Missionnaires spiritains : Logo Où va Haïti en 2011 ?  
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L’urgence d’une gouvernance politique responsable


Face au désarroi collectif, à l’immensité des pertes dues au séisme et aux retards de la relance, des Haïtiens réfléchissent à une totale refondation de l’État.
 
À Port-au-Prince, des barbelés entourent les villas cossues qui ont résisté au séisme. Des détritus s’accumulent sur les gravats des bâtiments des plus pauvres. Le 12 janvier 2010 a révélé les failles d’un pays dont 66 % du budget vient de l’étranger, où 1 % de la population se partage 50 % des ressources. Et d’un État miné par la corruption. L’hyper centralisation du gouvernement à Port-au-Prince, la destruction de plus de 70 % des infrastructures de l’État et la perte de milliers de fonctionnaires l’ont encore plus affaibli après le 12 janvier. Sans aide internationale, Haïti aurait eu du mal à évaluer, quantifier, prioriser et rédiger son plan de reconstruction. La communauté internationale a essayé d’éviter les troubles sociaux. Le 31 mars 2010, réunie au siège de l’ONU, elle a promis près de US $ 10 milliards à Haïti. Pour le développement grandeur nature d’un pays en ruine, conformément aux besoins identifiés par le gouvernement. Mais très tôt après le séisme, une évidence s’est imposée. Un bilan aussi terrible n’est pas que le résultat de la force de la secousse sismique. Il est le fait d’une densité de population excessive, de l’absence de normes de construction adéquates, de l’état catastrophique de l’environnement, de l’utilisation désordonnée des sols et du déséquilibre dans la répartition des activités économiques.
Le 21 avril 2010 a été créée la Commission intérimaire de reconstruction d’Haïti (CIRH). Coprésidée par Bill Clinton, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, et Jean Max Bellerive, Premier ministre, elle affiche un conseil d’administration de 20 personnalités : 10 haïtiennes et 10 étrangères. Placée sous la responsabilité de la Banque mondiale, en collaboration avec les Nations Unies, et de la Banque interaméricaine de développement (BID), elle reçoit un mandat de 18 mois pour la mise en œuvre des programmes de reconstruction. Une Agence pour le développement d’Haïti, dont la mission durerait plusieurs années, devrait lui succéder.
« Tous critiquent ce gouvernement, explique M. Jean-Claude Bajeux. Parce qu’il ne fait rien et ne se maintient au pouvoir que pour profiter le plus longtemps possible de ses avantages. Dans un climat de complicité entre le président et la communauté internationale, dans un oubli total des urgences dans lesquelles vivent les gens.
Pourquoi le choléra sévit-il en Haïti ? Car il n’existe ni distribution d’eau ni ramassage des ordures, ni égouts. L’eau et la scolarisation devraient être 2 chantiers prioritaires pour que tous les enfants puissent étudier en mangeant à leur faim. En 5 ans, cela changerait la vie du pays. Par une suite de cassures successives, il y a eu, en Haïti, une crétinisation de l’État. Pour faire revivre le pays, nous avons besoin d’aide. Nous avons tourné en rond au lieu d’aller de l’avant. Les parents paient aujourd’hui un prix fou pour l’école et la santé de leurs enfants. »
Un autre constat. « Nul n’a réellement coordonné l’aide internationale, écrit Nathalie Leenhardt, dt la e la Mission protestante. Les ONG ont permis d’éviter le pire. Les populations des camps ont reçu alimentation, eau, soins. L’aide d’urgence, d’une envergure sans précédent, a fonctionné. Mais impossible d’envisager une évacuation des gravats, une reconstruction véritable avant des mois. […] Il est essentiel de participer à la formation des leaders de demain. »
Daly Valet propose des priorités à mettre en œuvre pour le salut du pays : « Nos misères, nos fragilités, nos précarités se sont exposées à nous soudainement en format surdimensionné. […] L’absence de l’État, le mutisme terrassant de ses chefs attitrés, l’évaporation subite et surprenante de ses squelettes, ont ajouté au traumatisme du moment. Ces défaillances et démissions sont aussi pour beaucoup dans le désarroi collectif, l’immensité des pertes, et dans les retards de la relance. Nous n’avions tout simplement pas les ressources ni le leadership républicain qu’il fallait pour nous aider à dompter 2010.
La solidarité communautaire inter-haïtienne et la générosité de l’international ont permis d’alléger le fardeau des urgences et des nécessités. Nous serions aujourd’hui réduits à l’état comateux sans la conjonction salutaire de cette double dynamique.
Les responsables haïtiens n’ont même pas pu se rattraper dans la période post séisme. Les initiatives timides de déblaiement ne sauraient à elles seules combler les carences et les paralysies au sommet de la planification de la reconstruction. […]
Le pays à reconstruire devra nécessairement passer, à partir de 2011, par la refondation de l’État et une gouvernance politique nouvelle, éclairée, non corrompue, entreprenante, créative et responsable.
La gestion, jusque-là acceptable, de l’épidémie du choléra par nombre d’institutions publiques nous conforte dans la conviction que mieux d’État est possible en Haïti.
t la Une société plus juste et moins inique et inéquitable est aussi possible. Il suffit de faire preuve d’humanité envers nos compatriotes. Besoin de faire preuve également de plus d’attachement et d’amour envers la patrie souffrante.
L’inachèvement de l’intégration nationale, le creusement de toutes les inégalités avec toutes ces calamités endurées inégalement, la criminalisation de l’État, la gangstérisation larvée de nos rues et de nos quartiers, la fragilisation du socle identitaire et culturel national, les crises politiques nées de la malveillance des hommes de pouvoir, autant de défis qui devraient figurer prioritairement dans nos agendas citoyens, sociaux et politiques en 2011 » (Le Matin, éditorial du 7 janvier 2011).

Quel président va reconstruire Haïti ?

t la Le 3 février, après plus 2 mois de crise post électorale accentuée par le retour en Haïti de l’ex-dictateur Jean-Claude Duvalier et la demande de retour de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, le Conseil électoral provisoire (CEP) a publié les résultats définitifs du 1er tour de l’élection présidentielle. Jude Célestin, dauphin du président René Préval, se voit rétrogradé à la 3e place pour fraudes.
Le 20 mars, les Haïtiens devront choisir au 2e tour entre Mirlande Manigat, 70 ans, intellectuelle diplômée de la Sorbonne et ancienne première dame, et Michel Martelly, 49 ans, chanteur populaire. Le parti au pouvoir, Inité, accepte ces résultats. René Préval, dont le mandat arrive à terme le 7 février, compte rester jusqu’à l’issue du processus électoral. L’Organisation des États américains (OEA) a annoncé l’envoi d’une équipe d’observateurs pour le 2e tour.



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