La jeunesse : une priorité pastorale
Dans un contexte de forte émigration, la pastorale des jeunes dans les paroisses spiritaines se déploie autour des rencontres d’animation et de formation programmées tout au long de l’année.
Un chant de bienvenue
Cancelo est l’une des 25 communautés de la paroisse de São Tiago, dans le nord-est de l’île Santiago. À l’issue de la messe, tout le monde cherche à saluer le Père spiritain qui vient de France pour un reportage sur le Cap-Vert, lorsqu’un chant s’élève parmi un groupe de femmes : « 
Tu es le bienvenu parmi nous, toi l’ami qui viens de loin. Avec toi, nous formons une grande fraternité qui nous réunit au-delà des frontières… » Les voix rauques sont chaudes et profondes. Aucun doute, nous sommes vraiment dans la patrie de Cesaria Evora, la chanteuse aux pieds nus, l’icône nationale, l’ambassadrice du peuple cap-verdien. Quelques jeunes s’approchent et souhaitent la bienvenue en français. Une maman m’apprend que l’un de ses fils vit en France. Un professeur engage la conversation en français : il a séjourné à Toulouse, pour une rencontre avec des enseignants de langue occitane, une expérience qui lui semble intéressante et novatrice alors que des classes de créole cap-verdien, un mélange de langues africaines et de portugais, sont introduites dans les écoles de l’île où l’enseignement se fait habituellement entièrement en portugais.
Que les jeunes se construisent
Ce soir-là , les chrétiens se sont pressés, toutes générations confondues, dans la chapelle São Pedro devenue trop petite pour contenir une telle affluence. Les enfants, nombreux, se sont sagement assis sur les marches de l’autel. Auparavant, en fin d’après-midi, une trentaine de jeunes de 15 à 20 ans se préparant à la confirmation s’est réunie autour du P. Simão, vicaire de la paroisse.
La jeunesse est l’un des défis majeurs pour l’équipe des prêtres de la paroisse de São Tiago. Le P. Gil Afonso Losa est présent au Cap-Vert depuis près de cinquante ans. Curé depuis 1977 à São Tiago, il constate les changements parmi les jeunes Cap-Verdiens. Même s’ils restent très dépendants de leurs familles et attendent beaucoup d’elles, ils étudient davantage qu’autrefois et sortent facilement et fréquemment de l’île pour chercher un emploi. Le rêve de partir les habite, même ceux qui ont des diplômes et obtiennent un poste de travail au pays. Le P. Gil a donc confié la pastorale des jeunes à son confrère, le P. Simão. Des groupes de jeunes se réunissent ainsi chaque semaine dans les chapelles des communautés et leurs coordinateurs se rencontrent tous les mois. Au total, plus de 500 jeunes se retrouvent au cours de grandes assemblées paroissiales, plusieurs fois par an.
Le P. Simão est cap-verdien, de retour au pays depuis quatre mois après avoir travaillé durant cinq ans au Brésil. Il admet d’ailleurs volontiers qu’il travaille et pense encore selon les schémas acquis au Brésil, où il a vécu ses premières expériences pastorales. « 
Au Brésil, les jeunes prennent des initiatives et les proposent au prêtre, alors qu’ici les jeunes attendent plutôt que ce soit le prêtre lui-même qui fasse des propositions. Les gens voient davantage les obstacles et les difficultés avant d’entreprendre quoi que ce soit, et il est nécessaire de les motiver et de les encourager », observe-t-il.
Qu’ils soient responsables
Il en est de même, à Órgãos, autre paroisse tenue par les spiritains. Pour son jeune curé, le P. Raul, former les jeunes à être responsables et autonomes est incontournable. Ils sont habitués à être assistés par les organismes d’État ou leur famille. Certains s’éloignent de l’Église catholique pour se tourner vers les sectes. D’implantation récente, elles sont, certes, minoritaires et exercent encore peu d’influence sur la société, mais le phénomène est suffisant pour provoquer une inquiétude au sein d’une population insulaire majoritairement catholique. Grâce aux rencontres paroissiales des jeunes et à l’Action catholique, le P. Raul cherche à former les jeunes à plus d’autonomie, de responsabilité et d’engagement, qu’ils apprennent à travailler pour eux-mêmes, sans tout attendre des autres.
L’appel aux vocations spécifiques
La grande place tenue par les laïcs n’exclut pas l’appel aux vocations spécifiques dans l’Église. Bien au contraire, ce sont les laïcs qui invitent les jeunes à trouver leur place dans la communauté chrétienne et à découvrir la forme de service qu’ils seront appelés à lui donner, leur vie durant (mariage, vie religieuse ou missionnaire, prêtrise, etc.). Un groupe de jeunes en recherche de vocation se réunit tous les mois. Ils peuvent, ensemble, discerner, prier et suivre l’exemple de plusieurs de leurs aînés : deux missionnaires spiritains, deux diacres permanents, deux Frères capucins, un moine bénédictin et un prêtre diocésain sont originaires de la paroisse. Quatre autres jeunes sont en formation chez les spiritains et ont prononcé leurs premiers engagements. Le P. Gil considère la paroisse de São Tiago comme un vivier à vocations, dont l’Église a besoin, notamment pour la mission, et il trouve dommage qu’il soit envisagé que les spiritains se désengagent de cette paroisse dans un futur proche.
Solidarité de la diaspora envers les paroisses
Entre 1972 à 1975, années de grande misère, la paroisse de São Tiago a
aidé de nombreuses familles à émigrer pour qu’elles puissent, à leur
tour, aider les membres de leurs familles restés sur place. Les communautés,
rĂ©unies en conseil, ont dĂ©signĂ© les travailleurs pouvant partir Ă
l’étranger afin d’envoyer une aide financière à leurs familles, mais
aussi à la paroisse pour aider à construire l’église. C’est ainsi
qu’en 1975 la première pierre a été posée. Toutes les familles ont
coopéré, celles qui avaient émigré comme celles qui, restées au pays,
offraient un temps de travail bénévole. En 1985, l’église est achevée et
consacrée, mais l’habitude a été conservée et la coutume bien ancrée :
les familles vivant à l’étranger – en France, aux États-Unis ou en
Hollande – offrent, au moment des fêtes patronales de la paroisse, des dons
ou de l’argent pour des messes qui seront dites à leurs intentions. La
solidarité matérielle ainsi que la communion fraternelle et spirituelle entre
les familles sont ainsi maintenues.