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année Claude-François Poullart des Places (3)

Notre OUI à Dieu


Le 2 octobre 1709 mourait à Paris Claude-François Poullart des Places, le 1er fondateur de la congrégation du Saint-Esprit. Le P. Raymong Jung, maître des novices, nous retrace son parcours humain et spirituel. Comme un appel à une vie plus conforme à l’Évangile.

Quand nous lançons un projet, nous pensons aux choses à faire, aux moyens, aux personnes, aux finances, à toute la logistique. Nous savons pourtant que des initiatives qui ne nous motivent pas profondément ont peu de chances de durer, que les vrais changements ont leur origine en nous et que ce sont ceux qui ont connu de lents mûrissements dans le silence et la prière qui portent fruit. Poullart des Places lui-même peut être notre guide.
En effet, il n’est pas devenu fondateur du jour au lendemain, ni à la suite d’une stratégie préconçue, mais à travers un long travail intérieur pour s’ouvrir à la grâce de son appel. La voix au fond de lui se fait parfois bien faible face aux propositions de sa famille ou à ses propres rêves de grandeur et de réussite. Il n’est pas prêt à lui répondre tout de suite. Il lui faudra découvrir que tout n’est pas conciliable, qu’il ne peut pas répondre à cet appel tout en courant après les honneurs et son ambition. Le projet d’aller étudier la théologie à la Sorbonne ne tiendra pas bien longtemps, car il est construit sur l’imaginaire, sur une certaine exaltation de lui-même et dans l’oubli de ses limites et faiblesses. Les événements ne tarderont pas à le ramener à la réalité.
Pour devenir disponible à cet appel qu’il perçoit et auquel il hésite à répondre, il lui faut l’expérience douloureuse de sa faiblesse, passage nécessaire pour se connaître lui-même en vérité et gagner en maturité. Ce qui sera décisif et fera tomber toutes les barrières : la révélation de l’amour de Dieu pour lui. Au cours de la retraite de 1701, il relit sa vie et prend conscience de cet amour à l’œuvre depuis longtemps, comme une grâce totalement gratuite, qui sans cesse le cherche, le poursuit, qui jamais ne le lâche. Alors toutes ses défenses tombent. Il consent enfin à l’appel du Seigneur, comme on se laisse emporter par un courant bienfaisant. Désormais il n’a qu’un désir, chercher à répondre à cet amour, se donner à Dieu, n’appartenir qu’à lui, faire en tout ce qu’il lui demande pour réparer les fois où il lui a tourné le dos et l’a offensé.
Sous ce regard plein d’amour pour lui, il peut se regarder lui-même tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts. Il arrive à nommer ce qui se cache derrière ses réactions et décisions : " l’ambition, l’amour de la gloire et du succès, la vanité ". Il touche le réel de sa vie et pourra bâtir sur ce terrain-là, car c’est du roc.
À partir de cette expérience, il va faire preuve d’une remarquable fidélité à l’appel entendu. Une fidélité vivante : du oui initial vers un approfondissement, un élargissement, un dépouillement aussi, en vue d’une disponibilité toujours plus grande à l’action de l’Esprit en lui.
Il quitte sa famille pour étudier la théologie à Louis-le-Grand. Durant la 1re année, l’AA (Assemblée des Amis)1 dont il devient membre va entretenir son désir de se donner à Dieu et lui proposera un service des pauvres. La lecture de la vie de Le Nobletz2 lui apprendra à " mépriser le monde et à se mettre en tout au-dessus du respect humain ".
L’année suivante, il commence à aider un étudiant pauvre. Durant la retraite de préparation à la tonsure, il organise sa vie de prière. " On le voit tout d’un coup quitter l’éclat et les manières du siècle pour se revêtir de l’habit et de la simplicité des ecclésiastiques les plus réformés. " Il entre dans une période de grande consolation spirituelle durant laquelle il demande deux fois par jour à Dieu de " connaître et d’exécuter sa sainte volonté ".
À la fin de l’été, il refuse de suivre Grignon de Montfort qui vient lui demander de s’engager avec lui pour mener des missions dans les campagnes de l’ouest de la France. Il a le projet d’aider des étudiants pauvres à se former pour devenir prêtres. " Il me semble que c’est ce que Dieu demande de moi et j’ai été confirmé dans cette pensée par des personnes éclairées dont quelqu’un m’a fait espérer de m’aider pour pourvoir à leur subsistance. " Quelques semaines plus tard, il loue un local où il loge " 4 ou 5 pauvres écoliers ".
C’est à partir de sa grande disponibilité intérieure aux appels de l’Esprit que sa vie se détermine désormais. Cela ne le dispense pas des ruptures, des renoncements ni des crises nécessaires. Mais apparaissent aussi les fruits : une liberté réelle par rapport à sa famille, à son milieu social, aux usages du monde, par rapport à ses amitiés aussi. Si, dans ce cheminement, tout part de son expérience spirituelle, il faut noter cependant que sa fidélité à Dieu l’ouvre largement aux autres et lui crée des relations et des solidarités nouvelles.
Cette année Poullart des Places devrait nous aider à accueillir à nouveau le don qui nous a été fait par l’Esprit Saint à travers la figure de notre 1er fondateur. À l’heure où nous sentons fortement le besoin d’un renouvellement face au poids de nos faiblesses, de ce que nous n’avons plus, de ce que nous ne sommes plus, il nous invite à consentir à nouveau à la grâce de notre appel, à ce que nous sommes depuis l’origine et que nous sommes appelés à faire fructifier. À entrer personnellement et collectivement dans une disponibilité renouvelée aux appels de l’Esprit aujourd’hui. Creuser notre oui à Dieu dans l’écoute de la Parole et dans la prière ; le discerner ensemble dans notre vie commune, le laisser changer notre regard sur les autres et sur nos rencontres. Construire ainsi notre unité, car c’est l’expérience spirituelle, " source et lieu de naissance de l’appel comme de la réponse ", qui est le ciment qui nous rassemble.
C’est un chemin de conversion, mais qui nous aidera à devenir plus libres face à tout ce qui pèse sur nos épaules, plus conformes à l’Évangile. À manifester plus clairement aussi ce qui nous fait vivre et devenir ainsi plus disponibles pour tous ceux qui, au-delà de nos communautés, veulent partager notre spiritualité et notre mission. Aujourd’hui encore, les dons de l’Esprit sont pour l’édification de l’Église, mais aussi pour le bien des hommes et les besoins du monde.
Raymond Jung


paru dans Pentecôte sur le monde (janvier 2009)

1 Assemblée des Amis : groupe de vie évangélique de cette époque.
2 Le Nobletz : prédicateur de missions paroissiales en Bretagne.

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