Cahier histoire (10)

Situations nouvelles
En 1980, les 3800 spiritains profès étaient présents dans 43 pays. En 2002, les 3020 spiritains sont présents dans une soixantaine de pays. Nous sommes restés présents dans tous les pays où nous étions en 1980, avec un nombre de confrères parfois très réduit, mais par ailleurs nous avons accepté de nouveaux engagements dans une quinzaine d'autres pays : Guinée-Bissau, Bénin, Ouganda, Zimbabwe, Mozambique, Seychelles, Mexique, Bolivie, Croatie, Philippines, Taiwan, etc.
Les pays du Sud, en particulier ceux d'Afrique, ont continué leur effort d'émancipation par rapport au Nord. Dans le même sens, les Eglises locales de ces pays ont acquis leur autonomie ; beaucoup ont connu une croissance spectaculaire de vocations. Mais de nouvelles détresses humaines apparaissent (déplacements massifs de populations, pandémies ... ). Pour les missionnaires du nord, c'est une invitation à prolonger certains de leurs engagements ou à en prendre de nouveaux ; pour de jeunes religieux africains, c'est un appel à s'engager dans leur propre continent.
Dans les pays du Nord, la sécularisation continue d'affecter profondément les Eglises, en achevant parfois de tarir la vocation religieuse missionnaire. Mais la modernité apporte aussi un développement du sens de la responsabilité. Les Eglises profitent d'un approfondissement de la démarche de foi et bien des baptisés laïcs redécouvrent le sens d'un engagement dans le monde au nom de l'Evangile ; certains laïcs demandent aux familles religieuses de partager avec eux leur tradition spirituelle, se proposent parfois de soutenir leurs engagements ou même d'y participer directement de façon temporaire ou permanente.
Au Nord comme au Sud, la grande mobilité des personnes amène des brassages de population qui généralisent la rencontre quotidienne entre personnes de cultures, de religions, de conditions sociales et économiques très diverses; ce sont clés appels pour de nouvelles formes d'encagements.

Evolution de nos engagements missionnaires
C'est dans ce contexte que la Congrégation a cherché à mettre en oeuvre de manière renouvelée les priorités apostoliques énoncées par notre Règle : 'Nous allons de préférence vers ceux qui n'ont pas encore entendu le message de l'Evangile ou qui l'ont à peine entendu, vers les opprimés et les plus défavorisés individuellement et collectivement, là où l'Eglise trouve difficilement des ouvriers." (Règle de Vie Spiritaine n' 12)
Voici quelques exemples de ces initiatives nouvelles et aussi de continuation de certaines présences qui illustrent le mieux nos choix fondamentaux :
Première évangélisation et nouvelle implantation à Taiwan et aux Philippines ; actuellement 12 à 15 confrères répartis en 2 groupes. Un accent est mis délibérément sur la composition interculturelle du groupe, incluant entre autres des confrères africains ; présences
nouvelles dans des milieux gagnés par l'incroyance (est de l'Allemagne ... ) ; renforcement de présences en contexte d'islam (Maghreb, Sahel, Pakistan, Maurice) ou initiatives nouvelles (Zanzibar, Philippines, Nord du Nigeria) ; poursuite de présences auprès de divers groupes de religion traditionnelle (Pokot du Kenya, Borana d'Ethiopie, Massai de Tanzanie, Noirs Marrons de Guyane ... ).
Service des plus défavorisés (nous allons... vers les opprimés et les plus défavorisés individuellement et collectivement).
Plusieurs initiatives en Afrique au service de réfugiés ou de personnes déplacées se trouvant en situation de grande détresse : au Zimbabwe il y a 15 ans, puis plus récemment en Tanzanie, en Guinée Conakry, en Angola, au Congo, etc. Au nord, renforcement de nos présences auprès de réfugiés, de requérants d'asile, d'immigrés dans certaines grandes cités européennes : Lisbonne, Dublin... Dans le même sens, on a accentué nos présences là où diverses traditions culturelles ou religieuses se rencontrent de façon problématique et parfois conflictuelle, par exemple dans des secteurs paroissiaux urbains où cohabitent diverses minorités culturelles (Paris, Rotterdam, Strasbourg ... ).
Initiatives nouvelles en faveur de la justice et de la paix, présence auprès d'instances politiques internationales ou de grands médias, participation à des réseaux internationaux : AEFJ N, réseaux justice et Paix... Engagements dans des oeuvres d'éducation : reprise des écoles primaires ou secondaires après l'échec de certaines nationalisations, initiatives de formation professionnelle, de réinsertion d'une jeunesse marginalisée.
Autres services pour lesquels nous sommes plus instamment sollicités (nous allons... là où l'Eglise trouve difficilement des ouvriers .. Un exemple significatif est notre engagement au Mozambique à partir de 1996. Il a fait suite à la demande pressante de deux évêques pour travailler dans des secteurs ruraux, principalement à l'animation des communautés chrétiennes et à la formation des responsables laïcs. Nous avons répondu positivement surtout à cause de l'état de sinistre humain, économique et religieux de ce pays après une guerre de trente années qui s'était prolongée par une persécution de l'Eglise ; il s'agissait de participer au travail de reconstruction en cours.

Orientations
Notre vision de la mission s'est diversifiée et enrichie. Nos communautés internationales deviennent elles-mêmes un lieu de rencontre entre les peuples ; à l'image de beaucoup de nos contemporains qui ont à vivre au quotidien la confrontation entre
des diversités d'origine nationale, cul relié, sociale ou religieuse, et sont do soumis à une tension qui ne nous est p étrangère. Nos propres relations communautaires nous apparaissent désormais comme un champ majeur de notre mission.
"C'est là où on a pris des coups que l'on a bougé", disait quelqu'un. Des départs contraints nous ont poussés vers d'autres horizons ou d'autres types de présence ; des différences culturelles difficiles à vivre en communauté ou en groupe ont pu venir force de témoignage ; l'obligation de nous faire "petits" notamment contexte de violence et de persécution a contribué à nous rapprocher des gens e rendre mieux perceptible le coeur l'Evangile ; la sécularisation et la chute des vocations au nord nous a obligés à nous défaire quelque peu de notre mentalité cléricale et à nous ouvrir à des vocations missionnaires laïques.
C'est peut-être une des leçons de notre histoire : des événements nous forcent à passer par un chemin que l'on n'avait pas programmé. Notre mission, pour l'essentiel, nous la recevons et ne pouvons
nous la donner à nous-mêmes ; mais même temps c'est notre responsabilité d’y déployer toute notre créativité.