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Un appel à bâtir sur l’essentiel
« Ce
tremblement de terre devrait rester dans toutes les mémoires comme un point de
départ d’une autre façon de vivre.<» Les étudiants spiritains
ont ressenti ce que leur peuple attend d’eux, de l’Église, de l’État..
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Le 12 janvier 2010, une centaine de jeunes
étudiaient au Centre inter-instituts de formation religieuse (CIFOR) à
Port-au-Prince. Les étudiants ont été profondément choqués par le séisme, du
fait des dégâts et des 15 victimes dans leur groupe, explique le P. William
Smart, accompagnateur. Nous avons fait appel à des psychologues. Et un
ingénieur géologue nous a expliqué les causes des séismes en Haïti.
Nous avons ensuite demandé aux
étudiants de faire des enquêtes autour d’eux. Ils ont découvert les plus
pauvres, les nombreux handicapés oubliés. Et ceux qui profitent du malheur des
autres par des augmentations des prix non justifiées. Ils ont approché ce
peuple habitué à peu qui a beaucoup souffert de devoir enterrer des parents
sans respect, sans vraie sépulture. Alors que souvent les gens dépensent ce
qu’ils n’ont pas pour honorer leurs morts. Cette attention aux plus pauvres
nous a aidés à mieux vivre la solidarité avec eux et à réfléchir au sens de la
vie.
La rue qui mène à la communauté
spiritaine de Senghor (un quartier populaire de Port-au-Prince) reste encombrée
de gravats, d’un vieux camion accidenté et, juste devant l’entrée, d’un tas
d’immondices qui brûle régulièrement. Un haut mur couronné de barbelés scellés
dans le ciment entoure la propriété. Le gardien ouvre le portail à chaque appel
de klaxon. Les réparations et l’aménagement de la maison continuent. Des maçons
crépissent les murs et les cages d’escaliers. De jeunes menuisiers fabriquent
et montent les armoires directement dans les chambres. Une tente dressée dans
la cour sert de chapelle pour la messe de 6 heures
et les temps de prière. Dans un réduit, 2 dames s’affairent autour d’une
gazinière et de quelques casseroles. Une autre fait la lessive dans une grande
cuvette. Les coupures de courant sont fréquentes. Les batteries de régulation
ne tiennent pas. Un petit équipement solaire maintient un congélateur, ouvert
de nombreuses fois par jour, à la température d’un réfrigérateur. L’eau coule à
partir de réservoirs remplis par un camion-citerne.
Accompagnés du P. Paulin
Innocent, les étudiants spiritains sont 6. En théologie : Isaac Aujour en 3
e année,
Youmarcks Jacques et Wenky Frédérique en 1
re année. En philosophie : Jean Paul Durandis et
Miguenson Saint-Germain en 2
e année ;
Billy Jacotin en 1
re année. Trois autres sont en stage : Fresnel Alcina
(Martinique), Gilbert Juline et Dickens Remy (Guyane). Et 2 au noviciat en
France : Pedro Antony
et Robens Flecher.
À la communauté, les repas sont
simples, arrosés d’eau. Pâtes à la tomate, petite omelette et pain de mie au
petit déjeuner. Bananes cuites et riz avec des miettes de viandes en sauce au
déjeuner. Soupe épaisse au dîner.
Ce 14 janvier, au petit déjeuner, les jeunes
échangent en créole sur les événements du petit matin. Après quelques pneus et
véhicules brûlés la veille dans des quartiers proches, on a entendu des coups
de feu. Les auteurs des troubles seraient des fans déçus d’un candidat à
l’élection présidentielle. Les rues sont calmes. L’hélicoptère de l’ONU tourne
au-dessus de la ville. Mais ils attendront une heure avant de partir au cours
dans leur minibus en nous conseillant d’éviter de nous promener en ville. Nous
irons cependant déjeuner avec les spiritains de Saint-Martial. Voitures et
pneus brûlés n’ont laissé que des traces sur la route.
Comment ces jeunes voient-ils
l’avenir ? Wenky
Frédérique répond : le
lendemain du 12 janvier,
il a été difficile d’imaginer comment survivre avec les gens. Nous avons gardé
l’espoir ensemble malgré difficultés et sacrifices : presque rien à manger, dormir dans la rue
puis sous tentes… Nous avons visité plein de gens qui avaient tout perdu, avec
des parents décédés. Nous les avons encouragés.
Le peuple d’Haïti doit faire son
unité par la foi pour tenir ferme même quand il faut pleurer des morts. C’est
un appel à bâtir sur l’essentiel.
Aujourd’hui, on explique le
séisme. Il faudrait qu’il reste dans toutes les mémoires comme un point de
départ d’une autre façon de vivre, en commençant par une autre façon de
construire les maisons.
J’aimerais que ce peuple ait
accès à plus d’éducation. J’aimerais que l’Église réponde aux besoins du
peuple.
La foi est très importante pour
les gens. Si on lâche prise face à cette attente des gens, on les déçoit et on
les prive des moyens de lutter pour une vie meilleure. Il faudrait que nos
dirigeants soient plus honnêtes, qu’ils développent les potentialités du peuple
au lieu de l’exploiter sans aucune morale. Les plus riches ne voient pas la
pauvreté des quartiers où des gens ont faim, survivent dans les rues, se tuent
dans des boulots inhumains pendant que d’autres se sucrent sur leur dos. Ce
mépris détruit tout sur son passage. Pour changer ça, il faut des personnes qui
ont à la fois le sens des responsabilités, une certaine maturité et un sens du
service des autres.
Pour
soutenir les projets des spiritains à Carrefour , à Furcy , au
collège Saint-Martial , à Pont-Sondé , en formation et
ceux des spiritaines , envoyez votre chèque en indiquant le projet
choisi à :
Procure
des Missions,
30,
rue Lhomond – 75005 Paris.
(Reçu
fiscal sur demande)