Dossier
Spiritains en Éthiopie : Mission oecuménique
Des siècles imprégnés de foi
Berceau de l’humanité, visitée pour sa culture imprégnée de siècles de foi chrétienne, l’Éthiopie est, en
2009, un pays de 85 237 000 hab. Addis-Ababa, la capitale, est le siège de l’Union africaine. Survols
d’une histoire aux interférences multiples.
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Née il y a près de 3 000 ans,
État indépendant le plus
vieux d’Afrique, l’Éthiopie
apparaît avec le royaume de D’mt,
(IIIe-IVe siècle av. J.-C.), suivi du
royaume d’Axoum, le 1er grand État
connu d’Afrique.
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Vers 330, le roi Ezana se convertit
au christianisme. La population
suit. Le royaume déclinera au
VIIe siècle, coupé du reste du monde
chrétien par les Perses, puis l’islam.
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En 1527, débute une guerre
entre musulmans et l’empire chrétien
éthiopien qui gagne grâce au soutien
du roi du Portugal.
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En 1621, des jésuites imposent
le catholicisme romain à l’Éthiopie
en convertissant l’empereur Sousényos.
S’ensuit une guerre civile qui, en
1632, fera abdiquer Sousényos en faveur
de son " ls Fasilidas. Celui-ci expulse
les jésuites en 1633 et, en 1635,
fait bâtir une nouvelle capitale à Gondar.
Elle sera place forte et centre religieux,
administratif et commercial.
Des con$ its entre chefs de guerre mèneront
à l’e% ondrement du royaume.
L’instabilité continuera jusqu’en 1855.
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L’arrivée du Neguse Negest (« roi
des rois ») Tewodros II (1855-1868)
verra le début d’une centralisation du
pays achevée sous Haile Sellassie Ier.
Les Égyptiens convoitent l’Abyssinie.
Ils seront battus à Gura en 1876. Les
Italiens, repoussés à Dogali (1887),
tentent d’envahir le pays ; le négus
(roi) du Choa, Menelik, les repousse
à Adoua (1886) avec ses 100 000
hommes et délimite avec eux la frontière
entre l’Éthiopie et l’Érythrée.
L’Éthiopie est reconnue souveraine
et indépendante. Devenu empereur,
Menelik II va repousser les frontières
vers le sud, l’ouest et l’est. Il modernise
son pays grâce aux technologies européennes
(par ex. le fameux train djibouto-
éthiopien), au développement
des infrastructures et à la création
d’un Conseil de ministres. Et fonde en
1886 Addis-Ababa (« Nouvelle Fleur »
en amharique, nom que lui donne
l’impératrice Taytu).
En 1913, son successeur, Lij Iyasu,
se rapproche de l’islam. L’Église
éthiopienne orthodoxe soutient ses
opposants. Un coup d’État place
Zaouditou sur le trône impérial.
En 1924, l’Éthiopie est le 1er État
africain dans la Société des Nations.
En 1926, Haile Sellassie Ier devient le
225e et dernier roi de la dynastie salomonide.
En 1935, Mussolini envahit
l’Éthiopie et occupe partiellement le
pays du 5 mai 1936 au 5 mai 1941.
Addis-Ababa est libéré par la résistance
éthiopienne et par les troupes
de l’Angleterre, surtout. Malgré la
modernisation du pays, le mécontentement
populaire croît contre le pouvoir
théocratique et féodal.
En 1950, l’ONU décide que
l’Érythrée, ex-colonie italienne, sera
autonome et fédérée à l’Éthiopie.
En 1962, apparaissent des mouvements
indépendantistes dans
le pays alors réduit au rang
de province éthiopienne.
En 1963, l’Ogaden demande
son rattachement à
la Somalie. Suivent plusieurs
guerres contre la Somalie et une
guerre civile entre le gouvernement
et les rebelles.
En 1963, Addis-Ababa
reçoit le siège de l’Organisation de
l’unité africaine (OUA) qui deviendra
l’Union africaine.
En 1974, un mouvement de
révolution élimine l’empereur Haile
Sellassie Ier. Une junte militaire (le
Derg) établit un État socialiste dirigé
par Mengistu Haile Mariam. Soutenu
militairement par l’URSS, l’Allemagne
de l’Est et Cuba, Mengistu
s’est montré agressif contre le Nord et
ses habitants. En 1987, est créé le Parti
des travailleurs d’Éthiopie (PTE).
La dictature du Derg plonge le pays
dans la guerre civile. En 1991, vaincu
par la coalition Tigré-Érythrée, s’enfuit du pays.


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Les trésors du lac Tana
Situé à 1 840 m
d’altitude, l’immense
lac Tana est
alimenté par 60
affl uents. Long de
85 km et large de 65,
c’est un vrai paradis
pour les 831 espèces
d’oiseaux enregistrés.
Le lac Tana compte 30
îles et 38 vrais monastères
abritant de
nombreux trésors de
l’art médiéval. Le port de Baher Dar en permet l’accès en bateau. Les murs de leurs
églises sont admirablement peints. On y trouve des manuscrits illustrés d’une valeur
inestimable, des icônes et des croix, des couronnes historiques et de beaux
vêtements royaux et ecclésiastiques.
Plusieurs de ces vrais monastères remontent aux XIIIe et XIVe siècles mais leurs
églises datent plutôt du XVIIe siècle et plus tard. La clôture monastique exclut les
femmes des monastères cénobitiques, comme à Kebran Gabriel.
Gondar Fondée par l’empereur
Fasilidas en
1635, Gondar a été la
capitale du royaume
d’Éthiopie jusque
sous le règne de l’empereur
Tewodros! II
(1855-1868).
Grand centre commercial
traitant avec
les pays riches du
sud du Nil Bleu ainsi
qu’avec le Soudan et
le port de Massaoua sur la mer Rouge. Connue pour l’architecture et la décoration
de ses églises et pour ses châteaux dont le plus ancien et le palais des Bains furent
construits par l’empereur Fasilidas lui-même, Gondar est classée au patrimoine
mondial de l’humanité par l’Unesco.
Lalibela
Sanctuaire sacré
dont les racines
remontent à l’homme
des premiers âges et
cité marquée par la
légende. Dans la zone
de Lalibela se trouvent
11 remarquables
églises creusées dans
la roche. Elles auraient
été taillées par
le roi Lalibela à la fi n
du XIIe et au début du
XIIIe siècle. Excavées à l’intérieur d’un solide rocher, elles sont considérées comme
une des merveilles du monde et classées au patrimoine mondial de l’humanité par
l’Unesco.
Légende des photos : 1. Au monastère Kebran Gabriel, sur le lac Tana, un évangéliaire. 2. Château
construit par l’empereur Fasilidas, à Gondar. 3. L’église Saint-Georges, à Lalibela. 4. Stèle
d’Axoum. 5. Salomon et la reine de Saba. 6. Regards peints dans l’église Wera Kidane Mehret.
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Une nouvelle
Constitution divise le pays en régions
autonomes. Mais certains territoires
aspirent à l’autodétermination.
Après des
années de lutte armée,
l’Érythrée devient en" n
indépendante en 1993.
La guerre Érythrée-Éthiopie
aura fait plus de 80 000 morts
entre 1998 et 2000. Le 15 mai
2005, des élections générales
devaient renouveler les 548
sièges de l’Assemblée des représentants
du peuple. L’opposition, et
notamment la Coalition pour l’unité
et la démocratie (CUD), a# rme que
sa victoire lui a été volée par le Front
démocratique révolutionnaire. Début
novembre 2005, des violentes manifestations
à Addis-Ababa provoquent
la mort d’au moins 100 personnes et
l’arrestation de 2 000 opposants, dont
des dirigeants du CUD. Dans ses
frontières, l’Éthiopie est confrontée
au Front de libération Oromo (FLO)
et au Front national de libération de
l’Ogaden (FNLO). Le régime actuel
tente de consolider son pouvoir, en
s’opposant aux revendications frontalières
de l’Érythrée et aux mouvements
nationalistes et/ou islamistes
somaliens.
Aujourd’hui, 85 % de la population
active de ce pays de
1 127 127 km² travaille dans le
secteur agricole. Les altitudes extrêmes
se situent entre - 125 m (dépression
des Danakil) à + 4 533 m
(Ras Dashen). Addis-Ababa (plus de
4 millions d’hab.) se situe à 2 400 m
d’altitude. L’Éthiopie est le berceau
de l’araire. Les gens des Hauts Plateaux
pratiquent une agriculture vivrière
et traditionnelle : te% , éleusine,
ensete (faux-bananier) et café. Ce
dernier, cultivé sur 400 000 hectares,
produit 230 000 tonnes. Plus de la
moitié est consommée dans le pays.
L’autre moitié représente 60 % de
ses exportations. Véritable mine d’or
pour les torréfacteurs internationaux,
il n’apporte aux producteurs que 6 %
de ce qui est vendu en supermarchés
et épiceries. Avec un PIB par habitant
inférieur à $ 1 346 (2008), l’Éthiopie
manque de sécurité alimentaire et dépend
des bailleurs de fonds.
Le regard,
symbole de lumière
Des pupilles immenses, vives et captivantes…
D’où vient la fascination
des regards de la peinture éthiopienne
? Au IVe siècle, l’Éthiopie est
le premier pays d’Afrique noire à
avoir adopté la religion chrétienne.
La sculpture fi gurative étant bannie,
l’édifi cation et la ferveur des fi -
dèles passera par peintures murales,
icônes, manuscrits dans les églises
et les monastères. L’Éthiopie des
Hauts Plateaux demeure profondément
africaine à l’intérieur de la tradition
apostolique du siège de saint
Marc à Alexandrie, cité cosmopolite
où tous les courants du monde antique
se rencontraient. Au fi l des
siècles, des prêtres-peintres vont assimiler
et réinterpréter les modèles
extérieurs, grecs, syriaques, arméniens,
italiens, etc.
Avec ses formes stylisées, sa palette
de couleurs réduite, sa géométrisation
du décor et son absence de
perspective, cette peinture frappe
par sa simplicité. Le regard, expression
de la beauté et symbole de la
lumière, acquiert une force presque
hypnotique. En 1932, l’ethnologue
Marcel Griaule relate la purifi cation
par le recueillement, l’abstinence,
le jeûne et la prière que s’impose le
prêtre-peintre avant de se mettre à
l’ouvrage. Pour que l’Esprit habite
la peinture et que toute imploration
soit exaucée.