curés…6 congrégations… Avons-nous durant une année accueilli les grâces de ce jubilé ouvert par le Nonce Apostolique le Dimanche 25 janvier, dimanche de l’unité des chrétiens et aujourd’hui clôturé par notre Archevêque en ce 25 décembre, jour où Dieu vient prend le visage de l’homme pour que l’homme prenne son visage?
Père évêque, nous vous invitons à nous ouvrir cette nouvelle porte… afin que les chrétiens de NDA puissent se résoudre pour un meilleur vivre chrétien… "

Personnellement je crois avoir vécu pleinement ce jubilé, je crois avoir porté à ma manière la croix du Christ et avoir pu faire la démarche de conversion. Je crois avoir reçu les grâces de ce jubilé. Voici 3 années que je suis ici… la première année fut un vrai chemin de croix, une passion ; la deuxième année une vraie pâques, une joie véritable ; et la troisième année est une pentecôte…
Ma pastorale paroissiale, notre action avec le Réseau Foi, Culture et Education/Centrafrique (car il y a au Cameroun, au Gabon et au Tchad) donnent une place prépondérante à l’éducation : éducation aux valeurs pour encourager un véritable changement de mentalité. Et le message du Pape à l’occasion de la Journée mondiale de la paix 2005, nous y aidera encore : " Ne te laisse pas vaincre par le mal. Mais sois vainqueur du mal par le bien " (Jn 12,21). Comme chaque mois de janvier, nous organiserons un colloque qui aura pour thème central le thème de la journée mondiale de la paix. Depuis plusieurs semaines, nous créons des espaces de formations, de causeries, d’échanges… autour des échéances électorales de la Centrafrique : faire connaître la Constitution, faire connaître le Code électoral… aussi bien en milieu étudiants et jeunes que dans les quartiers, les communautés ecclésiales… En février, nous organiserons la Journée " A la rencontre des cultures "… dans le souci de promouvoir une vraie fraternité, un véritable dialogue des cultures et des peuples… Une action forte qui va en se développant… l’éducation et la formation des filles et la place de la femme dans le développement…alphabétisation, sensibilisation thématique, formation sociale et familiale…
Ma joie aussi de continuer ma présence auprès des forces de défenses et de sécurité…l’aumônerie catholique militaire connaît une véritable ré-naissance. Je seconde l’abbé De la croix, et je m’occupe beaucoup plus des zones militaires du camp M’poko et camp Fidèle Obrou. Je donne aussi de mon temps à la formation et à la réflexion des laïcs et des ouvriers apostoliques sur la gestion en lien avec notre mission d’église…

Depuis cette année, nos supérieurs religieux m’ont donné la responsabilité de la formation tout en faisant partie de l’équipe pastorale de la paroisse Notre Dame d’Afrique. C’est une confiance, oui mais c’est aussi un défi… Défi pour le jeune, pour le gabonais et l’africain que je suis… Formation…quelle finalité ? Formation…dans quel contexte ? Formation…de qui ?...La formation dans notre milieu ne consiste t’elle pas à se conformer, à s’ajuster à la vie du Christ ? Missionnaire…homme de foi et de dialogue, prêt à partir au loin géographique, culturel, mais aussi auprès de son propre peuple, dans les lieux de fractures… Sommes-nous former à former dans cette nouvelle donne du 21èsiècle et du 3è millénaire ? Sommes-nous disposés à recevoir une formation qui nous conduit à une conversion ? Y a t il un projet pédagogique, socle de notre formation spiritaine? Tout un chantier qui a eu l’honneur d’avoir une place à notre dernier Chapitre général au Portugal…

Nous sommes une communauté de 4 : avec moi, il y a Blaise MOLONGO du Congo qui vient de faire profession, il fait son stage… Jean-Pierre POLONDA, il est en première année de philo au grand séminaire et Gauthier BALHAS qui fait la propédeutique…tous deux de Centrafrique. L’ouverture de l’année par une belle célébration et verre d’amitié…les activités pastorales sont faites en lien avec la paroisse, je reste toujours (du moins pour cette année) dans l’équipe en charge de l’animation paroissiale. La récollection communautaire pour le temps de l’Avent, nous a donné l’occasion aussi de nous ressourcer. Nous avons invité père Emmanuel MEAUDRE à animer ce temps… Chaque fois nous inviterons l’une ou l’autre personne à venir nous aider dans ce sens… la messe du jeudi est aussi l’occasion de demander à un confrère de venir célébrer et dialoguer avec les jeunes… Moise TCHIPENDE, curé de la paroisse m’aide aussi dans le suivi pastoral des jeunes… Notre vie est bien rythmée… par nos temps de prière… lundi et vendredi matin nous prions à la paroisse avec les confrères et les autres congrégations religieuses, tous les mardis nous prions pour la paix (chapelet et messe), les mercredis pour nos familles et nos bienfaiteurs, les jeudis pour les vocations religieuses et sacerdotales et pour la congrégation, les vendredis pour les malades… Nous communauté est en plein quartier… certains de nos voisins viennent prier avec nous. Et depuis le 8 décembre dernier, nous avons avec eux lancé une équipe du Rosaire… La pastorale dans les quartiers est aussi un lieu de formation pour nous… Ce sont des quartiers où nous sommes toujours en face des réalités, de la vraie souffrance, mais aussi de la joie partagée… C’est petit à petit que notre communauté prend ses marques, mais nous pensons que les choses iront de mieux en mieux …
Je n’ai toujours pas de voiture, ma voiture me fut arrachée par des hommes armés le 15 mars… les " libérateurs " … actuellement au pouvoir. Notre communauté pour vivre ne compte mensuellement pour le moment que sur l’apport de la Région (365 000 f cfa), les intentions de messes que je reçois (84 000 f cfa), et mes honoraires de cours (40 000 f cfa). Cela ne permet pas de faire vivre une communauté de formation de 4 personnes… Le transport des jeunes pour aller aux cours… la restauration… l’entretien de la maison, que nous avons dû remettre en " état "… Nous n’avons pas de télévision…, nous venons d’avoir un ordinateur et il nous reste à avoir une imprimante… La Région fait ce qu’elle peut dans la mesure de ses moyens, moi-même je fais le sacrifice de ce que j’ai ; mais avec les charges qui sont les nôtres, il y a chaque fois des recours à des prêts, des mains tendues à des parents et amis… Merci pour les gestes de solidarité. Nous comptons sur votre concours… Nous comptons sur vous tous pour faire solidarité avec nous…
La situation du pays ne facilite pas les choses, mais depuis quelques semaines, j’ai lancé avec les responsables du secteur pastoral dont j’ai la charge, l’idée d’offrandes en nature aux célébrations que peuvent apporter nos communautés et fraternités... C’est aussi là " la prise en charge " du prêtre que je suis, par la communauté ecclésiale à laquelle je suis envoyé…
Nous avons eu quelques moments de deuils : Abel BALHAS, cadet de Gauthier par noyade, papa Simon ELLE MEZUI, mon grand oncle paternel, longue maladie. Des joies aussi, comme la fête de Noël avec les militaires de la CEMAC (Congo, Gabon, Tchad) et de la France, toute la communauté a pu réveillonné dans ce milieu d’homme en tenues, dans une richesse internationale et interculturelle: concert de chorale, messe, partage du gâteau… tout ceci fut précédé par un arbre de Noël organisé par le COMFORCE Général BIBAY Roger...’offrir des cadeaux aux enfants du personnel civil du camp. Une action noble qui contribue aussi à promouvoir une culture de la paix. Montrer aux enfants autre chose que leur quotidien.(...)