Dossier       À Impfondo, l'Église lutte pour la dignité de tous 
 




Si tu pars, on va tous mourir !


« Dire aux gens que Dieu les aime, c’est leur faire du bien. Et quand ils sont malades, les soigner, et si possible, les guérir. » Les conseils de son prof de théologie, le P. Jude les suit à la lettre. Des 22 communautés de sa paroisse et d’ailleurs, les gens le sollicitent. 
 


Au Nigeria, en 1990, mon professeur de 2e année de théologie, le P. Raymond Arazu, soigne les gens à partir de plantes. Il nous demande d’être attentifs aux gens et de tout faire pour soulager les souffrances des malades. Comment ? Sa réponse en 3 mots : connaître les plantes !
Lui-même avait hérité d’une tradition de guérison par les plantes. Je m’intéresse à ce qu’il nous propose, avec un autre séminariste. D’abord en lisant ses livres. Puis en assistant à ses expériences qu’il complète par une formation une fois par mois, chez lui, avec rencontres de malades.
Je commence à soigner des confrères atteints de paludisme. Puis, des parents et des amis dans mon village. Une expérience qui me marque.
&Ordonné en 1996, je ne peux pas rejoindre le Congo, ma 1re affectation, à cause de la guerre. Mes responsables m’envoient en paroisse dans le nord du Nigeria. J’y soigne beaucoup de gens pendant 2 ans.
Arrivé à Epena le 27 juillet 1999, je repère vite les plantes de la région. Dans les villages, les gens atteints de paludisme n’ont pas les moyens de se soigner. Je m’y mets avec des plantes. Le bouche à oreille fonctionne. Les gens arrivent de régions de plus en plus éloignées.
Aujourd’hui, lors des sessions pastorales dans les différents lieux de rencontre, j’apporte des sachets de plantes déjà prêts. Je rencontre des guérisseurs traditionnels. Je vais les voir chez eux et leur propose de collaborer avec eux. Réticences au début. Puis, quand ils constatent que je connais beaucoup de plantes, ils commencent à me dire leurs secrets. Pour travailler avec méthode, je transcris sur des fiches ces différentes façons de soigner.
Pour certaines maladies, je ne sais pas comment m’y prendre. Je réfléchis. Quelquefois, la réponse m’arrive dans mes rêves. Je « vois » que je dois prendre telle ou telle plante ou racine. Je confectionne alors mes médicaments et ça marche. Je ne peux pas expliquer d’où me vient ce don. Je prie aussi, bien sûr, pour que Dieu m’aide et m’éclaire pour que je puisse soigner correctement. Il m’arrive alors de changer de plante pour telle ou telle maladie ou pour telle ou telle personne.
Rhumatisme, typhoïde, palu, diabète, ulcères à l’estomac, impuissances sexuelles, stérilité des femmes, maux d’oreilles, kystes, etc. sont les maladies que je rencontre le plus souvent.
Je demande aux gens une petite contribution pour payer les produits que je suis obligé d’acheter moi-même. Ou pour payer les gens qui viennent piler herbes, graines, racines et autres ingrédients. La plupart des patients me donnent quelque chose spontanément. Ceux qui n’ont rien, je laisse. Pour moi, le plus pauvre des pauvres a le droit que l’on s’occupe de lui. Et le peu qu’il me donne me rend heureux : un sourire, un poisson séché est plus important pour moi que le plus beau des cadeaux.
Je rencontre aussi les responsables de différentes sectes de la région, et certains musulmans. Ils viennent tous se soigner chez moi. Nous parlons souvent religion. Ce qui les étonne, c’est que je ne leur demande pas de venir dans mon église comme eux le font dès que quelqu’un leur demande quelque chose. Mais je ne leur demande que de prier vraiment pour nous tous, chez eux. Des propos qui les touchent beaucoup.
Certains malades acceptent de prendre mes médicaments sur mes recommandations. La plupart préfèrent les prendre en ma présence, souvent après un dialogue qui me permet pratiquement toujours d’affiner le traitement.
Il arrive que l’on m’amène des gens abîmés par les sorciers. Comme cette femme qui s’est perdue dans la forêt en allant chercher de quoi manger. Ses parents l’amènent chez moi après 19h. « Elle était immobile, disent-ils, tremblait et poussait de petits cris incompréhensibles. » Je lui parle, ainsi qu’à sa mère, toute une partie de la nuit. Puis voyant qu’elle ne supporte plus nos paroles, je demande à rester seul avec elle. Je lui prépare un médicament de feuilles pilées mélangées à du miel et de l’eau. Elle le prend. Je la laisse se reposer. À mon retour, à l’aube, elle me parle calmement.
&C’est vrai que les gens viennent de partout, de jour comme de nuit, me demander de les aider. La raison en est double : ils n’ont pas d’autres moyens de se soigner. D’abord parce qu’il n’y a pas de centre de santé. Et les rares médicaments disponibles sont hors de prix. C’est la raison pour laquelle je fabrique moi-même la pierre noire avec de l’os calciné pour soulager les gens mordus par des serpents. Mêmes les Pygmées viennent se soigner. Ils ont en plus confiance en un homme qui les respecte.
Je suis heureux d’aider les plus pauvres. Ils me rendent profondément heureux.
« Faut jamais partir d’ici, me disent les plus démunis. Si tu pars, on va tous mourir ! »
« Il est arrivé ici, ne connaissant pas notre langue. En quelques mois, il a su nous parler, nous comprendre et nous aider, en tenant compte de notre pauvreté et de notre manque de moyens. » Cet homme, la cinquantaine, venu se soigner à 21h30, le 23 décembre, résume des propos souvent entendus.
Mes responsables spiritains non seulement me laissent faire mais m’envoient du monde, dit Jude en souriant. Et ajoute: Mon vieux professeur reste en contact avec moi par Internet. Je lui ai dit que j’aimerais aller perfectionner ma façon de soigner pour devenir plus efficace. Et peut-être aussi partager mes trouvailles avec d’autres par un livre. Peut-être en 2009 ? 

Un foisonnement d’expressions religieuses

  Plus de 70 Églises dites de réveil ou de tendances pentecôtistes aux noms fort divers existent à Impfondo. Certaines portent le nom de leur initiateur : Église de Motando, Mama Olangui, Réveil spirituel du pasteur Nicolas, etc.
Plus de 15 sont nées ou arrivées avec les réfugiés. Presque toutes se réfèrent à la Bible mais en l’utilisant le plus souvent pour assurer à leurs membres bonheur immédiat, santé, réussite.
Les chrétiens sont attirés par ces promesses. Certains les rejoignent poussés par leur pauvreté. Quand ils reviennent, 2 ou 3 ans après, les malades sont toujours malades et les familles appauvries par des responsables féticheurs, qui, quand ça va mal, exorcisent et cherchent des coupables. Résultats  &de nombreuses divisions dans les familles, les villages et les communautés. Mais personne n’ose réagir. Toutes, ou presque, se montrent ouvertement anti-catholiques.
Depuis 1 ou 2 générations déjà, surtout le long de l’Oubangui et maintenant dans les chantiers forestiers, l’islam s’affiche par les commerçants étrangers venus d’Afrique de l’Ouest : Nord-Nigeria, Cameroun, Tchad et Centrafrique. Ces croyants propagent leur foi par les mariages et par les collaborateurs pris sur place.
Dans les villages plus éloignés et dans les campements pygmées la religion traditionnelle se manifeste plus particulièrement lors des deuils (photo ci-dessous), mais aussi lors d’activités communes comme la chasse ou des réunions d’anciens au cours desquelles sont invoqués les ancêtres. 

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