Un conflit militaire et politique
Une première guerre civile entre 2004 et 2007 avait déjà opposé les
partisans de François Bozizé, alors président de la République
centrafricaine, à ceux qui l’avaient aidé à prendre le pouvoir par un coup
d’État en 2003. Fin 2012, les rebelles reprennent les armes et forment une
coalition qui prend le nom de Séléka (alliance en langue sango). Composée de
Tchadiens et de Soudanais, majoritairement musulmans, elle est rejointe par des
Centrafricains, anciens membres de l’armée centrafricaine ou désœuvrés,
tous déçus du régime. Le 13 mars 2013, le président Bozizé est
renversé. Michel Djotodia prend le pouvoir et se montre incapable de
contrôler ses troupes. Une flambée de violence embrase le pays. Les Sélékas
pillent les missions chrétiennes, massacrent des populations, détruisent les
archives d’état civil et incendient de très nombreux villages. Du
« jamais vu » écriront les évêques centrafricains dans un message
condamnant les exactions. Début novembre 2013, des milices d’autodéfense
se lèvent. Ce sont les anti-balakas (des anti-balles de Kalachnikov) qui
s’auto-protègent à l’aide de talismans noués autour de la poitrine et
des bras. Ils deviennent populaires auprès d’une population humiliée et
martyrisée. Grisés par leur succès, ils rançonnent, pillent à leur tour et
s’attaquent à l’ensemble des civils musulmans, accusés d’avoir
collaboré avec la Séléka. Pour échapper aux exactions, la moitié des
musulmans du pays part s’exiler dans les pays voisins, au Cameroun et au
Tchad.
Décembre 2013 : la France, sous mandat de l’ONU, décide enfin
d’intervenir. C’est l’opération Sangaris, chargée de contenir les
massacres et les représailles entre chrétiens et musulmans, dans un pays
livré au chaos. Le génocide sera évité. Janvier 2014 : Michel Djotodia
est contraint de démissionner et un gouvernement de transition est
installé.
Ce rappel des faits brosse un tableau très sombre de la population d’un
pays, sans accès à la mer, aux frontières incertaines et poreuses, au
sous-sol riche en minerai, à l’instabilité notoire et aux régimes
politiques inconsistants et ubuesques (on se souvient encore de l’empereur
Bokassa). La presse internationale a qualifié les anti-balakas de milices
chrétiennes parties en guerre contre les musulmans, renforçant l’idée
d’un conflit à caractère religieux. Ce serait oublier que les habitants de
différentes religions ont vécu en bonne entente durant des décennies. Des
jeunes de Bangui ont déclaré que la crise centrafricaine était due à la
mauvaise gouvernance et à l’intervention tardive des forces internationales,
pas aux facteurs religieux. Tant que les journalistes occidentaux parleront
(par mimétisme ou par paresse) de « milices chrétiennes » et
alimenteront ainsi le jeu des politiciens locaux qui ont dressé les
communautés entre elles, il faudra répéter que la crise centrafricaine
n’est pas religieuse. Quant à l’extrême violence des faits, elle ne
devrait pas nous faire oublier que le peuple centrafricain est avant tout
pacifique, aimable et chaleureux. Mais son interminable calvaire l’a
durablement traumatisé.
La Centrafrique en chiffres
Superficie : 623 000 km2. Population : 5 millions d’habitants (avant la crise de 2013-2014).
Espérance de vie : 43,54 ans. Moyenne d’âge : 18 ans
Bangui : 622 771 habitants (près de 20 % de la population du pays).

Entre 2013 et 2014 : 425 000 personnes ont fui le pays, 930 000 personnes se sont déplacées à l’intérieur du pays. On ignore le nombre de réfugiés revenus chez eux depuis le début 2015.
Langues : français et sango (langue véhiculaire). Chacune des 80 ethnies possède sa langue.
Religions : chrétiens (85 %) [catholiques : 35 %, églises pentecôtistes, prophétiques et évangéliques : 50 %] ; musulmans 10,1 % et animistes 4,9 %.
Économie : 50 % du PIB est agricole. Le pays compte des gisements d’aluminium, de cuivre, d’or, de diamant, d’uranium et des puits de pétrole.
Chef de l’État de transition :
Catherine Samba Panza.