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  Dossier      Ghana - Spiritains et spiritaines 

 

Un vrai sens des responsabilités


Le P. Daniel Osei Yeboah, Ghanéen, est aujourd’hui secrétaire et coordonnateur du développement de la province du Ghana. Ses 1res années en Sierra Leone de 1992 à 2004 lui font dire ce que doit être une mission de spiritain aujourd’hui.


La guerre déclenchée par le Front révolutionnaire uni (RUF), dirigé par Foday Sankoh, a retardé mon arrivée en Sierra Leone de septembre 1992 à janvier 1993.
J’ai été affecté à la paroisse Saint-Martin (2 000 fidèles), à Freetown, la capitale. Vicaire, j’ai travaillé avec Austin Healy, confrère irlandais. Après 3 ans, j’ai été nommé curé jusqu’à mon départ en 2004. Assistant de l’aumônier diocésain puis aumônier diocésain et national, je me suis investi auprès des jeunes. En 1997, les spiritains font de moi le 1er Africain responsable de groupe depuis l’arrivée des missionnaires du Saint-Esprit en Sierra Leone, vers 1864.
Les rebelles se livraient à de nombreux actes horribles et inhumains. Ils pillaient, violaient jeunes filles et femmes, détruisaient propriétés et véhicules et tuaient les personnes sans scrupule. Ils tiraient, mutilaient des innocents, leur coupant mains et pieds. Peur, intimidation, arrogance, enlèvement et sévices. Des milliers de personnes sont mortes, des milliers d’autres ont été traumatisées. L’armée gouvernementale était trop faible pour arrêter ces crimes et leurs auteurs.
Ces actes barbares ont duré plus de 12 ans laissant un pays entièrement détruit.
Des milliers d’enfants ont été recrutés contre leur volonté et forcés de combattre et de tuer des gens. Enfants soldats, ils ont été sauvagement drogués pour commettre de telles atrocités. Jamais de ma vie, je n’avais vu une telle inhumanité s’exercer contre son propre peuple. J’ai vu des gens se faire tirer dessus alors qu’ils appelaient à l’aide. J’ai vu des corps dévorés par les vautours et les chiens. Impossible de décrire le bruit infernal et les effets terrifiants des armes de toutes sortes !
Je préférerais ne rien dire de ce que j’ai vu et vécu, tant les atrocités commises par les factions en lutte, rebelles, armée gouvernementale et troupes d’intervention ouest-africaines, ont été humainement inacceptables. J’ai moi-même été attaqué et battu par des rebelles. Ils ont pillé ma maison. Dieu merci, j’en suis sorti vivant. Felim McAlister, un confrère irlandais, a été tué par les rebelles. Comme 5 Sœurs Missionnaires de la Charité et d’autres missionnaires.
Nos paroisses ont été au cœur de la guerre des rebelles. Certaines, établies dans les zones diamantifères tombées sous leur commandement, ont dû être abandonnées. La plupart de nos fidèles ont fui ou ont été déplacés.
Les accompagner, répondre à leurs besoins physiques et psychologiques a vite été notre priorité.
Il a fallu leur trouver nourriture, vêtements, médicaments et lieux d’hébergement. Dur de vivre dans des camps sans hygiène ni intimité. Impossible d’écouter toutes les demandes et détresses.
Désespérément impuissants, nous sommes simplement restés avec eux.
Notre présence comme prêtre est certainement ce qu’ils ont le plus apprécié. Comment et pourquoi ai-je survécu à tout cela ? Mon amour pour ce peuple m’a aidé à rester avec lui pour partager ses souffrances. J’ai désiré très vite prendre ma part dans ce grand mouvement de dévouement qui a surgi dans la dure réalité qui s’imposait à tous. Je n’ai pas été d’un grand secours. Mais j’ai appris comment on peut vivre avec peu.
Ma foi aussi a été mise à l’épreuve. J’ai prié très fort pour demander à Dieu de sauver les gens qui souffraient. Mais le salut a été lent à venir. J’ai connu la sécheresse de la foi. Je me suis demandé pourquoi Dieu pouvait permettre ainsi aux méchants de poursuivre leur mauvais chemin.
J’ai survécu parce que j’ai vaincu la peur et repris courage. J’ai écouté et suivi les conseils des gens. Ils ont vu que je m’intéressais à leur sort. Ils ont senti ma volonté de les aider à tout moment. Mon humble respect pour les gens et leur façon de réagir, le fait de rester prêt à apprendre d’eux et à collaborer m’ont apporté l’estime de tous. Mon travail auprès des jeunes, le fait de les orienter à choisir la paix plutôt que la vengeance ou les crimes, a attiré de nombreux jeunes hommes et femmes.
Responsable des spiritains, je n’ai pas pu oublier mes confrères. Le travail remarquable réalisé par la congrégation, nous avons voulu le continuer en pleine guerre. Et quand les spiritains irlandais, devenus des cibles, ont dû quitter le pays, des spiritains africains sont venus vivre là où l’Église se devait d’être, auprès des pauvres rendus encore plus vulnérables.
Aujourd’hui, la province du Ghana affronte de nombreux défis. Africains, nous devons tenir compte des situations politiques délicates et des incertitudes économiques et sociales de nos pays qui luttent pour prendre en main leurs destins.
Nous voulons continuer la mission, mais avec un changement d’optique.
L’Église se doit d’aider davantage les gens à sortir de leurs misères en leur faisant comprendre leurs responsabilités civiques et leurs droits.
Ghanéens, nous devons adopter un mode de vie simple pour nous mettre au service des pauvres et des nécessiteux. Disponibilité, dévouement, honnêteté, sens des responsabilités et engagement religieux sont les conditions d’une vie missionnaire de qualité.
La formation des jeunes scolastiques préoccupe le conseil provincial. Où trouver suffisamment de fonds pour couvrir nos besoins ? Comment rattraper la technologie d’aujourd’hui dans un Ghana où information, communication et technologie sont à la traîne ? Et comment démarrer sans équipement ni outils corrects pour le travail ? Nous avons à réfléchir, à planifier et à travailler ensemble.
Nous ne sommes là que pour faire la volonté de Celui qui nous a envoyés. L’Esprit nous pousse à agir. La Providence et nos prières ouvrent l’avenir !


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