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Notre histoire
Rome : réflexion du Père Timmermanns
Le Père Franz Timmermanns, supérieur général pendant 12 ans, répond à quelques questions
lors d'un anniversaire à notre maison généralice.
lire l'entretien
Rome : Séminaire français
UNE PAGE HISTORIQUE SE TOURNE
Départ des Spiritains -Arrivée des prêtres diocésains
Le Séminaire Pontifical Français se prépare à vivre un avènement important de son histoire, Après avoir fondé et animé le Séminaire durant 156 ans (1853-2009), la Congrégation du Saint-Esprit va transmettre, à la tin de l'année universitaire 2008- 2009, la responsabilité de cette belle Oeuvre ecclésiale aux évêques de la CEF.
La Congrégation du Saint-Esprit responsable du Séminaire ''à perpétuité'' Fondé par la Congrégation du Saint-Esprit, le Séminaire a toujours été dirigé par des Spiritains : dans la bulle d'approbation et d'érection canonique 'ln Sublimi', le Pape Pie IX a confié le gouvernement, l'administration et la direction du Séminaire Français '' à perpétuité aux chers fils prêtres de la Congrégation du Saint-
Les Statuts du Séminaire, approuvés par la ''Sacrée Congrégation des Séminaires et des Universités d'Etudes'', devenue depuis lors ''Congrégation pour l'Education catholique'', reprennent cette disposition du Pape Pie IX dans l'aide 2 : ''Selon les termes de la bulle Pontificale d'érection, le Séminaire Pontifical Français est confié à perpétuité à la direction et à l'administration des prêtres du Saint-Esprit et du Cœur Immaculé de Marie. Le Pape Pie IX avait encouragé la fondation du Séminaire par le Père Lannurien, disciple de Libermann : don du terrain et de la chapelle de Santa Chiara ; il a soutenu l'oeuvre de la Congrégation du Saint-Esprit de bien des façons': audiences pour les supérieurs, de nombreux cadeaux (Buste en marbre, croix, calice, ornements liturgiques), visite au Séminaire en mars 1860. Les divers supérieurs étaient nommés par le Supérieur Général de la Congrégation, en son Conseil. Depuis la fondation du Séminaire, la Congrégation du Saint-Esprit, de droit pontifical, était donc responsable devant le Saint-Siège.
Le Pape Léon XllI conféra au Séminaire Français le 20 juin 1902 le titre de Séminaire Pontifical par le bref " Cum nihil potins ". C'était le signe ecclésial de la reconnaissance de l'oeuvre, de son développement et de son importance. Le lien avec le Pontife Romain et le Vatican devint donc plus fort. Le Séminaire ainsi élevé au rang de Séminaire Pontifical, le recteur était désormais nommé par la ''Sacrée Congrégation des Séminaires et des Universités d'Etudes'', devenue aujourd'hui ''Congrégation pour l'Education catholique ", sur proposition d'une terna de noms par la Congrégation du Saint-Esprit. A ce titre, le recteur était directement responsable devant la Congrégation des Séminaires et devait lui fournir un rapport annuel.
La reconnaissance du Séminaire par le Vatican entraîna ensuite sa reconnaissance officielle devant l'Etat italien : elle fut donnée par le décret royal de Victor Emmanuel 111, le 17 avril 1930. Dans le journal officiel, l'acte de reconnaissance du Séminaire à effets civils est suivis des Statuts du Séminaire, en ses 7 articles. Le recteur du Séminaire est ainsi représentant légal devant les Instances administratives et judiciaires de l'Italie. Et la responsabilité du Séminaire confiée par le Vatican à la Congrégation du Saint-Esprit ''à perpétuité '' est enregistrée dans le journal officiel de l'Etat italien.
Cette procédure de nomination et de responsabilité a été effective jusqu'à aujourd'hui, avec deux évolutions importantes. Depuis le Concile Vatican 11, le Supérieur Général de la Congrégation du Saint-Esprit consulte au préalable l'évêque de la Conférence épiscopale de France, délégué par la CEMIOR , pour être évêque de tutelle du Séminaire. Les Recteurs ont toujours été spiritains français jusqu'à ce jour. Par contre, les Directeurs spirituels ont été uniquement spiritains jusqu'au 1981, date à laquelle l'équipe des Pères s'est ouverte à des prêtres diocésains ou membres d'instituts : les P.P. Marc Stenger le premier, Gérard Daucourt, Jean-Michel Di Falco, Dominique Lebnm . .
La décision du Conseil général de la Congrégation
Le Séminaire français est un séminaire national : le recteur a donc toujours été un français. La baisse des vocations spiritaines en France, depuis une trentaine d'années, rendait plus difficile l'envoi de spiritains pour la direction et l'animation du Séminaire. Le Supérieur général, en son Conseil, réfléchit aux perspectives d'avenir et dut se rendre à l'évidence : la Congrégation à court terme ne serait plus en mesure d'assurer la responsabilité du Séminaire : les quelques jeunes qui entrent dans notre Congrégation missionnaire veulent vivre le charisme missionnaire de l'annonce de l'Evangile aux nations. Le Supérieur général partagea cette inquiétude aux évêques de tutelle, Mgr Raffin puis Mgr Giraud. Et il adressa une lettre au Cardinal Grocholewski le 27 octobre 2005 :
'En Conseil général, nous avons fait le constat que, dans les années futures, notre Congrégation ne sera pas en mesure de trouver des confrères français pour une bonne prise en charge de cette institution. Cela vaut principalement pour le Recteur et l'Econome... Dans ces conditions, le Conseil général a fait part de ses difficultés à la Conférence épiscopale française et envisage ce qui suit :
1) La Congrégation du Saint-Esprit prévoit la fin de son engagement en septembre 2009.
2) D'ici cette date, la Conférence épiscopale française proposera une terna pour la nomination d'un recteur non spiritain... '' ...
Si la Conférence épiscopale française le souhaite, la Congrégation pourra prolonger le mandat du Père Joachim Abellan, spiritain, comme économe du Séminaire ...
Dans l'hypothèse de notre désengagement, nous proposons que le mandat du Père Yves-Marie FRADET l'actuel recteur, soit prolongé de 2006 à 2009.
Dans sa réponse la Congrégation pour l'Education catholique souligne trois convictions :
Désengagement de la Congrégation, maintien de l'oeuvre du Séminaire, appel aux Evêques de la Conférence épiscopale de France :
'Devant le faible recrutement de confrères français par votre Congrégation depuis bien des années, notre Dicastère ne peut que prendre acte du constat fait par votre Conseil général et nous sommes donc disposés à accepter le désengagement de votre Congrégation.
Il nous semble cependant essentiel que le Séminaire français puisse poursuivre la mission commencée voici un peu plus de 150 ans pour la formation de séminaristes et de jeunes prêtres, mission qui avait été confiée à votre Congrégation par le Bienheureux Pie IX et confirmée par ses successeurs.
Nous envoyons donc une copie de votre lettre à S. Exc. Mgr Jean-Pierre RICARD, Président de la Conférence des Evêques de France, pour appuyer vivement les démarches déjà faites par votre Congrégation auprès de la Conférence épiscopale pour la prise en charge de la responsabilité du Séminaire. La fin de votre engagement étant annoncée pour septembre 2009, la Conférence épiscopale dispose de plus de trois années pour réfléchir à l'avenir du Séminaire et préparer la mise en place d'une nouvelle équipe de formateurs sous la responsabilité d un nouveau recteur .
Le Conseil du Séminaire avait exprimé à Mgr Giraud divers souhaits que le futur recteur pressenti soit un ancien du Séminaire connaissant déjà la tradition de la maison et le milieu romain ; qu'il ait une expérience de formateur dans un séminaire, qu'il puisse faire une année complète de ''tuilage'' comme Père spirituel au Séminaire Français.
La réflexion et les décisions de la Conférence des Evêques de France
Mgr GIRAUD, évêque de tutelle, informa les Evêques de France, lors de l'Assemblée plénière à Lourdes le 8 novembre 2005 : décision des spiritains, statut juridique du Séminaire, situation actuelle, questions pour l'avenir. Les Evêques avaient sans doute le sentiment d'avoir le temps pour réfléchir et décider : plus de 3 ans 1/2.
Dans un premier temps, il s'agissait pour eux de mieux connaître la situation et l'évolution du Séminaire. Le 6 septembre 2007, je fis parvenir à Mgr Giraud un rapport abordant divers points : relation historique sur la fondation et l'animation du Séminaire (Recteurs et Equipes des formateurs) - Vocation première de formation des étudiants : tableau des effectifs 1995-2007 (Séminaristes, Prêtres, Orthodoxes, Français et non-français ; diocésains, religieux, membres de communautés et instituts), lieux d'études - Vocation d'accueil des Evêques et ecclésiastiques de passage - Situation actuelle du Séminaire (gestion du patrimoine, situation judiciaire et administrative - Atout d'un Séminaire Français à Rome).
Diverses questions se posaient aux Evêques : l'oeuvre du Séminaire était-elle nécessaire et fallait-il la maintenir ? Quelle orientation donner à la maison : la
maintenir comme séminaire accueillant des candidats au sacerdoce - avec ce que cela impliquait comme formateurs et moyens de formation, ou en faire un convict de prêtres qui viendraient seulement pour des licences ? A qui confier le Séminaire : des prêtres diocésains, une congrégation ou une communauté nouvelle ? La réflexion devait donc être approfondie, car elle allait engager durablement l'avenir.
Dans leurs assemblées plénières de Novembre 2007 et Avril 2008, les Evêques de la Conférence Episcopale de France ont pris, plusieurs décisions importantes :
1. Maintenir l'ouvre du Séminaire Français
2. Maintenir la maison comme Séminaire, accueillant des futurs prêtres
3. En prendre la responsabilité juridique, de manière durable et modifier comme tels les statuts
4. Confier la direction du Séminaire à un prêtre diocésain, assisté d'une équipe diversifiée composée de prêtres diocésains, de membres de Congrégations, d'Instituts et de communautés nouvelles.
Mgr GIRAUD, évêque de tutelle, était chargé de mettre en oeuvre les décisions en lien avec le bureau permanent de la Conférence Episcopale. Il devait, en particulier, contacter les évêques pour prospecter les prêtres diocésains susceptibles d'être proposés comme recteurs du Séminaire ou Directeurs spirituels et communiquer ses propositions à l'assemblée de Lourdes de novembre 2008. C'était sans doute la phase la plus délicate et la plus importante pour l'avenir du Séminaire. La liste des noms possibles, assez large au départ, a diminué rapidement : entre ceux qui pouvaient être pressentis pour l'épiscopat, ceux qui ne pouvaient quitter leur poste et leur fonction, ceux dont l'évêque ne pouvait envisager le départ du diocèse, ceux qui éventuellement ne pouvaient accepter pour divers motifs. Parmi les candidats, possibles, les évêques de la Conférence épiscopale pouvaient légitimement avoir des réserves ou des préférences. Le poste de recteur d'un Grand Séminaire est un poste sensible ; celui du Séminaire Français, au service de tous les diocèses de France, l'est encore davantage. C'est dire que le choix n'était pas facile et demandait un certain consensus. La liste des deux ou trois noms pressentis pour être recteurs - la terna - fut ensuite soumise à la Congrégation pour l'Education Catholique, avec un ordre de préférence justifié par des motifs. Il revenait à la Congrégation de faire son travail de discernement et d'enquête, en consultant comme toujours la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, mais aussi la Secrétairerie d'Etat puisqu’ïl doit y avoir changement de statuts et dépôt des nouveaux statuts auprès de l'Etat italien.
Une page historique qui se tourne
Depuis 156 ans, la Congrégation du Saint-Esprit était donc connue comme responsable du Séminaire, devant la Congrégation pour l'Education catholique et le Vatican, devant l'Etat et l'administration italienne, devant les Recteurs, Doyens et professeurs des universités ecclésiastiques de Rome, devant les Evêques de France et les responsables des vocations, les supérieurs de Séminaire des diocèses de France, devant également l'Ambassade France près le Saint-Siège. 156 ans de service ecclésial ont tissé des liens de collaboration et de confiance, ont créé une tradition ''spiritaine'' qui a marqué des générations de séminaristes et de prêtres, principalement de l'Eglise de France : Cor unum et anima una, la devise du Séminaire inscrite sur le vitrail de la chapelle et au plafond de la salle des exercices est en fait la devise de la Congrégation du Saint-Esprit.
Les Spiritains responsables, notamment l'économe et le recteur, ont eu à cœur de laisser à leurs successeurs une oeuvre dans de bonnes conditions. Diverses affaires judiciaires ont été clarifiées : la dénomination du Séminaire, les droits de propriété de tous les immeubles appartenant au Séminaire, des différends avec l'administration italienne. Les bâtiments ont été restaurés et embellis à l'occasion du 150 ème anniversaire ; la chapelle complètement restaurée le cortile ruisselant de lumière, les toitures des terrasses.
Les archives ont été inventoriées et mises en ordre : ce qui a permis de les trier pour garder ce qui revient de droit au Séminaire et pour donner à la Congrégation du Saint-Esprit ce qui lui revient de droit : cela a été fait de 2006 à 2009. A la bibliothèque, le fonds Le Déaut a été également inventorié et trié : les Spiritains ont hérité légitimement des ouvrages personnels annotés du P. Le Déaut ; mais pour l'essentiel, la Congrégation a généreusement fait don au Séminaire de la majorité des ouvrages du Fonds Le Déaut et de la totalité des ouvrages du fonds du P.
Lécuyer : cela représente plus de 2.000 volumes !
La Congrégation du Saint-Esprit a aussi exprimé le désir de récupérer la Mansarde du P. Libermann, au moins toutes les parties historiques. Le Conseil du Séminaire a fait droit à cette demande, en sa réunion du 2 février 2008. Nous avons profité des travaux pour les toits des terrasses pour défaire la toiture de la mansarde et récupérer tout ce qui est d'origine, du temps du séjour du P. Libermann. Le lieu est demeuré et devenu une chapelle dédiée au Saint Cœur de Marie.
Les Evêques de France et l'Ambassade de France près le Saint-Siège, conscients qu'une page historique va se tourner, ont voulu exprimer leur gratitude à la Congrégation du Saint-Esprit. Les Spiritains, quant à eux, veulent exprimer leur action de grâces à Dieu, pour ces 156 ans de service d'Eglise, et en particulier des diocèses de France. Ces célébrations auront lieu les 6.7 juin, en la Fête de la Trinité, en présence du Cardinal Vingt-Trois et de Mgr Giraud, représentant la C.E.F., en présence du Supérieur général et du Conseil général de la Congrégation, ainsi que du Supérieur Provincial de France et des 3 recteurs précédents.
La future équipe - de Libermann au Curé d'Ars
Sur les 6 membres de l'équipe actuelle, seuls deux partiront : le P. Jean- Augustin Endong qui termine sa thèse de doctorat, et moi-même recteur. 4 Pères resteront, pour un an ou plus : le P. Abellan, spiritain, économe - le P. Boeglin, spiritain, chargé des insertions pastorales - le P. Edart, Préfet des études, prêtre diocésain de Rouen, membre de la Communauté de l'Emmanuel - et le P. Mercier, prêtre diocésain d'Angers. Ce ne sera donc pas tout à fait le départ des spiritains, puisque deux resteront dans la future équipe. Mais deux spiritains, dont le recteur, partent et seront remplacés par deux prêtres diocésains. Les noms sont maintenant connus : le P. Vincent Dollmann, du diocèse de Strasbourg, remplacera, en fait, le P. de Chasteigner, tant à la Congrégation pour l'Education Catholique que dans l'équipe des Formateurs du Séminaire.
Le futur recteur est maintenant connu : le P. Sylvain Bataille, du diocèse de Beauvais, membre de la Société Jean-Marie Vianney, actuellement supérieur du Grand Séminaire d'Ars. Il réalise deux des souhaits exprimés par le Conseil du Séminaire : c'est un ancien du Séminaire (1985-1988) et il a l'expérience du rectorat d'un grand Séminaire. Il sera le premier recteur diocésain et prendra fonction pour l'année du prêtre voulue par le Pape Benoît XVI ; les reliques du Saint Curé d'Ars seront apportées en vénération le vendredi du Sacré-cœur 19 juin à Rome pour l'ouverture de cette année du prêtre. Comment ne pas voir le doigt de Dieu dans cette nomination ? La venue du P. Sylvain Bataille comme nouveau recteur est pour moi un don du Saint Curé d'Ars.
P. Yves-Marie FRADET, C.S.SP. Recteur
Extrait de Echos de Santa Chiara, mai 2009
300 ans de Vie spiritaine
Raconter, en une heure, trois cents ans de vie d’une
congrégation riche d’expériences multiples, à travers les cinq continents
et 57 pays du monde, c’est un défi difficile à tenir ! C’est pourquoi il
ne faudra pas vous étonner : il y aura des oublis; chacun a ses préférences,
les événements n’ont pas la même résonance pour tous... D’avance je
demande donc votre indulgence !
Je n’insisterai pas beaucoup sur les grandes figures
spiritaines, Claude François Poullart des Places, Libermann ou les bienheureux
Laval et Brottier. Leur biographie est supposée connue. Je ne signale que l’un
ou l’autre fait plus important pour la vie de la congrégation... Ce que je
voudrais, c’est donner, sur ces trois cents ans, quelques dates essentielles
et présenter aussi d’autres personnages qui ont influé fortement sur le
travail missionnaire.
1. Poullart des Places :
Bien sûr, son rôle est primordial : c’est grâce à lui que
nous sommes nés, le 27 mai 1703, fête de la Pentecôte. Son désir est simple
: créer un séminaire pour des étudiants pauvres qui accepteraient ensuite de
consacrer leur vie à l’évangélisation d’autres pauvres. Dès le début,
il envisage un séminaire « apostolique » et non un séminaire pour
prêtres diocésains. Il n’est pas encore prêtre quand il se lance dans cette
fondation; il a donc, en même temps, ses propres études ecclésiastiques à
mener. Or les candidats viennent nombreux. En 1704, l’œuvre compte déjà 40
élèves, en 1709 environ 70. Dès le début et très vite, Claude Fr. Poullart
des Places comprend qu’il n’arrivera pas tout seul à former ces jeunes. D’où
l’idée d’associés, regroupés dans la communauté du Saint Esprit :
ils seraient les formateurs des séminaristes. Les « Spiritains »
proprement dits appartiennent à cette communauté, surtout en tant que
professeurs et directeurs : ils sont nécessairement peu nombreux. Dans le grand
livre des membres de la Congrégation, seuls 62 noms sont inscrits de 1703 à
1848, soit pendant 145 ans. Or le Saint Cœur de Marie fondé par Libermann
connaît son 62ème membre dès le 31 mars 1846 : Paul Guimet entre à cette
date au scolasticat, soit moins de cinq ans après la création de la Société
des Missionnaires du Très Saint Cœur de Marie. On le voit tout de suite :
même si les perspectives des deux fondateurs sont semblables,
« évangéliser les plus pauvres », les moyens mis en œuvre sont
bien différents.
Le Séminaire va fonctionner sans approbation officielle ni du
roi ni de l’évêché. Il est pourtant bien connu d’eux puisque l’un et l’autre
accordent des subventions. Ce qui va obliger M. Bouic à chercher une
reconnaissance canonique et juridique, c’est un legs de 44000 livres que fait
au séminaire l’abbé Lebaigue, prêtre de Saint-Médard, en 1723. Les
démarches aboutissent à l’octroi des premières lettres patentes de Louis
XV, le 2 mai 1726. Des oppositions multiples, jansénistes surtout, se
manifestent, qui retardent jusqu’en 1734 l’enregistrement de ces lettres par
le Parlement. M. Bouic n’a pas attendu la fin de ces tractations pour acheter,
en 1731 un terrain à l’angle de la rue des postes et de l’impasse des
vignes, là où se trouve notre Maison mère. C’est en 1734 également que Mgr
de Vintimille, archevêque de Paris, approuve les Règles latines de la
congrégation (Poullart des Places avait écrit des règlements concernant le
séminaire et les séminaristes). Grâce à la persévérance de M. Bouic,
après une dizaine d’années de luttes, la congrégation possède une existence
légale.
2. Comment la communauté du Saint-Esprit est-elle devenue
congrégation missionnaire? Les premières œuvres, extérieures au
séminaire, acceptées par M. Bouic, consistent encore en la direction de
séminaires : celui de Meaux, puis celui de Verdun. Grignon de Montfort,
de son côté, trouve au Saint Esprit bien des aides pour ses missions
intérieures. Mais c’est l’abbé de l’Isle-Dieu, grand aumônier du roi
pour les colonies, qui va faire sortir de France la congrégation. Plusieurs
prêtres, formés au séminaire du Saint Esprit et recrutés par lui, étaient
partis en mission au Canada, au séminaire de Québec d’abord, puis
dans un travail de première évangélisation ou d’accompagnement pastoral des
colons français en Acadie. L’abbé de l’Isle-Dieu les tient en grande
estime. Ces prêtres, par solidarité avec les Acadiens, sont souvent impliqués
dans la guerre franco-anglaise du 18ème siècle, ainsi que dans le
« grand dérangement », comme on appelle, en ce temps-là, l’exil
et la déportation des Français du Canada. Un certain nombre d’Acadiens se
réfugient alors dans les îles Saint-Pierre -et- Miquelon, en 1763. L’abbé
de l’Isle-Dieu, qui servait d’intermédiaire entre le roi et la Propagande,
suggère de confier ces îles à la congrégation. Cela se réalise
effectivement et M. Becquet, successeur de M. Bouic, est chargé, en 1766, de
proposer un Préfet apostolique. Il lui envoie ensuite des prêtres du
séminaire. C’est le premier territoire confié à la congrégation. A partir
de ce moment-là, M. Becquet prend le titre de supérieur général.
C’est le même abbé de l’Isle-Dieu qui intervient en
faveur de la Guyane. Les Jésuites évangélisaient la partie Nord-Est de
l’Amérique du Sud. Or leur congrégation est supprimée en 1764. Rome et le
roi de France font alors choix du séminaire du Saint-Esprit pour les remplacer.
M. Becquet accepte et s’engage à fournir des prêtres, autant que possible
formés au séminaire. A la mort de l’abbé de l’Isle-Dieu, le supérieur du
séminaire devient lui-même l’intermédiaire officiel entre le roi et la
Propagande, en ce qui concerne en particulier la nomination des Préfets
apostoliques et l’envoi des missionnaires.
D’autres élèves du séminaire partent pour les missions d’Extrême-Orient.
Ils sont obligés, pour cela, de passer par l’intermédiaire des M.E.P qui
avaient le monopole des transports gratuits sur les bateaux du roi en direction
de l’Asie. Bien des Spiritains partis sous leur couvert, sont considérés
maintenant comme « Missions Etrangères ». Dans la première partie
du 18e siècle, « sur les six évêques envoyés par les Missions
Etrangères en Extrême-Orient, quatre étaient Spiritains ». D’autres
suivront...
En Afrique, le séminaire du Saint Esprit se voit chargé du Sénégal,
de façon assez inattendue. MM. Deglicourt et Bertout s’étaient embarqués au
Havre, le 24 avril 1778, sur le bateau à voile Le Marin, à destination
de Cayenne. Or le bateau s’échoue sur le banc d’Arguin, en face de la côte
mauritanienne; les survivants (dont les deux abbés) réussissent à gagner la
plage et sont faits prisonniers par les Maures. Vendus aux Anglais qui occupent
alors Saint-Louis, ils exercent leur ministère pendant quelques heures avant d’être
embarqués vers l’Angleterre. Délivrés par un corsaire français dans la
Manche, ils sont interrogés, à Paris, par le Ministre de la Marine. En les
écoutant décrire la faiblesse des moyens anglais, celui-ci décide une
expédition pour reprendre le Sénégal. Bertout, malade, reste en France.
Deglicourt repart, s’imaginant aller en Guyane. Il apprend, en cours de
navigation, la véritable destination du bateau. La prise de Saint-Louis (du
Sénégal) se fait sans effusion de sang le 29 janvier 1779. M. Deglicourt
commence aussitôt son ministère, avec quelques problèmes car les pouvoirs qu’il
avait reçus étaient valables pour Cayenne mais non pour l’Afrique ! Le
supérieur du Séminaire, M. Becquet, s’occupe de lui obtenir le titre de
Préfet apostolique. Lui-même ne signe jamais ainsi... mais il réclamera au
Ministère les compléments de solde dus à son rang ! Deglicourt restera jusqu’en
1781. A son retour en France, il sert comme professeur au séminaire du
Saint-Esprit puis à celui de Meaux. M. Bertout, lui, va jouer un rôle
essentiel, comme 6ème supérieur général de la congrégation.
A partir de1779, le Séminaire du Saint Esprit est chargé de
fournir les Préfets et les prêtres nécessaires pour le Sénégal (c’est-à-dire
en fait pour Saint-Louis et Gorée, les deux comptoirs français). 13 Préfets
vont se succéder jusqu’en 1852, Ils n’appartiennent pas nécessairement à
la communauté ou congrégation du Saint-Esprit mais dépendent de son
supérieur. C’est le cas, par exemple, des premiers prêtres Sénégalais,
Boilat, Fridoil et Moussa, qui ont terminé leurs études au Saint-Esprit. Parmi
ces Préfets, signalons M. Baradère qui travaille à Saint-Louis entre 1820 et
1822. Il a connu la Mère Javouhey et c’est peut-être de lui que la Mère a
hérité la passion d’un séminaire pour enfants noirs. Baradère souhaitait
qu’ils soient formés sur place. Avant d’envoyer en France les jeunes
séminaristes, la Mère envisageait de créer un séminaire à Dagana, sur le
fleuve... A partir de 1852 jusqu’à aujourd’hui (en 2002), le Préfet puis l’évêque
de Saint-Louis sera toujours un Spiritain.
3. Au moment de la Révolution française, la
congrégation est menacée de disparaître : le 2 novembre 1789, tous les biens
ecclésiastiques sont confisqués. Mais surtout, le 18 août 1792, l’Assemblée
Législative supprime les congrégations, notamment le Saint-Esprit. La
confiscation des immeubles devient réelle. Pourtant, sur le plan religieux, la
communauté garde son existence canonique... tant qu’il y aura un supérieur
et des membres vivants ! C’est le rôle de M. Bertout d’assurer sa
survie. Réfugié en Angleterre pendant les années difficiles et sanglantes de
la Révolution, il revient en France au début de 1802, revoit M. Duflos, le
supérieur de la congrégation, et pense à la réorganisation de celle-ci. C’est
Napoléon qui dirige les destinées de la France à l’époque. Dans son souci
de « rationaliser » les choses, il décrète qu’il n’y aura qu’une
seule congrégation pour les missions étrangères. En fait, ce sont les
Lazaristes qui restent privilégiés. M. Duflos meurt peu d’années après, le
28 février 1805. Bertout continue ses rencontres avec les autres supérieurs de
congrégations mais aussi avec les nouveaux dirigeants de la France, en
particulier M. Portalis. Il obtient ainsi le rétablissement du séminaire du
Saint-Esprit par le décret impérial du 23 mars 1805 (2 germinal an XIII). Ce
décret porte mention expresse de l’orientation du séminaire vers les
missions. Une partie des biens lui est rendue, mais l’immeuble de la rue
Lhomond avait été loué à M. Pierre Angar, puis vendu à Mme Veuve Angar en
1796. Celle-ci, très favorable aux prêtres, logeait, pendant ces années dures
de la révolution, M. Duflos et quelques-uns de ses confrères. En avril 1805,
Bertout devient membre du Conseil Supérieur des Colonies. Ce conseil
avait été fondé par le Cardinal Fesch, grand aumônier de l’empereur,
archevêque de Lyon et chargé des missions d’outre-mer. En octobre 1808, M.
Bertout ouvre, dans une maison louée, un petit collège préparatoire aux
missions. Ses patientes tractations sont à nouveau mises en échec en
septembre 1809, quand Napoléon est excommunié par le pape Pie VII. L’empereur
se fâche et supprime toutes les mesures prises en faveur des différents
instituts reconnus. Mais ce décret ne semble pas avoir eu d’effet réel.
Après la chute de l’empereur, Louis XVIII, par ordonnance du 03 février
1816, redonne à la congrégation du Saint-Esprit son existence légale et la
personnalité civile. En même temps, elle est réintégrée, théoriquement,
dans son ancienne maison de la rue des Postes. Elle devait se concerter avec l’Université
car les bâtiments étaient occupés alors par l’Ecole Normale. En 1817,
après beaucoup de péripéties et malgré l’opposition du ministre des
cultes, M. Bertout réussit à racheter aux héritiers de Mme Angar les anciens
locaux du séminaire du Saint-Esprit. L’accord est passé devant notaire le 13
septembre. Cet accord est ratifié par l’ordonnance royale du 21 décembre
1819. Celle-ci précise que la congrégation est spécialement chargée de
fournir les prêtres nécessaires au service paroissial dans les colonies L’Université
se fait tirer l’oreille pour quitter les lieux. C’est pourtant chose faite
en fin 1822. M. Bertout agissait en tout cela comme supérieur. En fait, il ne
sera élu légalement que le 16 juillet 1826... par les 7 membres qui restent de
la congrégation. A cette date, sans avoir de titre officiel, il a donc sauvé
la congrégation, matériellement et légalement.
Cependant le nombre de ses membres est tellement minime que l’existence
même de la congrégation reste en danger. Bertout meurt le 10 décembre 1832.
Amable-Jacques- Célestin Fourdinier lui succède et pense à associer à la
congrégation les prêtres du clergé colonial. Le projet échoue à cause d’une
opposition quasi générale. A la mort de M. Fourdinier (le 5 janvier 1845), M.
Warnet lui succède pour quelques mois, à titre transitoire. Après lui, M.
Leguay reprend sous une autre forme l’idée d’étoffer la congrégation. Il
imagine deux catégories de membres, les membres proprement dits et les
affiliés . Il prévoit également une orientation unique vers les missions, le
Saint-Esprit dépendant alors directement de la Congrégation de la Propagande.
Ces nouvelles dispositions sont approuvées par Rome le 21 février 1848. En
fait, le problème du personnel de la congrégation ne sera résolu vraiment qu’avec
la fusion du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie.
4. Libermann, lui, entre en scène en 1840, quand il
part à Rome, contre toute prudence humaine, sur une intuition intérieure ou
plutôt dans la lumière de l’Esprit. Le 11 mars, il présente son mémoire à
la Propagande.Il y expose le projet de l’Oeuvre des Noirs et de la
congrégation du Très Saint-Cœur de Marie pour l’évangélisation de l’Afrique.
Les choses, ensuite, s’enchaînent très vite : ordinations, grâce à la
bienveillance de Mgr Collier qui l’incardine à son diocèse de l’île
Maurice, ouverture du noviciat, le 27 septembre 1841, et départ des premiers
missionnaires. Dès cette année 1841, il envoie le P. Jacques-Désiré Laval à
l‘ île Maurice, sans que celui-ci ait le temps de faire son noviciat. Mais la
suite de l’histoire montre qu’il n’en avait pas besoin ! Mgr Collier
réussit à l’emmener avec lui quoiqu’il ne soit pas Anglais. On condescend
à le laisser s’occuper des esclaves. On sait avec quel succès il accomplit
sa tâche. Son tombeau est actuellement un lieu de pèlerinage pour les
chrétiens, bien sûr, mais aussi pour les Hindous et les Musulmans. Les deux
initiateurs de l’œuvre des Noirs vont en mission : Frédéric
Levavasseur repart à l’île Bourbon (La Réunion) en février 1842 et Eugène
Tisserant gagne Haïti en août 1843.
La même année, Mgr Barron, qui vient d’être nommé
Vicaire apostolique des Deux-Guinées, se rend à N.D. des Victoires et, par l’entremise
de l’abbé Desgenettes, rencontre le P. Libermann. Il en obtient les sept
premiers prêtres du Saint-Cœur destinés à l’Afrique. Trois jeunes de
Bordeaux leur sont adjoints, qu’on baptisera du nom de
« Frères ». Le 13 septembre 1843, ils quittent la France sur le
« Deux Clémentines ». Ce premier voyage aboutit à une
catastrophe. En six mois, sept personnes vont mourir dont cinq du Saint-Cœur.
Deux autres vont rentrer précipitamment, un Américain, le premier compagnon de
Mgr Barron, et un Libermanien, M. Maurice, qui se fera Jésuite et deviendra
missionnaire aux Etats-Unis. Seuls survivants, le P. Bessieux et Grégoire Sey
(qui deviendra le Frère Grégoire), aboutissent finalement à Libreville, le 29
septembre 1844, et y fondent la mission Sainte-Marie du Gabon. A La Neuville, on
les croit morts eux aussi et l’on célèbre pour eux les messes rituelles des
défunts... Tous les novices se portent volontaires pour les remplacer.
Découragé par cet échec, Mgr Barron se rend à Rome, donne
sa démission et suggère que le Vicariat des Deux-Guinées soit confié à la
congrégation du Saint-Cœur de Marie, ce qui devient effectif en 1846. Mais
sans attendre, deux groupes de trois sont repartis et cette fois, ont l’ordre
de s’arrêter à Gorée. Les premiers y arrivent le 26 juillet 1845. Mais c’était
sans compter avec le juridisme de M. Leguay, supérieur du Saint-Esprit. Comme
les « Libermanistes » ne sont pas passés par lui, il donne ordre de
leur refuser la juridiction ! La seule solution, c’est alors de s’établir
en dehors des colonies françaises. Un terrain est obtenu sur la presqu’île
du Cap-Vert près d’un hameau appelé Ndakarou. Les troupes françaises ne s’y
établiront que dix ans plus tard. Une première messe est célébrée à l’occasion
de la pose de la première pierre de la maison d’habitation, le 15 février
1846. Entre temps, le nouveau Préfet apostolique des Deux-Guinées, le P.
Tisserant, chassé de Haïti et réorienté vers l’Afrique, meurt avant même
d’arriver dans sa mission, victime du naufrage du Papin, le 7 décembre
1845. Le P. Libermann choisit alors un Savoyard pour le remplacer, Mgr Truffet.
Celui-ci arrive le 5 mai 1847 à Gorée, le 8 à Dakar... et y meurt le 23
novembre, victime de son idéalisme et de sa méconnaissance de l’Afrique.
1848 est une grande année pour la congrégation. Deux
nouveaux évêques sont nommés pour les Deux-Guinées, Mgr Bessieux et Mgr
Kobès. Le P. Libermann se disait : s’il en meurt un, au moins l’autre
pourra faire face à la situation ! A Paris, le P. Leguay démissionne le 29
février et est remplacé par le P. Monnet. Celui-ci avait travaillé à l’île
Bourbon, au service des Noirs, avec le P. Levavasseur. Son regard sur les fils
de Libermann est tout différent. Les négociations sont alors reprises (on en
parlait depuis trois ans) en vue d’une union des deux congrégations. L’acte
définitif est signé le 24 août 1848 et le P. Loevenbruck, bien connu dans les
milieux romains, est envoyé à Rome pour faire approuver cette fusion. L’approbation
de la Propagande est donnée le 10 septembre de la même année : le Saint-Cœur
de Marie disparaît et ses membres sont invités à s’intégrer au
Saint-Esprit. La Propagande choisit alors le P. Monnet comme Vicaire apostolique
de Madagascar. Et tout naturellement, le P. Libermann est élu onzième
supérieur du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie, le 23 novembre 1848. Sur
le terrain, cette solution règle tous les problèmes de juridiction et apporte
au Saint-Esprit des membres nombreux et bien formés en vue de la mission. D’un
autre côté, les missionnaires du Saint-Cœur de Marie, congrégation non
reconnue jusqu’alors, trouvent une existence légale, tout en conservant
pratiquement leur façon de vivre la vie religieuse. Parmi eux cependant,
plusieurs auront du mal à accepter cette disparition de leur Institut et la
tendance sera de considérer le Père Libermann comme le premier supérieur d’une
société nouvelle... La congrégation ainsi renforcée garde évidemment le
« séminaire colonial » et reste chargée des « colonies
françaises », c’est à dire de Saint-Pierre-et-Miquelon, la Guyane, la
Martinique, la Guadeloupe, l’île de la Réunion et les deux comptoirs du
Sénégal. Un gros dossier attend le nouveau responsable, c’est la création
des évêchés dans toutes ces colonies. Le P. Libermann mènera à bien cette
négociation avec le gouvernement français comme avec la Propagande et les
premiers évêques seront nommés en 1850. Signalons en passant qu’en 1848, le
gouvernement propose au P. Libermann de prendre en charge toute la partie
méridionale de l’Algérie. C’était trop tôt. Le Père ne peut accepter
cette offre.
L’engagement dans les îles va entraîner quelques
difficultés entre la Maison mère et les évêques des Deux-Guinées. Au cours
même du voyage pour rejoindre le Sénégal, fin février 1849, Mgr Bessieux et
Mgr Kobès écrivent une lettre au P. Libermann et la postent à Cadix en
Espagne. Elle est sans doute le fruit des longues heures d’inactivité sur le
bateau ! Les deux évêques demandent au supérieur que celui-ci leur réserve
tout le personnel, donc qu’il abandonne les anciennes colonies. Dans le même
sens, ils voudraient que la maison de Bordeaux soit fermée. Le P. Libermann, à
contre cœur, propose cette fermeture à l’archevêque de Bordeaux, mais cela
fait tant de bruit que le projet est abandonné. Les conseillers du supérieur,
le P. Levavasseur et le P. Schwindenhammer, ne sont pas du tout d’accord avec
cette façon de voir des évêques d’Afrique. C’eût été réduire la
congrégation à l’ancien rôle du séminaire du Saint-Esprit. La grande part
du personnel sera tout de même envoyée, les premières années, au vicariat
des Deux-Guinées, surtout que la mission d’Australie, commencée en 1845, est
abandonnée en 1848.
5. Avant de mourir, le 2 février 1852, le P. Libermann
désigne, pour lui succéder, le P. Ignace Schwindenhammer. Celui-ci est
sans doute l’un des supérieurs les plus contestés, dans l’histoire de la
congrégation. Le premier reproche que lui font certains de ses confrères de l’époque,
c’est de passer beaucoup de temps dans des directions spirituelles pour des
personnes pieuses ou des religieuses. La fin du XIXème siècle et le début du
XXème sont des périodes riches en phénomènes mystiques (peut-être par
réaction avec le rationalisme de l’époque !) et le P Schwindenhammer semble
s’être trouvé à l’aise dans cette atmosphère. Il exigeait aussi de
chaque membre de la congrégation une lettre périodique de direction, même si
l’on se trouvait au bout du monde. Il créera assez vite une administration
très centralisée : pour la moindre des choses, il fallait s’adresser à lui
et, en tout cas, lui rendre compte. Par le fait même, il a considérablement
développé les archives spiritaines. Car tout était numéroté et conservé. C’est
le côté positif de la chose ! Avec les religieuses, il ira assez loin dans des
projets d‘union, en particulier avec les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny. Dans
la ligne des premiers supérieurs du Saint-Esprit, en 1853, il accepte, pour la
congrégation, la création et la direction du Séminaire Français de Rome.
Depuis Poullart des Places, les Spiritains avaient toujours rejeté le
gallicanisme et le jansénisme. Ils paraissaient donc doctrinalement sûrs ! (Il
y aura pourtant, quelques soixante-dix ans plus tard, la crise de l’Action
Française !).
Le P. Schwindenhammer et ses premiers successeurs vont aussi
investir beaucoup en France dans les collèges, les orphelinats, les
pénitenciers pour enfants : la liste en est longue et il n’est pas rare que
les Spiritains se fassent exploiter. Ces établissements étaient souvent
créés par un prêtre diocésain voulant remédier à une misère réelle. Avec
le développement de l’œuvre, il n’arrivait plus à la maîtriser et
cherchait alors une congrégation... tout en voulant rester le directeur ou le
supérieur. D’où bien souvent des problèmes, en particulier de finances. En
1853, sur la proposition de Jean-Marie De la Mennais, nous acceptons le collège
de Ploërmel. C’est un succès mais les Frères de l’Instruction chrétienne
ont peur d’être absorbés par les Spiritains. Dès l’année suivante, l’expérience
est arrêtée . Le P. Collin qui le dirigeait et ses confrères prennent alors l’école
de Gourin (en Bretagne aussi), en 1854. Cinq Pères et six Frères sont engagés
dans cette entreprise. L’abbé Maupied, son directeur, leur avait fait
entrevoir la possibilité d’acquérir l’abbaye de Langonnet. Le P.
Levavasseur vient lui-même pour les démarches dès fin 1853 et, en 1856-1858,
c’est chose faite : petits séminaristes qui étudiaient dans le cadre du
collège de Gourin, philosophes, jeunes élèves du séminaire des colonies,
tout le monde déménage à Langonnet en juin-juillet. En 1855, nous avions pris
en mains Saint- Ilan. C’était un pénitencier pour enfants, fondé par M. De
Clésieux et dirigé par les Frères Léonistes. Ceux-ci sont invités à
fusionner avec la congrégation du Saint-Esprit. Evidemment ces écoles
absorbent beaucoup de personnel : vers la fin du siècle, Saint-Ilan accaparait
six Pères et 34 Frères ! En 1856, la congrégation accepte le financement d’une
religieuse Visitandine de Riom, Sœur Marie-Emmanuelle Andraud, et crée à
Cellule, en accord avec elle, un orphelinat, un noviciat de Frères et une
école qui sera transformée en petit séminaire. Fin 1863, Chevilly est
acheté. Le P. Schwindenhammer aurait aimé y mettre la Maison mère (les
réunions du conseil général ont eu lieu un moment au
« château »). Dès Pâques 1864, 50 scolastiques viennent occuper
les anciens haras. On rapporte aussi, dans un ossuaire, puis dans la chapelle
construite pour cela, les restes du P. Libermann. Pendant 60 ans, on n’arrêtera
pas de construire. En 1866, le P. Schwindenhammer accepte de prendre en charge
une cité ouvrière à Toulon, avec école, patronage, aumônerie des marins.
Dans le personnel spiritain se trouvaient trois Allemands, ce qui occasionne
crise et fermeture au moment de la guerre de 1870. Un procès s’en suivra
(gagné pour une fois par la congrégation). Mais la situation reste difficile,
à cause d’une municipalité anticléricale, et Toulon est abandonné en 1876.
Entre temps nous est offerte, en 1874, à Beauvais, la direction de l’archiconfrérie
de Saint-Joseph, ainsi que l’aumônerie du pensionnat des Frères des Ecoles
Chrétiennes. A côté de ces œuvres, le P. Amet Limbour commence, le 15
octobre 1875, l’école des Clercs de Saint-Joseph. L’œuvre se développe
beaucoup, crée des jalousies, des malentendus avec l’évêque du lieu. Les
Spiritains quittent alors Beauvais pour Seyssinet et y fondent, en 1889, l’Institut
du Saint-Esprit. C’est là que le P. Chauffour crée une nouvelle confrérie
de Saint-Joseph. Le premier numéro du « Lys de St Joseph » y
paraît en décembre 1889. En 1875, les Spiritains prennent la direction du
collège de Langogne, jusqu’en 1883. En 1876, c’est le tour de Merville qui
tiendra jusqu’aux fameuses lois de 1903. Pendant une année scolaire
(1876-77), une équipe spiritaine assure également la marche de l’école de
Gravelines, près de Dunkerque. Le P. Ott, directeur du collège, s’aperçoit
heureusement assez vite qu’il n’y a là aucun avenir pour la congrégation.
Le conseil général avait accepté l’offre pour faire plaisir au cardinal
archevêque de Cambrai, mais sans vérifier suffisamment les renseignements
donnés. En 1878, on appelle la congrégation au secours pour faire réussir l’orphelinat
et le collège de Mesnières. Jusqu’aux lois de laïcisation, ce sera une
œuvre importante qui comptera (en 1891) une école professionnelle de 110
élèves, 70 petits scolastiques, 300 pensionnaires du primaire... mais aussi
une quarantaine de Pères et de Frères. En 1880, la congrégation prend en
charge le collège de Rambervilliers, dans les Vosges, jusqu’en 1888. A cette
date, le personnel spiritain se transporte à Epinal, ville plus importante. L’idée,
c’était d’avoir un collège proche de l’Alsace, alors occupée par l’Allemagne.
Les successeurs du P. Schwindenhammer continuent la même politique :
Grand-Quevilly est accepté en 1882, Saint-Mauron (dans le Nord) en 1884,
Douvaine et Saint-Joseph du lac, en Savoie au bord du Léman, en 1885 (jusqu’en
1897), « Gethsémani » dans l’Ariège (de 1885 à 1886 !).
Grignon-Orly est acquis en 1886 pour y transporter le noviciat. En 1887, les
Spiritains s’engagent à Castelnaudary dans une oeuvre offerte par l’abbé
Le Camus. Ils obtiennent de beaux succès scolaires mais doivent faire face à
de longs procès. Ils quittent la région en 1896. De 1891 à 1896, une
fondation est essayée à Drognens, en Suisse. En 1892 et jusqu’à la fin du
siècle, l’orphelinat d’Orgeville (dans l’Eure) est dirigé par les
Spiritains.
Mgr Leroy, devenu supérieur général en 1896, va
« calmer le jeu » car il a l’expérience des besoins de l’Afrique.
Il acquiert cependant, en 1898, une propriété à Perroton, au sud de Bordeaux,
pour en faire un sanatorium spiritain. Comme beaucoup d’autres, cette maison
sera fermée en 1904. Le 14 novembre 1899, est achetée l’ancienne gendarmerie
de Saverne. C’est le P. Lorber, premier Préfet apostolique de Guinée, qui en
devient le premier supérieur. En septembre 1900, l’école apostolique
commence avec 32 élèves. La même année, en Belgique, une école apostolique
est installée à Lierre. Il fallait, dans toutes les régions de France et aux
alentours, chercher des vocations... En 1900 toujours, le conseil général
décide la création d’une procure à Marseille, en vue surtout du départ des
missionnaires vers l’Afrique ou Madagascar. Enfin, en 1901, la congrégation
accepte de reprendre l’œuvre fondé par le P. Abram à Misserghin. Elle
« récupère » en même temps la plupart des Frères de N.D. de l’Annonciation,
dont le fameux Frère Marie-Clément Rodier, l’inventeur de la Clémentine. C’est
une troisième « fusion » et peut-être pas la dernière !
6. Malgré l’orientation de plusieurs de ces œuvres vers
le recrutement de vocations spiritaines, on peut imaginer cependant les récriminations
des missionnaires d’Afrique devant ces investissements et le nombre de
personnes bloquées en Europe. Les missions, pourtant, ne sont pas
abandonnées, mais elles coûtent cher, en argent et en vie humaines : sur les
108 missionnaires envoyés en Afrique entre 1843 et 1862, en 20 ans, 42 sont
décédés, 37 ont été obligés de revenir dans les pays tempérés, surtout
pour raison de santé. L’évangélisation progresse, mais lentement. Au fur et
à mesure du développement des missions, de nouveaux vicariats apparaissent :
la Sierra Leone est confiée tout d’abord, en 1859, aux missionnaires de Lyon
(les S.M.A.). Mgr De Marion-Brésillac y vient lui-même avec quelques membres
de sa nouvelle société, mais toute l’équipe meurt dans les semaines qui
suivent. Les Spiritains sont obligés de reprendre ce territoire, tandis que les
S.M.A., sur la proposition du P. Schwindenhammer, se verront octroyer par Rome
la région du Bénin actuel (le Dahomey), puis ce qu’on appelle maintenant la
Côte d’Ivoire. Jusqu’alors les Spiritains de passage vers le Gabon
desservaient les ports. A Grand Bassam, deux essais de mission stable ont été
tentés, entre 1843 et 1852 : deux Spiritains y sont enterrés ! En 1863, les
Deux-Guinées sont coupées en deux, Mgr Kobès reste responsable de la
Sénégambie. L’évangélisation de la Guinée commence en 1875 à partir de
la Sierra Leone, par deux Alsaciens, le P. Gommenginger Charles (qui partira
ensuite explorer l’Afrique de l’Est) et le P. Muller, fondateur de Boffa..
De Guinée, partira le premier Préfet apostolique du Bas-Niger (Nigéria
actuel), le P. Lutz. La Préfecture est créée un peu plus tard en 1889.
Auparavant, en 1861, le conseil général décide la création d’une
communauté spiritaine à Chandernagor, en Inde, dans la Préfecture apostolique
de Pondichéry puis une deuxième communauté dans cette dernière ville. Les
Spiritains sont surtout engagés dans des œuvres scolaires. Quand la hiérarchie
est établie en Inde, en 1886, on propose aux Spiritains, non seulement de
garder les communautés existantes, mais de prendre en plus un champ d’action
dans le Bengale. Les écoles ayant été laïcisées en 1887, le conseil
général décide de retirer son personnel au grand regret de toute la
population. Le conseil voulait favoriser les missions d’Afrique Centrale alors
en pleine expansion. Avec le recul du temps, on peut regretter cette
décision... quand on pense que les Sœurs de Cluny, par exemple, ont maintenant
quatre provinces en Inde !
Dans cette seconde moitié du XIXème siècle, la mission va
se développer considérablement au sud de l’équateur. Mgr Bessieux continue
de travailler au Gabon. Il y meurt le 30 avril 1876. Mais un missionnaire va
bousculer les habitudes et, comme on dirait maintenant, avancer au large ! Il s’agit
du P. Duparquet, un homme exceptionnel. C’est un Normand aux vues
prophétiques, qui fait son séminaire à Sées puis à Rome. Il entre au
noviciat du Gard en 1854, devient prêtre l’année suivante et est envoyé,
sur sa demande, à Dakar, en 1855. Il réussit en peu de temps à faire marcher
une école qui avait toujours échoué. Mais il n’est pas d’accord avec les
méthodes de Mgr Kobès qui voudrait créer un poste tous les 50 km environ,
sans tenir suffisamment compte de la salubrité des lieux ni de la sécurité
des missionnaires, encore moins de leur nombre. La plupart des postes fondés au
Sénégal, à part Dakar, doivent être assez vite abandonnés. Pour Duparquet,
il vaut mieux organiser des missions importantes qui arrivent à se suffire par
elles-mêmes, y développer les écoles pour créer le plus rapidement possible
un clergé africain. D’après lui, des prêtres noirs seront seuls capables de
faire face au climat ! Il voudrait surtout qu’on ne demeure pas uniquement
dans les régions islamisées d’Afrique de l’Ouest mais qu’on cherche plus
loin : les Deux-Guinées sont tellement vastes ! Il peut y avoir des populations
plus ouvertes à l’évangile. Le P. Duparquet a la chance d’être apprécié
par le P. Schwindenhammer. Celui-ci l’envoie au Gabon. Le Père y lance avec
succès une nouvelle école secondaire. Ses idées assez révolutionnaires ne
plaisent pas à tout le monde : il est renvoyé en France, en 1857, ce qui lui
permet de refaire sa santé. A Saint-Ilan, puis à Langonnet, il enseigne mais
profite de ce séjour en France pour se documenter très sérieusement sur le
Congo et l’Angola. Il est persuadé qu’on peut reprendre l’évangélisation
des missions portugaises. Le supérieur général l’autorise à faire un
voyage d’information au Portugal en 1860, puis le renvoie au Gabon en 1862.
Pas pour longtemps. En avril 1863, il est à nouveau congédié, revient
enseigner à Langonnet, continue ses recherches sur l’ancien Congo portugais
et, finalement, obtient gain de cause : le P. Schwindenhammer le charge de faire
un rapport à Rome, au Cardinal Barnabo, au sujet de la reprise de cette
ancienne mission laissée par les Capucins depuis une trentaine d’années. En
septembre 1865, la Préfecture du Congo (portugais) est effectivement confiée
aux Spiritains. Le P. Schwindenhammer garde le titre de Préfet apostolique et
nomme le P. Poussot, vice-Préfet. Le P. Duparquet, lui, continue sur
Mossamédès, en Angola, où il voudrait créer un séminaire. Les premiers
missionnaires, les Pères Poussot et Espitallié, négligent d’apprendre le
portugais et sont assez mal accueillis. Aux Cortès (l’assemblée portugaise),
le gouvernement se fait interpeller sur cette présence de missionnaires
français en territoire portugais. Le droit de patronage est à nouveau
invoqué. Les deux missionnaires sont bloqués sur la côte à Ambriz. Duparquet
se rend alors à Lisbonne, s’y fait des amis en haut lieu et, avec leur appui,
repart en Angola. Commence alors son premier voyage d’exploration - qui sera
suivi de bien d’autres - vers l’intérieur de l’Afrique. Devant l’opposition
du gouverneur local, Duparquet retourne au Portugal en mai 1867, rencontre les
ministres et fait approuver son projet de séminaire-collège mais à condition
d’avoir des professeurs Portugais. Qu’à cela ne tienne. Il obtient de
créer, au Portugal, une maison de formation à Santarem, rassemble des
postulants, est rejoint par le P. Carrie (le futur évêque de Loango), puis, en
1868, par le P. Eigenmann. Après un intermède à Gibraltar, la maison est
établie à Braga, en 1872. Duparquet est ainsi à l’origine de la province du
Portugal. Lui-même est nommé pour la P.A. de Zanzibar.
Cette Préfecture était due à l’initiative de Mgr
Maupoint, évêque de Saint-Denis à la Réunion, qui avait, en 1860, envoyé
trois prêtres, dont l’abbé Fava. Dès 1862, on fait appel aux Spiritains.
Après la mort de Mgr Maupoint, la Préfecture leur est pleinement confiée. Le
P. Schwindenhammer, à nouveau, est Préfet apostolique, le P. Horner
vice-préfet, en 1872. Bien des Alsaciens seront parmi les premiers
missionnaires de cette Afrique de l’Est: les deux Gommenginger, Auguste et
Charles, le P. Baur, plus tard le P. Allgeyer... Le P. Duparquet ne s’entend
pas trop avec le P. Horner et fait toujours des plans pour le Congo. En juin
1873, il devient vice-préfet de Landana (dans l’enclave de Cabinda), organise
la mission, ouvre des écoles, fait venir un médecin pour lutter contre les
maladies tropicales (et par le fait même contre les sorciers), il plante à
outrance au point que la Préfecture se suffit à elle-même (arriver à l’autosuffisance
est un des principes du Père). En même temps, il demande au P. Carrie de
composer en fiote un catéchisme, un vocabulaire, qui sont imprimés sur place.
Il reprend les anciennes missions le long du fleuve Zaïre, St Antoine, Boma,
Nemlao, Lucula..., malgré le climat de tension de l’époque, puisque les pays
européens cherchent à se placer le mieux possible en vue du partage de l’Afrique.
La Préfecture une fois bien organisée, le P. Duparquet la laisse aux mains du
P. Carrie en 1877 et va reprendre ses voyages plus au sud. Il remonte à partir
du Cap, devient vice-préfet d’une circonscription à créer quelque part en
Afrique australe. Cela donnera naissance à la Cimbébasie et aux différentes
missions à l’intérieur de l’Angola. Bien vu des autorités portugaises et
angolaises, appuyé par le supérieur général, il continue cependant à suivre
les affaires du Congo, obtient de Rome qui l’écoute volontiers, la création
du Vicariat apostolique du Congo français (qui va jusqu’en Oubangui) confié
à Mgr Augouard. Cela provoque un incident diplomatique avec Mgr Lavigerie qui s’était
fait octroyer la juridiction sur tout l’intérieur de l’Afrique, mais le
Congo reste spiritain! Avec le congrès de Berlin en 1885, le nationalisme prend
le dessus et les missionnaires Français devront quitter ce qui deviendra le
Congo Belge. Mais, en 25 ans, par son activité, par ses directives, par ses
relations, sa diplomatie, il a ouvert à l’évangélisation d’immenses
contrées au sud de l’équateur.
7. L’extension de la congrégation se fait aussi en Europe.
Dès 1841, le P. Libermann pensait à une maison à Strasbourg qui pourrait
rayonner aussi sur l’Allemagne. A son insu, M. De Brandt, un de ses anciens
novices de Rennes, fait des démarches auprès de l’évêque d’Amiens dont
il est le secrétaire : l’évêque est prêt à l’ordonner et une petite
maison est trouvée pour la congrégation naissante. Le P. Libermann accepte et
par le fait même renonce à l’Allemagne, mais « cela me fait mal au cœur ».
La province d’Allemagne se développera plus tard, grâce au P. Acker. Avant
lui, dès novembre 1863, le P. Locher prend la direction d’une maison à
Kaiserswerth. Il s’agit d’une maison de retraite pour prêtres âgés. L’offre
est acceptée parce qu’elle permet une implantation en Allemagne. Le P. Strub,
revenu de Dakar, devient vice-provincial l’année suivante, en même temps que
supérieur de la communauté de Marienthal. Le P. Locher est tranféré à
Marienstadt. Ces deux établissements sont confiés à la congrégation en 1864.
Trois implantations en deux ans, cela augurait bien de l’avenir. Mais elles ne
résisteront pas au « Kulturkampf » de Bismark., surtout aux lois de
mai 1873-1875. Les Spiritains, assimilés aux Jésuites, doivent quitter le
pays. Il faudra attendre 1895 pour que le P. Acker s’installe à Knechsteden.
Au moment où tout est compromis en Allemagne, tout se consolide au Portugal. Le
P. Duparquet avait donné la première impulsion, le P. Eigenmann développe les
lieux de formation : Braga en 1872, Porto en 1886, Cintra la même année. En
1887, le Portugal est vice-province.
Mais la première maison en dehors de la France est celle de
Blanchard’stown, en Irlande, commencée en 1859. C’est le P. Leman qui est
chargé de cette fondation, aidé par Jérôme Schwindenhammer. On pense que ce
pays très chrétien donnera beaucoup de vocations. Effectivement, les enfants
se présentent très vite, si bien que l’établissement est transféré à
William’stown et prendra le nom de collège de Blackrock (nom du village le
plus proche), en 1862. A cette date, il compte déjà 85 personnes. En 1864, le
conseil général accepte la création à Rockwell, d’un séminaire et d’une
nouvelle communauté. Du temps du P. Emonet, une autre implantation se fera à
Rathmines, dans la banlieue de Dublin, le 08 septembre 1890. Aux Etats-Unis,
quelques contacts avaient été établis dès le XVIIIème siècle, par les
Acadiens. Au moment de la révolution française, plusieurs prêtres chassés de
Guyane viennent s’établir, vers 1795, à Baltimore et dans le New-Jersey. Une
demande officielle est faite en 1841 par l’archevêque de Cincinnati. Après
la fusion, de nombreuses propositions parviennent au conseil général. L’expulsion
des Spiritains d’Allemagne donne au P. Schwindenhammer la possibilité de
répondre aux appels, à partir de 1873. La vice-province des Etats Unis est
érigée dès 1875, avec, à sa tête, le P. Strub. Après plusieurs essais plus
ou moins heureux, les Spiritains s’implantent à Pittsburg et se mettent à
construire, en 1878, un collège qui deviendra, en 1911, l’université
Duquesne. Du temps du P. Emonet, la congrégation accepte la direction du petit
séminaire Sainte-Marie de Belem, au Brésil, nouveau champ d’action qui va
prendre bientôt de l‘extension. Un essai est tenté au Pérou. Le nouveau
supérieur général, le P. Emonet, élu en août 1882, continue dans la ligne
Schwindenhammer : centralisation, développement des écoles, ligne assez
monacale des Constitutions...
8. Ce développement à l’extérieur de la France
continuera sous la direction de Mgr Leroy, supérieur général de 1896
à 1926. Les événements le favoriseront. Déjà, en fin XIXème siècle, la
France avait connu des poussées de fièvre anticléricale. Celle-ci devient
virulente au tournant du siècle. En 1901 sort la loi sur les associations et
les congrégations. Une première fois, le 16 janvier 1901, le Conseil d’Etat
reconnaît les prêtres du Saint Esprit comme congrégation autorisée. Un mois
plus tard, le 14 février, après étude des statuts, le même Conseil
considère que la congrégation actuelle n’est plus le Saint Esprit mais un
nouvel institut fondé par le P. Libermann (c’est ce que pensaient et même
écrivaient bien des Spiritains, on le sait !). Par conséquent, l’autorisation
légale est supprimée. Moments d’angoisse. Mgr Leroy se met alors à étudier
les sources, avec l’aide du P. Barillec son archiviste. Il découvre... qu’il
ne connaissait pas l’histoire de sa congrégation et s’aperçoit que les
textes sont formels : la congrégation du Saint-Cœur de Marie a cessé d’exister
au moment de la fusion. Il écrit alors une lettre-rapport de 30 pages adressée
au ministère des colonies qui transmet au conseil d’Etat. Celui-ci, chose
inouïe, revient sur la décision, sans doute après une intervention de
Waldeck-Roussseau, le premier ministre, qui comprenait l’importance de la
congrégation dans les colonies. Le 1er août enfin, le Conseil d’Etat
reconnaît que la congrégation du Saint-Esprit jouit bien d’une existence
légale. Cela sauvegardait l’essentiel. Mais l’interdiction d’enseigner
faite aux religieux va entraîner la perte de la plupart de nos écoles en
France. Pour les sauver, s’il ne se trouve pas de prêtres diocésains pour
assurer la suite, un certain nombre de Pères et de Frères accepteront d’être
sécularisés. Epinal, Beauvais, Merville, Mesnières, Pierroton, Saint-Ilan,
Orly, Misserghin, Seyssinet, St Michel en Priziac sont abandonnés par la force
des choses. Nous restent la Maison mère, Chevilly où se regroupent noviciat et
scolasticat, Langonnet comme maison de retraite et les deux procures de Bordeaux
et de Marseille. Les enfants de Merville et de Cellule sont alors transportés
à Suse en Italie et à Gentinnes en Belgique. Neufgrange (en zone allemande à
l’époque) devient noviciat en 1904. Fribourg est ouvert en Suisse, la même
année. Saint Alexandre est ouvert au Canada en 1905. On laisse passer l’orage...
La guerre 1914-18 permettra une réconciliation des Français. Le P. Brottier s’y
rend célèbre avant de re-dynamiser les orphelins d’Auteuil. Mgr Leroy est
alors un « personnage » en France, aussi bien aux yeux de l’Eglise
de France que sur le plan scientifique où ses connaissances en ethnographie,
botanique, géographie sont reconnues dans les milieux spécialisés.
La période Leroy connut d’autres épreuves encore : l’éruption
du Mont Pelé, à la Martinique, fait disparaître, en 1902, 14 Spiritains (et
presque trois fois plus de religieuses !). Au Portugal, la révolution de 1910
provoque la fermeture momentanée des maisons spiritaines et l’expulsion de
tous les étrangers. 124 Spiritains laisseront leur vie dans la première guerre
mondiale. Le naufrage de « L’Afrique », le 12 janvier 1920,
provoque la mort de Mgr Jalabert et des 18 confrères qui l’accompagnaient.
Ils avaient été heureux d’échapper à la guerre.... En Afrique, bien des
postes ont dû être fermés pendant la première guerre mondiale. L’évangélisation
sera parfois compromise sérieusement, par exemple, dans les pays où l’Islam
gagne rapidement.
Il y a cependant des moments plus heureux, en particulier la
reconnaissance de l’héroïcité des vertus du P. Libermann qui lui donne le
titre de « vénérable », le 19 juin 1910. De même, les provinces
se développent : celle de Pologne naît à partir des Pères Polonais d’Amérique.
Elle commence petitement en 1922 et devient vice-province en 1926. Le Portugal
renaît en 1919. L’Irlande continue de se développer. En 1911, un ancien
élève des Spiritains, De Valéra, conduit le pays à l’indépendance. La
première fondation aux Pays Bas date de 1904. Après une période d’union
avec la Belgique, la province de Hollande est érigée le 25 juin 1931. La
Belgique a beaucoup souffert de la guerre, mais les fondations reprennent après
1921. Gentinnes, Lierre passent à la nouvelle province. Canada, Suisse,
Allemagne, Etats Unis grandissent et prennent leurs propres missions. Au
Cameroun, les Spiritains sont obligés de remplacer les Pallotins Allemands
chassés par la guerre. Et bientôt, c’est « l’explosion
catéchuménale »... Mgr Shanahan , au Nigeria, mériterait aussi une
mention spéciale !
9. La période d’entre les deux guerres, le temps de Mgr Le
Hunsec, voit se développer considérablement les différentes missions, avec
tout leur appareil scolaire et sanitaire. Le développement économique et
humain est déjà une préoccupation constante. Le clergé africain commence à
naître, mais bien lentement encore. Le premier prêtre de Guinée Conakry n’est
ordonné qu’en 1939 ! Il est vrai que la première génération de chrétiens
ne donne jamais beaucoup de prêtres. Il semble aussi que cette période, qui a
vu augmenter la collaboration entre l’administration et les missionnaires
(mais c’est très variable suivant les lieux et les personnes en poste), a vu
croître aussi l’esprit colonial (et, pour certains, colonialiste !). Il
faudra attendre 1954 pour que le P. Joseph Michel ose parler du « devoir
de décolonisation ». Le développement des missions permet cependant,
vers les années 1950-1960, la création d’églises locales, à travers toute
l’Afrique, avec, assez vite, une hiérarchie autochtone. Le rôle des
congrégations missionnaires en est évidemment complètement modifié :
elles ne sont plus les premières responsables de la mission.
Sur le plan congrégation, les deux supériorats du P.
Griffin et de Mgr Lefebvre correspondent à une crise intérieure : les
supérieurs ont le pied sur les freins. Il semble que ce soit une réaction de
peur devant les grandes mutations qui commencent, sur le plan social comme
ecclésial, surtout à partir de l’ouverture du Concile Vatican II. Cela se
voit à travers la correspondance officielle. Autre tournant important : le
transfert de la maison généralice à Rome est décidé par le chapitre
général de 1962. Le risque était de faire perdre à la congrégation sa
situation légale en France. Plusieurs années de tractations sont nécessaires
pour aboutir à la reconnaissance légale de la Province de France autonome. Quelques
coups durs se produisent encore en Afrique : le drame de Kongolo, le 1er janvier
1962, la crise du Biafra à partir de 1966-67, l’expulsion de tous les
missionnaires (Sœurs, Frères, Pères) de Guinée Conakry fin mai 1967... Et
jusqu’à maintenant, dans un pays ou dans un autre, les missionnaires peuvent
être appelés à connaître des situations dangereuses et même à donner leur
vie.
Elu en 1968, le P. Lecuyer redonne une visée théologique à
l’Institut. Deux chapitres successifs, en 1968 et 1969, travaillent à
« l’aggiornamento » de la congrégation, selon les principes de
Vatican II. Son successeur, le P. Timmermans inaugure un gouvernement plus
décentralisé (peut-être trop au gré de certains). Cette décentralisation,
de fait, avait déjà commencé pendant la deuxième guerre mondiale par la
force des choses : le supérieur général, Mgr Le Hunsec, habitant Paris dans
la zone occupée, avait délégué beaucoup de pouvoirs aux provinciaux et
principaux d’Europe, d’Afrique et d’Amérique. La nouvelle règle de vie
est mise au point au chapitre de 1986 qui voit l’élection du P. Haas. Rome l’approuve
le 7 juin 1987. A Itaïci, en 1992, est prise l’option d’une plus grande
ouverture vers l’Asie. Celle-ci existait déjà : la mission en Australie date
du P. Libermann ! Mais il se fait un progressif élargissement de notre horizon
: Pakistan, Philippines, Taïwan et retour en Australie... L’avenir de la
mission est sans doute en Asie ! Récemment, en Europe, une première paroisse
italienne a été confiée à la congrégation dans la banlieue de Rome. Les
essais précédents avaient tous échoué.
Il faudrait dire un mot également de toutes les
congrégations religieuses féminines fondées par les Spiritains. Je n’en
cite que les premières : les Filles de Marie créées à la Réunion en 1849
par le P. Levavasseur, les Filles du Saint Coeur de Marie voulues par Mgr Kobès
à Dakar, en 1858, les Soeurs Servantes du Saint-Coeur de Marie lancées à
Paris par le P. Delaplace en 1860, les Petites Soeurs de Notre-Dame de Guinée,
nées sous le protection de Mgr Lerouge en 1919... Evidemment, personne n’oublie
le rôle de Mgr Leroy auprès des Spiritaines...
10. De nos jours, les vocations spiritaines naissent
nombreuses dans les anciens pays de première évangélisation. D’où la
politique des fondations qui donnent naissance, peu à peu, à de nouvelles
provinces. Les anciennes provinces, en butte à la crise des vocations, ont
cependant assez de ressources pour aider leurs petites sœurs à se prendre en
main et à prendre en main la mission. Mais si l’on veut être honnête, il ne
faut pas se résigner à l’absence de vocations missionnaires en Europe, de
même qu’il est nécessaire de maintenir l’option vers l’étranger. Bien
sûr, le P. Libermann, déjà, donnait des aumôniers aux œuvres sociales de M.
Germainville, il s’occupait des petits Savoyards de Paris, soutenait l’œuvre
des militaires. Son successeur acceptera des orphelinats un peu partout, en
France et dans les îles. Mais pour le P. Libermann, l’essentiel des forces
devait partir en Afrique, aux Antilles, en Australie, en Amérique... Il ne
faudra pas l’oublier. Les grands anniversaires que nous vivons nous donnent l’occasion
de retrouver nos sources pour un nouvel avenir, sans doute différent : la
congrégation, on l’a vu, a connu bien des épreuves et bien des changements
en 300 ans !
Père Gérard Vieira
23 février 2002,
Colloque sur la Mission spiritaine
Pages d'histoire
Cent ans de présence spiritaine en Angleterre
Alors que la Province d'Angleterre achève ses cent ans de présence officielle au Royaume Uni, il est très intéressant de
noter que les Pères du Saint-Esprit ont été en rapport avec le pays depuis 1731. La Maison Mère de la rue Lhomond à
Paris fut en fait construite par un écossais, Charles Davison en 1669. Cette maison a été achetée par notre supérieur
général d'alors, le P. Louis Bouic. Naturellement on y a apporté bien des modifications depuis. Pendant la Révolution Française, le P. Jacques Bertout s'est réfugié en Angleterre pour échapper à la guillotine. A cette époque l'Angleterre était un vrai pays de mission. Le P. Bertout est passé d'un endroit à l'autre dans le Yorkshire
au service des catholiques qu'il pouvait trouver. Un demi-siècle plus tard, le Bienheureux Jacques Laval a passé quelques semaines à Londres en attendant un bateau pour l'emmener à Maurice, où il devait passer le reste de sa vie. Dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle divers contacts ont été établis
entre la Congrégation et l'Angleterre, mais aucun n'a abouti à une conclusion positive.
FINALEMENT ON PREND PIED
Le début du vingtième siècle a été lourd de menaces pour la Congrégation quand un anticléricalisme virulent sévissait en
France. Il semblait que tous les séminaires et toutes les maisons seraient saisis par le gouvernement. Par chance, on
a trouvé une grande propriété à Prior Park près de Bristol qui conviendrait pour les novices français et irlandais et
pour les grands séminaristes. Les formateurs et les étudiants s'y sont installés le 29 septembre 1904.
Trois ans plus tard, on a trouvé que cela coûtait trop cher. Providentiellement, la propriété de Castlehead dans le nord
du Lancashire fut mise en vente et on a sauté sur l'occasion. Les Pères du Saint-Esprit s'y sont installés le 27 décembre
1907 et y sont restés jusqu'à la fermeture en 1978. En 1912 Patrick Coffey, de la Province d'Irlande, a pris en charge la
paroisse de Saint-Joseph à Peasiey Cross près de Liverpool. En plus du service pastoral, cette paroisse servait de pied-à-terre pour les missionnaires qui s'embarquaient pour les missions lointaines. Cette paroisse cessa par la suite
d'exister lorsque la fermeture des mines entraîna, dans les années 80, la disparition de la population de la région .
En 1920 l'Angleterre devint Vice Province. Ce statut officiel eut un effet important ; témoin cette lettre du 3 novembre
1921, écrite par un sous-secrétaire d'état, un certain Winston Churchill, qui déclarait : " Le gouvernement de Sa Majesté
reconnaît volontiers la Congrégation du Saint-Esprit comme responsable des missions dans les colonies et protectorats de l'Afrique de l'est et de l'ouest .
CONSOLIDATION
Grâce à l'aide de confrères d'Irlande et de France, la nouvelle Vice Province a commencé à se développer. Parmi
ceux qui sont venus, le plus connu est le Frère Alphonse, un alsacien. Arrivé à Prior Park en 1904, il est resté en Angleterre jusqu'à sa mort en 1963, très aimé de tous ceux qui l'ont connu. Castlehead était le petit séminaire ; de là les étudiants
partaient chaque année en France pour le noviciat, puis leurs études de grand séminaire et leur ordination presbytérale. En
1926 il y avait 6 prêtres originaires d'Angleterre. Les Pères du Saint-Esprit sont devenus beaucoup plus largement connus grâce au soutien que leur ont toujours donné la hiérarchie et le clergé diocésain à travers toute l'Angleterre. Ainsi,
à Noël 1936, sortit le premier numéro de "Africa Calling" (l'appel de l'Afrique). Cette revue a été très populaire.
Quand le travail missionaire a continuer à s'élargir, son nom fut modifié pour devenir l'actuel "Missionwide".
En 1937 la paroisse de Marie Immaculée et Saint Pierre, à New Bamet, a été confiée à la Congrégation et nos confrères
continuent à en assurer le service jusqu'à ce jour. En 1938, la célèbre roseraie de Castlehead fut inaugurée par l'évêque
de Lancaster. La magnifique statue de Sainte Thérèse de Lisieux, patronne des missions, y est restée jusqu'à la ferme
ture du séminaire. Elle se trouve actuellement dans le sanctuaire de Knock en Irlande.
DEVELOPPEMENT
La guerre de 1939-1945 a obligé tous les étudiants à revenir de France. Des arrangements de fortune furent fais à Castle-head, les novices étant envoyés à Sandy Bridge Lodge et les scolastiques sur l'île de Holme. La situation est vite devenue
intenable et, en 1942, les aînés sont venus loger dans une aile du château de Sizergh près de Kendal. A la fin de la
guerre, les philosophes et théologiens ont fini par s'installer à Upton Hall dans le Nottinghamshire tandis que les novices
retournaient à nouveau en France. Pendant la guerre, beaucoup de confrères de la Province ont servi comme aumôniers
militaires, certains étant affectés dans diverses régions d'Afrique.
La maison de Bickley fut acquise en 1947, servant depuis à diverses fins importantes. C'est alors que l'Angleterre fut
érigée au statut de Province et cette maison en devint aussitôt le centre administratif. Un certain nombre de
"vocations tardives" provinrent des gens qui avaient interrompu leurs études à cause de la guerre. Ils se préparaient à
Bickley pour aller au noviciat. Quand les confrères ont commencé à vieillir ou à être malades, Bickley est devenu la
principale maison de retraite.
A la fin des années cinquante, la première maison fût ouverte en Ecosse à Uddingston. Plus tard les spiritains ont
déménagé à Carfin où ils desservent la communauté locale et entretiennent un vigoureux esprit missionnaire. Dès le début,
il y a eu un bon nombre de vocations en Ecosse ; la générosité et le soutien de la population locale a été remarquable.
Actuellement le provincialat est à Northwood dans le Middiesex. En plus de la paroisse de New Bamet, les spiritains
desservent plusieurs autres paroisses en Angleterre.
QUELQUES PROJETS ACTUELS
Le projet "Just Youth" à Salford
Inauguré il y a quinze ans, le projet Just Youth de Salford est né de l'initiative d'un conseil provincial de 1976, tenu à
Helmshore à quelque vingt miles de là, dans le but de promouvoir les vocations. Mais, comme partout en Europe,
le contexte de la foi a beaucoup changé dans les années qui ont suivi amenant le déclin des vocations au Spresbytérat et à
la vie religieuse. Par la suite Salford, une ville des faubourgs de Manchester, a été jugé plus central pour l'apostolat ; et,
compte tenu du changement de contexte, l'objectif principal de l'initiative est passé du recrutement au ministère auprès
de la jeunesse.
Les confrères ont vu le besoin croissant de s'investir directement dans l'évangélisation des jeunes, à la fois comme unecontribution missionnaire à l'Eglise locale et comme une manière nouvelle
et plus réaliste d'éveiller de futures vocations. S'inspirant de l'encyclique EvangeliiNuntiandi et adoptant le projet diocésain élaboré pour l'Année Jubilaire,
l'équipe a mis sur pied un vaste éventail d'activités orientées vers le développement humain, intellectuel et spirituel des
jeunes, la promotion de la justice et de l'égalité et la formation au leadership. Leur politique est d'avoir une maison simple et ouverte qui offre aux jeunes des sessions, des retraites et des ateliers dans la communauté spiritaine
ainsi que dans plusieurs écoles de la localité. Deux confrères nigérians en première affectation viennent de rejoindre
l'équipe. Ce projet a été reconnu par les provinciaux d'Europe comme un projet spiritain européen.
Le projet "Revive" à Salford
Revive est un projet commun à la Province d'Angleterre et au diocèse catholique de Salford. Il a été initié par deux laïcs
associés, Anne-Marie et Péter Fell, en vue d'aider les demandeurs d'asile qui ont afflué dans le région de Manchester
sous le coup du Décret sur l'immigration et le droit d'asile, promulgué par le gouvernement en 1999, qui instaurait la
dispersion forcée des nouveaux arrivants dans les diverses régions du pays. Ils ont demandé au conseil provincial, en
août 2001, un soutien pour constituer ce service pour les réfugiés et les demandeurs d'asile sur une base plus professionnelle. La province a accepté tout de suite de soutenir financièrement le projet pour une première période de deux
ans, voyant là un moyen idéal de marquer l'année spiritaine.
Travaillant en lien avec un certain nombre d'autres agences, Revive fournit aux réfugiés et aux demandeurs d'asile vulnérables un soutien multiforme : aide pour obtenir le statut de réfugiés, contacts en leur nom avec le Service National pour l'Asile, informations sur leurs droits, assistance pour les problèmes de logement, démarches auprès des avocats
ou des hôpitaux, visites à domicile, organisation de rencontres... Il aide aussi ces personnes à s'installer avec leur
famille une fois le statut de réfugiés accordé.
Le travail de Revive est tout à fait dans la ligne du charisme spiritain ; il a été reconnu récemment par le Ministre de
l'Intérieur, David Blunkett, qui cite Revive comme un exemple de la contribution positive que les communautés croyantes peuvent apporter aux exclus de la société.
Le projet 'Kairos' à Londres
Quand la maison de formation était à Hendon dans les années 80, le P. John Kitchen et certains étudiants avaient
l'habitude d'aller dans les rues rencontrer et aider les SDF (sans domicile fixe). L'œuvre est devenue un projet soutenu
en commun avec une paroisse anglicane locale. Par la suite il a eu ses propres locaux dans le sud de Londres. Depuis,
Kairos a progressé : acquisition de nouvelles maisons,
accueil élargi de gens de la rue et accroissement du nombre de personnes qui y travaillent. Aujourd'hui ils ont onze maisons
d'accueil et fonctionnent comme une entité autonome, érigée comme telle en 1992.
Kairos a acquis une excellent années et beaucoup de gens y sont envoyés par les travailleurs sociaux et d'autres
professionnels. Un bon pourcentage de ceux qui ont bénéficié des services de Kairos se sont reclassés dans la société.
La priorité est pour les SDF, dont beaucoup ont des problèmes de drogue ou d'alcoolisme. Les nouveaux
arrivants doivent, au besoin, subir un programme de désintoxication et de stabilisation. Il y a différentes maisons à
divers endroits pour les différentes étapes du projet.
Le Missionary Institute de Londres (MIL)
Les Spiritains ont été une des sept sociétés missionnaires fondatrices du MIL et ils l'ont beaucoup soutenu depuis sa
fondation à la fin des années 60. Bien que ces dernières années il n'y ait eu que peu de spiritains à le fréquenter, la
province d'Angleterre a continué à investir de façon significative dans le personnel d'enseignement et de gestion.
Trois confrères y enseignent actuellement à plein temps. Le MIL est affilié à l'université de Louvain en Belgique et à
celle de Middiesex en Angleterre, ayant des cours en commun avec ces deux universités.
Malheureusement, le nombre d'étudiants venant des sociétés fondatrices a baissé ces dernières années du fait que la
plupart d'entre elles ont décidé de former leurs membres dans leurs pays d'origine. D'autres possibilités sont a
l'étude ; les projets en cours comprennent le renforcement du contenu missiologique des cours proposés, l'introduction
au de cours du soir et d'une formation au leadership. Il est question de l'ouvrir davantage aux laïcs en offrant des cours les aidant à prendre plus de responsabilités dans l'Eglise locale. Davantage d'options seront aussi proposées au
niveau du troisième cycle.
100 ANS DE MISSION
Pendant ces cent années, les missionnaires issus de la Province d'Angleterre ont travaillé dans bien des pays,
notamment : le Tanganyika (Tanzanie), l'Ethiopie, la Gambie, la Sierra Leone, le Nigeria, l'Angola, la Martinique,
Haïti, Trinidad, Maurice, Rodrigue, l'Australie, le Canada, l'Irlande, l'Italie, Jersey, le Pakistan, l'Afrique du Sud, les
USA, la Suisse, le Cameroun, le Congo, le Kenya, le Ghana, la Papouasie... pour n'en citer que quelques-uns.
Ces dernières années, les provinces spiritaines d'Europe ont été invitées à discerner des champs
et des projets mission-naires dans leurs pays. A partir de ce bref aperçu, il est évident que les Spiritains en Angleterre sont convaincus
qu'il ne manque pas de situations missionnaires tant à l'étranger que dans leur propre pays. Avec la collaboration
de confrères du sud et d'autresi circonscriptions d'Europe, ainsi qu'avec le dévouement d'un groupe de laïcs spiritains
engagés, la Province est décidée à repondre au mieux à ces besoins, faisant confiance à la force de l'Esprit-Saint qui a
inspiré et soutenu ses membres depuis cent ans.
repris de Informations spiritaines, 152
mai/juin 2004
Cent ans d'évangélisation par les Spiritains à Madagascar
Sans nul doute l'Église à Madagascar est une des plus belles pages de l'histoire
des missions catholiques, et la Congrégation se doit de rendre grâce à
Dieu pour le rôle essentiel qu'elle a été appelée à
jouer -rôle qui n'est nullement terminé aujourd'hui, car l'appel demeure
à continuer l'oeuvre du Christ dans le monde et dans la grande île.
Les Spiritains de Madagascar viennent de
célébrer discrètement le centième anniversaire de leur arrivée
et de leur présence ininterrompue dans le Nord-Ouest de 1'lle.
C'est le 5 avril 1898 que Mgr Alexandre Le Roy, Supérieur
général de la Congrégation du Saint-Esprit depuis le 24 mai
1896, accepta d'envoyer des missionnaires à Madagascar, après de
longues tractations commencées avant lui, et une attente de
quatre ans. Après la réponse positive de Mgr Le Roy,
les décisions sont allées vite. Le 5 juillet 1898, trois brefs
sont signés par le Pape Léon XIII, et donnent naissance au
Vicariat Apostolique de Madagascar-Nord, confié à la
Congrégation du Saint-Esprit: - Un premier Bref
érige en Vicariat Apostolique le Tiers-Nord de Madagascar, du
18é au 12è parallèle.
- Un deuxième Bref nomme Mgr
François-Xavier Corbet, évêque d'Obba.
- Un troisième Bref
nomme Mgr Corbet Vicaire Apostolique de Madagascar-Nord.
La mise en place du travail missionnaire des
Spiritains commença assez rapidement avec l'arrivée des premiers
missionnaires : le Père Antoine Decressol pour Majunga, le 3
octobre 1898 et le Père Antoine Brunetti, qui avait connu le
Père Libermann de son vivant, pour Diégo-Suarez le 5 octobre.
C'est seulement le 13 décembre 1898 que Mgr Corbet et son futur
Vicaire Général, le Père Georges Leportier arrivèrent à
Majunga. A
peine arrivés, Mgr Corbet et le Père Leportier commencent à
parcourir, en bateau à vapeur ou en filanzane, ce Vicariat qui
occupe le tiers de l'île, pour y installer des postes de mission
et des écoles : à Fénérive-Est (1899), Analalava (1901),
Marovoay, ancienne capitale de l'ethnie Sakalava (1902). A sa-
mort en 1914, douze missions dépendaient du Vicariat Apostolique
de Diégo-Suarez. La progression continua puisqu'en
1923, le Saint Siège décida de scinder ce Vicariat pour créer le
nouveau Vicariat Apostolique de Majunga (plus de 100 000
km2). Mgr Paul Pichot, premier Vicaire Apostolique de
Majunga, fonda un Petit Séminaire dès l'année 1927 et fit venir
la même année les Soeurs missionnaires du Saint Esprit pour
préparer les premiers éléments d'une Congrégation . de
religieuses diocésaines. Cinq feront profession le 16 mai 1937,
et le premier prêtre malgache du diocè se sera ordonné le 15 août 1943.
(A Diego-Suarez, le premier prêtre malgache ordonné le fut en 1929)
Par la suite et jusqu'à nos jours, 38 prêtres ont été ordonnés pour le diocèse de Majunga.
(Antsiranana: 59, Ambanja et Port-Bergé : environ 30.
Fortement soutenue par l'engagement remarquable des Frères
spiritains, des laïcs venus des Plateaux, la mission spiritaine,
après une belle période de prospérité, a permis la création de
nouvelles circonscriptions ecclésiastiques confiées à d'autres
congrégations ou au clergé séculier. Les quelque trente
confrères qui continuent à travailler sur l'île, constituent
surtout un personnel d'appoint pour les services divers qu'on
peut leur demander. A signaler deux engagements significatifs :
le Centre pour les enfants de la rue àAntananarivo, et la
Fondation de l'Océan Indien pour la formation de la relève
missionnaire spiritaine, dans l'esprit du Père Antoine
Decressol, déclarant sur son lit de mort, sept mois après son
arrivée à Mahajanga : " Si je meurs, vous direz à notre
Très Révérend Père que je meurs attaché de tout coeur à la
Congrégation." publié dans
Informations spiritaines N. 125
La Fusion de 1848
Cest une année importante pour nous les Spiritains daujourdhui. Nous lévoquons 150 ans après sachant par notre histoire que quarante-trois personnes ont vécu lévénement appelé "La Fusion". En fait trente quatre membres de la Société du Saint Cur de Marie fondée par Libermann se sont joints et réunis à neuf membres de la Société du Saint Esprit fondée en 1703 par Poullart des Places.
Premières Démarches
Les premières démarches sont menées par trois hommes de conciliation, de mai à Août 1848. Le 8 mai 1848, M. Alexandre Monnet, Supérieur général du Saint Esprit envoie M. Loevenbruck à Notre Dame du Gard où réside M. Libermann, Supérieur général du Saint Cur de Marie : cest pour discuter de la question de lunion des deux sociétés.
A la Pentecôte, les 10 et 11 juin, MM. Monnet et Libermann se rencontrent au Séminaire du Saint Esprit, actuellement Maison Mère des Spiritains, au 30 rue Lhomond, à Paris. Lunion est décidée de principe ; on se met aussi daccord sur un certain nombre de conditions pour la réaliser.
En début juillet 1848, M. Loevenbruck est envoyé à Rome pour présenter lensemble de laffaire au Cardinal Préfet de la Propagande. Le 13 Août, compte tenu des délais dun voyage assez long, M. Loevenbruck dépose "le mémoire" indiquant les raisons en faveur de cette union.
Note de M. Loevenbruck sur les raisons qui font désirer la fusion
- "Les deux Congrégations, daprès leurs règles et constitutions, ont le même but.
- Par la fusion, celle du Saint Esprit se consolide par lacquisition dun excellent et nombreux personnel ; et celle du Saint Cur de Marie sera mieux abritée sous légide de lexistence légale, quelle ne pourrait peut-être jamais obtenir en France, comme la possède celle du Saint Esprit.
- Au Sénégal et à lIle Bourbon (aujourdhui La Réunion) les missionnaires des deux sociétés sont déjà un peu en conflit ; plus tard il pourrait en être de même ailleurs et en résulter de très graves inconvénients, tandis que par la fusion on obviera à tout cela infailliblement.
- M. Libermann a un grand esprit de conciliation ; il jouit pleinement de la confiance de tous les membres des deux sociétés et se trouve par conséquent tout à fait apte à diriger toute luvre ; tandis que M. Monnet paraît beaucoup plus propre aux Missions pour lesquelles il a une aptitude toute spéciale.
- Les deux sociétés, réunies sous un même Supérieur tel que M. Libermann, formeront donc un corps à tous égards plus solide et plus capable de se maintenir au milieu des difficultés actuelles de la France. (Ndr : nous sommes au temps de la Révolution de 1848).
- La maison du Saint Esprit à Paris est assez vaste pour contenir tout le personnel des deux sociétés réunies et fondues en une seule, et il y aura par conséquent grande économie de dépenses, chose très importante dans ces temps de crise financière qui peut encore durer plusieurs années et compromettre lexistence de la Société surtout du Saint Cur de Marie dont les ressources présentes sont à peu près nulles, tandis que celles du Saint Esprit sont jusquà ce moment surabondantes."
Dernières Décisions
La "Note" que nous venons de lire montre la finesse des négociations, tant entre les deux Sociétés quà Rome. Vers le 24 Août, les Supérieurs et Conseil des deux sociétés se mettent daccord sur les modalités de la fusion. M. Libermann est élu le Supérieur général de la nouvelle Société ou Congrégation du Saint Esprit sous linvocation du saint et immaculé Cur de Marie. Il se rend à Rome en Octobre 1848 pour tout faire adopter dune manière claire et précise.
Confirmé Supérieur général en Novembre 1848, M. Libermann décide de vivre dans la maison du Séminaire du Saint Esprit. Lunion ou la fusion est accomplie. La maison est désormais appelée par les Spiritains : "Maison Mère".
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