Dossier       À Impfondo, l'Église lutte pour la dignité de tous 
 


 

Une Église qui éduque, développe et évangélise



Fin 2000, le pape Jean Paul II propose au P. Jean Gardin d’assurer la charge pastorale de la préfecture de la Likouala.
Depuis, ce spiritain qui travaille dans la région depuis 30 ans anime une Église qui veut améliorer les conditions de vie de tous. 


Que représente la préfecture apostolique de la Likouala ?
Avant 2000, le diocèse de la Sangha-Likouala s’étendait sur plus de 120 000 km². Distances et difficultés de communication rendaient les rencontres impossibles.
Érigée fin 2000, la préfecture apostolique (1re étape vers le statut de diocèse) de la Likouala s’est mise en place en février 2001. Elle s’étend sur 66 000 km2, 580 km du nord au sud et 380 d’est en ouest.
Ce département réunit 7 sous – préfectures : Bétou, Enyelle, Dongou, Impfondo, Epena, Bouanila et Liranga. De chaque coté de l’Oubangui, lieu d’échanges bien plus que frontière entre Congo et RDC, vivent 8 grandes ethnies : les Bomitaba (district d’Epena et de Bouanila), les Mbondjo (secteur d’Impfondo), les Mbenzele et les Boubangui (Oubangui sud et district de Liranga), les Bondongou et les Kaka (district de Dongou), les Mondzombo, les Mbanza et les Gwaka (district de Bétou), les Ngombe (venus de RDC), les Baaka et les Benzele, Pygmées souvent ni recensés ni inscrits à l’état civil.
Un total d’environ 120 000 Congolais et de plus de 35 000 réfugiés de la RDC parlant le même lingala. Ils ont été près de 120 000. Le HCR continue ses rapatriements depuis 2 ans.
Agriculture, pêche et chasse assurent une économie de subsistance. La culture du cacao redémarre depuis qu’il peut être évacué par le Cameroun. L’élevage reste embryonnaire. Le commerce est l’affaire d’Ouest-Africains, les Ouestaf.
La forêt est exploitée par de grandes sociétés, 2 françaises, 1 italienne et 1 libanaise. De petites villes se sont installées autour de chantiers forestiers employant de nombreux ressortissants du Cameroun, de Centrafrique, de RDC et du Sud-Congo, Brazzaville et Pointe-Noire.
 
Comment se manifeste l’Église catholique dans la Likouala ?
Les catholiques seraient 40 000, 1/3 de la population. Ils sont plus présents dans les centres. Mais aussi le long de la Likouala-aux-Herbes (rivière empruntée par les missionnaires), et le long de l’Oubangui (en relation constante avec la RDC). Notre liturgie se fait principalement en lingala, langue liturgique bien développée en RDC d’où nous arrivent bibles, missels et livres de chants.
Pour visiter nos 7 paroisses et leurs 14 prêtres, je parcours 500 km de fleuve et 535 km de piste forestière. À Bétou, l’abbé Jean-Paul Tidi (Fidei Donum de Matadi, RDC), curé, et l’abbé Célestin Dagijimana (notre 2e prêtre) animent un centre de 6 000 hab. dont beaucoup travaillent à la société italienne Likouala Timber. Ils visitent aussi à moto environ 13 000 Bantous et sans doute plus de 4 000 Pygmées le long de la piste allant vers Bangui (RCA) et sur plus de 120 km le long de l’Oubangui.
Les abbés Jean-Arthur Mbumba, curé, et Roger Kufi (Fidei Donum de Boma, RDC) travaillent sur Enyelle et sa société forestière ITBL (Industrie de transformation du bois de la Likouala) et sur Boyele, petit centre commercial au bord de l’Oubangui, entouré de nombreux villages et campements le long des pistes et de la rivière Ibenga. Population : environ 12000 Bantous et sans doute autant de Pygmées disséminés dans les campements. À Mokabi, l’abbé Flavien Thamba (Fidei Donum de Boma, RDC) est seul sur un secteur de 4 chantiers forestiers, Bouale, Mokabi, Lopola et Thanry, étalés sur 150 km. Population estimée : 8 000 hab. Chiffre fluctuant au rythme des chantiers forestiers. C’est la 1re communauté chrétienne qui a su intégrer des lecteurs et des choristes pygmées baaka. À Dongou, l’abbé Gabriel Tsasa (Fidei Donum de Boma, RDC) est en charge d’un vaste secteur le long de la rivière Motaba, navigable sur 200 km. Temps et manque de moyens espacent trop ses visites. À Epena, le P. Jude Okeke, spiritain venu du Nigeria, travaille sur un secteur de plus de 350 km de rivières. À Liranga, l’abbé Godefroy Siasia (Fidei Donum de Boma, RDC) dessert en pirogue motorisée les rives du fleuve Congo et celles de l’Oubangui sur près de 225 km.
En 5 ans, nous avons ouvert une école catholique par paroisse. L’abbé Guy Kalubi assure la coordination de l’enseignement catholique : plus 3 000 enfants.
Nous n’avons pas de catéchistes permanents. Des hommes en majorité, pêcheurs ou cultivateurs, font le catéchisme dans les villages et préparent la liturgie dominicale sans prêtre.
 
Vous avez ouvert un cybercentre à Impfondo ?
Oui. Vu nos difficultés de communication, nous avons ouvert, pour les jeunes et les fonctionnaires, un cybercentre payant. Le P. Lucien Favre, spiritain suisse, y assure la logistique avec l’appui de l’abbé Guy Kalubi (des Amis du Christ de Luebo, RDC) et de Sr Veritas.
La ville d’Impfondo, siège de l’administration du département, compte 25 000 hab. Elle s’étend de plus en plus. Le P. Antonio Matias, spiritain angolais, en est le curé. Au travail paroissial, s’ajoutent l’aumônerie de la zone militaire et la visite des villages sur la route et l’Oubangui. Il faudrait aussi ouvrir de nouvelles paroisses dans les quartiers. Mais les abbés Cyrille Mbemba (Brazzaville) et Jean-Marie Mbemba (Owando) sont en soins en France, le 1er pour une tumeur décelée au cerveau, le second suite à un AVC survenu à Lille. Nous avons réellement besoin d’aide.
 
La santé des populations pygmées (lutte contre la lèpre et le pian) est, depuis des années, la priorité de la préfecture de la Likouala, notamment par le travail des Filles de la Charité.
Depuis 2006, un système d’alphabétisation (ORA) adapté aux cultures autochtones permet aux Pygmées de lire et d’écrire. 

Née du travail des spiritains

L’enclavement et les distances, mais aussi l’histoire de l’évangélisation, expliquent la situation actuelle de l’Église dans la Likouala.
Dès 1889, le P. Prospère Augouard crée la mission de Liranga près du confluent du Congo et de l’Oubangui, dans le sud de la région. Puis en 1910, la mission de Bétou, dans le nord, près de la frontière avec la RCA. Fermée en 1920 pour différentes raisons, elle n’est rouverte qu’en 1996 par Mgr Itoua.
De la fondation à 1957, l’évangélisation se fait à partir de l’internat et du catéchuménat de Liranga. Les catéchumènes y suivent 2 ou 3 ans de formation avant de retourner dans leurs villages. Assez régulièrement, 2 ou 3 fois l’an, les Pères visitent les villages en pirogue ou à pied à travers la forêt inondée.
Ils encouragent les baptisés, recrutent aussi de nouveaux catéchumènes et des élèves pour l’école Saint-Louis qui, formés, partent tous vers Brazzaville.
Le nord de la région, dépendant de la paroisse de Mbaïki, en RCA, est encore moins visitée. Ce n’est qu’en 1957 que Mgr Paul Biéchy, se retirant du vicariat apostolique de Brazzaville, crée à mi-chemin de Liranga à Bangui, la paroisse Ste-Odile de Dongou. En 1960 s’ouvre la mission St-Paul d’Impfondo, centre administratif.
Puis, en 1963, la paroisse Ste-Brigitte d’Epena, hélas fermée en 1967.
Avec l’arrivée du marxisme, la nationalisation des écoles et dispensaires, les paroisses se retrouvent de 1970 à 1983 sans présence permanente de prêtres.
C’est en 1983 qu’est créé le diocèse de la Sangha-Likouala à Ouesso avec Mgr Hervé Itoua. Une équipe de 2 ou 3 spiritains, résidant à Mossaka en aval sur le Congo, continuent à former des noyaux d’animateurs et de catéchistes en passant d’une paroisse à l’autre, 2 ou 3 fois l’an.
Durant ces longues périodes d’absence, l’Église évangélique chrétienne du Congo (EECC) s’est fortement implantée dans la région.
Une présence catholique permanente recommence à Impfondo en 1984. À Dongou, en 1986. À Epena, en 1994-1995. La paroisse St-Jean-Baptiste de Bétou est rouverte en 1996. Celle de St-Jean-Marie-Vianney d’Enyelle début 1998. Celle de St-Louis de Liranga début 2002. Celle de St-Charles-Lwanga à Mokabi-Chantier forestier en 2004. 

Marginalisés, exploités, Pygmées nos frères !

En 2000, les institutions internationales affirmaient que plus de 70 % de Congolais vivent en dessous du seuil de pauvreté avec moins d’$1/ jour. Lors de leur 35e Assemblée plénière, à Brazzaville (16-22 avril 2007), les évêques du Congo lancent la lutte contre la pauvreté. L’enquête menée dans les diocèses par Caritas, Commission Justice et Paix et Pastorale de la santé a révélé des situations d’extrême pauvreté.
Parmi les causes: démission de l’État, inconscience professionnelle et corruption généralisées, complicité dans la gabegie financière, instabilité politique, ignorance, analphabétisme, précarité de logements, dégradation sans fin des voies de communication, inflation toujours galopante. Le tout dans une situation internationale difficile. Devant ce constat, les évêques demandent aux pouvoirs publics d’améliorer les infrastructures scolaires et la formation du corps éducatif. De permettre un meilleur accès aux soins de santé pour tous. De poursuivre la lutte contre la corruption et l’amélioration du système judiciaire. D’accélérer la politique de désenclavement de l’arrière-pays. Ils invitent le pays tout entier à plus de civisme, de conscience professionnelle, d’organisation et de solidarité. Il s’agit de s’engager résolument dans la lutte contre la pauvreté, d’abolir toute forme d’asservissement. « Nous pensons ici, particulièrement à nos frères et sœurs les Pygmées, encore marginalisés et exploités. » 

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