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  Dossier      Spiritains en Éthiopie : respect et service 

Pour que les Hamar sauvent leur identité

À Dimeka, le P. Paddy Moran, spiritain, coordonne avec l’Église orthodoxe pastorale et projets de développement (voir encadrés) dans la région Sud-Omo où vivent 25 000 Hamar.

Éleveurs nomades, les Hamar vivent de traditions culturelles qui ont évolué en des systèmes religieux et sociaux très élaborés. Au centre de leur religion existe Dieu, appelé Barjo. En le rapprochant de notre Dieu, Barjo est à la fois Dieu-Père et Dieu-Saint-Esprit. Les Hamar n’ont aucune compréhension du fait d’être éthiopien. Le pays qu’ils habitent est au centre de leur compréhension de Dieu et d’eux-mêmes.
Leur système social repose sur la polygamie, le mariage avec dot et les rites d’initiation permettant aux garçons de devenir des hommes. Toutes ces règles créent des relations entre familles et des communautés à grande cohésion sociale.
Quand je réfléchis à mon expérience de vie avec eux, je suis convaincu que les Hamar vivent des valeurs chrétiennes sans connaître le Christ. J’en trouve de nombreux exemples dans la vie quotidienne. Paroles et actions traduisent une foi qui sait apprécier tout ce que Dieu apporte par sa bénédiction. Chaque jour commence avec une prière du chef de maison pour la pluie, la santé et la paix. Avant de boire la traditionnelle décoction de cosses de café, celui-ci crache sur le sol pour rappeler la bénédiction de Dieu qui rend la terre fertile par la pluie. Les Hamar partagent leur nourriture avec une attention spéciale pour les pauvres. Ils manifestent une grande et une vraie hospitalité et une qualité d’écoute des autres.
Je passe des heures à transcrire mots et phrases pour trouver le vrai sens de leur langage.
Spiritains, nous avons choisi de placer notre collaboration avec l’Église orthodoxe au cœur de notre mission.
L’image de la route est souvent utilisée dans les écrits sur l’œcuménisme. Dans l’épisode des disciples d’Emmaüs, la route mène les compagnons là où ils ne pensaient pas aller. C’est ce qui nous est arrivé. L’annonce de l’Évangile en pays hamar a commencé après la signature, en août 1983, d’un programme d’évangélisation conjointe entre Abuna Zacharias, évêque orthodoxe, et Mgr Bomers, évêque catholique. Un prêtre orthodoxe et un spiritain ont ouvert une mission commune à Dimeka. Selon l’approche missionnaire orthodoxe, l’église est le centre qui attire les gens. L’église Sainte-Marie-des-Hamar a donc été immédiatement construite à Dimeka.
Nous avons continué l’apprentissage de la langue et l’étude de la culture hamar pour que le message du Christ éclaire avec respect la vie des Hamar. Dans les terres basses, 2 autres églises paroissiales se sont construites : Saint-Michael à Turmi et Saint-Gabriel à Omorate au milieu des Dassenech. Des textes bibliques ont aussi été traduits en hamar et en dassenech. Aujourd’hui, après 23 ans de travail missionnaire en commun, les relations avec prêtres et communautés orthodoxes sont bonnes dans les paroisses à Dimeka, Turmi et Omorate. Nous y sommes bien reçus et invités aux célébrations et fêtes importantes.
Notre programme pastoral avec les communautés hamar continue, spécialement sous la forme de temps de formation à partir de la spiritualité des Hamar et de leur façon de prier.
Je réalise qu’il me faut continuer à me plonger dans la langue et la culture hamar. L’Église orthodoxe habituée à notre présence apprécie le travail que nous faisons. Parce que les gens nous voient vivre et travailler depuis plus de 20 ans.
L’éducation a toujours posé problème aux Hamar. La plupart vivent dans la simplicité et sont ouverts aux autres. Ils ne voulaient pas envoyer leurs enfants à l’école de peur qu’ils ne perdent leur identité. Aujourd’hui, les enfants sont heureux d’étudier. Mais il est sûr qu’en quittant leur village pour la ville, ils vont négliger et perdre de nombreuses traditions hamar. Les anciens résistent péniblement en face de l’évolution de leur société. Les jeunes acceptent difficilement les traditions que les anciens veulent leur inculquer.
Le P. Paddy nous fait rencontrer la famille hamar auprès de laquelle il a vécu pendant des mois pour s’initier à la langue et à la culture hamar. Une femme aux bras couverts de bracelets nous offre « son » café : une décoction de cosses de café. Les graines sont hors de prix. Nous échangeons en passant par l’anglais, l’amharic, le hamar. Long temps d’écoute dans les 2 sens. Et d’infos sur la vie hamar. La maman (photo p. de gauche) nous apprend que plusieurs de ses enfants sont partis de la maison : étudiants et déjà employés comme garde forestier et ailleurs. Mais tous reviennent régulièrement auprès d’elle et soutiennent de leurs moyens la vie de la famille. Elle rappelle les lois fortes de la tradition hamar et affirme qu’à son âge, elle ne pourra jamais vivre ailleurs et autrement que dans sa maison et dans son milieu.
Elle parle avec autorité. L’homme âgé qui, assis à nos côtés, l’écoute ne dit mot : il n’est qu’un hôte de passage qui trempe ses lèvres dans la calebasse de café qui circule entre nous.
Il y a 10 ans, continue le P. Paddy, Dimeka vivait sans électricité, ni téléphone ni télévision. Aujourd’hui, la télévision permet de suivre des programmes du monde entier grâce à un générateur qui tourne 3 heures chaque soir.
Je suis moi-même bouleversé par tout ce qui bouscule les Hamar. D’un côté, j’aimerais les voir conserver leur style de vie. D’un autre côté, je réalise que s’ils ne s’engagent pas dans l’éducation et la santé, s’ils ne prennent pas part à la vie politique locale, ils ne pourront bientôt plus rien garder de leur style de vie. Je prie pour qu’ils restent fiers de leur identité. Ils ont du ressort et des ressources pour affronter le futur.


Programme eau

Plan 2010 : 17 projets dont 9 en pays hamar. Le P. Paddy Moran, directeur, les suit de l’étude préalable à leur mise en service des gens dont ils doivent améliorer les dures conditions de vie.
« Après remise et contrôle des rapports à un responsable du gouvernement, l’accord nous est donné pour un programme de développement intégré touchant près de 60 000 personnes. » Un grand volet santé permet de former infirmiers et matrones et de mettre à leur disposition des kits stériles et des médicaments de base.
Un autre volet concerne l’environnement et l’habitat. Avec construction et démonstration d’unités et travail. Le programme eau « Water Supply » (11 employés) est soutenu par l’Union européenne : construction et entretien de digues, pose de pouints d’eau. Après des études réalisées par des géologues, les gens creusent une retenue de 50 m sur 50 et de 3 m de profondeur pour stocker 50 000 m3. Une partie de l’eau, filtrée, est dirigée vers le village, par gravité. Sur place, un surveillant désigne 5 personnes formées pour maintenir le site propre et fonctionnel.

Moulin à mil à Achi Kombuti

Le mil et le maïs sont les aliments de base des Hamar, accompagnés d’un peu de viande une fois par mois et de lait un peu plus souvent. Avant, les femmes pilaient le mil (sorgho) au mortier ou allaient le faire moudre à pied à Dimeka (25 km). Offert par Cordaid et mis en place pas la communauté catholique, le moulin rend de grands services aux femmes, surtout quand elles se déplacent ou ont à nourrir de nombreux étrangers. Le fuel arrive ici de Dimeka à dos d’âne. Pas d’autre moyen de transport. Sous le même toit abritant le moulin, un magasin de stockage de sorgho permet d’économiser temps et frais de transport.


L’école de Chowey

En 1re année, 26 élèves, 1 fille ; 7 d’entre eux ont entre 15 et 24 ans ; 9 moins de 8 ans. En 2e et 3e année, 13 garçons par classe. Sur un total de 52 élèves, 22 ont moins de 15 ans. Les cours sont donnés en amharic. Avec une initiation à l’anglais, aux sciences environnementales et aux mathématiques.
À côté, un magasin où sont stockés 20 sacs de farine de blé offerts par l’ONG Save the Children pour les repas des enfants. Les anciens ne veulent pas que les filles aillent en classe. Elles font les corvées d’eau et gardent les troupeaux durant la journée. Les cours ont donc lieu le soir.
« Aucune école n’existe à moins de 15 km d’ici, explique le diacre Ayalkibet. L’Église catholique a apporté les matériaux. La communauté a travaillé à la construction. Nous permettons ainsi aux élèves de rattraper leur retard pour qu’ils puissent reprendre les cours officiels du gouvernement. »


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