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  Dossier      Spiritains en Éthiopie : Mission oecuménique 


Les 1ers pas d’une mission oecuménique


À partir de 1972, des spiritains ont commencé en Éthiopie une mission inédite. Auprès des tribus de pasteurs. En collaboration avec l’Église orthodoxe éthiopienne. Pourquoi ? Comment ? Rappel des faits..




Le concile de Vatican II, qui finit en 1965, insiste sur la nature missionnaire de l’Église. Le chapitre général spiritain de 1968 réoriente la mission spiritaine : « L’évangélisation des pauvres est notre but. Nous allons vers les populations, groupes et personnes les plus pauvres qui n’ont pas encore ou peu entendu le message de l’Évangile, vers ceux dont les besoins sont les plus urgents, vers les oppressés » (Règle de vie spiritaine, n° 4).
À la fin des années 1960, après la guerre du Biafra, nombre de spiritains irlandais sont expulsés du Nigeria. Ils cherchent d’autres pays de mission et décident de venir en Éthiopie. En même temps, des spiritains néerlandais et américains, voyant que l’Église de Tanzanie était prête à prendre le relais, choisissent l’Éthiopie et ses nombreuses tribus nomades non évangélisées pour leur nouveau terrain de mission.
Après dialogue avec les autorités éthiopiennes et les responsables spiritains à Rome, 2 groupes distincts arrivent en Éthiopie en 1972. Leur projet signalait des régions où aucun missionnaire n’était encore allé et où l’Église orthodoxe n’était pas présente. Après quelques mois d’étude de la langue, ils rencontrent les responsables de l’Église catholique à Addis-Ababa et ceux du vicariat d’Awassa. Et acceptent de venir en Éthiopie.

En pays Borana
Le vicariat d’Awassa, large d’environ 300 km, s’étend de la frontière du Kenya jusqu’à la ville d’Awassa, 500 km plus au nord. Sa partie nord, bien arrosée (terres hautes), est très fertile. On y cultive café, bananes et légumes. La partie sud (terres basses) en revanche est semi-désertique : la pluie ne suffit pas pour une récolte. La seule possibilité de survie sont les troupeaux. Les Boranas vivent avec leurs chèvres, leurs vaches et quelques chameaux. À cause de la sécheresse persistante, ils se déplacent beaucoup pour trouver pâturages et puits nécessaires à la survie de leurs troupeaux et de leurs familles.
C’est dans ce contexte que les spiritains sont venus proposer l’Évangile de Jésus-Christ. D’abord en apprenant la langue et en s’initiant à leur culture. Puis en cherchant comment la Bonne Nouvelle pouvait y être présentée. Mais comment s’adresser régulièrement à des gens qui se déplacent avec leurs troupeaux pour trouver de quoi survivre ? À la diffculté de la langue et de l’initiation aux coutumes traditionnelles, s’est ajoutée celle de garder contact avec des nomades qui se déplacent dans des régions inaccessibles où ils perdent vite le contact avec les missionnaires. Telles étaient les conditions dans lesquelles les spiritains ont accepté de travailler. Après des années de mission auprès des Boranas, quelque 1 000 personnes ont été baptisées. Ce n’est qu’un début. Ces baptisés ne peuvent pas être laissés seuls pour faire grandir leur foi chrétienne. Le suivi pastoral devrait être assuré par des prêtres venant de leur propre culture. Mais il n’y a pas encore de vocations dans une très jeune communauté chrétienne. L’unique aide sur laquelle le missionnaire peut compter vient des chefs de communautés et des catéchistes. Ils comprennent leur propre culture et peuvent expliquer les enseignements de l’Évangile dans leur propre langage et à travers leur propre culture. Un travail qui prendrait des années pour un étranger. Depuis 2 ans, nous avons introduit le concept de petites communautés chrétiennes dans la culture borana. Une méthode d’apprentissage de la vie chrétienne et de la Bible qui nous vient d’Amérique du Sud. Ici, les gens d’un village se rencontrent pour lire et discuter de l’enseignement de Jésus et de la façon de le mettre en pratique tous les jours. Avec l’aide de l’Esprit Saint et un long travail pastoral, les Boranas porteront eux-mêmes le message de paix et de vie aux futures générations.

En région Gamo-Gofa
Les 1res approches de la région Gamo-Gofa ont laissé croire aux spiritains arrivés entre 1972 et 1977 qu’elle était habitée par des tribus non évangélisées. La réalité de la présence de l’Église orthodoxe leur est bientôt apparue à Arba Minch, Chencha et Saula.
« Le 29 décembre 1974, fête de l’archange Gabriel, reste dans ma mémoire, écrit le P. Owen Lambert. J’ai rejoint les milliers de pèlerins marchant de Chencha, où j’habitais, pour aller à l’église St-Gabriel, à 30 km dans la montagne. Plus de 50 000 personnes, beaucoup portant des enfants à baptiser. Et, en offrande, chèvres, moutons, poulets et quelques boeufs. À l’aube, se suivirent la célébration des baptêmes, la bénédiction du peuple avec l’eau de la fontaine, la procession portant 3 fois le tabot ou table d’autel autour de l’église et l’eucharistie. Quoique étranger, j’ai été touché par la profondeur de foi chrétienne de ce peuple. Que peut signi# er notre mission dans de telles conditions, si elle ne tient pas compte de cette tradition chrétienne qui saute aux yeux ? J’ai cherché la réponse durant les 9 heures de marche retour vers Chencha. Et au cours des semaines et des mois qui ont suivi. »
D’autres missionnaires, sensibles eux aussi au souffle oecuménique de Vatican II et à la redécouverte des Églises soeurs, ont fait des expériences similaires. Certains ont eu des contacts réguliers avec le clergé d’Arba Minch et son archevêque orthodoxe. Quand ce dernier a construit la 3e église, ils ont soutenu la communauté orthodoxe de leurs moyens. Arba Minch venait de passer de 15 000 à 50 000 hab. La paroisse catholique, la Présentation- du-Seigneur (2 février !), a été ouverte en 1990 pour les besoins des catholiques de la ville. Avec l’approbation des " dèles, elle a été consacrée le 10 février 1990 par Son Excellence Abuna Fikre Mariam Gemechu. Une plaque fixée au mur du choeur le rappelle.
Entre 1974 et 1977, nous avons pris contact avec les 4 paroisses orthodoxes de la ville de Chencha et la plupart des 41 paroisses éparpillées dans les montagnes et les vallées de la région. Les plus anciennes d’entre elles, Saint-Georges à Dorzé et Sainte-Marie à Birbir, datent de 1500. Les Soeurs franciscaines d’Afrique ainsi que les Soeurs missionnaires médicales de Marie ont pris part à cette mission. L’ouverture du centre de formation du clergé orthodoxe de Chencha, entre 1977 et 1978, fut un apport important dans la vie de l’archidiocèse. La plupart des membres du clergé orthodoxe local (environ 1 500 prêtres et 2 000 diacres à l’époque) y ont pris part 6 mois par an durant plusieurs années.
Les mêmes réalisations se sont faites à Saula autour de plus de 40 paroisses orthodoxes et de leurs églises et monastères. Nous nous sommes rendu compte que, dans l’archidiocèse de Gamo-Gofa, plus de 150 paroisses orthodoxes étaient desservies par moines, prêtres et diacres. La tradition chrétienne orthodoxe et sa spiritualité sont profondément ancrées dans la culture de beaucoup de gens. Toutes ces paroisses ont été construites par les gens eux-mêmes, sans aucune aide extérieure et uniquement avec le clergé local.

La tradition chrétienne orthodoxe et sa spiritualité sont profondément ancrées dans la culture de beaucoup de gens

Cette situation en Gamo-Gofa nous a fait véri" er notre objectif initial de première évangélisation. Et chercher comment avancer dans ce nouveau contexte ? Le souffle oecuménique de Vatican II parlant des Églises soeurs et les directives précises que l’Église catholique a petit à petit élaborées nous ont aidés à recadrer notre mission en fonction de la forte présence de l’Église orthodoxe. Notre démarche missionnaire vers les tribus proches des frontières du Kenya découle de cette ré$ exion. Depuis décembre 1983, en lien avec l’Église orthodoxe, la 1re évangélisation est commencée auprès des pasteurs hamer à Dimeka avec l’ouverture de 4 paroisses orthodoxes. Même chose à Jinka, auprès des populations ari, benna, mali, mursi… À partir des 15 paroisses orthodoxes et de leur archevêque.
En 1977, notre groupe spiritain a présenté sa façon de voir la première évangélisation réalisée avec l’Église orthodoxe lors d’une rencontre de l’ensemble du vicariat. Les participants étonnés se sont demandé s’il n’était pas idéaliste de vouloir réaliser une telle mission après les pauvres relations ayant existé entre les 2 Églises et la suspicion réciproque qui en découle mais ils ont autorisé l’expérience. Nous sommes repartis avec une forte détermination qui s’est traduite par un dialogue vécu dans un profond respect, une attention plus soutenue à la présence de l’Église orthodoxe et un e% ort d’inculturation de ses traditions, de sa spiritualité et de sa foi.
> Les spiritains en Gamo-Gofa ont mieux compris que la mission d’évangéliser contient dans son coeur un effort à faire pour restaurer l’unité visible de l’Église, le Corps du Christ. Le chapitre général de la congrégation de 1992, à Itaici, a fait de cette démarche missionnaire oecuménique une des priorités spiritaines. En la présentant comme un signe prophétique pour notre temps (cf. Règle de vie spiritaine, n° 17 et n° 17.1).




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