Missionnaires spiritains : Logo Le reportage  
CAP-VERT  
- 3 -

Le long chemin des animatrices missionnaires

La volonté de convertir la paroisse en une communauté de petites communautés fait naître, à partir des années soixante-dix, une association de femmes laïques consacrée à l’animation pastorale et à la promotion féminine des communautés rurales. Elle sera officiellement reconnue en 1991, au terme d’une longue histoire.




À partir de 1965, on cherche les moyens d’édifier, autour de chaque petite chapelle de quartier ou de village, une communauté chrétienne, fraternelle et servante. On veut passer d’une Église de type clérical (où tout est décidé par le clergé, seul acteur de la vie ecclésiale) à une Église de type ministériel (le terme ministère est à prendre au sens de servir) confiée à la responsabilité de groupes de laïcs. L’animation générale de la grande communauté, exercée dans la charité, au service de l’unité, et la présidence des sacrements restant du domaine des ministres ordonnés (prêtres et diacres). C’est ainsi qu’un groupe de jeunes de la paroisse d’Órgãos commence à se préparer aux divers services d’Église, incluant celui de ministre ordonné. Parmi eux, des jeunes filles se demandent pourquoi elles ne recevraient pas une préparation équivalente à celle donnée aux garçons qui se préparent au sacerdoce. Elles veulent étudier pour mieux servir l’Église, vivre en une communauté de partage des biens, tout en maintenant une relation de proximité avec leur famille. Le projet des Animatrices missionnaires de communautés ecclésiales vient d’éclore, mais il faudra six ans pour qu’il se réalise véritablement et plus encore pour qu’il soit officiellement reconnu.
 
1975. Peu après qu’a éclaté la révolution des Œillets, au Portugal, un groupe de révolutionnaires attaque la paroisse d’Órgãos et les Pères Arlindo Amaro et Alberto Meireles sont obligés de fuir à Lisbonne, confiant la paroisse au soin des animatrices. Le travail est éprouvant. La faim sévit à cause d’une sécheresse longue de six ans : il faut visiter les villages, organiser l’aide humanitaire et coordonner les œuvres de la Caritas.
1983. Sur les 22 jeunes filles qui ont commencé un discernement, neuf ans plus tôt, sept décident de continuer l’expérience et s’installent dans leur nouvelle maison. Quatre d’entre elles sortiront du groupe, quelques années plus tard, pour se marier ou entrer dans la vie religieuse. Deux autres se joindront aux premières. La même année, les statuts sont reconnus par les spiritains du Cap-Vert. L’expérience intéresse les spiritains d’Europe jusqu’au niveau de la direction générale de la Congrégation, à Rome, puisqu’il s’agit d’une communauté d’animation apostolique s’inspirant de la spiritualité du P. Libermann, cofondateur de la Congrégation du Saint-Esprit. Les animatrices se chargent d’accompagner les jeunes dans le discernement de leur vocation, de préparer les baptêmes d’adultes et la confirmation des plus jeunes, de former les catéchistes pour les enfants de 1re communion, d’aider à l’animation liturgique, de diriger la chorale et une troupe de théâtre, de donner des cours d’éducation sexuelle et affective aux jeunes filles. En 1994, une école maternelle pour les enfants des familles les plus démunies et, en 1996, une boulangerie sont construites avec des fonds provenant d’associations portugaises d’entraide missionnaire. La boulangerie de la paroisse a été créée pour donner du travail aux habitants les plus défavorisés. trois mille pains sont fabriqués chaque jour par cinq salariés. Les pains sont vendus à bas prix à une quarantaine de personnes qui les revendent – avec un petit bénéfice – dans les villages de montagne isolés. École et boulangerie paroissiale sont confiées à la charge des animatrices.
 
En 1991, suite à de nombreux échanges de courrier pour clarifier et préciser le projet, le groupe des animatrices missionnaires est enfin reconnu comme association de vie apostolique. Les statuts sont approuvés, en conformité avec le droit canon, par l’évêque de Santiago, Mgr Paulino Evora. Cinq ans plus tard, les autorités civiles, à leur tour, accordent la reconnaissance juridique. Le chemin aura été long et plein d’embûches…



Les laïcs en charge de communautés

San Lorenzo, à Órgãos, est l’une des plus anciennes paroisses tenues pas les spiritains. Desservant 21 localités, son organisation repose sur de nombreux laïcs formés à participer activement à la vie de leur paroisse.




Le P. Alberto Meireles, 75 ans, présent sur l’île depuis 1968, reconnaît avoir beaucoup reçu de ses paroissiens. « J’ai tout appris des gens », reconnaît-il d’un modeste sourire. Durant plusieurs années, il a formé équipe avec le P. Arlindo Amaro, actuellement aux États-Unis comme aumônier de la communauté cap-verdienne émigrée là-bas. Tandis que le P. Alberto se chargeait des constructions – on lui doit celles de l’église principale, de la résidence des Pères, de l’école maternelle et de la boulangerie de la paroisse –, le P. Arlindo s’occupait de la formation des laïcs. Une tâche dont il s’est parfaitement acquitté, à tel point que, lorsque la paroisse s’est trouvée privée de prêtre durant six mois, les fidèles se sont pris en main et ont continué à faire vivre l’ensemble des communautés chrétiennes du secteur. Le P. Alberto, alors seul à la tête de la paroisse, avait dû s’absenter longuement pour raison de santé. Présidents et vice-présidents de communautés, responsables de groupes de jeunes, catéchistes pour enfants ou pour adultes, responsables de la Caritas, c’est toute une « armée » de fidèles en responsabilité qui est chargée de l’animation des communautés, sous le signe de la charité.
 
Le goût des statistiques
L’église principale, prévue pour de multiples usages (elle a été aménagée pour le culte comme pour des représentations théâtrales) a été construite par la population locale, sans aide extérieure, à l’exception du toit. Avec 1 000 places assises, elle se remplit chaque dimanche. Le P. Raul, l’actuel curé, est manifestement comblé et heureux. Homme de statistiques, il a établi le nombre de foyers, au cours de ses visites aux malades isolés, en parcourant, souvent à pied, le territoire montagneux de la paroisse. Pour une population de 10 000 habitants dont 95 % sont de confession catholique, la pratique dominicale tourne autour des 50 %. Avec une moyenne de 5 enfants par famille, on comprend aisément qu’il y ait plus de 1 600 inscriptions au catéchisme !
 
Les fruits de la pastorale familiale
MalgrĂ© le fort attachement au modèle familial traditionnel, une baisse du nombre des mariages et une augmentation du nombre de mères cĂ©libataires sont constatĂ©es. Des enfants grandissent sans connaĂ®tre leurs pères. Les jeunes ont peur de l’engagement Ă  vie, les cĂ©lĂ©brations collectives de mariage se font plus rares. Aussi, Ă  l’initiative du P. Raul, un intense travail pastoral auprès des familles a Ă©tĂ© fourni et il donne de grands rĂ©sultats : quelque 200 mariages ont Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ©s cette annĂ©e.

Sommaire           Page précédente           Page suivante            Couverture