Cahier Afrique (10)



  LA PREFECTURE APOSTOLIQUE DE LA LIKOUALA



La Préfecture apostolique de la Likouala se situe au nord-est de la République du Congo dont elle constitue aujourd’hui un département de 66 000 km². Sa population totale est de 200 000 personnes, mais avec cette particularité due aux événements des pays voisins (République Centrafricaine, Rwanda et République Démocratique du Congo) qui ont fait affluer 110 000 réfugiés. Localement, il y a seulement 90 000 habitants. Cette préfecture apostolique deviendra un jour le diocèse d’Impfondo. Cette vaste région très humide est accessible par les fleuves Congo et Oubangui, de nombreuses rivières comme la Likouala, par des routes, et par avion.


En responsabilité depuis deux ans

C’est le 25 février 2001 que j’ai pris mon poste à Impfondo. J’ai mission de faire de cette préfecture apostolique qui m’est confiée directement par Rome un diocèse. Alors peu à peu, il s’agit de fortifier ce qui existe et de créer aussi selon les opportunités qui sont données. Ainsi, à Mukabi, à la frontière avec la République Centrafricaine, s’installent des exploitants forestiers. Forcément, une population va s’y fixer et une communauté chrétienne peut y naître.
Les communautés chrétiennes qui apparaissent sur la carte vont devenir des paroisses. Elles vont chercher leurs priorités pastorales et les moyens de les mener à bien. Dans l’histoire récente, et cela se confirme dans l’Eglise du Congo, les Communautés Evangéliques Vivantes (CEV) sont présentes dans les quartiers des grands centres ou dans les villages. Elles tissent un réseau concret d’animation pour les communautés chrétiennes.
Sur le terrain, il y a la place des écoles et des mouvements. Depuis 1998, 5 écoles ont été fondées (Impfondo, Enyele, Bouanela et 2 à Epena) et une nous a été remise par l’Etat à Dongou. Les mouvements sont le Scoutisme, les groupes de l’Action Catholique des Enfants (Kisito/Anuarite), les Servants de Messe (Samuel) et les Servantes de la maison de Dieu (Elisa).
A Impfondo, quatrième ville du pays, l’aumônerie militaire a de l’importance, après les événements de la guerre civile. Dans cette ville de garnison, il y a 500 militaires. Il n’y a pas de service obligatoire, mais les engagements sont nombreux, car les jeunes y trouvent un petit salaire régulier et le prestige de l’uniforme. Il faut les aider à la conscience d’un service pour le bien du pays.

Des orientations pastorales

La lecture de la Parole de Dieu est suivie dans nos communautés chrétiennes. Le conteneur de matériel qui se prépare emporte 500 bibles en français. C’est important pour les gens de nos communautés chrétiennes qui font l’expérience de leur lecture de la Parole de Dieu et du soutien pour leur foi. C’est concret ! La Bible est un cadeau à offrir ! Nous n’y pensons que très peu en Europe : la Bible, un cadeau pour la Profession de foi de préférence aux autres cadeaux !
Les vocations, toutes les vocations, sont prises en compte dans la mise en place d’un diocèse. Ces vocations naissent du milieu humain préparé à les accueillir. Nous avons 5 grands séminaristes : 1 Rwandais (réfugié) étudie à Bangui, 1 Congolais étudie au Nigeria, 1 originaire de Nkayi et 2 d’Impfondo étudient à Brazzaville. Le Rwandais et le Congolais seront prêtres dans deux ans.
Ces séminaristes sont formés au Grand séminaire national de Brazzaville qui a rouvert ses portes depuis 2 ans avec 250 séminaristes.
Pour les vocations religieuses de femmes, le milieu n’est pas porteur. La conférence des évêques du Congo s’y intéresse et par prudence s’appuie davantage sur les congrégations internationales pour donner une assise à cette réalité des vocations de femmes consacrées. Les Oblates du Rosaire sont des femmes consacrées qui accompagnent les activités de la communauté chrétienne.
Les femmes ont une grande place dans nos communautés chrétiennes. Elles rejoignent des groupes ou fraternités sous le patronage d’un saint ou d’une sainte : La Vierge Marie (Légion de Marie, la Supplique de N-D de Bon Secours), Ste Rita, St Michel, Ste Elisabeth, Saint-Vincent de Paul. Ainsi sont prises en charge l’animation de la prière, l’entraide auprès des plus pauvres. Tous ces groupes reçoivent une formation et s’intéressent à la lutte contre le sida (fidélité, protection, intégration du malade dans son milieu familial, éveil dans les écoles).
L'autosuffisance est notre horizon à travers des moyens variés. Ce sont de petites entreprises s’intégrant dans l’économie locale : menuiserie, briques cuites, tuiles en ciment vibré. Ateliers à but non lucratif, mais dégageant des bénéfices. Ce sont aussi des centres d’apprentissage visant à devenir des écoles techniques. Ils sont un soutien aux projets de développement du futur diocèse. On pense aller avec l’aide de la F.A.O. (Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et la nourriture) vers l’élevage de bœufs et des cultures vivrières. Déjà fonctionnent les plantations communautaires sur des terrains de 4 à 5 hectares avec des retombées vers Caritas qui assure le partage et la solidarité.
La culture africaine fait l'objet de notre attention pour valoriser tout ce qui peut l'être. Les prêtres et les religieuses s'y attachent patiemment. Huit prêtres dont quatre Spiritains et quatre Fidei Donum ou prêtres des diocèses voisins d’Afrique centrale. Quant aux communautés de religieuses, il y en a trois des Filles de la Charité de Saint-Vincent de Paul (Impfondo : 5, Epena : 4, Liranga : 3) et une communauté de religieuses africaines, celle des Sœurs du Cœur de Jésus (inspiration de Charles de Foucauld) présente en forêt, près des Pygmées.


La commission des Moyens de Communication Sociale
Elle m’a été confiée. Cela touche à la presse catholique autour de la Semaine Africaine et de l'Imprimerie Saint-Paul. Cela touche le vaste domaine de la radio F.M. Nous avons une émission sur la chaîne nationale, le dimanche matin. Le projet est celui d’une radio communautaire. Pour l’instant, elle rayonnera sur 80 km autour de Brazzaville. Elle fera échec à l’envahissement radio et télé venant de Kinshasa. C’est tout le problème de l’esprit chrétien à faire passer. Elle pourra à l’avenir se renforcer et viser à atteindre d’autres diocèses.
Cette radio communautaire se met en place avec mille démarches à faire. Le personnel est là, compétent : un prêtre et un laïc. L’indicatif est Magnificat, car il a fallu faire attention au contexte politique. C’est vrai que la liberté d’expression est reconnue. L’autorisation du gouvernement passe par le Comité de l’audiovisuel pour l’attribution du créneau des fréquences et le contrôle d’une certaine moralité (politique). Le matériel est arrivé à Brazzaville et mis en place, payé par la Conférence épiscopale italienne sur les fonds attribués à la participation au développement en lien avec les contribuables et le gouvernement italien (8 pour mille pouvant être déduits des impôts et versés sur ce fonds). Elle aide aussi à la formation de techniciens Le salaire du personnel est de 800 F (125 euros) le mois.
Communautés chrétiennes
Liranga (1889)
Betou (1910)
Dongou (1958)
Impfondo (1960)
Epena (1963)
Enyele (1998)
Mukabi (2003)
Bouanela (en projet).
 

Propos recueillis auprès de Mgr Jean Gardin, Cssp


La Conférence Episcopale de l'Eglise du Congo

J’en suis un membre à part entière. Je participe aux rencontres, soit ordinaires, annuelles de mai, pour 8 jours, soit extraordinaires pour traiter des problèmes d’Eglise ou de société. Les dernières de ce genre ont eu lieu à propos de la crise du Pool (au sud) et du pétrole dans la vie du pays et de son développement, notamment comme moyen de réponse aux besoins sociaux (écoles, hôpitaux, routes, sécurité). Ce sont des aspects de Justice et Paix abordés dans nos lettres pastorales et repris dans des colloques régionaux, par des députés à l’Assemblée nationale et dans la presse, comme la Semaine Africaine de Brazzaville, créée par un Spiritain, il y a cinquante ans.
La réconciliation et la paix sont l'objet de l'effort permanent de la conférence des évêques du Congo. Il s'agit de faire se retrouver les gens du Nord et les gens du Sud qui ont été amenés à s’affronter au cours des événements malheureux de la guerre des chefs. Nous ne pouvons pas passer à côté de cette démarche de réconciliation et de paix dans certains groupes.
La présence de l'Eglise donne confiance aux gens. En voici quelques signes tout simples. A 60 km d’Impfondo, en République Démocratique du Congo, il y a le diocèse de Budjala. Deux prêtres de ce diocèse sont passés à Impfondo pour se rendre compte de la situation des réfugiés. Une réflexion confiée en dit long : "Si les Pères repartent, nous aussi nous pouvons repartir". Ce qui signifie rentrer chez eux et reprendre tout à zéro. Cela a commencé.
Au diocèse de Kinkala, dans le sud du pays, Mgr Portella, pense que ses prêtres vont pouvoir rejoindre les 12 paroisses du diocèse. Cela se fait progressivement. Tous y sont déjà allés par train spécial en faisant l’aller et le retour pour la semaine sainte et Pâques 2003. Dans ce même secteur, une mission de la FAO estime que 40% des gens sont rentrés dans les villages depuis fin juin et début juillet. Elle peut reprendre son programme d’aide à l’agriculture. Les ONG reviennent, comme MSF (Médecins sans frontières).
Le Gouvernement lui-même se tourne vers l’Eglise. Un document a été remis au Président Sassou pour substituer au principe de la terre brûlée celui de projets de développement pour les villages. L’arrêt des combats y est favorable et les relations nouvelles Sassou et Ntumi* peuvent permettre d’espérer pour l’avenir. Le Président parle de 7 années pour une nouvelle espérance. De jeunes ex-miliciens sont accompagnés pour leur réinsertion dans la vie normale. Ce qui fait dire à l’Eglise : "L’argent,vous en avez pour mener ces opérations de retour à la vie normale. Nous sommes prêts à aider à l’encadrement et à l’accompagnement de projets constructifs".


Illustrations :
* cartes et paysage
* Deux instantanés de la vie de Mgr Jean Gardin :
- dans un village du secteur d'Enyele, l’apostolat auprès des pygmées et à Impfondo,
- sur un chantier de préparation du bois de
construction. (Photo D.R)
* A Brazzaville, la cathédrale. (Photo A. Grach)

EPHEMERIDE SPIRITAINE

La présentation de la Préfecture de la Likouala nous donne l'occasion de nous intéresser à l'histoire de l'Eglise au Congo. C'est à suivre.

1875
Fondation du petit séminaire de Landana (P. Duparquet), transféré à Loango en 1887 qui est l'évêché de Mgr Carrie depuis le 28 mai 1886 sous le nom de vicariat apostolique du Congo Français. Ce vicariat prendra le nom de vicariat apostolique de Loango, le 22 avril 1907 avec Mgr Jean Derouet comme vicaire apostolique, puis de vicariat apostolique de Pointe-Noire, le 10 janvier 1949.

1885
La conférence de Berlin fait le partage de la région de la préfecture civile du Congo entre le Portugal (Angola et enclave de Cabinda), le roi Léopold II (Etat indépendant du Congo) et la France (Congo français).

7 juillet 1887
Fondation de la mission de Brazzaville avec les PP. Augouard et Georges Schmitt, et le Frère Savinien Weckmann.

1945
Début d'un grand essor des paroisses dans le diocèse de Brazzaville et expansion des séminaires. Le Congo connaît alors 5 nouvelles fondations : Ouenzé, Zanaga, Dolisie, Sibiti et Divenié.


1- Illustration : Hommage au frère Alexandre, premier frère spiritain, pilote du bateau de Mgr Augouard. (Photo de la Mission d'Impfondo)
2- Note : Cet article est extrait de "Revue Saint-Joseph" N° 973 , nov-déc. 2003

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