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Des métiers pour mieux vivre


"Donne-nous, Seigneur, de reprendre des forces pour rendre heureux ceux qui ne le sont pas."Le Benedicite du P. Joseph Rémi résume sa façon de vivre la mission qu’il partage à Pont-Sondé avec son confrère Serro Michel..
 
Arrivé à Pont-Sondé depuis 4 ans, explique Joseph, j’essaie de faire ce qui me paraît être le plus urgent : accompagner les paysans sans moyens, dans la ligne de ce que faisaient les PP. Antoine Adrien, Max Dominique et Franz Lichtlé. C’est une nécessité quand les paysans s’appauvrissent devant un gouvernement qui ne fait rien pour eux. Je travaille avec plus de 30 organismes autour de Pont-Sondé, Goyâvier et Saint-Marc. Beaucoup de déplacements ! J’écoute d’abord les gens. Puis je cherche des partenaires pour les soutenir. Cela va du Crédit haïtien qui permet de monter une coopérative à des bailleurs de fonds. Avec toujours la participation des paysans. Je suis sensible aux situations des paysans parce que, né à Dondon, à 36 km du Cap-Haïtien, j’ai été éduqué par des parents paysans, ça ne s’oublie jamais.
Après mes études ici, j’ai passé 2 ans au Brésil (noviciat et stage) avec des spiritains qui prenaient les Sans-Terre au sérieux, ça donne envie aussi de vivre avec les plus pauvres. Après un début de formation à la Martinique dans les sciences de l’éducation, j’ai accepté de revenir au pays. Je ne le regrette pas. J’y trouve une paix intérieure et une joie profonde. Même en menant une vie très active. Avec mon confrère Serro, nous n’avons aucun problème à relier notre pastorale à celle du diocèse plus axée sur la catéchèse et les sacrements. Notre charisme spiritain nous pousse à nous investir pour les plus pauvres. Nous nous sommes mis d’accord de le faire avec le plus grand nombre de soutiens.
Formé au collège Saint-Martial, aux États-Unis et en France, le P. Serro Michel, 30 ans, vit sa 1re mission à Pont-Sondé. Disponible, comme j’avais vu les spiritains l’être, surtout à leur retour en Haïti, dit-il, j’ai été heureux de revenir ici. La bonne éducation reçue de mes parents et à Saint-Martial m’aide à me mettre en quête de Dieu et au service des plus démunis pour qu’ils soient respectés dans leur dignité d’hommes et d’enfants de Dieu. Et j’en suis totalement heureux. Je m’investis pour les jeunes. Ils ont accroché à partir d’un tournoi de foot. Depuis, scouts, groupes Kiro et Feu de joie, chorales se mobilisent autour de mes propositions. L’autre enjeu, les écoles. Nous cherchons les profs, les formons et les payons. Des profs de Saint-Martial viennent nous aider. Les stagiaires spiritains aussi. Les élèves paient une scolarité. Nous cherchons aussi des parrainages pour les enfants pauvres. Notre école est l’une des meilleurs : 100 % de réussite aux examens dans un département des plus faibles du pays. Les spiritains voient ce que nous réalisons et nous soutiennent. Devant l’inertie des politiques et l’attitude de plus en plus prudente de l’Église, nous cherchons les moyens de rendre les plus pauvres, plus conscients de leurs droits d’hommes et de citoyens. Une vraie tâche de spiritains.
Nous avons donné la priorité aux écoles, explique Joseph. Pas de développement durable sans éducation solide. Après les 2 écoles primaires, nous projetons la construction d’une école professionnelle.
Tout le monde sait que la reconstruction de Port-au-Prince nécessite des gens de métier. Où sont-ils ? Ils n’existent nulle part. Il faut donc les former. Idem pour de nombreux corps de métier qui pourraient demain prendre leur place dans la société.
Spiritains, nous avons accepté ce projet comme une priorité qui conditionne l’avenir. La mise en route se fera avec l’appui de la Fondation d’Auteuil qui, au départ, accepte de former de jeunes Haïtiens pour qu’ils soient demain formateurs à leur tour. Et avec d’anciens partenaires : Men Kontré et Ouest France.
En lien avec un ancien de Saint-Martial travaillant depuis 40 ans comme médecin en Espagne et avec l’appui de son ONG, nous envisageons l’ouverture d’un dispensaire à Village-Noé. D’autres projets s’enchaînent : achats de moulins à riz, de motoculteurs, de pompes d’arrosage pour les paysans de Bocozelle, Châtelain et Duclas. Nous intervenons à la suite des spiritains d’autrefois, parce qu’aucune instance de gouvernement, aucune ONG ne prend en compte les besoins de ces paysans. Quand a éclaté l’épidémie de choléra, des centres de soins se sont ouverts ailleurs. Pas chez nous. Par mégaphone, nous avons sensibilisé les gens à une meilleure hygiène, surtout par l’eau traitée au désinfectant.
Malgré une présence importante de vaudouisants, il n’y a pas eu ici de lynchage de hougans comme ailleurs où 45 « sorciers » accusés de répandre l’épidémie ont été lynchés à mort. Nous sommes tous restés vigilants. Et nous continuerons de l’être parce que le choléra peut recommencer à sévir et à tuer.
Joseph a initié, avec les habitants de Village-Noé accroché au flanc d’une colline pierreuse, un projet de plantation d’arbres fruitiers. Élevés à l’ombre des arbres de la paroisse, des centaines de plants sont transportés au village. Les gens se les distribuent et les plantent. Une liste des participants au projet permet d’encourager les paysans à soigner des arbres qui peuvent leur assurer fruits, équilibre alimentaire et revenu. Si chacun joue le jeu ! Un 1er lot de 260 arbres fruitiers ont ainsi été plantés. Il faudra les arroser et les protéger des chèvres. Pas facile là où l’eau est à chercher au loin et où chèvres et autres ruminants se promènent en liberté !
Un groupe de chrétiens nous attend dans la nouvelle église de Bocozelle. Tous gardent un excellent souvenir de Franz Lichtlé qui les a accompagnés dans leur travail quotidien : prêts d’argent, achat de pompes et de motoculteurs loués à des tarifs permettant à tous de s’en servir et d’envisager leur remplacement. Aujourd’hui, tout est stoppé. Les essais de collaboration avec l’État n’aboutissent à rien : la corruption est partout. Des pays aident Haïti en envoyant du matériel agricole et d’autres aides. Machines et services ne s’obtiennent que contre soutiens à des campagnes politiques. Ce que les gens refusent. Ils cherchent des moyens corrects de s’en sortir sans dépendre des semences, des engrais et des services payés trop cher à l’État.
Une population de plus de 50 000 hab. regroupés en 58 localités sur quelque 8 000 ha de production attendent des appuis sérieux pour ne pas désespérer de tout et perdre leurs jeunes qui refusent de rester à la campagne. Ces jeunes aimeraient une formation technique qui les prépare à gérer les problèmes économiques. Il n’y en a pas, ni en région, ni en ville. Il faut des jeunes du pays qui connaissent les problèmes de nos parents pour faire évoluer une foule de choses, y compris les relations avec l’État qui ne tient aucun compte de toute une partie de sa population.



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