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Paraguay  
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  Des terres sans paysans et des paysans sans terre


.Le P. Mietek Ropinski est curé d’une paroisse rurale aux nombreuses communautés villageoises isolées. Bon connaisseur « del campo », il nous décrit la dramatique situation de la petite agriculture.


« Notre Père qui es aux cieux… dĂ©livre-nous de tout mal, de toute corruption, des drogues, du dĂ©boisement, de la violence et des maladies. » La prière est prononcĂ©e par le P. Mietek Ropinski, originaire de Pologne, au cours de la messe des premières communions des enfants du village de Sainte Lucie, dans la chapelle construite aux abords d’un collège technique agricole d’un programme d’éducation promu par les jĂ©suites dans les zones dĂ©favorisĂ©es de plusieurs pays d’AmĂ©rique latine : « Fe y alegria » (Foi et joie). Le P. Mietek est curĂ©, depuis 2006, d’une paroisse du diocèse de San Pedro. Celle-ci s’étend sur près de 100 km et dessert un peu plus de 80 communautĂ©s. Durant son homĂ©lie, le P. Mietek rappelle que la messe permet de rĂ©unir la communautĂ© des croyants qui souhaitent construire un monde meilleur et plus juste : « Nous travaillons comme des fourmis. Elles sont petites mais, ensemble, elles arrivent Ă  dĂ©placer des montagnes. On peut toujours commencer par sa petite pierre. »
 
La voix radiophonique du matin
Le P. Mietek est responsable de la pastorale des communications sociales du diocèse. Lui-même, à 6 heures du matin, du lundi au vendredi, donne un programme d’une à deux heures à la radio de la paroisse (photo ci-contre), « Despertando a la vida » (Au réveil de la vie). Il traite, avec un brin de poésie, de questions très diverses, de la Bible à l’écologie en passant par la vie culturelle ou pastorale de la paroisse. Il connaît bien la situation agricole d’un pays qui ne possède pas d’industrie, pas d’accès à la mer, ni de richesses en sous-sol. Un pays majoritairement agricole, dont on dit que les terres sont sans paysans et les paysans sans terre. Un paradoxe qui s’explique : de nombreuses terres sont inexploitées et bon marché ; de grands exploitants (souvent brésiliens) les achètent par centaines de milliers d’hectares et les réservent exclusivement à la monoculture, notamment du soja (transgénique), exempte de taxes locales. Les lois de protection de l’environnement du pays ne sont pas respectées, l’emploi massif de pesticides constitue un grave problème de santé publique, le déboisement est intensif, l’impunité et la corruption règnent, les petits exploitants n’ont pas les moyens de se défendre. Les petites productions locales de coton, sésame ou manioc étant achetées à bas prix, sont abandonnées au profit de la monoculture extensive. Chez ceux qui manquent de grands terrains, la tentation est alors vive de cultiver la marijuana, plante résistante à la sécheresse, aux maladies et au gel ; son marché reste constant bien que livré à l’insécurité (dettes, menaces, etc.). Pour échapper à cette situation, il reste cependant une autre source d’emplois très répandue dans tout le pays : la fonction publique. Les postes de fonctionnaires sont supérieurs en nombre, dit-on, aux besoins réels de la population.
 
Le festival du m’beju
Le P. Mietek mesure la valeur du temps et des actions locales, même modestes, qui aident la population à se forger dignement une âme (une identité, dirions-nous). « Nous avons rêvé. Le rêve prend forme et continue son histoire », peut-on lire sur le site Internet de la paroisse annonçant le prochain festival du m’beju (prononcez m’beillou, en accentuant la dernière syllabe) le 13 mai prochain. Depuis quatre ans, un festival de gastronomie typique de la région, danses et chants folkloriques, à l’initiative du P. Mietek, se déroule dans le cadre de la fête patronale de la paroisse en l’honneur de la Vierge de Fatima. Paroisse et commune collaborent à l’événement qui réunit des participants de tout le pays. Le m’beju est une galette, riche en calories, obtenue par un mélange de farine et d’amidon de maïs, de graisse de porc et de fromage. Le succès de la fête, qui cherche à valoriser la production locale, la culture traditionnelle, et à fédérer les efforts de toute une population, va grandissant : au cours du dernier festival, 3 000 galettes ont été vendues !

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