Cahier histoire (5)



  Mgr Alexandre Le Roy

par P. Michel Legrain

Missionnaire au Kilimandjaro, anthropologue, voyageur infatigable, écrivain, Mgr Alexandre le Roy ( 1854-1938) devient XVe Supérieur Général de la Congrégation. Il exerça ses grands talents dans la gestion de deux crises majeures pour l'Institut : le rapport de la foi et de la science et la menace de sa disparition légale en 1901.

" Le rôle scientifiques des missionnaires "
N'est-il pas provocant d'oser un tel titre, sans même lui donner une forme interrogative qui le relativiserait, pour l'article inaugurai de la revue naissante Anthropos, en l'année 1906, sous la signature d'un catholique bien en vue puisque à la fois évêque et supérieur général d'une congrégation missionnaire ? Devenu le 15ème supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit, Monseigneur Le Roy voulait que les missionnaires dont il avait la responsabilité globale soient des hommes de science ; des hommes bien formés, y compris en sciences humaines. Lui-même, en plus de son labeur apostolique, était aussi et avec talent, explorateur, géographe, cartographe, botaniste, zoologiste, ethnologue, écrivain, dessinateur. Contrairement à tant de missionnaires qui écrivaient des articles d'édification, souvent destinés à recueillir des fonds pour le développement de leurs oeuvres, Alexandre le Roy, lui, publia diverses études où se mêlaient le sérieux et l'humour (A travers le Zanguebar, 1884 ; Au Kilimandjaro, 1893 ; Sur la terre et sur l'eau, 1894 ; Les Pygmées, 1897 et 1905 ; La Religion des Primitifs, 1909).
Il peut donc oser déclarer, dans l'article ci-dessus mentionné : "Il faut bien se mettre dans l'esprit, en effet, que chaque peuple a sa civilisation, c'est-à-dire sa manière de comprendre la vie, de la mener comme il l'entend, d'en tirer le parti qui lui semble le meilleur, de se diriger, de se gouverner". Lui-même n'est nullement perturbé devant les critiques qui estiment que les missionnaires sont disqualifiés pour étudier scientifiquement les religions indigènes, sous prétexte que le fanatisme catholique les empêche d'être impartiaux. La réplique de l'évêque est cinglante : Nous prétendons même être plus qualifiés que qui que ce soit pour étudier les choses religieuses. ( ... ) Les missionnaires, s'ils comprennent leur vocation, apportent aussi à cette étude une attention plus sympathique et plus sérieuse. Mais attention, souligne-t-il : que les missionnaires prennent bien garde à ne pas imposer à tout un peuple la réprobation d'usages séculaires et parfaitement légitimes. Qu'on se rappelle l'affaire des rites chinois et malabars.

Sauvetage légal de la congrégation
Celle-ci est issue de la fusion de deux instituts distincts, unis par décision romaine du 10 septembre 1848, à la demande conjointe des responsables de ces deux institutions. Il s'agissait d'une part du Séminaire du Saint-Esprit, fondé en 1702 par M. Poullart des Places, et d'autre part, de la jeune congrégation du Saint-Coeur de Marie, fondée par le Père Libermann en 1845. A la suite de tractations longues et délicates, la Sacrée Congrégation de la Propagande avait décidé l'union demandée, en décrétant la cessation de la Congrégation du SaintCoeur de Marie et l'incorporation de ses membres dans celle du Saint-Esprit.
Au tournant du siècle, l'opinion courante dans la Congrégation du Saint-Esprit et du Saint-Coeur de Marie pensait le contraire de la décision romaine. Un peu comme si les Spiritains, tenus pour décédés, avaient tout légué aux Libermaniens. Au point que ceux-ci regardaient Libermann comme le fondateur et le premier supérieur général de ladite Congrégation !
Dans les tout débuts du XXème siècle, lors de la préparation de la loi concernant les associations et les congrégations, le gouvernement en place demande au Conseil d'Etat, en date du 16 janvier 1901, de donner son avis concernant les établissements congréganistes d'hommes ayant le droit de se dire autorisés. La réponse du Conseil d'Etat tomba comme un couperet le 14 février : il y a eu une véritable substitution de l'association des missionnaires du Saint-Coeur de Marie, à la congrégation du Saint-Esprit qui allait s'éteindre. En conséquence, d'après l'avis du Conseil d'Etat il y a occupation illégale des bâtiments ayant appartenu autrefois au Séminaire du Saint-Esprit.

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