Sur un territoire de 300 km sur 300 administré à
partir de quelques centres dont ils ne se soucient guère, les Borana
recherchent pâturages et eau. Ils vont au marché acheter provisions et
vêtements, boire et vendre leur bétail. Leurs cases faites de bois et de terre
sont faciles à construire mais vite attaquées par les termites. Les femmes
entretiennent le foyer, ramassent le bois, puisent l’eau et préparent les
repas. N’importe qui peut arriver n’importe quand, il trouvera de quoi manger
et boire. Les hommes choisissent pâturages et points d’eau. Les enfants gardent
veaux et chèvres. Puis, en grandissant, bœufs, vaches et chameaux. Les femmes
assurent aussi leur tour de garde. Seuls quelques propriétaires de troupeaux,
fournisseurs de viande du pays, sont riches. Mais ce sont les commerçants qui
tirent le plus de profit de ce bétail. Santé, éducation, services vétérinaires
et commerce sont aux mains d’immigrants non borana. Poussés par le
gouvernement, les Borana commencent à cultiver en champs.
Présents à ce peuple depuis 1972,
les spiritains ont formé des communautés chrétiennes. Leur annonce de
l’Évangile s’est faite par un long travail d’inculturation.
Aujourd’hui, des rites de la
messe s’expriment en borana. La demande de pardon :
les fidèles sortent de l’église, prennent chacun quelques brins d’herbe et
viennent les déposer au pied de la croix. Puis reviennent à leur place. Après
la proclamation de l’Évangile, le livre de la Parole passe de mains en mains,
sous les battements de tambours accompagnant le chant de la chorale. Chaque
fidèle vénère le Livre de la tête ou des lèvres. Pour l’offrande du pain et du
vin, le prêtre invite tous les participants à défiler autour de l’autel pour
bénir les offrandes en étendant sur elles la main droite. Femmes et hommes font
ce geste avec grande dignité. Certaines lèvres murmurent des paroles
silencieuses. En retournant à leur place, tous déposent leur petite offrande
dans un panier posé devant l’autel.
Les Borana ont du mal à intégrer
l’éducation scolaire dans leur système de valeurs. Jusqu’en 1970, très peu
d’entre eux étaient allés à l’école primaire. Encore moins nombreux ceux qui
avaient atteint le secondaire. Quelques rares unités étaient allées en écoles
techniques, collèges agricoles ou universités. Le 1er lycée a ouvert
en 1980 à Yabello. Un autre, 250 km
plus à l’est, à Neghele. Un 3e à Moyale, 250 km plus au sud. Il n’existe pas d’autre école
au-dessus du primaire sur tout le territoire borana.
En 1972, après consultation du
gouvernement et des anciens, les spiritains décident d’y ouvrir des écoles : 1re école
primaire en 1975 à Dhadim, 2e à Dhoqqolle en 1981, 3e en
lien avec le gouvernement à Dharito.
Pendant des années, sécheresses,
batailles entre nomades, manque de personnel et changement de gouvernement
empêchent d’en ouvrir d’autres. Fin 1980, les spiritains réalisent que les
élèves sortant des écoles primaires n’ont pas où se loger à Yabello. Ils
décident d’y construire des foyers pour étudiants. Le 1er pour les garçons en
1997. Le second pour les filles en 2002. Avec dortoirs, salle à manger,
cuisine, salle équipée télé et vidéo, bureaux et bibliothèque. « Avec 3 employés, explique le P. Vincent Stegman, nous assurons des cours supplémentaires
d’anglais. Et organisons une vie communautaire chrétienne par des temps de
prière et d’études bibliques et 2 petits groupes de catéchèse. Nous sentons que
nous améliorons ainsi la vie des enfants et de leurs parents borana. »
L’école de Dhadim et celle de
Dharito accueillent chacune 420 élèves. Celle de Dhoqolle et ses 6 classes, 320
élèves. Les foyers de Dubluq et Yabello chacun 40 filles et 80 garçons. Au
total, 1 280 étudiants
s’inscrivent dans ces écoles. Plus de 120 d’entre eux passent l’examen officiel
de la 8e. En 2009, tous ont réussi leur examen d’entrée en 9e. Un seul problème : le Programme alimentaire
mondial offre un repas aux enfants des écoles publiques. Pas aux écoles privées
qui ont à trouver elles-mêmes les moyens de nourrir leurs enfants. « Comme le kg de maïs est passé de 1,50 à 4 bir et que les parents n’ont
pas de moyens, nous avons cessé de servir les repas », déplore le P. Iede. En ajoutant : « Au fil
des ans, des milliers de garçons et de filles ont pu devenir enseignants,
infirmières, enseignants, administrateurs. Il nous faudrait $ 38 400/an
pour nourrir nos 1 280
étudiants. Des sponsors soutiennent les foyers de Yabello et l’école de
Dharito. Il nous faudrait $ 20 000 pour offrir un repas
aux 800 autres jeunes borana. Et leur permettre de se mettre un jour au service
de leur peuple. »
Étudiants à l’université d’Arba
Minch, où ils ont été envoyés avec 12 000
autres jeunes, quelques garçons et filles viennent d’animer la messe avec
chants accompagnés à l’orgue électronique et tambour. Portables à la main, ils
parlent de leur pays et de leur avenir.
« Notre pays bouge. Il connaît la paix, un
bien qu’il nous faut préserver. La population augmente. La production ne suit
pas. Nous n’avons pas toutes les facilités, mais nous ne nous plaignons pas. Le
nombre des universités augmente. L’agriculture se modernise, avec des paysans
motivés. Il suffit de les former et de leur donner de meilleurs outils. Le gouvernement
pousse le plus grand nombre de jeunes à étudier à l’université. Il propose des
aides financières pour que les jeunes lancent des microprojets réfléchis par
eux. La sécheresse existe dans le sud du pays. Mais des ONG se font de la pub
avec des images de files de camions apportant de l’aide. Notre gouvernement
doit amener les surplus des régions fertiles aux gens qui en ont besoin. Avec
la production électrique, les choses devraient s’arranger. Avec notre réseau
hydraulique et de vrais plans d’irrigation, plus de problème si tout est bien
géré.