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Des raisons d'espérer  
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C’est la conviction du P. Bernard Foy, c’est celle aussi d’Eva Monique Ravaloriaka, maire de la ville de Manjakandriana (Madagascar) depuis 2008.

La femme africaine est l’avenir du continent


Missionnaire au Cameroun durant près de 40 ans, connaissant bien le centre et le sud du pays, Bernard Foy Ă©crit : « Au cĹ“ur de chaque femme, il y a une conviction : toute grossesse est d’abord don de Dieu. Il faut la protĂ©ger. La femme est le cĹ“ur du foyer. “LĂ  oĂą il n’y a pas de femme, c’est les tĂ©nèbres !” »
La femme cultive le champ familial ; elle cuisine. Elle soigne en cas de maladie, accompagnant les différentes étapes de guérison. Quand la santé est retrouvée, elle organise la fête. Elle fait la toilette des défunts. Elle est seule habilitée à faire les rites du veuvage.
Au regard de cette forte présence dans la famille et le village, on peut dire que rien ne se fait sans l’assentiment des femmes. En fait, ce sont elles qui décident de tout. Il faut avouer que ce sont elles aussi qui font tout. Elles tiennent en main l’économie de la famille et du village. C’est toute la source de leur autorité. Ce qui vaut pour le centre et le sud du Cameroun se retrouve dans d’autres contextes culturels en Afrique.
 
La femme africaine, atout pour la modernité
Les femmes participent au développement de leur pays en se lançant dans des activités génératrices de revenus. Elles rentrent là vraiment dans la modernité, soit en milieu rural, soit en milieu urbain où elles tiennent une place importante dans l’économie informelle.
Dans une ville comme Yaoundé, 70 % de la population active travaillent dans cette économie. Prenons
3 domaines dans lesquels les femmes s’investissent. Ainsi, nous pourrons saisir l’immense place qu’elles occupent dans leur marche vers la modernité.
Dans le commerce tout d’abord, on trouve les bayam-salem, les revendeuses. Elles achètent les produits en milieu rural et les revendent en ville à d’autres femmes dont le métier est d’écouler ces produits, chacune trouvant son profit dans cette chaîne de commerce. Au retour, elles font l’inverse : elles achètent des produits de la ville pour les revendre en milieu rural.
Dans le domaine de la restauration, ensuite, on trouve les tourne-dos (en Côte d’Ivoire, on les appelle les maquis), là où l’on peut manger et boire en bordure de route. C’est bien pratique quand on voyage. En ville même, il y a les vendeuses ambulantes qui proposent la nourriture aux passants et au personnel dans leurs propres bureaux administratifs. Tout carrefour urbain est transformé en un marché où on achète, on vend, on boit ou mange informellement. Il faut prendre conscience que ce commerce étonnant a permis à de nombreuses femmes de payer les frais de scolarité de leurs enfants jusqu’à des niveaux universitaires.
Enfin dans le domaine de l’habillement, les ateliers de couture tenus par de nombreuses femmes, chacune ayant sa machine à coudre, habillent plus de 90 % de la population.
Tous ces domaines montrent la place de nombreuses femmes, certes humbles mais combien efficaces, dans l’émergence de la modernité. Cela n’empêche pas qu’il y ait aussi des femmes qui, ayant fait des études supérieures, contribuent activement à aider leur pays à prendre une nouvelle place dans le monde d’aujourd’hui.
Bernard Foy
befoy@wanadoo.fr
 



Des femmes d ’influence sur le continent africain : 1. Mme Joyce Banda, présidente du Malawi depuis avril 2012. 2. Mme Fatou Bensouda, Gambienne, procureur de la cour pénale internationale. 3. Mme Dambisa Moyo, Zambienne, économiste. 4. Mme Nonkululeko Nyembezi-Heita, Sud-Africaine, directrice générale d ’Arcelor-Mittal pour l ’afrique du Sud. 5. Mme Bineta Diop, Sénégalaise, fondatrice de l ’ONG Africa femmes solidarité. 6. Mme Wangari Maathai, Kenyane, militante politique et écologique, prix Nobel de la paix. 7. Mme Ngozi Okonjo-Iweala, Nigeriane, ancienne directrice de la banque mondiale. 8. Mme Nkosazana Dlamini Zuma, présidente de la commission de l ’Union africaine. 9. Mme Were Were Liking, Camerounaise, dramaturge et metteur en scène. 10. Mme Angélique Kidjo, Béninoise, chanteuse de renommée mondiale . / 11. ci-dessous : Eva Monique Ravaloriaka,
 

Eva Monique Ravaloriaka, maire, pour changer les mentalités

LaurĂ©ate du prix Harubuntu 2011 rĂ©compensant les candidats ayant fait preuve de crĂ©ativitĂ© et d’adaptabilitĂ© en Afrique, dans des contextes souvent difficiles, Eva Monique Ravaloriaka a participĂ© pour la 1re fois, en dĂ©cembre 2012, au sommet « AfricitĂ©s Â» qui se dĂ©roulait Ă  Dakar. Elle aimerait que son parcours incite les Africaines Ă  s’engager en politique.
Sa voix claire et posĂ©e masque en rĂ©alitĂ© une dĂ©termination sans faille. C’est d’ailleurs contre l’avis de son mari et de ses 2 filles, et seulement encouragĂ©e par son fils, âgĂ© alors de 13 ans, qu’elle a dĂ©cidĂ©, fin 2007, de se prĂ©senter Ă  l’élection municipale de sa commune, Manjakandriana, ville de 25 000 habitants situĂ©e Ă  un environ 50 km d’Antananarivo, la capitale malgache. MĂŞme si elle concède aujourd’hui qu’il lui a fallu une nuit de rĂ©flexion pour s’engager en politique, cette enseignante qui a reçu une formation d’ingĂ©nieur agronome n’a jamais dĂ©viĂ©, depuis, de sa trajectoire.
 
Ne pas rester spectateur. Devenir acteur !
« Tu dois rester chez toi t’occuper de ta famille. Tu es juste une poule qui chante ! » Voilà ce que ses 3 adversaires pour la mairie – tous des hommes – ne manquèrent pas de lui lancer.
« Alors, je leur ai répondu : “N’oubliez pas que vous n’arriverez pas à avoir des œufs sans les poules !” » C’est grâce, entre autres, à ce sens de la répartie qu’Eva Monique a été élue à la mairie en janvier 2008. C’était une victoire inattendue dans un pays qui compte 1 550 communes dont seulement 60 sont dirigées par une femme, soit moins de 4 %.
« On ne considère pas les femmes Ă  Madagascar alors qu’il y a des intellectuelles qui ont leur compĂ©tence et leur savoir-faire, dĂ©plore-telle. En gĂ©nĂ©ral, les femmes arrivent Ă  mieux comprendre la sociĂ©tĂ© car ce sont elles qui s’occupent de la famille et du social. Alors il ne faut plus que les femmes restent spectateurs mais qu’elles deviennent de vrais acteurs du dĂ©veloppement du pays et du dĂ©veloppement local. Â» Elle utilise volontairement spectateurs et acteurs au masculin comme pour mieux appuyer son propos dans un pays restĂ© très patriarcal, oĂą les femmes sont rĂ©duites aux tâches mĂ©nagères ou subalternes et oĂą elles n’ont encore que peu d’accès Ă  l’éducation.
 
Changer les mentalités
Dans sa commune essentiellement rurale, qui s’étend sur 71 km² (105 km² pour Paris intra-muros) et se compose essentiellement de hameaux répartis en 24 quartiers, Eva Monique s’est beaucoup employée à faire changer les mentalités. « Dans les campagnes, affirme-t-elle, les femmes ne connaissent pas leurs droits. J’ai donc organisé des rencontres avec des juristes pour donner des formations car les violences faites aux femmes restent un réel problème dans notre pays. » À la mairie, elle a également reçu des couples pour tenir le rôle de conseillers et de conciliateurs, tant et si bien que, sous sa gouvernance, les violences conjugales ont considérablement diminué, les recours devant les tribunaux baissant eux-mêmes de 90 %.
Pour autant, Eva Monique n’a pas concentré son action de maire sur la seule solution du statut civil des femmes. Avec ses 33 conseillers municipaux, elle s’est également attelée à moderniser Manjakandriana qui vient juste de passer du statut de commune rurale à celui de commune urbaine, un changement qui va notamment lui permettre d’obtenir plus de crédits du ministère de la Décentralisation, l’un des rares portefeuilles malgaches – c’est un hasard – à être détenu par une femme. Le budget annuel de la commune, évalué à 200 millions d’ariary (68 000 € environ), devrait augmenter et lui permettre d’améliorer encore les infrastructures. Alors que la commune avait des dettes à son arrivée, elle a réussi, en 4 ans d’exercice, à améliorer les routes et les ruelles, à faire construire des escaliers dans les quartiers escarpés, à installer des bornes-fontaines, mais aussi à faire bâtir une école et à rénover le grand marché.
Armée parfois d’un mégaphone, elle répand la bonne parole dans les communes avoisinantes, dans le but d’inciter d’autres femmes à suivre son exemple, à s’impliquer dans la vie publique à tous les niveaux, lors d’une année 2013 qui sera marquée par des élections municipales et législatives. « La femme africaine est l’avenir du continent », se plaît à rappeler Madame le maire.
 
Page préparée par Charles Distel

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