Dossier     Migrants africains , raisons d'un exil 
 


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Pour un co-développement responsable


"S'accuser les uns les autres navance à rien. Il faut analyser ce phénomène de la migration sous l'angle de la responsabilité."
Créscence Toko, économiste en stage à Paris, cherche et propose des moyens d'éviter que des milliers de jeunes se suicident en rêvant d'une existence inaccessible
 


La nouvelle loi de Nicolas Sarkozy relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
suscite de nombreux débats aux points de vue diver­gents de part et d'autre de l'hexagone et du continent afri­cain. Certains évoquant l'alliance historique entre la France et l'Afrique au vu du sang versé pour la liberté lors des guer­res, et leur langue commune, considèrent cette loi comme totalement injustifiée.
Depuis les années 1990, le flux migratoire des Africains vers la France s'est accéléré. Cause principale: le sous-développe­ment économique que connaît le continent et les problèmes sociaux qui en découlent. Voilà ce qui pousse les jeunes àchercher une vie meilleure ailleurs par la migration clandes­tine ou légale.
Fuyant misère, guerre, épidémies et chômage, ou se sentant tout simplement à l'étroit dans des sociétés qui ne leur pro­posent rien à la hauteur de leurs ambitions, des dizaines de milliers de migrants quittent les grandes villes d'Afrique et traversent chaque année le Sahara, puis la Méditerranée, pour rejoindre l'Europe. Ils tentent cette traversée au péril de leur vie. Ils risquent aussi, à l'issue de leur périple, d'être victimes de réseaux mafieux qui tirent profit des migrants clandestins. Leur chance de réussir ce voyage d'espérance pour profiter de la providence européenne est infime mais possible.
Pourquoi   ces Africains tentent-ils encore et encore cet exode? Coincés dans des situations défavorables, (malaise politique,
conflits, pauvretés), privés de travail et de ressources, limités dans leur accès à la technologie, ces jeunes rêvent de trouver mieux ailleurs. Ils croient qu'aidés par des vraies politiques d'immigration leur assurant une stabilité économique et une sécurité de l'emploi, ils pourraient se former, travailler, mieux vivre et donner une bonne éducation à leurs enfants.
Il faut dire que les fonds que transfèrent des milliers d'Afri­cains travaillant en Europe vers leur famille restée en Afrique ainsi que les investissements mobiliers et immobiliers qu'ils réalisent prouvent, aux yeux de millions d'autres Africains, que de meilleures conditions d'existence permettent effecti­vement de s'en sortir. Ces faits sont la source de motivation la plus forte pour les départs, légaux ou clandestins.
Une loi, même réfléchie et argumentée, peut-elle réduire un tel phénomène d'immigration qui s'intensifie en direction de l'Europe et particulièrement de la France?
Les flux migratoires pourront-ils désormais être contrôlés par la seule acceptation d'une «immigration choisie » qui s'adap­tera à la démographie et aux besoins de la main d'oeuvre de l'économie française? Une série de mesures devraient favo­riser une immigration choisie pour que tourne l'économie et limiter ainsi l'immigration de peuplement. De telles dis­positions favorisent d'abord la venue en France de personnes susceptibles de participer au développement de son économie et à son rayonnement intellectuel et sportif dans le monde.
Les conséquences négatives d'une telle loi sur le développe-
ment de l'Afrique sautent aux yeux: les rares personnes formées, au prix fort, par les pays africains, immigreront vers la France, privant ainsi leurs pays d'atouts et de le­viers déterminant dans leur processus de développement national.
Il serait judicieux d'ana­lyser ce phénomène de la migration sous l'angle de la responsabilité. S'accuser les uns les autres n'avance àrien. La triste réalité de ces migrants clandestins et les différentes propositions sur l'immigration devraient réveiller la conscience collective africaine. Il faut d'abord que l'Afri­que se retourne sur elle-même et s'interroge. Pourquoi ces jeunes Africains courent-ils le risque de perdre leur vie dans de frêles embarcations qui vont s'échouer au large des côtes européennes? Notre continent a les moyens de donner un autre destin à ses jeunes que l'horizon bouché qui les étouffe aujourd'hui.
Les gouvernements africains se doivent de mettre en place de nouvelles stratégies de développement. Il leur faut établir un dialogue positif pour trouver les mesures pouvant effective­ment retenir en Afrique ceux qui, malgré leurs compétences, n'ont aujourd'hui que le choix de partir.
Il faut pour cela redoubler d'efforts pour parvenir à un développement économique et social durable. Première condition pour y arriver:
parvenir à un meilleur équi­libre économique entre pays développés, pays en déve­loppement et pays en tran­sition.
Il faudra également désa­morcer les conflits internes et  internationaux  avant qu'ils ne dégénèrent et ne ruinent personnes et éco­nomies. Il faut respecter la primauté du droit, promouvoir la bonne gestion des affaires publiques, renforcer la démocratie et encourager partout le respect des droits de l'homme.
Une telle politique de « co-développement » maîtriserait cer­tainement davantage le flux migratoire que lois et restrictions de toutes sortes. Si les programmes et projets de société des dirigeants d'Afrique et d'Europe, de la France en particulier, pouvaient intégrer cette « nécessité » dans leurs préoccupa­tions, le phénomène de l'immigration prendrait rapidement une autre allure. Et éviterait que des milliers de jeunes aillent se suicider en rêvant d'une existence inaccessible. e

Créscence Thko


L'effet d'une vraie solidarité
Christian Moun­zeo,  président de la Rencon­tre pour la paix et la défense des Droits de l'Homme (RPDH) et coordonnateur de la coalition africaine, Ru­bilez ce que vous payez (pour la transparence dans la gestion des ressources pétrolières en Afrique), et l'abbé Brice Macicosso, secré­taire permanent de la commission épiscopa­le Justice et Paix, ont été arrêtés à Pointe-Noire, Congo, le 6 avril 2006, et incarcérés àla maison d'arrêt. La police a perquisi­tionné les 2 domiciles, sans mandat et hors de leur présence et y a saisi des documents
relatifs au «Plaidoyer pour une gestion plus transparente des re­venus pétroliers», la mobilisation qui est à l’origine de la diffu­sion de la campagne «Publiez ce que vous payez!» en Afrique. Une dizaine de plate-formes nationales ont été constituées, in­quiétant sérieusement les pouvoirs en place. Cette perquisition n'a fait l’objet d'aucun pro­cès-verbal et les do­cuments n'ont pas été mis sous-scellés.
Au Congo, Christian Mounzeo  et  Brice Mackosso  incarnent les mobilisations de la société civile pour une répartition plus équitable des revenus
du pétrole, qui fait l’objet depuis 40 ans d'un détournement massif opéré en connivence entre la société Total et les chefs d'États qui se sont succédés au Congo depuis les «in­dépendances».
En décembre 2005, le ministre des Finances et le conseiller spécial à la Jeunesse du pré­sident Sassou avaient déjà proféré des me­naces à l’encontre des 2 hommes, et au-delà, à la coalition «Publiez ce que vous payez!» qui venait de dévoiler l’existence de sociétés écrans pour détour­ner les revenus du pétrole.
Dans le monde entier, un vaste mouvement de solidarité s'est mis en place pour deman­der la libération des 2 hommes, emmené par tous les relais natio­naux de la campagne «Publiez ce que vous payez!» (du Canada à l’Azerbaïdjan), mais aussi par des repré­sentants des épisco­pats, français, améri­cains et congolais, le Secours  catholique, l’ensemble des Con­férences  épiscopales d'Afrique centrale et la Banque mondiale... Le 28 avril, les 2 hom­mes sont libérés provi­soirement à 22h30.
Jugement  fixé au 24juin....
Lettre de Survie n° 147, mai 2006

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