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CAP-VERT  
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Essor, déclin et reprise de l’évangélisation


L’évangélisation du Cap-Vert se confond avec l'histoire du pays dès les débuts de son peuplement. Un clergé local prend forme lorsque tout s’effondre au début du XXe siècle. La vie de l’Église reprendra à partir de 1941, avec la nomination d’un nouvel évêque qui appelle des congrégations religieuses. Aujourd’hui, la place de l’Église reste prépondérante dans la vie du pays.

Principale escale maritime
Cidade Velha (Ribeira Grande, de son ancien nom), à 15 km de Praia, est la plus ancienne ville du pays, fondée en 1462 par les premiers habitants des îles, des colons et leurs esclaves provenant de Guinée, peu d’années après la découverte de l’archipel par des explorateurs portugais. D’anciens édifices témoignent du passé : l’actuelle église paroissiale, Notre-Dame-du-Rosaire, construite vers 1495, la forteresse royale qui domine la baie, les ruines de plusieurs autres forts, de l’ancien hôpital et de plusieurs chapelles, des anciennes rues pittoresques, les vestiges de la cathédrale de 1693, considérée comme la première d’Afrique de l’Ouest, le couvent franciscain. Au centre de la place principale, un pilori de marbre blanc, datant de 1520, se dresse, symbole du pouvoir municipal, et rappelle la cruauté du système esclavagiste : les esclaves récalcitrants y étaient attachés et fouettés publiquement. Du XVe au XVIIe siècle, Cidade Velha a été une escale maritime de première importance et une plaque tournante du commerce transatlantique des esclaves. Lieu d’échanges et de rencontres, elle fut le berceau de la première culture métisse créole qui s’est diffusée ensuite à travers l’Atlantique en s’adaptant aux divers systèmes coloniaux des Caraïbes et d’Amérique du Sud. Au cours du XVIIIe siècle, sous les attaques répétées des corsaires anglais puis français et la concurrence des autres comptoirs commerciaux qui s’ouvrent le long des côtes africaines, la ville perd son pouvoir économique, entre en déclin et cède sa place à Praia.
 
Réussite d’une première évangélisation
L’évangélisation des îles est confiée à l’Ordre du Christ, aux franciscains et aux capucins. En 1533, le pape Clément VII crée le diocèse de Santiago qui s’étend vers les côtes de Guinée. La christianisation se fait progressivement et la liturgie catholique romaine s’implante peu à peu. Il s’agit alors de moraliser la société, de créer une unité sociale, de convertir les esclaves et leurs maîtres. On compte près de 24 chapelles à Cidade Velha. Des écoles faisant aussi office de séminaires sont ouvertes. Un jésuite, le P. Antonio Vieira, au cours de son périple vers le Brésil, en 1652, note, dans ses écrits, la présence d’un clergé noir, cultivé, intelligent, vertueux et doué pour la musique, preuve de l’ouverture et de l’adaptation de la vie ecclésiale aux réalités de la population locale. Mais cette réussite de l’évangélisation est tempérée par les fréquents changements de résidence des évêques, plus enclins à vivre au Portugal, et par l’absence d’un véritable séminaire local. Celui-ci sera créé, dans la seconde moitié du XIXe siècle, sur l’île de São Nicolau lorsque l’évêque y installe sa résidence. Le séminaire de São Nicolau devient alors incontournable pour la vie religieuse et sociale des îles. L’enseignement permet de former des prêtres, mais aussi de préparer d’autres jeunes à de futures responsabilités civiles. Des prêtres, des fonctionnaires et des professeurs sortiront des murs du séminaire. C’est ainsi que la culture cap-verdienne se construira en osmose avec le catholicisme.
 
DĂ©clin et renaissance de la vie religieuse
Cette vitalité religieuse est durement frappée par la révolution républicaine du Portugal, en 1910, qui met fin à la monarchie. Le nouveau gouvernement, anticlérical, suspend l’aide financière au séminaire de São Nicolau, provoquant sa fermeture. Au cours des décennies suivantes, si la foi reste traditionnellement attachée au cœur des Cap-Verdiens, elle cède la place à des pratiques sacramentelles occasionnelles et aux croyances superstitieuses. L’ignorance religieuse s’étend. En guise de catéchisme, on se contente de quelques prières apprises par cœur et les consciences ne sont plus éclairées.
En 1941, sur la seule île de Santiago, on ne compte plus que deux ou trois prêtres, âgés et pères de plusieurs enfants ! Le Saint-Siège décide alors de relancer la vie religieuse de l’archipel et nomme un nouvel évêque, Mgr Faustino Moreira dos Santos, spiritain, missionnaire en Angola. Celui-ci fait appel aux spiritains et aux capucins. Les premiers pour le sud de l’archipel (les îles de Santiago et Maio), les seconds pour les îles du nord de l’archipel.
 
Labeur missionnaire
Les membres de la congrégation du Saint-Esprit sont habitués à porter assistance aux populations en état d’abandon spirituel et matériel. Un siècle après leur fondation par le P. Libermann, ils se dépensent avec énergie pour l’Afrique et les îles des colonies. C’est tout naturellement qu’ils se consacrent aux habitants de l’île de Santiago restés, parmi la population du pays, les plus proches de leurs racines africaines. Les missionnaires luttent contre une administration des sacrements devenue trop laxiste, mais leurs exigences en matière d’accès aux sacrements rencontrent la résistance d’une partie de la population et quelques familles se retirent de l’Église catholique pour entrer dans la secte de l’Église nazaréenne, vers 1947.
Les Cap-Verdiens forment un peuple religieux. Les spiritains perçoivent le potentiel de la piété populaire locale, et un événement amorce la renaissance de la vie spirituelle du pays : en avril 1948 est organisée la visite itinérante d’une statue de Notre-Dame de Fatima à travers toute l’île. Des groupes de prière vont alors se créer, des couples formés de longue date se marient à l’église, l’assistance aux messes dominicales reprend force et le nombre de communions augmente. Les missionnaires formeront une grande quantité de catéchistes pour assurer la préparation aux sacrements et fondent des groupes d’Action catholique pour les adultes et les jeunes. Les aides financières venant de l’extérieur leur permettent d’ouvrir des ateliers de couture, de charpenterie et surtout des écoles primaires dans chaque paroisse.
 
Après l’indépendance
À la veille de l’indépendance, le Parti indépendantiste cap-verdien cherche des leaders formés par l’Église catholique, mais beaucoup refusent. La population est, en fait, partagée sur la question de l’indépendance tant le pays est lié au Portugal. En 1975, avec l’indépendance, le pays entre dans un régime de parti unique d’inspiration marxiste : c’est un choc pour l’Église du Cap-Vert, qui perdurera jusqu’en 1990, date à laquelle le gouvernement est contraint, sous la pression internationale, de s’ouvrir au multipartisme et d’organiser des élections démocratiques.
En 1991, la visite du pape Jean-Paul II marque le pays.  L’Église, que l’on a voulu affaiblir durant des dĂ©cennies, s’en trouve renforcĂ©e et gagne son combat contre l’avortement : la loi l’autorisant n’est pas votĂ©e. Les vocations masculines augmentent tant pour le diocèse que pour les congrĂ©gations religieuses (capucins et spiritains).


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