« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait
La vue, c’est la vie. Le Docteur V
C’est l’histoire d’un homme, le Dr Govindappa Venkataswamy, de Chennaï (autrefois Madras), au sud de l’Inde. Appelé le Docteur V. Encore jeune, il obtient une bourse d’études et devient gynécologue. Il a choisi cette spécialité parce que trois de ses cousines sont mortes en couche. À 30 ans, une arthrite déformante le condamne à rester couché toute une année. « Déf
iant les pronostics des médecins, j’ai remarché au bout d’un an ! » Handicapé et les doigts paralysés, le Docteur V s’oriente vers l’ophtalmologie, seule spécialité qu’il peut exercer assis ! Il adapte les outillages à ses mains déformées et devient l’un des meilleurs chirurgiens des yeux de l’Inde. À 55 ans, à l’âge de la retraite, il décide de faire son possible pour redonner la vue à quelques démunis. « 
J’ai construit une petite clinique de huit lits pour les opérer gratuitement de la cataracte. »
L’Inde compte 12 millions d’aveugles. Et 80 % d’eux le sont à cause de la cataracte que l’on sait soigner. Au cours d’un voyage aux États-Unis, il est impressionné par la recette qui fait le succès mondial des Mc Do, à savoir : gagner en efficacité et économiser sur les coûts à chaque étape de la chaîne. Le Docteur V va appliquer la même logique à un besoin vital pour l’homme : la vue. Repenser chaque geste, chaque outil, optimiser le temps et l’efficacité avant, pendant et après l’opération. Les résultats sont saisissants : il opère dix fois plus vite qu’un chirurgien classique. En quelques années, il construit 5 hôpitaux et emploie 400 chirurgiens formés à la même efficacité. « 
Les hôpitaux Aravind opèrent gratuitement les indigents. En moyenne, sur 10 opérés, 7 ne payent pas mais les trois qui payent financent l’ensemble. »
Depuis 20 ans, le Docteur V et ses équipes ont opéré 2 millions d’aveugles. Dans les années à venir, Aravind prévoit de soigner ainsi les 10 millions d’aveugles de la cataracte en Inde.
Cette ambition a une exigence. Même pour opérer gratuitement, le Docteur V a dû créer son marché ! S’il avait attendu que les plus démunis viennent à lui, il n’aurait jamais eu de clients ! Dans les villages reculés, les aveugles n’ont même pas conscience qu’on puisse les guérir ! Même s’ils savaient, le monde médical leur est tellement étranger qu’ils ne penseraient jamais y avoir accès ! Fort de son expérience passée, le Docteur V met en place des camps mobiles, élément clé de son dispositif : gratuitement, il offre dans les villages une consultation à tous ceux qui ont des problèmes de vue.
Pour s’approvisionner en lentilles, le Docteur V a lancé, avec le même succès, le défi d’une filiale de fabrication de lentilles intra-oculaires. À qualité égale, Aurolab fabrique des lentilles à 5 US $ la paire, alors qu’en Occident cela vaut 250 US $. « 
La réussite d’Aurolab prouve que l’on peut créer des entreprises rentables en répondant aux besoins fondamentaux de milliards de personnes qui sont exclues du système capitaliste. C’est une question d’organisation. Et c’est un vrai chemin de croissance mondiale, car lorsqu’on répond aux besoins primaires de la personne (eau, éducation, santé, alimentation, etc.), son efficacité économique se démultiplie. »

Le défi du Docteur V. est motivant : fournir produits et services de première nécessité aux 70 % de la population mondiale laissés pour compte de l’économie – en faisant du bénéfice ! Car si la mission de l’entreprise est de servir ses clients, sa vocation est toujours de créer de la richesse, de gagner de l’argent. Le Docteur V n’a pas mis sur pied une action caritative non profitable ! Cette population a un pouvoir d’achat, très faible, mais représentant un marché de masse. Et il est économiquement prouvé qu’un marché de masse peut être plus rentable que des marchés sélectifs.
David Green, un Américain, ancien collaborateur du Docteur V., a théorisé les intuitions de l’origine de l’entreprise : « 
Le capitalisme classique étudie le marché en se posant la question suivante : à quel prix peut-on vendre un produit ou un service ? Il faut, en réalité, poser la question inverse : à quel prix peuvent-ils acheter ce produit ou ce service ? Puis en partant de cette donnée fondamentale, travailler les processus de fabrication pour atteindre un prix bas. Si ce seuil de prix est très bas, surtout pour les milliards d’êtres humains vivant avec moins d’1 US $ par jour, ce marché peut offrir des perspectives intéressantes. Un marché de masse de 70 % de l’humanité permet d’envisager des économies prometteuses. Permettre à 4 milliards d’êtres humains de devenir de « nouveaux consommateurs »
inaugurerait une croissance économique intéressante pour les consommateurs comme pour les entreprises.
Ce capitalisme au service de tous propose un chemin de croissance humaine et économique réaliste et accessible dont le plus grand nombre peut être, à la fois, l’acteur et le bénéficiaire. »
Association lunettes sans frontière

Depuis 1974, Le P. François-Marie Meyer, du couvent des capucins de Hirsingue (Haut-Rhin), collecte des lunettes pour les malvoyants pauvres. En Afrique, une paire de lunettes représente 6 à 8 mois de salaire. Dans certaines régions, le premier opticien est à 1000 km. Il y a un ophtalmologue pour un million d’habitants. Même en France, des personnes nécessiteuses ne peuvent plus acheter de lunettes.
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Lunettes sans frontière » repose entièrement sur le travail des bénévoles – certains d’entre eux viennent depuis une vingtaine d’années, trois fois par semaine – ainsi que sur les dons. Le focomètre sert à mesurer la correction des lunettes. Les cas les plus délicats (lunettes à double foyer, par exemple) sont mesurés par un opticien à la retraite, membre de l’association.
Les lunettes sont mises en étui et conditionnées en cartons de 3 kg contenant chacun 46 paires, toutes de même dioptrie. Pour les envois par avion, l’association bénéficie d’une exonération de la surtaxe ; de la sorte les frais d’envoi d’un colis s’élèvent à 9,15 € au lieu de 30,50 €.
Nous envoyons en moyenne entre 80 et 100 colis par semaine en Afrique.

Mais nous envoyons également des lunettes en France. Nous recevons, en effet, tous les jours, des copies d’ordonnances que nous envoient des assistantes sociales. Les personnes dont elles s’occupent n’ont pas les moyens de s’acheter les lunettes prescrites. La copie de l’ordonnance précise le sexe et l’âge des personnes. Nous pouvons donc choisir des lunettes adaptées et nous en envoyons deux ou trois paires en espérant que l’une d’elles fera l’affaire. L’affranchissement est de 3,60 € en colissimo.
Dans le cas d’ordonnances trop compliquées, si nous n’avons pas de verres correspondants, nous n’envoyons que les montures.
Enfin, une autre équipe se charge de récolter des timbres et des cartes postales. Ils sont triés et classés par thèmes puis vendus lors de manifestations communales ou de rencontres philatéliques. Le produit de leur vente est utilisé pour financer l’envoi des colis.
Pages préparées par L. Guth
louis.guth@laposte.net