,
Missionnaires spiritains : Logo Le reportage  
CENTRAFRIQUE  
- 3 -

L’archevêque et l’imam de Bangui
reçoivent le prix de la paix 2015

Le 1er septembre 2015, la Ville d’Aix-la-Chapelle en Allemagne a décerné le prix de la paix d’Aix-la-Chapelle 2015 à Mgr Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui et président de la conférence épiscopale centrafricaine, ainsi qu’à Oumar Kobine Layama, imam de Bangui et président de la communauté islamique centrafricaine. Avec le pasteur Nicolas Guérékoyame Gbangou, ils ont créé une plateforme interreligieuse afin de démontrer que la coexistence est possible et qu’elle est le fondement de la paix.

« La coexistence religieuse entre Centrafricains est possible. Le conflit dans notre pays n’est pas religieux mais il est le fruit de la manipulation politique qui exploite la religion », déclaraient à l’agence Fides les trois fondateurs de la plateforme interreligieuse pour la paix en Centrafrique, Mgr Nzapalainga, l’imam Oumar Kobine Layama et le pasteur Nicolas Guérékoyame Gbangou, en novembre 2013. Les rebelles de la coalition Séléka, à majorité musulmane, avaient alors déchiré le tissu social par des massacres et des pillages de grande ampleur et les milices d’autodéfense, anti-balaka, soutenues par l’ancien président déchu, attaquaient les populations musulmanes originaires du pays. « Le problème le plus urgent est le désarmement. Trop d’armes sont en circulation et différents jeunes anciens combattants se sont transformés en bandits qui sèment la terreur et l’insécurité, poursuivaient les responsables religieux dans leur déclaration. Il faut désarmer les âmes des personnes. Là, les religions peuvent jouer un rôle fondamental. »
Des gestes concrets ont été posés : à Bangui, dans les quartiers à majorité musulmane, des chrétiens ont été protégés des violences ou leurs biens ont été mis à l’abri des pilleurs alors que leurs propriétaires avaient pris la fuite. Ailleurs, des musulmans ont été protégés par des chrétiens ou ont été accueillis dans des camps de réfugiés. Un peu partout, des matchs de football entre jeunes chrétiens et musulmans, ou d’autres activités communes, sont organisés.
Si aujourd’hui beaucoup de réfugiés sont retournés chez eux, les cœurs ont besoin d’être soignés. Le désarmement est en cours ainsi que la transition démocratique. Dans un entretien donné en avril dernier au Secours catholique, Mgr Dieudonné Nzapalainga portait un regard plein d’espérance : « Ce qui est positif, c’est cette jeunesse qui décide de se mettre ensemble pour dire non à la violence. Ces jeunes, hommes et femmes, circulent pour dire à leurs frères que la paix est possible. Quand je vois les jeunes de tous bords, ensemble, réfléchir et agir, il y a quelque chose de positif en marche. »
La plateforme travaille à reconstruire la cohésion sociale en rassemblant des musulmans et des chrétiens dans le cadre de grandes manifestations de solidarité, en formant des responsables religieux, des membres de la société civile, des fonctionnaires du gouvernement et des représentants des groupes armés pour qu’ils deviennent les ambassadeurs d’une coexistence pacifique. Mgr Nzapalainga conclut : « Nous sommes un seul pays et sommes centrafricains avant d’être musulmans, protestants ou catholiques… Nous avons un seul et même Dieu. Abraham est notre père dans la foi. Les musulmans disent la même chose. Et le père d’Abraham c’est Dieu. »

Parcours de Dieudonné Nzapalainga, spiritain, aumônier des jeunes de la Fondation des Apprentis d’Auteuil à Marseille, administrateur diocésain puis archevêque de Bangui.


Né au sud-est de la République centrafricaine, près de Bangassou, d’une famille d’agriculteurs, il commence sa formation pour être spiritain au Cameroun, puis à Libreville au Gabon. Il étudie la théologie au Centre Sèvres, à Paris et fait sa profession perpétuelle, le 6 septembre 1997, dans la Congrégation du Saint-Esprit. Il est ordonné prêtre le 9 août 1998 à Bangassou.
Le Père Dieudonné Nzapalainga a commencé sa vie missionnaire à Marseille durant huit ans comme aumônier de la maison Saint-François de Sales, d’Apprentis d’Auteuil et, en même temps, comme vicaire de la paroisse Saint-Jérôme. En mars 2006, l’assemblée régionale des spiritains de République Centrafricaine le rappelle pour être Supérieur majeur. Le 26 mai 2009, il est nommé administrateur diocésain de Bangui, à la suite de la démission de Mgr Paulin Pomodimo. Malgré les nombreuses difficultés traversées par l’Église en République centrafricaine, il ne cesse alors d’animer le diocèse, cherchant à apaiser les tensions et à assainir les finances. Nommé par le pape Benoît XVI, archevêque de l’archidiocèse de Bangui, il est consacré évêque le 14 mai 2012 par le cardinal Filoni. Puis il est nommé membre de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples le 13 septembre 2014 ; il est nommé par le pape François, Père synodal pour la troisième assemblée générale extraordinaire du synode des évêques sur la famille, qui s’est déroulée à Rome, du 5 au 19 octobre dernier.
En 2013, il brave l’insécurité des rues de la capitale pour aller réconforter les prêtres et les religieuses lorsqu’ils sont inquiétés par les combattants de la Séléka. En 2014, il offre le refuge de son archevêché à l’imam Kobane, menacé de mort par les anti-balaka et par les Sélékas qui lui reprochent ses positions modérées. Ensemble, ils sillonnent le pays, rencontrent les victimes et tiennent un discours d’apaisement. En janvier de la même année, plus d’un mois après l’intervention de l’armée française en Centrafrique appelée « opération Sangaris » (1 600 soldats français), face à la persistance de l’insécurité et devant l’ampleur du désastre humanitaire, ils sont convaincus que la France, seule, ne peut supporter le poids de la crise centrafricaine. Ils entreprennent alors une visite en Europe pour demander des renforts, rencontrent les députés français et sont reçus à l’Élysée. Puis, ils vont se rendre à l’ONU pour solliciter son intervention.
Mgr Nzapalainga est ainsi apparu comme un rempart face à l’effondrement du pays. Homme courageux, plein de bon sens, d’une foi solide, il ne recule jamais devant les obstacles, mieux encore, il va au-devant des personnes et des événements. Modeste et humble, il se reconnaît davantage comme pasteur. Il a beaucoup parlé et pris position face aux événements tragiques. Désormais, selon son propre aveu, il souhaite rester proche des fidèles et reprendre, au quotidien, son bâton de pasteur. Une tâche qu’il aime particulièrement et le remplit de joie.


Sommaire           Page précédente           Page suivante            Couverture