Jour de fête à l’école Daniel Brottier de Niakari
Niakari, un village de brousse à 17 km de la ville provinciale de Bangassou et séparée de celle-ci par le fleuve Mbari, n’est accessible qu’au moyen d’un bac de traverse. Les élèves de l’école Daniel Brottier sortent en file indienne des salles de classe pour se rassembler dans la cour en latérite, cette terre rouge caractéristique de la région Est de la Centrafrique. Le P. Christ-Roi, spiritain, curé de la paroisse de Niakari et directeur de l’école, est accompagné de M. Jérémie Kobongo, son directeur adjoint. Tous deux nous accueillent avec fierté. Chants et poèmes récités par des élèves, discours prononcés par les autorités de l’école, présentation d’objets d’artisanat et danses de clôture au rythme du tam-tam figurent au programme d’une touchante célébration de bienvenue…
Une initiative des habitants
Créée en 2006, l’école primaire a été construite à la demande de la population pour permettre aux enfants d’être scolarisés à proximité des villages de leurs parents. Les villageois ont construit les bâtiments de l’école, ils ont confectionné et cuit les briques moulées par la glaise des bords du fleuve, ils ont amassé les pierres pour les fondations et coupé des arbres pour les bancs des classes. Une école en France a fourni la presse à briques, l’entreprise Orange a fait un don de 25 000 euros, l’association Marseille Centrafrique Solidarité a, de son côté, récolté 10 000 euros. Avec seulement 35 000 euros et le tiers du travail fourni par la population locale, vous obtenez ainsi une école dont le coût total est estimé à environ 80 000 euros.
L’association des parents d’élèves réunit des familles catholiques, protestantes et musulmanes. Des cours d’alphabétisation pour adultes sont également organisés, mais les parents sont peu nombreux à y participer car ils sont tous occupés à travailler aux champs ou sur le fleuve pour vivre de la pêche et nourrir des familles de six ou sept enfants. Les parents payent en nature les frais de scolarité, ce qui permet de maintenir les repas à la cantine scolaire, soutenue par les dons du Programme alimentaire mondial (PAM).
Plus de filles scolarisées que de garçons
Ce sont donc 330 enfants, provenant de neuf villages des environs, encadrés par six instituteurs, qui sont scolarisés de la maternelle au CM2 à l’école de Niakari. En regardant les enfants réunis dans la cour de leur école, on s’aperçoit que le nombre de filles est plus élevé que les garçons. C’est le résultat de la politique des responsables de l’école et de l’association Marseille Centrafrique Solidarité : partant du constat que les familles envoient plus facilement les garçons que les filles à l’école, les frais de scolarité demandés aux parents sont plus élevés pour les garçons que pour les filles ; celles-ci représentent environ les deux tiers des effectifs.
Le projet d’un centre d’apprentissage
La question se pose pour après, lorsque les enfants seront en âge d’aller au collège ; le seul qui existe dans la région se trouve à Bangassou. Il leur faudra alors marcher 17 km, traverser le fleuve et payer leur passage en bac. L’association envisage donc de créer un centre d’apprentissage professionnel de mécanique (pour réparer les vélos ou les motos, qui sont des moyens de locomotion couramment utilisés dans la région) ainsi qu’une menuiserie et un atelier de couture et confection pour les femmes. La réalisation de tels projets exige une paix définitivement instaurée et une situation politique stable.
Niakari : une émulation pour les villageois de Kippa
L’initiative des villageois de Niakari, soutenue par l’association
marseillaise, a fait des émules. Au village de Kippa, les familles se sont
également organisées pour créer une école de proximité. Ils ont recruté
des maîtres d’école à la retraite et leur assurent un maigre salaire,
grâce aux dons des parents d’élèves. Les spiritains sont chargés de la
vie pastorale de ce secteur. L’école de Niakari leur fournit un peu de
matériel scolaire, ainsi que l’Unicef. Notre revue a déjà adressé un
appel à la générosité de nos lecteurs, en septembre dernier, pour les aider
dans la construction en dur de futures salles de classe, les actuelles
n’étant que de simples cases aux toits de palme, à la merci des éléments
naturels. Ce sont, là aussi, près de 300 enfants qui profitent des cours
dirigés par des maîtres d’école à la retraite, réparties sur des
demi-journées.
Le centre de santé
de Niakari
et le Frère Gustave
Après la construction de l’école, ce sont les problèmes de santé qui ont
préoccupé les responsables de l’association Marseille Centrafrique
Solidarité. Un centre de santé a donc été construit qui accueille autour de
150 consultations par mois : paludisme, gastrite aigüe, hypertension,
lipotension, parasites, plaies et blessures de toutes sortes y sont soignés.
Les malades les plus graves sont transférés à l’hôpital de Bangassou où
ils sont pris en charge par Médecins sans frontières. Une salle
d’accouchement permet de nombreuses naissances sans mettre en péril la
santé de quelques 300 mamans, chaque année. C’est le frère Gustave,
spiritain, qui est chargé de la gestion du centre de santé. Juriste de
formation et diplômé en gestion d’entreprise et en comptabilité, alors
qu’il travaillait à la douane centrafricaine, il a fait la connaissance du
Père Moïse Tipende, un spiritain angolais, qui a conquis la population par sa
bienveillance et une grande qualité de relation, hélas décédé
prématurément. Témoin des vols et de la corruption qui règnent au sein des
douanes, Gustave décide alors d’aider le prêtre missionnaire dans ses
démarches. Ce dernier aura tôt fait de remarquer l’honnêteté du jeune
homme et l’invitera à devenir spiritain. Les engagements définitifs dans la
Congrégation du Saint-Esprit du frère Gustave ont été célébrés dans la
cour de la maison Saint-Charles, la maison provinciale des spiritains, à
Bangui, le 24 septembre dernier, alors que la violence avait repris son cours
implacable de représailles injustes et sanguinaires. La célébration
présidée par l’archevêque de Bangui, Mgr Nzapalainga, a dû être
écourtée, pour assurer la sécurité de tous les participants, sous les coups
de feu qui devenaient proches… C’est le Frère Gustave qui a protégé
l’humanitaire française Claude Priest, enlevée en janvier dernier à
Bangui. Tous les deux ont été séquestrés cinq jours durant, par des
anti-balaka qui souhaitaient libérer les otages en échange de la libération
de l’un de leurs chefs principaux. L’humanitaire et le Frère seront
libérés après cinq jours de négociations menées avec patience et fermeté
par l’archevêque de Bangui.