Cahier histoire (9)



  Nouveau printemps de la congrégation
P. Franz Timmermans

Le chapitre général de 1968, marqué par le départ ou la mise à l'écart de Mgr Lefèbvre, est pour la Congrégation le point de départ d'une période de renouveau. Malgré les inévitables remous et l'apparition de nouvelles crises, la société et l'Eglise étaient portées par un vent de grande espérance. Supérieur Général de 1974 à 1986, le P. Franz Timmermans a vécu cet aggiornamento de très près et en témoigne avec enthousiasme

Un souffle nouveau
On sentait partout un souffle nouveau. il y avait dans l'Afrique nouvellement indépendante plusieurs Evêques de grande envergure, tels Mgr. Zoa de Yaoundé, Ndayen de Bangui, Amissah de Cape Coast, Sarpong au Ghana, de Souza au Dahomey, Hurley d'Afrique du Sud, les cardinaux Malula de Kinshasa, Zoungrana du Togo et do Nascimento d'Angola, pour n'en nommer que quelques-uns. Au Brésil il y avait le cardinal Arns, les deux Lorscheiter, Helder Camera, Luciano Mendes. C'était un privilège et une joie de pouvoir les rencontrer et échanger avec eux. La Conférence Episcopale du Brésil disposait de nombre de théologiens de renommée mondiale.
Dans les Provinces et Districts on rencontrait un même souci de renouveau et de recherche, face à de nombreux défis nouveaux : évangélisation et développement, nouvelles situations missionnaires, internationalisation des équipes, nouvelles formes d'appartenance à la Congrégation, questions de justice et paix, formation de nos candidats, renouvellement des cadres dans les vieilles Provinces (en France la fameuse " rotation du personnel '). C'était une véritable joie de partir en visite pour de longues semaines pouvoir cheminer avec les confrères sur place.

Nouveau visage de la Mission
On était entré effectivement dans une ère missionnaire nouvelle. La nouvelle perspective venait surtout d'Amérique Latine : ce n'est plus l'implantation de l'Eglise qui est le but premier de la Mission, c'est le Royaume de Dieu, bonne nouvelle de la part d'un Dieu qui libère et qui délivre. La vie religieuse doit y jouer un rôle prophétique : moins comme faisant partie des structures hiérarchiques de l'Eglise que comme appel constant à la conversion évangélique de ces mêmes structures.
Dans la vie religieuse, l'accent se déplaçait d'une piété personnelle vers la primauté du témoignage de solidarité avec les pauvres. Le cadre familier d'une vie religieuse structurée autour de la prière en commun et les traditions propres de l'Institut perdait son importance et un nouveau modèle prenait sa place : celui du témoignage de vie personnel et communautaire, au service des pauvres, par des gestes concrets de solidarité, de disponibilité, de contestation même, par un style de vie qui marque la différence avec les oppresseurs ou avec ceux qui n'avaient pas le courage de prendre leur responsabilité. On voyait des individus et des communautés qui adoptaient un style très poussé de pauvreté et de dépouillement, souvent mal compris par la hiérarchie locale. Parfois ces 'prophètes" étaient une source d'inspiration pour leurs confrères, parfois aussi une source de division. Le vent nouveau était fort et rafraîchissant et l'on ne peut que s'en réjouir.
Evangelii Nuntiandi avait appelé au développement intégral et l'on cherchait généreusement à répondre à cet appel. On s'engageait avec enthousiasme dans toutes sortes de projets de développement : dans l'euphorie de cette première décade de l'indépendance en Afrique tout semblait possible.
Malheureusement on devrait découvrir assez vite que les modèles de développement adoptés étaient parfois erronés et voués à l'échec...

Ouvertures
La diminution du personnel n'empêchait pas l'administration générale de vouloir répondre à des défis nouveaux, en obéissance aux directives du Chapitre. Là où l'accent se déplaçait des territoires missionnaires vers ce qu'on appelait des situations missionnaires, des appels nouveaux se présentaient, et les jeunes insistaient pour pouvoir s'y engager, plutôt que de continuer sur les voies du passé en prenant la relève des anciens. On cherchait une nouvelle forme de présence dans I'oeuvre d'Auteuil, jeunesse abandonnée et en crise. On s'engageait en Yougoslavie, et aussi en Europe et aux Etats Unis, auprès des migrants, des drogués, des réfugiés. On s'essayait à repenser notre engagement dans les écoles, non sans beaucoup de tensions. En même temps il ne fallait pas oublier l'appel à la première évangélisation, lancé au
Chapitre de 68. Un vieux rêve du P. L i b e r-mann lui-même se réalisait : on entrait en Asie. A la demande insistante de la Congrégation pour l'Evangélisation des peuples, on acceptait une mission auprès de peuples dits tribaux au Pakistan Central, avec une équipe jeune et dynamique. Une mission qui devait s'avérer extrêmement difficile et ingrate. On renforçait aussi notre présence en pays Musulman. Algérie, Mauritanie, en essayant à vivre à fond cette dimension de dialogue, demandée par le Concile. Tout cela n'allait pas sans tensions internes, car beaucoup ne comprenaient pas ce qu'ils appelaient l'abandon de nos engagements traditionnels en faveur d'idées à la mode du jour.
Et en effet : la Congrégation s'était étendue jusqu'aux limites de nos possibilités. Ce n'était que par un effort commun et coordonné par toute la congrégation qu'on allait pouvoir y faire face.

Nouvelles fondations et provinces
Un dernier aspect de l'évolution missionnaire mérite d'être signalé, qui a pris une si grande place pendant cette période 1968-1986 : les jeunes Eglises qui deviennent à leur tour missionnaires. A leur tour elles allaient former des missionnaires pour les envoyer ailleurs. Et ici les anciens instituts missionnaires trouvaient un nouveau défi. Mais non pas sans quelque hésitation : n'allait-on pas gêner l'éclosion de formes proprement africaines de vie religieuse et missionnaire ?
Chez les Spiritains il y avait déjà un groupe important d'Africains au Nigeria, avec une expérience de 5-6 ans de développement autonome, après le départ forcé des Irlandais en 1969. Ils avaient réussi à s'organiser entre eux, tant pour l'administration de leur circonscription que pour les maisons de formation. Les candidats étaient nombreux. Bientôt les premiers missionnaires seraient prêts à partir ailleurs. Inspiré par cette expérience, le Conseil Général a décidé de donner d'emblée toutes ses chances à une inculturation vraie de la vie spiritaine. Contrairement à d'autres congrégations, nous avons créé des structures autonomes, appelées " fondations " au milieu des circonscriptions anciennes et indépendante d'elles, et multiplié les maisons de formation, malgré les frais élevés, pour garantir qu'au moins la formation initiale pourra se faire dans leur propre aire culturelle. Le Seigneur a béni ces efforts : la famille spiritaine est en plein essor en Afrique. Dès le deuxième mandat de notre administration il y eut des Assistants Africains au Conseil Général, des gens de valeur, qui ont donné une contribution importante à l'africanisation du charisme spiritain.

La Règle de Vie spiritaine
Toute cette évolution a été couronnée par l'approbation de notre Règle de Vie révisée. Cela avait été une oeuvre de longue haleine, commencée par les Directives d'Animation de 68. De nombreux confrères y ont participé. La contribution africaine et latino-américaine y a été significative, notamment dans l'interprétation du but de la Congrégation selon 1es textes même du P. Libermann. Commet traduire, dans les réalités d'aujourd'hui, et pour des spiritains de cultures différentes la vision missionnaire des Fondateurs Qui sont aujourd'hui les pauvres et 1es plus abandonnés auxquels nous sommes envoyés, et quelle spiritualité doit nous soutenir ? Cela a donné un souffle dynamique notamment au chapitre 2 "sur notre Mission "

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