Cahier Afrique (a)



  En Angola

Par le P. Bernard Ducrot

(...) on sentait, ici et là, comme un frémissement pour la reconstruction du pays…. mais que tout cela n'allait pas vite. Six mois ont passé et le frémissement est maintenant bien sensible. Il y a des chantiers un peu partout. Le gouvernement s'est enfin attaqué au problème des routes. Il était temps car les routes, sujet récurrent de toutes mes lettres, étaient en train de disparaître les unes après les autres. Quel nom en effet donner à ces lambeaux de revêtement qui subsistent encore, ici et là, et qui s'adonnent à une guerre de position, perdue d'avance, face à l'inexorable progression des trous, ornières, crevasses, ravines, nids d'autruches, où les voitures se traînent comme elles peuvent en soulevant des nuages de poussières par temps sec et des gerbes de boue quant il pleut. Un peu comme en montagne on ne comptait plus les distances en km mais en heures de marche.

Tout cela est en train de changer depuis que les Chinois sont arrivés. On ne les avait pas vus venir. On avait bien entendu dire qu'ils étaient en train de reconstruire le chemin de fer de Benguela qui permettait autrefois, il y a bien longtemps, de transporter le cuivre du Katanga et qu'ils avaient signé d'importants contrats - on parle d'un projet pharaonique de 23 villes nouvelles 1 - mais à Malanje ils n'étaient présents que par le biais de leurs produits " made in China "  qui depuis bien longtemps avaient envahi tous les marchés de la ville.

Les Chinois sont donc arrivés à Malanje sans faire de bruit. Lorsqu'on s'est rendu compte de leur présence ils étaient là, massivement là, bien organisés et bien équipés. Ils vivent entre eux et n'ont que peu de contacts avec la population. On les voit surtout aux commandes de leurs engins occupés à labourer ce qui reste des routes. Ils en sont à la première phase qui consiste à retirer tout le bitume et donc à transformer les routes en pistes. Le travail se fait avec beaucoup de machines. Je n'aî jamais vu autant de bulldozers, scrapers, rouleaux compresseurs et autres engins de terrassement réunis. Tout cela travaille sans que la circulation soit interrompue ni dans un sens ni dans l'autre. C'est parfois assez cocasse mais tout se passe plutôt bien sauf lorsque la pluie survient sur les tronçons fraîchement retournés. C'est alors un véritable bourbier. On attend donc avec impatience, et une certaine inquiétude, la seconde phase qui devrait permettre de transformer les pistes en routes.

Ce sont sans doute les cours élevés du pétrole qui permettent enfin cet immense effort de reconstruction du pays tout en maintenant une disparité criante entre les riches et les pauvres. Disons que comme le gâteau est beaucoup plus gros, les miettes qui en tombent le sont en proportion. Un gros effort est en train de se réaliser pour la construction ou la récupération d'écoles et de postes sanitaires. C'est encore très insuffisant, surtout lorsqu'on s'éloigne des villes, mais cela va dans le bon sens. Un indice certain de l'élévation rapide du niveau de vie c'est la multiplication des voitures. Il y en a partout et le stationnement qui jusqu'ici n'avait jamais été un problème, à Malanje du moins, commence à en devenir un. Le paysage est donc en train de changer mais on peut s'étonner de voir le nombre d'entreprises étrangères avec leur personnel étranger s'activer sur les chantiers alors que bien des Angolais sont sans travail ! Les délégations d'entrepreneurs défilent à Luanda. lis viennent des Etats Unis, du Portugal, de Chine, de Corée, de Roumanie, de Russie, de partout mais pas tellement de France qui me semble particulièrement discrète.

Depuis quelques jours nous avons à faire face, ici et dans plusieurs villes du pays, à une forte épidémie de choléra. Les fortes pluies de ces dernières semaines n'arrangent rien (les précipitations sont quatre fois plus importantes cette année que l'an dernier pour le seul mois d'avril, avec déjà plus de 200 mm d'eau ! Alors que je vous écris il vient de tomber 15 mm d'eau en moins d'une heure, soit 15 litres d'eau par M2) . La rivière qui traverse la ville et un grand nombre de puits sont infectés. L'eau de Javel devient introuvable. L'hôpital est saturé et l'on vient d'installer des lits supplémentaires dans des hangars de la station de chemin de fer. Le lieu est plutôt calme : on n'a pas entendu siffler le train depuis 1992, je crois. Il y a une assez bonne organisation et pas de panique mais la situation est très sérieuse.

Dans ma dernière lettre je vous parlais de la récupération de notre résidence de Kiwaba Nzoji. Il y avait, entre autres, deux problèmes : la présence des hirondelles le jour et celle des chauves-souris la nuit. Le premier a été résolu de la manière la plus simple : les ouvriers les ont mangées, tout simplement. J'ai été tout étonné, comme vous sans doute, que l'on puisse manger ces bestioles. Mais après tout, pourquoi pas ! Je leur ai aussitôt suggéré d'en faire autant avec les chauves-souris. Cette fois ce sont eux qui ont été étonnés et même horrifiés -. comme quoi... J'ai suspendu les travaux pour quelques temps afin de pouvoir réaliser des sessions de formation pour les catéchistes. Comme nous n'avons toujours pas d'école pour les former, je passe de temps en temps huit jours dans un village avec 30 ou 40 catéchistes des alentours. J'aime bien cette activité. On a le temps. Pas d'imprévus... Je regrette toutefois de n'avoir pas de stagiaire cette année pour m'accompagner et pas de Soeur non plus. Seul c'est un peu dur car il faut être au four et au moulin. Nous sommes en train de monter un projet pour construire une école de catéchistes mais, en mettant les choses au mieux elle ne devrait pas voir le jour avant deux ou trois ans. Je continuerai donc la formule des sessions.

En août 2007 nous allons fêter les 50 ans de la fondation de notre Diocèse de Malanje. Notre évêque a voulu étendre cette célébration sur une année entière, d'août 2006 à août 2007, afin de faire de cet événement l'occasion d'un renouvellement de la vie chrétienne, de l'annonce de l'Evangile et de la solidarité. Cette année sera donc l'occasion d'une foule d'activités que nous sommes en train de programmer et dont je vous parlerai sans doute la prochaine fois.
P. Bernard DUCROT
Missâo Catôlica de Malanje
Cx.P. 59 Malanje
ANGOLA
avril 2006
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